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de nos voyageurs en Egypte font jufqu’à ce jour fans
mefure 5 mais qu’y auroit-il à mefurer dans cette
architecture, fans divifion, fi ce n’eft des dimenfions.
A l’égard des proportions, il eft douteux, non pas
qu elle en ait eu , mais qu’elle ait pu en avoir. Ce
fera le fujet d’une difcuflfon à part.
Il s’agit encore bien moins ici de deviner ou de
donner les règles de VarchiteSurc égyptienne, d’en
faire une méthode, de la propofer à l’imitation des
.artiftes, & par conféquent de leur en préfenter des
images fidelles, ou des copies géométriques. Il ne
s’agit que de faire connoître fon goût , fes formes ca-
ractériftiques, fes principaux membres, fes difpofi-
tions générales, fon génie, fa phyfionomie, le ftyle
de fa décoration, 8c fes moyens de conftru&ion. Or
les rapports des voyageurs fuffifent à cette analyfe.
C ’efl d’après cette perfuafion que je me fuis déterminé
à mettre en ordre tous les renfeignemens
que j’ai pu obtenir fur une matière dans laquelle
je délire qu’il s’élève beaucoup de contradicteurs.
-Ecrivant le premier, je dois commettre beaucoup
d’erreurs.
J’en aurois peut-être, moins commis , li j’avois
pu attendre le retour en France des artiftes qu’on
dit avoir depuis peu pénétré dans la Haute-Egypte , '
& qui ont du s’y livrer à des recherches plus exaCtes
& plus profondes qu’il n’a encore été permis de le
faire. Les feuls renfeignemens nouveaux que j ’aye
ajoutés à ceux que j’avois recueillis déjà, je les dois
à M. Denon q ui, dans l’expédition faite par les
François en Egypte, en 1798 , a accompagné le
corps d’armée qui en faifoit la conquête , & ayant
remonté jufqu’aux cataractes, eft parvenu à fe procurer
des deffins des principales ruines de la Haute-
Egypte. Il s’occupe en ce moment de graver & de
publier fes vues. Il a eu la complaifance de me les
communiquer, & de me permettre de m’aider de
fon ouvrage, avant qu’il ait vu le jour. L’autorité
de ce voyageur, tout-à-la-fois connoiffeur, amateur
& artifte, mais furtoüt homme de goût, & deflïna-
teur capable de faifir la phyfionomie d’un monument,
& de la rendre avec elprit, ajoutera peut-
être à la confiance que je réclame , comme elle a
ajouté à celle que j’avois déjà dans les notions précédemment
acquifes.
Ce que je me propofe de donner ici, ne fera pas
un ouvrage complet fur l'architecture égyptienne. La
nature de ce diSionnaire ne fupporteroit pas un travail
de cette étendue. Ce fera fimplemïn't l’extrait
de ce travail, dans l’ordre où il pourroit être fait {
pour remplir la totalité de ce qu’on pourroit en
attendre.
Ce travail me paroît pouvoir fe divifer en cinq
parties qui, à vrai dire, n’en feroient ,que trois,
mais dont la fécondé comporte trois fubdivifions.
La première partie contient les recherches fur les
eaufes phyfiques, politiques & morales qui ont influé
fur l’état des arts en Egypte, & fpécialement fur
l’archite&ure.
La fécondé partie eft l’analyfe ôc le développe- ,
ment de Y architecture égyptienne, fous ces trois ratf.
ports, de conflruClion , déformé ou de difpojîtion &
de décoration.
La troifième partie eft le réfumé des principes
du goût, du ftyle 6c du caraCtère de cette architecture
, enfin une analyfe raifonnée de cet art comparé
à celui des Grecs, dans laquelle ori difcute fa valeur
fon mérite, & l’opinion qu’on peut s’en former.
Des planches étant néceflaires à l’intelligence d’une
architecture inconnue, Ôc celles qui doivent accompagner
ce dictionnaire, n’étant pas encore faites
nous aurons probablement l’avantage de pouvoir
profiter des deffins des nouveaux voyageurs, dont
nous extrairons ce qui nous paroîtra le plus conforme
à notre plan.
P R E Ml E R E P A R T I E .
Recherches fur les eaufes phyfiques, politiques
raies qui ont influé fur l’état des arts en Egyptt
& fpécialement fur l* architecture.
J ai déjà eu Poccafion de dire au mot a r c h it e c t
u r e ( voyeç cet article) , qu’en cherchant les origines
des diverfes archite&ures connues, qui ont
u it caraCtère particulier, ôc peuvent paffer pour
architectures mères, on eft forcé de reconnoître que
la formation de chacune tient à des eaufes naturelles,
qui font le genre de vie des premiers habitans d’un
pays, les habitudes contractées dans le premier état
de la fociété, les befoins du climat, & la nature des
matériaux. Je ne reviendrai pas fur cette théorie,
dont Yarchitedure égyptienne va nous démontrer &
nous dévoiler de plus en plus les principes*
Genre de vie des premiers habitans de VEgyptt.
La nature, félon la diverfité des contrées oà elle
place les premières fociétés d’hommes ( a-t-on dit),
leur préfente un des trois genres de vie qui distinguent
encore aujourd’hui les différentes régions
de la terre. Les hommes durent être, en raifonde
leur pofition, chaffeurs, pafteurs ou agriculteurs.
Dans la clafle des peuples chaffeurs, on comprend
les Ictyophages. Les uns, à raifon des longues
courfes qu’ils font, & les autres, d’après, le genre
de yie fédentaire & inactive qu’ils mènent fur le
bord de la mer ou le long des fleuves, trouvent plus
commode de fe creufer des demeures dans les ro-
ch ers, ou de profiter des excavations naturelles que
leur offre ié terrain. Les récits de tous les voyageurs
attellent l’univerfalité de cette manière d’être.
Si la chafle ou la pêche eft généralement dans
l’ordre de la nature, un des plus fimples 8c des plus
faciles moyens de lubfiflance , il eft hors de doute
que les premiers habitans de l’Egypte durent coro-
meneer par ce genre de vie. Difperfés fur les bords
d’un fleuve immenfe, ils durent long-temps trouver
leur nourriture dans les eaux du Nil, avant de la
chercher dans lç$ travaux dç -l'agriculture, Que de
} Jnt fe paffer avant qu’une heureufe expérience
temps du ? reearder comme un bienfaiteur ce
I flUrTaulls voyaient.tous les ans envahir en ufur-
! S e r e i n qu’ils occupoient Que de fiècles
I Suent précéderas découvertes du bienfu.fant Ofi-
ia faKeIfis ! Combien de temps ces premières
I foriétés6 ne durent-elles pas refter enfermées; dans
êurs antres, avant d’ofer confier a un terrain annuellement
inondé l’efpoir de leur fubfiftance 8cla
X é e d e leurs habitations! Pour que 1 Egypte figurât
dans le monde, dit un écrivant moderne ( i ) ,
I i! fallut des temps infinis. Elle n’auroit ramais eu
de blé, fi elle n’avoit eu l’adreffe de creufer les canaux
qui reçurent les eaux du Nil.
H a b i t a t io n s f o u le r r a in e s .
Il eft naturel de penfer que les primitifs habitans
de l’Egypte ufèrent de ces premières demeures que
la nature indique & fournit aux hommes , que bientôt
l’art d’en creufer de femblables y fera devenu
général & même facile. La chaleur du climat dut
en renforcer l ’habitude; mais ce qui, par deilus
tout, la rendit familière, ce fut cette efpèce de tur
& de pierre blanche ôc molle dont on trouve des
carrières dans toute la longueur du pays, depuis le
Delta jufqu’à Syenne ôc i’île Eléphantine. Une telle
matière fe prêta d’elle-même aux excavations fans
nombre dont ce pays eft encore rempli, oc elle
n’offrit qu’une réfiftance légère aux inftrumens imparfaits
qui appartiennent à l’ enfance des fociétés.
Si l’on fait attention à l’habileté vraiment prodi-
gicufe des Egyptiens dans l’art de tailler les pierres
dès les temps les plus reculés, à ceigout pour tout
ce qu’il y a de difficile en ce genre, à ces tours de
force qui leur étoient devenus familiers dans la
taille, le tranfport, l ’élévation des obélifques, des
temples monolythes dont nous parle Hérodote, tels
que celui dé Latone à Butos, & celui de Sais tranf-
portéde la ville d’Eléphantine ( Htrodot. 1. II. 175)
par Amafis, enfin à ce génie vraiment particulier a
cette nation, de creufer les rochers, de les fculpter*
de les graver, de les vjciturer; on voit clairement
qu’un tel goût, lorfqu’il eft devenu suffi générai,
auffi prononcé, tient aux premières habitudes de
l ’inftinct. On voit que la nature des premiers
befoins de la fociété naiffante avoit donné cette im-
pulfion, & imprimé aux efprits, d’une maniéré
puiffante , le mouvement d’où réfulte le genre des ;
conftruftions dont nous examinerons les détails.
C’eft toujours à quelque caufe fenlblable, plus
ou moins aperçue dans la fuite, que fe lie le goût
des peuples dans les arts, ou leur génie commercial,
ou cette diverfité de talent, dont on attribue fou-
vent, faute de réflexion, le développement au ha-
fard. Comme les T y riens y les Sidoniens , 6c les
habitans de la Paleftine durent à leurs forets de
cèdres l’habileté à travailler lé bois, ôc leur fupé-
(0 Lettres çhin. ihd. & tartar*' 1. 7,
rioritê darts l’art de la marqueterie, lés Egyptien»
reçurent fans doute, & de leur premier genre de
vie , 6c de leurs carrières, 6c de la facilite qu ils
eurent à s’y creufer des demeures, ce penchant pouf
le travail matériel de la pierre, 6c cette haute perfection
qu’ils y acquirent. .
On trouve , il eft vrai , des. fouterrains chez
tous les peuples, mais la plupart de ces excavations,
ou font dues aux travaux des carrières, ou 11 offrent
aucune trace d’architeCture 6c d’habitation.
L ’Egypte, au contraire, dont les grottes tour-
niffent encore de nombreufes demeures a les nouveaux
habitans ,.nous montre dans fes fouterrains ,
un ufage immémorial & confiant d’habitations creu-
fées à toutes les époques de fa duree. Pline (/. 30 ,
ch. 13 ) nous apprend qhe deflbus 1 îmmenie batiment
du Labyrinthe étoient des falles Souterraines
dont les plafonds furent étayés 6c repares fous le
roi Necthebis, cinq cents ans avant Alexandre. IL
y avoit par toute l’Egypte, 6c les voyageurs en
font foi, de ces édifices fouterrains qui n etoient pas
de fimples excavations. On y decouvreencore aujourd’hui
les mêmes colonnes, les memes hiéroglyphes,
les mêmes peintures, les mêmes ornemens
que dans les étages fupérieurs, ou dans le rélte des
monumèns. T ou t prouve qu’ils furent des produits
contemporains du même ar t, des memes homme#
ôc des mêmes fiècles.
De ce genre , font les fouterrains de Etban el
Meluke, ceux de ce qu’oft appelle aujourd’hui le
Labyrinthe r ôc beaucoup d’autres qui très-proba-;
blement ne furent pas des tombeaux.
On fe tromperoit, fi l’on attribuoit au luxe des
fépulchres tous ces fouterrains ornés de colonnes 6c
de reliefs. Nous' savons, par Hérodote, que les
prêtres ne lui permirent pas de voir les falles fouter-
raines du Labyrinthe, qui en étoient les plus belles,
ÔC qui leur fervoient d’habitation. Si ce genre d habitations
fut pratiqué dans les plus beaux fiècles de
l’Egypte, à plus forte raifon l’aura-t-il été par fes
premiers habitahs, qui n’avoient pas encore appris a
échanger les demeures de la nature contre celles de
Pari. ' . .
Quand les monumèns perfectionnés d un peuple-
font ainfi d’accord avec les monumèns ébauchés de
fon enfance , il faut bien reconnaître dans ce développement
de Part les eaufes qui lui impriment fa
phyfionoirne. ;
Tou t, dans l’architecture égyptienne, nous retrace
cette première origine : la ‘g r a n d e fimplicitey pour
ne pas dire monotonie, l’extrême Solidité, pour ne
pas dire pefanteur , qui en forment les deux-principaux
carafières, l’abfen.ce abfcltie de profils oq de
membres, le peu de faillie des moulures qui s’y
trouvent plutôt renfoncées qu’ en relief, le manque
d’ouve,rrures, l’énorme diamètre des colonnes allez
femb,labiés aux piliers de support qu’on laifle dans
les carrières , la'forme pyramidale des portes 6c de
beaucoup d’autres objets , l’abfence des toits 8c de
toutes* les parties des combles-6c des frontons ., la