
Il y a une forte d’ejfe t , ou une manière de faire
de Veffet en architecture , qui dépend de l’exécution
psut-etre autant que de toute autre chofe, & ce
genre d'effet eft celui que l ’on peut le moins deviner
d’après les deffins des architeétes ; c’eft auffi celui
fur lequel ils fe trompent le plus fouvent. Quelques-
uns s’imaginent que pour faire produire de l’effet
aux membres de l’architeéture, ainfi qu’aux orne-
mens , il fai t leur donner je ne fais quoi de matériel
, de faillant & de raboteux, qu’on ne fauroit
mieux faire fentir que parce ftyle rocailleux de figures
à effet que certains fculpteurs ont adopté, furtout
pour la décoration. Les ouvrages des Grecs font la
meilleure leçon qu’on puiffedonner en ce genre, &
le meilleur correâif à cette forte d’abus. II n’y a pas
d’architeéture plus faite à l’effet & pour Yeffet que
celle des temples doriques grées. Il n’y en a pas où
la modinature ait été prononcée avec plus d’énergie.
Il n’y en a pas où les profils foient plus faillans &
plus hardis. Toutefois on y obferve un balancement
harmonieux de formes graves & de formes légères.
Après une large moulure, vient ordinairement une
délicate. Après une partiecreufe & fouillée, vient
une faillie foible & légère. Les membres de leurs
chapiteaux ont une apparence maffive ; des liftels fins
& déliés les marient à la colonne. La corniche des
Grecs qui fait le couronnement de la modinature,
eft toujours {aillante, mais légère, & a beaucoup
moins d’épaiffeur que chez les modernes.. Toutes
les parties de ces malfes fi cololfales, & d’un fi grand
effet, fi on les examine de près, font taillées avec
pureté , & fans prétention à faire de Y effet. Tout y
eft articulé correctement & précieufement. C’eft une
mufique fimple , chargée de peu d’accompagnement
, & où le trait de force ou d’expreffion fe
détache d’autant plus vivement, qu’on n’a pas voulu
mettre du trait partout. Quand dans prefque tous
les genres , les modernes ont voulu faire de Y effet,
ils ont voulu que tout fût effets c’étoit le moyen
qu’il n’y en eût nulle part. Quand les modernes ont
fait du coloffal en fculpture , ils fe font crus obligés
de charger tous les contours & toutes les faillies ; ils
ont fait des hiatus & des cavernes pour les y eu x , la
bouche & les narines. Quand on voit une tête colof-
faie antique, on ne voit autre chofe qu’une tête
groffie dans un miroir concave.
Les différens décorateurs qui.fé font fuccédés dans
l’églife de Sr.-Pierre, font tombés dans cette, exagération
d’effet donné aux ornemens des archivoltes
(voy. c o l o s s a l )., C’eft une fauffe maxime que de
donner .'aux ornemens tant de faillie, pour faire de
l 'e ffe t . Des ornemens légers , méplats &. de bas-relief
, en font da-vantge, lorsqu’ils font traités purement
, & fe détachent fur des fonds liftes.
Au refte l’ornement qui doit figurer loin de l’oeil,
doit être traité avec hardieffe & franchife; cela n’exclue
ni la pureté ni la {méfié. Les r eft es de l’antiquité
nous fournirent de nombreux & beaux,modèles du
genre d ’exécution qui convient à l ’ornement ainfi
placé. Si u ejnie trait des feuillages.qu des rinceaux
n’ y eft,fait qu’avec le trépan, c’eft-à-dire par une
continuité de petits trous faits au foret , les uns à
côté des autres. Il feroit quelquefois fuperflu de leur
donner plus defini, & quelquefois auffi, félon la
place qu’ils occupent, & la manière dont ils reçoivent
le jour , plus de fini nuiroit à leur effet.
Il en eft de l’effet dans les arts, comme de toutes
les autres qualités ; il confifte nécefiairement dans
un certain milieu gardé entre deux extrêmes, niais
on peut dire qu’il eft peu de qualité où les modernes
ayent fu moins garder le point moyen $ l’effet étoit
même devenu, dans prefque tous les arts,un vice
dont il fe pourroit bien qu’on n’échappât encore que
par le vice oppofé. Toutes les manières de voir la
nature & de l ’imiter, ayant été ufées, ce qui eft arrivé
très-promptement dans les temps modernes,on
s’eft jeté dans ce qu’on appeloit la manière de l'effet.
Les peintres facrifièrent à ce qu’on nommoit ainfi
dans un tableau, le deffin, la couleur, la vérité, le
ceftume, & même l’expreffion ; l’art de peindre
n’étoit plus que l’art de combiner d’une manière pi-
quante pour l’oeil des maffes d’ombres & de clairs,
La fculpture ne connoiflbit plus que ce qu’on appeloit
des maffes. Le fini, c’eft-à-dire la repréfentation
fidelle & vraie d’un objet, étoit regardée comme de
la froideur. Tout confiftoit dans un certain efprit,
dans une certaine manière de contrefaire l’appar
rence, non de la nature, mais de l’imitation delà
nature. Il fembloit que le génie de la décoration
de théâtre,, qui eft moins de la peinture , qu’une
contrefaçon de. l’art de peindre les objets, ffy
devenu le génie- dominant de tous lès tableau^.
Toutes les ftatues fembloient faites auffi, pour
ne figurer que hors la portée de la vue. L’archi-
teCture, qui donne affez le ton aux autres arts, &
qui le. reçoit dès qu’elle ne le donne point, rie connut
plus ni pureté ,.ni févérité. Les lignes ondoyantes,
les plans mixtilignes, les formes bâtardes & rompues,
. tout cela paffoit pour être de Y effet ; car il falloit tout
fubordonner à ce premier de tous les mérites.
La connoiftan.ee plus étendue, & l’étude de l’antiquité
ont ramené tous ces arts aides erremens plus
fimples. Li’effet n’eft plus l’objet exclufif & privilégié
. de toutes les études & de toutes.les-ambitionsi peut-
être. même,. par un excès oppofé , fe fait-on déjà
un mérite d’en manquer. Peut-être règne-t-il trop
de féchereffe dans les peintures, trop de froideur
dans les ftatues, trop de pauvreté.dans l’architefture.
Les artiftes ne fauroient trop fe mettre en garde
contre cette influence de l’efprit de mode qui s’étend
auffi fur les productions des arts. Les beaux ouvrages
ne font & ne feront jamais que ceux.qui gardent entre
tous les excès le point milieu. Il ne faut pas prendre
le change fur le mérite de quelques grands hommes
qui ont. quelquefois manqué d’une des. qualités
qu’exige la perfection. Ce ne fut ni à. deffein, ni
par fyftème que Raphaël manqua quelquefois d’harmonie,
Jules Romain d’effet, Michel Ange de
grâce, Titien de deffin, Cortège de compolitioD*
Ou-quelques-^ns de ces,dons iiéteffaifes a&
J» l’ait leur manque*, ou quelques-unes Je ces
W H , fart n’avoient pas encore été trouvées &.
f e! aionnées. Toutes les fois qu’urrhomme de ge-
K éprouve quelques-uns de ces defauts .1 y a
„tours compenfation d’un autre coté. 11 n en eft
f f de même de celui qui croit imiter un grand
F me eri fingeant fon défaut.
L’efet confédéré en archite&ure, fous un rapport If général, c’eft-à-dire comme réfultat desTentions
que l’enfemble & les parues dun éd.fice
do vent produire fur l ’ame & fur les yeux, eft une
Z f e qu’il eft difficile de Préfumer & dapPtecler
fur de fimples projets deffinés, i l .
Rien de plus trompeur que la fimple délinéation
e ies architeftes font de leurs monumens, meme
Lee le fecours du lavis qui en détermine les ombres.
11 ne peut y avoir qu’une grande expérience de 1 effet
nui mette l’artifte à même de fe juger fur le papier.
Mais quelle qu’elle foit, elle ne fauroit fuppléer
au fens de la vue. Auffi dans les monumens de
quelqu’importance, les architeéfes fontde leurs édifices
un petit modèle en relief qui leur rend compte
du jeu de la lumière, des rapports que tes diverfes
faillies ont entre elles, & a vec le refte du monument.
Quand Paul 111 voulut faire termine^ le palais
Farnèfe , dont Sangallo 'avoit achevé l ’extérieur
jufqi’à la hauteur de l’entablement, il ne voulut
pasfe fier à un feul architeCte, pour la compofition
du couronnement de Fédifice. Il appela en concours
plufieurs des plus habiles de ce temps; Michel
Ange fut du nombre, & fon projet fut préféré par
le pape. Chargé de cette exécution périlleufe , il ne
fe crut pas affez autorifé par fon deffin & par 1 approbation
générale qu’il'avoit reçue. Il favoit combien
eft fouvent fautif le calcul du petit au grand ,
d’après lequel les architectes ne procèdent que trop.
11 favoit combien même les règles de l optique font
infuffifantes pour faire préjuger le bon effet des
maffes, & qu’enfin rien ne peut fuppleer a l expérience
que donne la réalité même. Michel Ange ne
L ’étymologie du mot indique déjà la différence
caraCtériftique qui etifte entre les temples chrétiens
& les temples payens. Les premiers admettant dans
dans leur intérieur le concours de peuple que les féconds
: fe contenta pas de faire un modèle en petit de fon
entablement, il en fit exécuter fur l ’angle du palais
même un modèle de la grandeur qu’il devoit avoir.
Sans doute il eft difficile d’opérer ainfi dans tous
les édifices, & pour toutes les parties, mais il en eft
Certaines , & les couronnemens ou entablemens
, font de ce nombre, dans lefquelles l’épreuve d’un
petit modèle eft encore infuffifante pour s’affurer de
leur bon & jufte effet. C’ eft à ce défaut d’épreuve
[ fenfblable qu’on doit rapporter tous ces profils
froids & mefquins y ces corniches de bas-relief, que
la routine des.conffruÇteurs exécute journellement
d’après la routine des deffinateurs.
EGLISE, f. f. Ce motdérive du grec EyjtKevia, ,
| qui veut dire affemblée ; & comme, fous fon-rapport
i abffravt & myftique, l’églife eft l’aflemblée générale
l des fidèles, une égiife, dans fon fens fimple ôc ar-
| chiteQural }> eft le lieu d’affemblée , ou la réunion
| d’un cfiftafo nombre de chrétiens..
ne recevoient que fous leurs périftyfos ou dans
leurs enceintes acceffoires, la forme & la difpofition
des uns n’a plus eu que des rapports très-imparfaits
avec la forme & la difpofition des autres.
M. Leroy, dans un petit écrit qui a pour titre :
Hilîoire de la difpofition & des formes différentes des
temples des chrétiens s & c ., a traité le fu jet qui dort
faire la matière de cet article ; car il s’agit noms
ici d’accumuler des descriptions à’églifes , qu on
trouvera dans une foule d’autres articles , que de
rendre compte de là nature des églifes'chrétiennes r
& des caufes qui ont influé fur leurs formes. Je croîs1
ne pouvoir mieux faire que de donner au lecteur
une analyfe fuccinéte de 1 écrit en queftion.
ec Nos plus belles églifes, dit M. Le roy , moins1
heureufement difpofées, à quelques égards, que hs-
temples des anciens, ont cependant auffi des beautés-
que n’avoient pas ces monumens que les payens-
s'honoroient d’avoir conftruits. Les formes carrées
& les formes circulaires employées prefque toujours
féparément dans ces derniers, font réunies
avec grâce dans nos bafiliques-. Nous couvrons deS1
nefs qui ont quatre-vingt pieds dre largeur, nouff
élevons à leur centre de réunion des dômes d un-
diamètre bien plus confidérable, & dont les voûtes-
femblent toucher aux nues, & nous éclairons avec
un art infini toutes les parties de ees vaües édifices.
Voyons par quels degrés nous fommes parvenus à-
cette hardieffe de conftruétion , que nous n admirons
peut-être pas affez, & à laquelle les anciens n’ont jamais
atteint. Voyons comment cette conftruéHon per-
fe£tionnée & embellie, peut rendre nos églifes fupé-
rieuresà tous les temples qu’on a élevés avant nous. »>
De la difpofition des églifes, depuis leur origine, ju f*
qu’à la renaiffince des arts en Italia-.
« La facilité ou les pbftacles que les différentes;
religions ont trouvé à s’étendre dans leur origine
le zèle avec lequel des princes puiffans- ou des nations
entières les ont embraffées, ou les contradiction
» qu’elles ont éprouvées, paroiflent les principales
caufes de la différence qu’on obferve entre la*
capacité de l’ intérieur des édifices éleves au vrai-
-Dieu, & celle des temples confacres aux fauffes divinités
des payens. *>• ... • ,,
« Les diverfes religions des peuples qui ont brille
par leurs connoiffances dans l ’architeélure y s établirent
infenfiblement & fans contradi&ion au fein
d’états floriffans. Les facrifices- les plus folennels fe
faifoient quelquefois en plein air, devant les temples*,
au milieu des villes, ou hors de leurs murailles, a
la vue de tous les habitans. I l fuffifoit fouvent que
l’intérieur de ces temples contînt le» prêtres- & les1
images des divinités qui y étoient-révéréesi;& lespeuples
qui les élêVoient, pouvoveritfans les taire: