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lieu de devenir elle- même une nouvelle four ce d’erreurs.
Il faut que le dorique grec, le teul véritable
dorique , ramène confia ment l’arçhiteéfure a fon
origine, & en reproduifant toujours ces premières
pratiques de la conftruélion en bois qui lui donnèrent
l’être, apprenne aux artifles que c ’eft dans la
fimplicité des premières inventions que le génie
doit aller puifer les motifs toujours nouveaux d un
art q u i, comme un fleuve grofli par des torrens,
n’eft jamais pur qu’à fa fource.
D orique ( frise ). Nous avons déjà dit plus
d ’une fois que les triglyphes & les métopes qui
entrent dans la compofition de frife dorique 3
étoient la repréfentation des extrémités^ des folives
du „plafond qui viennent repofer fur 1 architrave ,
& des intervalles que ces folives laiffoient entre
elles. V
Cette pratique de conftru&ion , cet ufage de
laiffer paroître en dehors , meme dans des édifices
bâtis & maçonnés, i’offature de la charpente, font
très-communs, & il n’ y a rien de plus ordinaire dans
une grande partie de l’Europe. Tout le nord dé
cette partie du monde, toute 1 Allemagne^ont con-
fervé cette méthode qui repofe lur 1 interet qu on
a d’empêcher le bois de pourrir.
Il pàroît par un paffage d’Ezéchiel ( au chap. 41 ),
fur le temple de la Paleftine, que les bois les plus
grofliers, o u , félon l’ interprétation des Septames,
ceux qui étoient néceffaires pour foutenir les affem-
blages de charpente, etoient apparens en dehors,
dans la façade du veftibule : groffiora ligna erant in
zteflibuli fronte forinfecus. Rien ne fernbie avoir plus
de rapport avec la méthode des Grecs.
Pendant long-temps les Grecs auront reuni dans
leurs conftru.élions les bois à la maçonnerie, & l habitude
de rendre apparens les afiemblages de charpente,
aura amené l’ ufage d en enjoliver les vertiges
Indicatifs ; de là font nées les cannelures , & les
goûtes du triglyphes , & de la encore les ornemens
des metopes. L’archite&ure , comme on l ’a d it ,
n'aura pas paffé brufquement d’une chétive & mifé-
table hutte à la conftrudion en pierre d’un temple.
T ou t cet intervalle avoir été rempli par un grand
nombre d’effais & d’améliorations dans la conftruc-
tion des édifices , & la maçonnerie ayant du précéder
la conflrudion en pierre ? celle-ci n’aura plus
eu qu’à fuivre des enemens déjà fort perfectionnes.
Toutefois l’ajuftement des triglyphes & des métopes
exigeant une grande régularité, & 1 ou mettant
le relie de l’édifice à fa difpofition, ÏL en eft réfulté
dans la diftribution de h frife dorique & dans le raccordement
des plafonds ; des difficultés auxquelles
les anciens même ont fouyent cherché à fe fouftraire.
' «. Il y a eu quelquestncieps architectes , dit V ice
truve, qui n’ont pas cru que 1 ordre dorique^ fut
rc propre aux temples, parce que fes proportions
a. ont quelque chofe d’incommode & d’embarrafi-
a fant. Tarchefius & Pitheus ont été de ce fenti-
rf ment, ainfi qu’Hermogènes. Celui-rci ayant beauté
coup de marbre pour bâtir un temple d ordre
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« dorique à Bacchus , changea de deffin & 'Ie fjc-
cc ionique. Ce n’eft point que le dorique manque de
« beauté dans fon genre & de majefte dans fa forme,
« mais fa difpoficion fe trouve genee & embarraffée
cc par la diftribution des triglyphes & des plafonds;
cc car il faut néceffairement que les triglyphes fe
cc rapportent fur le milieu des colonnes, & les me*
«c topes qui fe font entreles triglyphes, doivent être
« aufli longues que larges. Cependant les triglyphes
« des colonnes de l ’anglefe placent a 1 extrémité des
« encoignures, & non fur le milieu des colonnes;
« d’où il réfulte que les metopes voifines du tri-
« glyphe de l’angle ne font plus carrées, mais de-
a viennent plus longues de moitié de la largeur du
« triglyphe, ou fi l’on veut que les metopes foient
« égales , il faut que le dernier entrecolonnement.
« foit plus étroit qu* les autres de la moitié de la
« largeur du triglyphe. O r , foit qu on élargiffe la
« metope , foit qu’on retreciffe 1 entrecolonnement,
«c on tombe toujours dans une defeétuofite, & c eft
cc pour cela que nos anciens ont paru éviter d era-
« ployer l’ordre donque dans les édifices facrés. »
Non nulliantiqui architeili negaverunt. . . . W
propterantiqui evitare viji funt in cedibus facris doricoe
fymetrice rationem. ViTR. lib. IV. cap. 3.
Nous avons déjà vu dans l’article précédent que
VitruYe ne connoiffoit l’hiftoire de 1 archite&ure
grecque , celle de fes monumens & de fes monu*
mens dorique entre autres, que par des traditions
fort imparfaites. Ainfi quoique ce qu’il rapporte de
Tarchefius, de Pitheus, & furtout d’Hermogènes,
puiffe être auffi vrai qu’ il eft vraifemblable, nous ne
concluerons pas avec lui que les anciens evitoient
d’employer l’ordre dorique dans les temples, ce qui
eft démenti par trop de faits notables, mais nous
concluerons de là que par anciens, Vitruve entendoit
parler des Tofcans, ou des premiers Romains qui
reçurent des Tofcans & l’art & le goût de bâtir. Cela1
même tendroit à faire voir comment l’ordre tofeande
Vitruve n’auroit été que le dorique dépouillé de fa
frife, c’eft-à-dire de tout ce qui réndoitfon emploi
difficile & fa compofition embarraffante en beaucoup
d’occafions. ' ‘ . ,
C ’eft une vérité que la frife donque, lorlquon
veut fe conformer à une vérité plus rigoureufe qu’il
! n’appartient à ce genre d’imitation d’en _exiger,
| éprouve, même dans un plan finale, des difparates
I qu’il eft difficile de fauver abfolument. Ainfi il faut
; ou que le triglyphe fe trouve fur l’angle de l’entablement
, & nous verrons tout-à-l’heure que cela ne
fe peut fans quelqu’invraifemblance, ou qu une de*
mi-metope fe trouve à chaque côté de l’angle, ce
qui devient fort gênant lorfqu’on décore cette partie,
ou peu convenant lorfqu’on fuppofe que la metope
eft un vide, un intervalle, & par conféquent JM
chofe foible dans une partie qui demande une appa*
rence de plein & de folidite.
Piranefi, dans fa magnificence des Romains ,
1 cherché à donner dans une démonflration matne-
■ mathicjuç des divçrfes difpofitions poffibles^s
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foHves du plancher , les principes d’une théorie trouver fur l ’angle. N’eft-il pas naturel de penfer
Lraifemblable fur ce point. Part vraifemblable fur ce point. s’ empara dans
Il faut voir dans les planches meme qui accompagnent
cette démonflration , de quelle manière ,
en fuivant au matériel la difpofition des folives félon
les feuls procédés de la charpente, le triglyphe
ne fauroit fe rencontrer fur l’angle.
Car d’abord fi l’on ne fuppofe qu’un rang de folives
allant d’un architrave à l’autre, foit en long,
foit en large de l’édifice , il n’y a de motif à la repréfentation
des bouts des folives que fur deux & i
non fur quatre côtés de l’édifice, & par conféquent
on ne devroit pas admettre de triglyphes tout à
l’entour , & furtout aux quatre angles.
a0. Si l’on veut admettre des triglyphes dans
toute la circonférence, c’eft-à-dire dans les quatre
côtés de la frife* il faut fuppofer qu’on difpofe fur
l’architrave les folives de manière que pour faire le
plafond, elles s’étendent dans toute la longueur de
l’édifice, & fe trouvent coupées par celles qui occupent
la largeur, de manière à former une efpèce
de gril, alors on a des diflances égales entre elles,
mais le triglyphe ne fe trouve pas fur l’angle.
30. Si l’on fuppofe une difpofition de folives qui,
par leur croifement fur l’angle, puiffe produire le
triglyphe vifible à chaque angle ; cette difpofition
fuppofe aufli que ces folives (eroient placées longitudinalement
fur l’architrave. Mais alors cette difpofition
longitudinale empêcheroit les extrémités
des autres-folives de pouvoir fe' produire en dehors,
& de cette, façon, il n’y auroit point de triglyphes,
mais furtout point de metopes, c’eft-à-dire de vides
ou d’intervalles dans tout le pourtour de la frife. !
4°. Il eft une méthode par le moyen de laquelle
on peut fuppofer des triglyphes à l’angle, c’eft-à-
dire des-extrémités de folives, ainfi que dans tout
le refte de la circonférence, c’eft d’établir deux folives
traverfant diagonalement tout l ’édifice , &
venant repofer fur chaque angle de l’architrave ,
de manière que cette charpente formeroit une croix
de" Saint-André à chaque croifillon de laquelle vien-
droient s’adapter des folives diminuant de longueur
a mefure qu’elles s’éloigneroient du centre de l’in-
terlection des deux longues folives. Cette difpofition,
outre qu’elle eft contraire au principe reçu des
plafonds antiquesoutre qu’on ne fauroit fuppofer
qu elle ait été pratiquée dans les primitives conf-
tructions, auroit eu le défavantage d’être très-peu
|ohde ; puifque deux feules folives auroient fupporté
e poids & la charge totale du plafond : on ne fau-
roit 1 admettre que comme moyen de démontrer
t[ue le triglyphe fur l’angle n’eft pas totalement
ïmpoffible , d’après les données pofitives de la
charpente. '
Mais à quoi bon tant de peine pour expliquer
une façon matérielle , mécanique & géométrique
e que nous avons démontré vingt fois être une
ion adroite de l’art plutôt qu’une copie fervile.
paroit indubitable que d’après le procédé ordi-
airC 4? ,1a charpente, le triglyphe nç fauroit fe
Pifùon, drAre hit. Tom$ I f
que lorfque l’art s’empara des formes ufitées dans
les édifices antérieurs, il chercha à remédier à ce
défaut de fymétrie , & qu’on adapta aux angles l ’ornement
du triglyphe, quoiqu’il fût contraire à la
vérité pofitive de la charpente. Ce font-là de ces
licences qu’amène la force feule de l’analogie, &
qu’une minutieufe critique peut feule défapprouver.
Le triglyphe à l’angle complette d’une manière
avantageufe la décoration de la fr ife , donne un air
de folidité à l’enfemble , & évite l’inconvénient
d’une demi-metope toujours difficile à coordonner
avec une entière fymétrie, & furtout avec une décoration
fymétrique dans les metopes.
Il eft vrai que pour regagner ce que le triglyphe
porté fur l ’angle donne de trop en largeur à la metope
qui le précède , il faut ou rétrécir l’ entreco-
lonnement de l’angle, ou reporter infenfiblement
l’avant-dernier triglyphe un peu en avant, & faire
celui de l’angle un peu plus large. Les anciens nous
ont montré dans tous leurs monumens combien
cette petite fupercherie étoit facile ; & quoique
toujours la dernière metope ait quelque-chofe déplus
large que les autres, cependant c’eft une vérité
que cette légère variation devient infenfible à l’oeil s
furtout quand, la metope reçoit des ornemens.
Le plus réel inconvénient eft que le triglyphe ne
porte pas jufte à l’aplomb de l’axe de la colonne
d’angle, comme il porte fur les autres colonnes.
Sans doute c’eft-là un petit défaut de fymétrie.
Mais pour qui connoît l’impoflibilité où eft l’archi-
teâture de fatisfaire rigoureufement à toutes les
exigences d’une parfaite fymétrie dans tous les rapports
de toutes les parties dont fe compofe un tout
archite&ural, c’eft-là un mince inconvénient. Les
.monumens des Grecs font remplis de femblables
difparates plus fenfibles toutefois pour l’entendement
que pour la vue. Par exemple, les Grecs fe
font mis peu en peine défaire correfpondre les colonnes
du deffous des périftyles avec celle du perif-
tyle même. Cela fe voit au Parthenon. Les modernes,
pour accorder ce défaccord , euffent préféré de dé-
compofer l ’ordonnance extérieure. Mais les Grecs
s’attachoient aux grands, rapports , & ils avoient
raifon. Les modernes ont regardé comme un grand
inconvénient que les chambranles des portes fufiènt
mafqüés par les colonnes du périftyle , & ils ont
fait des entrecolonnemens inégaux pour obvier à ce
prétendu défaut. Cela s’appelle guérir un mal par
un mal plus grand. Les Grecs ont été plus fenfibles
à l’uniformité d’ordonnance & d’entrecojonnemens,
& ils ont eu raifon. Il y a des rapports impoffibles
à accorder. Il faut favoir trânfiger avec ces fortes
de défauts. Prefque toujours il faut regarder le
mieux comme l’ennemi du bien, & le bien comme
un accommodement avec Le mal.
Il paroît de même que des deux fortes d’ajufte-
mens de triglyphe , celui fur l’angle eft le moins
fufceptible d’inconvénient. Ajoutons que le mutule
devant répondre à chaque triglyphe. lorfqu’on ni et
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