fera propagé fous, le nom d'a r c h i t e c t u r e g o t h i q u e , l
A défaut de renfeignemens hiftoriques ou chro- !
nologiques fur les monumeos d’architeélure de :
Tlnde, il nous relie l’analogie du goût irrégulier j
qui s’y fait remarquer, avec le goût irrégulier qui
domine dans toute l’A fie, l ’analogie de ce même
cfprit de perpétuité dans les ouvrages qui diftin-
gue les hommes de ces contrées, & la vraifem-
blance qu’aucun principe nouveau ne s’étant mêlé
à la conftitution politique , civile & religieufe de
l’Inde, le goût des monumens qui s’y font confer-
v é s , fut de temps, immémorial le goût des habi-
tans de ce pays.
Si l’on cherche maintenant quel principe, fondé
fur la nature des choies en cette contrée , a pu
devenir celui des entreprifes de l’art de bâtir, il
femble qu’il faudra placer. ce principe dans les
premières habitudes de la vie qui fuggérèrent aux
hommes l’ufage deshabitations louterrames. L ’Inde
méridionale efl remplie de monumens creufés , &
ces monumens exiftent au centre comme fur les
côtes de la prefqu’î le , & fur ies côtes orientales
comme fur les parties occidentales. Il faut que
partout, dans çptte .vafte région,, la nature ait
offert aux premiers habitans réunis enfociété, des
excavations toutes faites, ou la plus grande facilité
pour s’en procurer , à peu de frais , de fem-
blables.
Sans doute on penfera que les grands ouvrages
d’un peuple, fous quelque forme qu’ils fe pro-
duifent, ne font & ne peuvent être que les ré-
fultats d’effais fucceffifs & de longues habitudes.
Il ne paroitra jamais vraifemblable qu’une fociété
quelconque s’avife, du premier coup, de fe faire
des temples dans des rochers creufés par une grande
patience 81 avec beaucoup d’art ; & fi ces monu-
ineris, au lieu d’être le produit d’un travail Amplement
mécanique & qui ne demanderoit que le
fecours de la pioche qui exploite des carrières ,
annoncent au contraire beaucoup d’intelligence
dans les combina'ifons préliminaires qu’exige une
fpmblable exécution, un delfin arrêté d’avance &
un luxe prodigieux d’ornémens, il fera impoffible
de les attribuer à l’enfance d’un peuple- Il faudra
eéceffaivement conclure de'la grandeur de ces trav
aux , qu’ils furent précédés par d’autres moins
grands & moins merveilleux, & conclure de leur
étonnante multiplicité, qu’une pratique auffi généralement
adoptée dans tout l’Indoftan, n’a pu
naître que des habitudes particulières, qui, partout
& en tout genre , font le principe des habitudes
publiques.
Nous croyons donc ( & ce feroit aux voyageurs
à le vérifier) que les habitations fouterraines, fi
bien d’accord avec le climat & la conftitution géo~
logique du pays , font devenues, dans l’Inde , le
principe originaire de l’art de bâtir ; & lorfque
nous yoyons les eonftru£tions J i i r t e r r a in e s f i bien
modelées fur les ouvrages fouterrains , fi fem-
blables pour les proportions , pour les formes,
pour tous les détails, aux travaux que le cifea
parvint à évider dans les bancé de pierre des eaT
rières , nous fommes forcés encore de conclure I
que les fouterrains furent le type & le modèle des
conftruâions, & que par conféquent celles-ci doiJ
vent être d’une époque poftérieure , dans l’ordre
des travaux de ce peuple, c ’eft-à-dire , de la ma.|
nière dont toute copie eft poftérieure à fon orioiua] I
Je fens bien que tout ceci n’eft pro pre qu a rend
re compt e des caufes naturelles qui dirigèrent les!
Hindous dans l’adoption du genre de monumens
dont leur pays eft rempli, mais que cela n’expli,l
que pas le goût qu’ils appliquèrent à la formatioal
de ces monumens.
J ’avoue en même temps que le fly le & le carac-1
tère d’agrément des édifices fouterrains de l’Inde 1
paroiffent impliquer contradiëfion avec les idées!
qu’on doit: fe faire du goût qu’infpire naturelle-1
ment le befoin de creufer des monumens dans des!
carrières.-Le même genre de travaux, dans r i ]
gypte, nous a paru être une des caufes qui expli-1
quent le f ly le (impie, monotone & fans détail«
fa illa n s , de l’architeélure égyptienne, laquelle nous J
paroî t aufli avoir trouvé fon modèle dans les Îou-B
terrains.
C’eft ici que nous apercevons le défaut d’une: J
: lumière chronologique dans les monumens del
l’Inde, comme nous en avons une pour les monn-B
mens de l’Egypte : car ne pouvant (a v o ir fi les moB
numens de l ’In d e , qui nous font con n u s , remon-B
tent à-une très-haute antiquité, & ne pouvant*
croire auffi que des ouvrages d’un travail aufln
1 varié que compliqué , aient été les premiers enB
date dans ce pays, il ne nous refte que descon-B
' jeâures à former fur les caufes qui ont produit kfl
goût d’architecture qui eft particulier à ces ou-B
vrages.
A tout prendre, il nous femble qu’on ne peut!
guère plus rendre compte d ’u n femhlable goûtB
qu’on ne peut expliquer ce qu’on appelle le ha-1
f a r d , c’eft-à-dire, ce réfultat de cau fe s inconnue»
, ou invifibles. O r , partout où le flam b e au delana-1
ture n’a point guidé les arts d’imitation, lesliom- j
mes ayant dû le laiffer aller au hafard , dans cesJ
routes innombrables que la routine & l ’imaginationi
dépourvues de règle ouvrent à l ’artifte, ce feroit iî
une peine tout-à-fait fuperflue, que de prétendrez
rechercher la caufe d’un goût q u i, n ’ayant fiuvi;
aucune ligne tracée par la raifon & la nature J
n’a pu laiffer aucune raifon de fa formation»
Tous les autres arts, dans l’Inde , comme dans
tout le refte de l’A fie, nous prouvent furabondam-j
ment que jamais l’imitation de la nature ne futnij
leur moyen, ni leur but. Lorfque ce. régulateur j
manque aux arts qui pourroient y trouver un mo-|
dèle fixe, comment auroit-il pu arriver que les
hommes s’en biffent gratuitement donné un dans
l’art de l’architeClure ; c’eft-à-dire, aient fuboi'-l
donné leurs inventions , leurs formes & k fn
détails J
détails, à un fyftème capable de rendre raifon
de chaque chofe ?
borique l’on confidère la variété de tous les travaux
des hommes dans les arts , quelques efprits
frappés de l’impoffibilité de s’en rendre raifon ,
gi frappés en^même temps de ce grand nombre
dépeuples que nous regardons comme'étrangers
à ce que nous appelons le bon goûty la vérité &
la beauté, font tentés de tomber dans le fepti-
oifme, & de croire qu’une prévention naturelle
pous aveugle en notre faveur. Plufîeurs même invoquent
la majorité des fuffrages, & inclinent à
penfer qu’en ce genre, cette majorité devroit ou
faire règle, ou empêcher qu’il n’y eût une règle.
Mais, en dépit de toutes ces théories, il y a une
règle infaillible pour juger les inventions des peuples,
en fait d’architeélure & d’autres objets fem-
jjlables. Il s’agit de fe demander fi les peuples
dont on tente d’oppofer le goût au nôtre , imitent
la nature dans les repréfentations du corps humain.
Là réponfe à cette queftion décide toutes
[les autres. Tout peuple qui a pu perfiftçr pendant
[ un grand nombre de fiècles à faire des figures fans
I vérité, fans proportion, fans modèle, & d’après
[leslois d»une routine ignorante St barbare, doit
I être convaincu de manquer du Gentiment qui fait
[connoître le v rai, de l’organe qui rend le beau
| fenfible, St de cette intelligence qui fait deman-
| der à la nature des règles dans le choix des for-
[ mes, & des combinaifons qui s’appliquent à l’art
I de bâtir. Tout peuple qui n’éprouve pas le befoin
I de fp conformer à la nature , ignore donc les arts
j d’imitation, 8t tout ce qu’il produit, procède du
I principe de ce goût irrégulier ( voyez Irrégu-
| LiEa) , enfant d’un inftinûl ignorant, comme le
I goût régulier eft le produit d’une raifon favaute.
IG’eft ce que va nous prouver l’analyfe de l’art de
I bâtir des Indiens , confidérë dans fa conftruélion,
I dans fon ordonnance 8t fa décoration.
De Varchiteâbure indienneconfidérée dans le
. genre de f a corrfbruction.
| Le nom de conflryAtion femble ne pas trop
I convenir au plus grand nombre des ouvrages de
11’architecture indienne. Ce mot exprime, eu effet,
j un ouvrage eompofé, ou de diyers matériaux, ou
I de morceaux raffenjblés. Or , la plupart des mo-
I numens de l’Inde étant des fouterrains, c’eft-à-
[ dire, creufés dans des bancs de»pierre , ou étant
I jfes rochers ifolés & façonnés èxténeurement par
| Je cileau, ce.n’eft qu’iinproprement qu’on appel-
| teroit cpnjlruiis de tels édifices. Nous nous fervi-
I p i toutefois de ce mot, comme nous le faifons
aie^rdde toutes les autres architeûlures, pour
I M cette partie mécanique qui, dans l’art
| (‘ebâ:j.ir, fe diftingue de l’ordonnance & delà dé-
I cPratilpn.
On prouve que les monumens de l’antique ar-
chileélpre dç l’Inde fe divifent, fous le rapport
™*eur çon{|i*uÊlion, en deux clafles; ceux q ui,
Uiâtioq,. d’Archit. Tome II.
comme on vient de le dire, ont été travaillés à
même la pierre, dans des bancs de carrière, ou
dans des roches ifolées,„& ceux qui ont été conf-
truits de divers matériaux, fur dès plans plus étendus
, & dont les principaux objets font ces tours
appelées (affez improprement) pagodes3 qui ornent
les enceintes des édifices facrés dont elles
font partie..
Tous les voyageurs ■ ont parlé avec une très-
grande admiration de la première claffe de ces
monumens, qui paroiffent avoir effeôlivement,
quand on les confidère dans l ’exécution de tous
leurs détails, demandé un grand fonds de patience
& un affez grand laps de temps.
Nous ne croirons pas cependant, avec plufièurs
de ces voyageurs, qu’il ait fallu des fiècles pour
terminer même les plus grands de ces ouvrages»
I c i, l’on s’eft fait illufion , premièrement fur(la
difficulté du travail, fecondement fur la dimen-
fion des monumens, troifièmemént fur leur décoration
& la multiplicité de leurs ornemens.
Quant à la difficulté du travail ,• on ne fait pas
affez d’attention à certaines confîdéralions qui en
diminuent de beaucoup le merveilleux. L’habitude
de voir des bâtimens compofés de matériaux
rafi’emblés & de pierres taillées, nous rend peu
fenfibles au mérite & à la difficulté de ce genre.
Il me paroît pourtant certain que ce feroit pour
cette forte d’édifice , que l’on devroit garder fon
admiration, & je ne doute pas qu’il n’y ait fans
comparaifon plus de favoir & de travail, dans les
combinaifons d’un édifice conftruit en pierres,
tant au dedans qu’au dehors , que dans ces fouterrains
dont on vante la difficulté & qui toutefois
n’exigèrent qu’un travail d’inftiiaèl, un art borné,
& ne préfentent ordinairement que la inomé de
ce qu’offrent-nos édifices, puifque tantôt c’eft un
rocher façonné en dehors aveo un très-petit iif-^
térieur, tantôt un intérieur perforé fans aucun tra--
vail extérieur.
Pour bien apprécier la difficulté de ces travaux
il faudroit eafu-ite être mieux inftruits que nous ne-
le fommes jufqu’à préfen\t, fur la nature de la
pierre dans laquelle les monumens font creufés..
A cet égard, nous n’avons que des notions peu
certaines; mais les deffins de M. Daniel nous en.
difent affez pour que nous ne foyions pas dépour-.
vus de tous moyens de critique. A la vérité ; je
trouve dans une note de la differtation fur les ruines
de Mavalipouram (tome I de la Traduction
des Recherches asiatiques') , que M. Daniel dit dès-
rochers auxquels les anciens Hindous ont donné
des formes architecturales , extrêmement curieu-*
f e s } tant au dehors .que dans la partie intérieure
} creufée pour le culte religieux, que ces
rochers fo n t compofés d’un granit très-dur & compact.
Mais une autre noté de la même Differtation
nous’apprend que le P. Paulin de St.-Bartlie-r
lemi dit des fept pagodes (c’eft ainû qu’on appelle,
fur la côte de Coromandel, les monumens de Ma.-
A a a a