
n’avoit de colonnes qu’à fa face antérieure. Les colonnes
n’ont plus de chapiteaux ; mais quant à l ’ab-
fence de la bafe & aux autres cara&ères, c’eft toujours
le même genre de dorique.
L’oratoire de Phalaris 5 ou chapelle de S. Ni-
colo , petit édifice qui dut avoir des colonnes à fa
face antérieure. Il n’en exifte plus que les antes;
leur caradère & beaucoup de tronçons de petites
colonnes doriques cannelées dans les murs des
champs environnans , ne laiffent point douter que
le genre ne fût du même dorique.
Le temple de Cérès &de Proferpine, aujourd’hui
l ’églife de S. Biapai te temple de Jupiter-Poliænus,
le temple de Jupiter Atabyris & de Minerve n’ont
prefque plus, rien qui en indique l ’archite&ure,
mais on préfume par leurs foubaffemens qu’ils
étoient aufli doriques. Ce genre d’ordonnance fe
voit généralement dans toute la Sicile.
A Terra Nova, près Alicata , on voit les vertiges
d’ un temple dont il ne refte qu’une feule colonne
renverfée ; elle eft dorique cannelée, & fon chapiteau
eft du même caraélère que ceux des temples de
là Concorde 6c de Tunon à Agrigente.
A Noto, fur l’ancienne voie Lionne qui condui-
foit de Syracufe à Elorus , on voit les reftes d’ une
colonne triomphale fans bafe; il n’en refte que vingt-
trois afîifes qui, prifes enfemble , ne forment que
trente-cinq pieds. Comme tout indique qu’elle étoit
dorique, on en porte la hauteur, y compris le chapiteau
* à cinquante-cinq pieds.
D’après un deflin fait anciennement, il paroît
qu’il a exifté dans les ruines d’Elorine un tombeau,
ou colombariûm, orné de colonnes doriques cannelées
fans bafe, & taillées dans le roc ; il n’en refte
plus à préfent aucun vertige.
A Syracufe, les colonnes du temple de Jupiter-
Olympien ; elles ont fix pieds de diamètre. Leur
fût n’étant pas entier, on ne peut en connoître la
proportion.
Du temple de Diane, voifin de la fontaine Aré-
thufe, il s’eft confervé deux colonnes qu’on voit
d^ns la maifon d’un notaire ; elles ont huit pieds
dix pouces huit lignes, même llyiç que celui de
tous les monumens doriques.
Le temple de Minerve ; aujourd’hui la cathédrale.
Les colonnes font engagées dans la conrtruc-
tion nouvelle.
Au-deflus du théâtre , à l ’angle de deux, voies
creufées dan* le roc, il y a deux chambres fépui-
ebraies dont les façades préfentént des demi-colonnes
doriques cannelées & fans bafe, taillées dans
la roche.
Entre Carlentini b Agojia eft un monument appelé
la Gugüa\ c’eft un tombeau carré dont chaque
face étoit ornée de quatre colonnes doriques engagées
, cannelées 6c fans bafe.
A Pnmne, en lon it, MM. Chandler & Revelt
Ont yu un refte d’ordre dorique dont la colonne leur
* paru avoir eu fix diamètres; ce font les mêmes
fareûères. Cependant l ’architrave a deux bandes 2
& le tailloir a une cymaife , ce qui fait croire cef I
ouvrage romain.
A Tarente, on trouve les ruines gigantefques d’un I
temple antique du même ordre dorique. Ces frae. I
mens font en tuf afTez fin, travaillé purement, & I
recouvert d’un enduit de ftuc.
A l'ancienne Crotonne , les débris d’un yafte I
temple , & l'un des plus grands de l’antiquité I
frappent encore les regards; il étoit d’ordre dorique I
fans bafe, comme on le voit par la colonne qui I
refte, qu’on a déchauffée à l’entour , & qui fe I
trouve porter fur onze affifes de pierre de taille I
d’un pied d’épaifleur.
A Metaponte, il refte du temple de Junon quinze I
colonnes d’ordre dorique fins bafe ; elles portent I
chacune fur une groffe pierre qui reffsmble à un 1
focle ou dé carré ; mais cette apparence de focle I
réfulte du déchauffement de la première affife da I
ftylobate.
Il y a dans la même ville des débris énormes d’un I
temple dont le dorique eft fèmblable à celui du pré* I
cèdent, mais dans un bien plus grand état de dé* I
gradation.
A Peeflum, l’ancienne PoJJidonia. trois monu- I
mens du même ordre dorique, 6c généralement bien I
confervés.
Le premier eft un édifice compofé de neufeo« I
lonnes de face fur dix-huit latérales , dont la hau* I
teur èft de quatre diamètres.
Le fécond, ou le grand temple, eft exaftyle & I
periptère. ( Foyeç-en la description dans l'omrap I
du Père Paolifur les antiquités de Peeflum.')
Le troifième, conftruit dans le même genre & I
dans la même ordonnance , préfente néanmoins I
dans l’intérieur de fon pronaos une ordonnance de I
fix colonnes plus petites, élevées fur des focles ronds, I
mais qui n’ont encore rien de commun avec la bafe I
du dorique moderne.
A Pompeia, ce qu’on appelle le Quartier des fol- I
datsy eft une galerie de colonnes doriques fans bafe, I
faites de briques revêtues de ftucs colorés & marbrés. I
A Terracina , un tombeau rapporté par Cham* I
brai, d’après Pirro Ligorio, & dont Winckelmann I
a cherché inutilement les reftes qui n’exiftent plus, I
a voit fes quatre angles décorés de colonnes doriques I
fans bafe.
A Rome, le dorique fut aufli employé fans bafe,1 I
témoins les belles colonnes de marbre antique de I
l’églife de S . Pittro in vincali, dont la forme, les I
proportions 6c le chapiteau font tout-à-fait fem- I
blables à celles des temples grecs, témoins trois I
temples dont Labaco, dans fon livre d’architeâure I
imprimé & gravé à Rome en 1 559, page 2.4, nous I
a confervé le fouvenir. Ces temples étoient voifin8 I
du théâtre de Marcellus. Témoin ce dorique du I
théâtre même de Marcellus qui a fervi de type à I
l’archite&ure Moderne, & qui cependant fe trouve I
être fans bafe à ce monument.
A Albano , Chambrai vit aufli un fragment oib I
tique de la plus grande manière romaine ; il étoit I
fans baie, & cet auteur penfe que c’étoit auffi de
« eenre qu'étoit le beau dorique des thermes de
Dioclétien. ( Voyeq Chambrai. )
V A Viccnza6- à Verona, on trouves un théâtre,
à un arc de triomphe , & à l’amphithéâtre de cette
dernière ville , l'ordre dorique fans baie. «
> Prie diJérufalem, Caffas a vu deux tombeaux taUles
dans le roc ; l'un a deux colonnes & deux pilaftres do-
' mues fans bafe, de cinq diamètres de haut ; 1 autre eft
également orné de deux colonnes & de deux pi-
, ifftres pareillement taillés dans le roc, & qui ont un
peu moins de cinq diamètres. Il n y a rien qui nous
I apprenne de quel fiècle font ces monumens. |
| les pays' oh léur goût & leur domination
trèrent, l ’ordre dorique ; il réfulte de là que c’eft en
Grèce exclufivement qn’on doit aller puifer les mor
dèles de cet ordre.
Je ne poufferai pas plus loin cette énumération qui
deviendrait minutieufe , fi l ’on vouloit recueillir
i inique dans des bas-reliefs ( voycq dans les monumens
de Venife , tom. I. p- 49 ) la preuve du caraétère
conftant de l’ordre dorique ; j'aurai d’ailleurs occa-
• fion de revenir fur plufieurs de ces monumens romains,
lorfque je ferai voir comment cet ordre a
perdu infenfiblement fon caraâère primitif.
i II fuffit pour l’inftant d’avoir vu que prefque tout
[ ce qui nous eft parvenu de l’architeâure des Grecs,
eft d’ordre dorique, & que tous ces ouvrages do-
I tiques font fans aucune exception dans le cara&ere,
! le ftyle, la forme & les proportions inconnues aux
I modernes avant les récentes découvertes qui ont reproduit
les monumens originaux de l’art des Grecs.
I Confluence qui réfulte de Fexpofè & des autorités
qu*on vient de mettre en avant.
L’archite&ure que nous profeffons eft l’ architec-
I ture grecque. Cette architeaure a pris inconteftable-
| ment naiffance en Grèce; elle eft une invention
I particul.ère des Grecs , Sc comme on le dira tout a-
! l’heure, fon fyftème imitatif & proportionnel réfide
[ fpécialement dans l ’ordre dorique ; de telle forte,
[ que des trois ordres d’architeéture , celui qui eft le
K plus indubitablement ordre, celui qui eft le plus in-
I digèhe, cefui qui ne fe trouve fous aucun rapport
I dans aucune .autre architecture antérieure aux
■ Grecs, eft l’ordre dorique. On pourroit 1 appeler
I l’ordre grec ou l ’ordre par excellence ; c’e ll en lui
I que réfident les principes de l’arc hite&ure ; les
I autres n’en font & n’ert peuvent être, quant aux
I types, què des émanations & des modifications;
* cela fe prouvera tout-à- l ’heure. Gela étant, il n’y a
K rien de furprertant- que prefque tous les monumens
I qui nous font rëftés des Grecs foiènt doriques ; car eë
I ferôit s’étonner de trouver de l’arcbitèCturfe grecque
| en Grèce. Inférer de là que les Grecs n’empîoÿèrént
I pas d’autres ordres, ce-feroit une induttion erronée
I démentie par les monumens eux-mêmes; mais en
I inférer que le plus grand nombre de leurs monu-
I mens-étoient d’ordre dorique ÿ c’eft une induétion
I fort plaufible lôrfque la.prefqüé totalité dès ruines
I dépofe en fa faveur. Il réfulte1 de là qüè les GrèèS
I employèrent avec complaifancè & avec une efpèee
Ainfi ceux qui, fur la première vue des monumens
doriques grecs retrouvés 6c delfinés pour la
première fois vers le milieu de ce fiècle à Pæftum ,
avoient jugé que cette ordonnance dorique n etoit
qu'un ftyle local & d’ exception , manqüoiènt des
données néceffaires au jugement qu’ils portoient.
Leurs idées n'avoient pu fe généralifer allez
embraffer la queftion dans toute fon étendue. Un
prenoit le dorique moderne pour règle ; l’autre de-
v©it être exception. Le tableau qu’on vient de donner
fait affez voir de quel côté doit etre la règle.
i D ’autres, par l’effet du contrafte du dorique grec
avec le moderne, 6c frappés de la pefanteur, de la
courte proportion, des formes mâles 6c maflives de
l’ancien dorique, le regardèrent comme une ébauche
de cet ordre, 6c de la privation de bafe , conclurent
qu’un tel goût remontoit à l ’enfance de l art. Ce
jugement étoit tout aufli erroné ; la plus fimple
réflexion le démontre. ’ L, v|
En effet c’eft dans les premières villes de la Grèce,
de la Grande-Grèce 6c de la Sicile, c ell dans les
cités les plus floriffantes que cet ordre , foi-diiant
barbare 6c groflier, joue le premier rôle ? Comment
accorder cette barbarie dans Parchiteélure avec ce
haut degré de luxe, de civilifation 6c de culture ou!
ces villes étoient parvenues. Comment accorder
cette idée d’enfance dans l’art le plus cultive de tous
par les Grecs, avec cette perfe&ion contemporaine de
tous les autres arts du deflin 6c du genie? Comment
peut-on fe permettre de regarder comme groilierete
de manière une manière qui date des époques de
Périclès 6c d’Alexandre. Ce fut fous Pendes que
Idinus Callicrares & Phidias conftruifirent & décorèrent
le Parthenon. Les Propylées dont Athènes fe
glorifioit, auroient été d?un ftyle groflier 6c barbare,
tandis que Valère Maxime les regarde comme un
chef-d’oeuvre de luxe & d’élégance. Gloriantur
Athencèarmamentariof uo : neefine caufa : ejt emm tllud
opus & irnpenfâ & elegantiâ vifendutn. Val. Max.
Sans qu’ il foit befoin de fe livrer a des recherches
chronologiques fur l’époque précife de tous les mo-
numens doriques dont on a fait l énumération, oit
fait qu’ils furent bâtis dans les fiècles même qui
virent briller les plus beaux jours des arts. Quelques
uns n’étoient pas encore terminés, tels que le
temple de Jupiter , à Agrigente, lorfqu’i s furent
enveloppés dans la ruine de cette ville ; c eit Dio-
ddrè de Sicile qui nous l'apprend. Les nuances & les
variations de1 goût & de proportion qu’on remarque
entre la plupart d’entre eux ne font pas allez coi.ii-
dérables pour qu’on puiffe établir la-deffus un lyl-,
rème chronologique. Tous portent un caractère letn-
blable & contemporain, 6c tous doivent fe rapporte*
à là bl'uS belle période-des arts.
Gè'ûe fut pas nbn plus aux monumens les moin*