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d’archite&ure, & qui mourut à Paris, âgé de foi-
xante-trois ans, en 1742.
DORER, v. a&. C'eft, par rapport à I’architec-
ture, appliquer de l ’or en feuilles ou en poudre par
Je moyen de certains mordans à diverfes parties des
édifices ou des ornemens, tant intérieures qu’ex-
«érieures.
Il eft plufieurs méthodes de dorer, foit à la colle,
foit à l’huile , & ces procédés font trop particulièrement
du reflort des arts & métiers décrits dans
cette partie de l ’Encyclopédie, pour que nous nous
arrêtions à en répéter ici l’expofmon ; c’eft dans fon
rapport avec le goût & avec la décoration ; que l’art
de dorer peut trouver place ici. Je renvoie le leéteur,
pour tout ce qu’il a droit d’exiger de nous fur cet
objet, à P article dorure.
DORIQUE ( o r d r e ) , C ’eft le nom que l ’ufage
a affigné à celui des trois ordres grecs qui, par fon
caractère , fes proportions , fa forme & le genre
d’ornemens qui lui eft propre, exprime particulièrement
l'idée de force & de folidité en architeélure,
& rappelle avec le plus d’évidence l ’origine de cet ,
art chez les Grecs.
Avant d’entrer en matière fur ce qui regarde l’ori- :
gine , Phiftoire, les principes & le fyftème imitatif
de l ’ordre dorique., il eft une obfervation préalable
à laquelle il convient de s’arrêter, pour établir avec
précifion la véritable nature de l’ordre en queftion.
En effet, il exifte encore dans l’efprit de bien des
perfonnes , & il doit exifter long-temps par le fait
de tous les traités, de toutes les méthodes d'archi-
teâure antérieures aux dernières années du dix-huitième
fièd e , & plus encore par le fait de tous les
édifices bâtis chez les- modernes avant cette époque,
une opinion très-équivoque fur l’ordre dorique. Il y
a de fait & d’opinion deux ordres doriques qui fe
difputent encore & le nom & le droit de le porter.
Trois fiècles d’ufage dans l'architecture moderne
j©nt dû laiffer fur le caraétère affigné à cet ordre
des imprelEons que ,1e temps , l’expérience , la
connoiffance de l’antiquité l’ufage raifonné, les
écrits (es leçons des maîtres , peuvent feuls
.détruire.
Les deux ordres doriques diffèrent entre eux par
le fty le , par le caraétère, par les proportions , &
fur tout par la préfence ou l’abfence de la bafe ,
par la forme générale, & par celle de prefque tous
les détails.
Leur différence eft telle , que lorfque l’ancien </c.-
r'tque renouvelé des Grecs reparue, foie dans les def-
fins des voyageurs, foit dans quelques efïais d’édifices
modernes , les uns ne voulurent y yoir qu’un
ftyle local, formant exception au genre dorique habituel
; les autres l’ébauçhe groffière de cet ordre
perfeéfionné depuis par les Ropiains , & d’autres un
(Ordre nouveau.
Les découvertes fucceffives que l’on a faites des
jW,9attm$ns de i’anriquité ont afleç éclairci aujourr-
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d’hut dette queftion, pour qu’il foit permis d’affirmer
qu’il n’exifte qu’un feul dorique <k>nt le moderne
n’eft qu’ une modification abnfive introduite
dans l’archite&ure par l ’oubli de l’ancien , par
l’ignorance des monumens authentiques où cet
ordre reçut fon caractère original & vraiment dif-
tinftif. La fuite de cette differtation mettra , j®
penfe, dans la plus grande évidence une affertion
qui n’a plus même aujourd'hui le mérite de la nouveauté
dans les écoles , mais qui n’a , que je fâche
été encore appuyée dans aucun écrit des preuves
des exemples", des autorités , des faits ? des raifon-
nemens & des indu&ions qu’ on fe propose de réunir
ici.J
e devois prévenir avant tout que le dorique auquel
je donne le nom d’ordre dans cet ouvrage,
n’eft pas celui que l’on trouve dans tous les ouvrages
claffiques publiés jufqu’ici, & que cet article
a furtout pour objet de reftituer dans tous fes droits
l’ancien dorique, & de le faire reconnoître pour le
feul dorique connu des Grecs & même des Romains,
pour l’ordre par excellence & effentiellcment conf-
titutif de l’art de l’architeélure.
Faits qui établijfent que le dorique fans bafe & i
courtes proportions fu t exclufivtment employé ainfi
par les Grecs 6* les Romains.
L ’ordre dorique eft aujourd’hui allez connu, pour
qu’on puiffe fe difpenfer, lorfqu’on en parle, de le
décrire, de le définir & de le caraâérifer autrement
que par fon nom. Cependant comme le dorique moderne
a pris & conferve toujours dans l ’efprit du
plus grand nombre la place du dorique véritable,
j’appelerai celui-ci, pour plus de clarté, dorique
fans bafe ; c’eft le nom qui femble avoir prévalu
dans la langue des architeâes, & je l’emploierai
fouvent dans le cours de cette differtation.
Pour établir que le dorique fans bafe fût le feul
connu des Anciens, & pour mettre à même ceux
qui conferveroient des doutes fur cet objet, de prononcer
dans cette queftion , je vais donner un court
& fidel expofé de tous les monumens oh il fe trouve ,
avec les formes & le cara&ère fpécial qui conftituent
en lui un des principaux modes d’architeélure; Ceci
ne fera qu’une fimple énumération fans détail, fan*
réflexion & fans defeription, pour ne pas anticiper
fur les conféquences qu’on en tirera. J ’ai cfu cette
expofition de faits & d’autorités indifpenfable à
mettre en avant dans une matière où. le raifoône-
ment ne fauroit feul commander la conviftion*
Ayant auffi à foutenir que i’architeéhjre grecque
( la feule dont il s’agiffe ici ) s’eft trouyée dans fon
principal ordre altérée par les fyftèmçs mo<}e?nfs »
& ayant à faire voir comment la véritable tradition
de cet ordre s’eft perdue, commçnt un nouveau do-
riqut eft forti de cet oubli, j’ai penfé que je devoi*
avant tout, pour reftituer l’ancien dans tous fes
droits, expofer ici tous les titre? fur lefquçls ils fe
fqftdepji
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fondent; ces titres feront les reftes d’édifices grecs &
■ romains parvenus jufqu’à nous.
H L’Attique nous offre les teltes très-bien confervés
H de plufieurs monumens doriques fans bafes«
H A Athènes, le temple de Thésée, encore prefque
p l entjer tant dans fes colonnes que dans fon entable-
Hment. Ce monument eft exaftyle, périptère & bâti
^■ en marbre blanc.
■ Le temple de Minerve appelé Parfhenon, & fur-
■ nommé Hécatonpedon , b â t i, fous Périclès , par
H Iftinus & Callicrates ; il eft oftoftyle & périptère ,
fon plan forme un parallélograme ; beaucoup de fes j
colonnes font encore fur pied. I Les propylées, magnifique entrée de la citadelle [1 d’Athènes, bâtie par Mneficlès , dont il refte beau-
■ coup de colonnes du même ordre fans bafe.
■ S Le monument, ou plutôt le portique appelé par
B Le Roi temple de Minerve & d’Augufte , & que
H Stuart croit être le refte de l’un des deux agoras ou
■ marchés d’Athènes.
\ A Sunium, au promontoire appelé aujourd’hui
■ id f colonne y il s’eft confervé dix-fept colonnes du
■ temple de Minerve-Suniade, bâti en marbre blanc,
■ du même ordre & dans la même forme que celui
^■ 4e Théfée. ■ 1 A Thoricion, lieu diftant d’Athènes de dix lieues,
■ fe voient les ruines d’un temple dorique fans.bafe,
■ dont les colonnes encore au nombre de onze, félon
■ M. Le Roy, ne font pas cannelées , quoiqu’il y ait
H| des cannelures dans le gorgerin, C’eft que ce temple
n’a voit pas été fini, & que fon ragrément, ainfi i
[ | qu’on le voit à celui de Ségefte , Iaiffé dans le même
■ état, étoit refté imparfait.
I A Délos , on découvre des veftiges du même
ordre dans les débris d’ùtr temple d’Apollon, dont
^B les fragmens tout défigurés ■ qu’ils font, ont été
^■ réunis, deffinés, & reftitués par M. Le Roy qui en a
donné les détails & les proportions. Les cannelures
^■ de ce temple n’avoient également été taillées que
■ dans le bas & au fommet de la colonne. Nous dirons
plus bas la caufe de cette particularité qu’on ren-
contre à plufieurs de ces édifices.
I A Corinthe, il exifte des reftes remarquables d’un
?;, monument dorique fans bafe qni doit au volume & à
^■ lafolidité de fes colonnes, d’avoir.échappé à la de(-
' truôîon univerfelle de cette ville. L’ordre en quef-
^Btion s’y trouve d’une proportion très-courte.
^ S amas, temple , dit de Junon, fans cannelures
■ a la colonne. ( Fùyage pittorefque de la Grèce. )
I A HfiüçarnaJJ'e, temple dit de Mars. I l eft en-
■ terr^ ce qu’on en voit à beaucoup de rapport au
- portique ci-deffus, dit d’Augufte, à Athènes.
B Solon te, en Sicile, fur le cap Zaffarano , à' dix
. 3 milles a l’orient de Palerme, on voit les veftiges &
^■ des fragmens de colonnes & de chapiteaux d’ordre
: faiis bafe, dont le diamètre peut être d’un
^B pied fix pouces.
; i A Sègefle , un temple périptère, exaftyle , dont
g » Polonnade eft entière doât. les colonnes.n’ont
0 §on. d’Arc hit* Tmc J/a
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d é c a n n e lu r e s q u e d a n s le b a s & d a n s le h a u t , l e
r a g r ém e n t d e l ’ é d i f ic e n ’ a y a n t p a s e u l i e u .
Les ruines de la ville, fur la montagne voifine,
offrent quelques fragmens de colonnes doriques dir
même genres
A Seliriunte, fix temples renverfés , mais dont il
eft fadile de mefurer les détails.
Le premier, c’eft-à-dire celui qui eft le plus voi-*'
fin de la tour appelée Torre de P ulci, & qui eft le^
plus petit de tous , avoit fix colonnes de front fur
quatorze aux flancs.
Le deuxième a fix colonnes de front & feize aux
flancs*'
Le troifième , lé moins confervé de tous, avoit fix
colonnes de front & treize aux flancs, en y comprenant
celles des angles.
Les trois autres temples fuivans font fur un tertre
éloigné des premiers d’environ fept cènt toifes.
Le premier, le plus voifin du rivage de la mer r
a fix colonnes de front & feize aux flancs ; elles ont
de hauteur moins de quatre diamètres»
Le deuxième a fix colonnes de front fur feize aux;
flancs qui portent cinq diamètres un tiers de haut.
•Le troilième, le plus reculé du rivage de la met.,
& le plus grand de tous, étoit pfeudodiptère \ il a huit
colonnes de front Sc feize aux ailes ; les colonnes
ont de diamètre dix pieds un pouce huit lignes,
fur quarante fept pieds fept pouces fix lignes , ce
qui fait quatre diamètres cinq feptièmes de haut.
Le temple n’a pas été entièrement ragféé; trois co-;
lonnes feules ont été cannelées.
Outre ces fix-temples, on trouve dans les ruines
de Selinünte plufieurs tronçons de colonnes doriques
du même gérire, mais de petit diamètre.
A Agrigente, le temple de la Concorde, entier
, dans fa colonnade & dans fa celia, & qui fert aujourd’
hui d’églife.
Le temple de Junon-Lucine, plus beau mais en
grande partie renverfé , n’a plus qu’une douzaine de
colonnes debout; il eft, comme le précédent, exaf-
tyle & periptère.
Le temple d’Hercule. Il n’en refte que deux colonnes
fur pied.
Le temple dit des Géants. Quelque foit l’état de
deftruéfiort oh il fe trouve, il a encore été poffible
à Dufourny de reconnoître exactement fa forme>
l’étendue de fon plan & la plus grande partie de fes
détails ; ces colonnes doivent avoir de diamètre
douze pieds quatre pouces huit lignes.
Le temple de Caftor & P o ilu x , fi ruiné qu’on
ne peut en reconnoître le plan , non plus que le
nombre & la hauteur des colonnes; leur diamètre
étoit de trois pieds dix pouces neuf lignes ; & par
le profil du chapiteau qui exifte encore, on voit
que l’ordre étoit dorique, & du même caractère que
les autres.
Le temple dé Vùlcani, prefqu’auffi ruiné que le
précédent; mais de femblables indications donnent
le même réfultafiquant à l’ordre.
Le temple.d?Efculape: il nîétoit pas périptère &
P s