
C O L C O L
C o l o s s a l , adj. mafc. C ’eft une épithète qui,
dans dès arts du ' deffin , le donne à tout ouvrage
dont la mefure excède les dimenfions ordinaires
de la nature.
L’emploi de cette épithète convient bien plus
particulièrement aux ouvrages de peinture ou de
lculpture, qu’à ceux de l’architefture parce que,
comme on le devine aifément , ce dernier art
n’àyant point dans la nature de modèle, fenfible,
auquel il puiffe fe comparer matériellement, fes
dimenfions n’ont d’autre règle que la volonté de
l ’intelligence qui lui donne l’être, d’autre mefure
que celle qu’aperçoit dans les relations plàyfi-
ques & morales d’ un édifice, le génie qui en eft
le créateur.
Le goût du coloJJ'al fut celui des plus anciens
peuples qui ont îaifle à leurs monumens le foin de
leur renommée ; chacun s’eft plu. à chercher &
à rendre des raifons de ce goût. Il en eft plu-
fieurs que tout, le monde connoîf * & qui tiennent
fimplement à l ’amour de tout ce qui eft gran d & merveilleux
, paflïon naturelle à cette époque, qu’on
appelle peut-être à contre-fens l’enfance des fociétés,
& plus naturelle encore aux pays. & aux climats
q u i, les premiers,- ont vu germer les arts. Je dirai
les autres au mot ColoJJc & à l’art, de Y ArchiteMure
égyptienne. ( Voye{ ces mots. )
Quelles que foient toutes ces caufes & l’autorité
fur laquelle on en fonde la réalité, elles ont
prefque toutes difparues des ufagqs modernes, &
n’ont prefque plus d’ influence fur le fyftême ââuel
des arts.
La feule raifon fur laquelle on puiffe fonder
aujourd’hui l ’emploi des dimenfions colojfales dans
les imitations du corps humain , eft le rapport des
proportions qu’exigent l ’harmonie oculaire, ou les
..convenances de la pe'rfpettive, entre un édifice &
les figures qu’on emploie à fa ,décoration, entre
une place & la ftatue qu’on fe propofe d’y élever ;
enfin,"-entre l’objet à voir & les facultés vifueiles
du fpeâateur.
Il faut néceffairement agrandir les dimenfions
des figures, en proportion de -celles qu’a l ’édifice
oh ellesdoivent trouver place. Cette jufte corrélation
n’eft pas une des moins difficiles à fentir & à
régler dans l’enfemble d’une décoration. L ’églife
de Saint- Pierre peut offrir en.ce genre plus d’ une
efpèce de leçon , par les bons & les mauvais exemples
qu’elle préfente à - la critique. Tout le
monde ccnnoît le jufte rapport qui exifte entre
cet édifice & plufieurs objets de iculpture, dont
l’oeil n’avoue les véritables dimenfions qu’après
s’en être alluré par des mefures. Ces fortes d’il-
lufions optiques -font le plus fûr témoignage de la
DitK 4’Archiuct. Touis U.
correfpondance exàéle & de l’harmonie des rapports
entre les parties d’un édifice. Les archivoltes
de la même églife n’offrent pas, à beaucoup près ,
dans leur décoration , la même intelligence ; on
diroit aux difparates. de dimenfions q*i exiftént
entre les figures qui les couronnent, qu’on auroit
voulu en faire un cours d’effais & de démonftra-
tions relatives à l’objet de cet article.
Il n’y a perfonne qui n’ait remarqué que les
figures placées1 fur les archivoltes des deux arcades
. voifines de l’entrée fortent, d’une manière choquante,
de la mefure que prefcrivoient le local
& la perfpeftive. Il réfulte de cette exagération
de dimenfions dans ces figures', deux vices, qui
! leront communs à toutes celles qui leront. dans
le même cas. Le premier e ft, que leur dimen-
j fion démefurée rapetiffe l’archite&ure , dont la grandeur
ne peuc valoir que par la comparaifon des
objets environnans ; & cela eft une très-grande
mal-adreffe. Le fécond e ft, que ces figures, à
force de vouloir paroître gigantefques, ceflènt de
paroître grandes , & manquent le but qu’elles
butre-pafl’ent. L ’oeil trop attiré par elles cefle de
croire à une grandeur ambitieufe, qui fe dément
par fon exagération même.
Ainfi , l’on voit que les figures qui entrent
dans la décoration des édifices, doivent en l’uivre'
le module de la même manière, que les oves ,
| les fleurons, les gouttes, les trig'yphes, & toutes
! les autres parties de détail ou d’ornement de Par-:
chitedïure : & , fi ce module eft bien fuivi , les .
; figures qui feront coiofiales, en elles-mêmes, cefle-.
font dé le paraître .du moment que l’oe il, au
prèmier afpecl , les jugera telles , fans le fecours
de la réflexion, il y aura un vice de rapport
dans les dimenfions.
Il eft pourtant quelques cas où l ’art pourra
fe permettre cette enflure de dimenfions qui contredit,
dans une figure, la jufte harmonie de fes
-rapports avec toutes les parties d’un édifice. Les
Grecs nous en ont fourni quelques exemples, mais.'
qu’on doit regarder plutôt comme des exceptions
à la théorie générale ou comme- des licences vraiment
poétiques.
Ce fut une idée grande & belle que d’avoir fait
la ftatue de Jupiter; fi hors de proportion avéc le
temple où on la plaça, que fa tête en touchoit la
voûte. Elle fembloit dire que la divinité ne pôu-
voit être comprife dans l’efpace ; elle fembloit dire ,
par cette fublime difproportion, qu’il ne peut
exifter de rapport entre elle & aucune des chofes
créées ; elle avertiffbit les foibles mortels, fous
l’allégorie de cette difparate. myftérieufe, que
les efforts de l’entendement qui prétend la