
qu’il faille entendre ces mots dans le fens précis,
que les amateurs du jardinage irrégulier pourroient
v trouver ? II nous feroble que cette interprétation
ieroit outrée. T o u t, dans les jardins de Pline ,
annonce le goût du genre nou-feulement régulie*r, '
mais peigné. Ici il faut voir limplement un çon-
trafte ménagé, dans les plantations entre le genre
factice & le genre agrelle. Les plus magnifiques
jardins modernes, ceux que Le Nôtre avoit plantés,
dans le fyftème régulier, offroient de ces variétés,
c ’eft-à-dire, de grandes parties de plantations
fans ordre, qui étoient des bois placés entre les
lignes droites des grandes allées, & il fe pourroit
que la partie du jardin de Pline, qui fembloit
une imitation des champs , n’ait été qu’une variété
, du genre de celles qu’admet le fyftème
du jardinage régulier.
Ni les defcriplions, comme on le vo it, ne
peuvent conferver ou faire revivre la compo-
fition des jardins j ni les plans ou les deflins
même n’en peuvent retracer l’agrément & l ’effet.
Si les jardins de la plus grande magnificence qui
ait jamais exifté, je veux dire la magnificence
romaine , n’ont pu fe perpétuer que dans de
vains fouvenirs, il fer oit fort inutile de recRer»
cher les traces de l’art du jardinage, dans les
fiècles qui fuivirent la chute de J’Empire romain,
Que pourroient nous apprendre les def-
criptions des romanciers au moyen âge , & .quel
fond faire fur les récits des poètes , auxquels
la création des plus grandes merveilles en fait
de jardins 3 coûta, trop peu , pour qu’on puifie
douter qu’ils en firent, feuls" les frais f
Il faut paffer aux fiècles de la renaiffance des
arts., pour voir reparoître en Italie le luxe des
jardins. Il eft fort probable que le même climat
les mêmes terrains, les mêmes productions, &
peut-être des traditions confervées, contribuèrent
à reproduire le même genre de compofition , le '
même genre de décoration , que les anciens habit
ans de ce pays avoient adoptées dans l’em-
bellifTement de leurs jardins.
r Les reftes, très=-nombreux alors , de cpnflruc-
tions antiques, dont l’Italie.étoit couverte, de»
vinrent fans aucun doute les modèles des grandes
conflruciions que virent élever le quinzième &
le feizième fiècle. L’architeûure reparut.avec des
formes & des difpofitiops, qui rappelèrent en
beaucoup de points le %Ie & le goût des temps
antiques. Des maifons de plaifance où. de camp
é e - ? qu’on nomme encore v illa, furent conf-
truites de tout côté avec un luxe & une dé-
penfe dignes des anciens maîtres du Monde, &
la magnificence des jardins fut de nouveau un
aliment pour le génie des arts , & pour la vanité
de ceux qui metloient à honneur de les protéger.
L ’art de compofer & de décorer les jardins 3
cet art qui a les plus nombreux, rapports avec
1 architeâure, eulroit alors , comme il paroît
qu’il étoit entré jadis, dans les attributions de
1 architeèle. Il faut convenir que lorfque 1’
confidère le jardinage , comme l ’art de fouineC
à des plans réguliers , à des effets combi^
i tous les matériaux que la nature préfentè dan*
un état de défbrdre & d’irrégularité, l’architefll
eft néceflairement l’ordonnateur des jardins : &
cela fut ainfi eu Italie. De magnifiques coQcèp.
lions , de vaftes plans , des idées ingénieufes
l’union des bâtimens avec les plantations le mc'»
lange des arbres avec les ftalues, l’emploi des
eaux, foit en baffins , foil en cafcades , foiten
jeux divers , voilà ce qui caraèlérife les grands
parcs de la villa d’Eft à T iv o l i, des maifons
de campagne de Fralcati, des palais de Rome
& de Florence, de la villa Reale de Pratoliào
& de divers autres lieux qui devinrent les mo*
dèles , ou le refte de l’Europe puifa des leçons
pendant deux fiècles.
Beaucoup de ces grandes & belles compofitions
! dejardiris fubfiftent encore, comme monumens
du goût feizième fiècle , & leurs defcriptions !
connues dç ceux qui n’ont pas vu les originaux
nous difpebfent d’en retracer ic i l’idée.
Ce fut d’ailleurs fur ces modèles que fe font
calquées les compofitions des plus beaux Jardins
français, auxquels donna naiflance. le goût de
Louis XIV. C’eft fous le règne & fous la protection
de ce monarque , que fe forma le célèbre
Le Nôtre, auquel la France doit les plus ma-!
gnifiques plans de jardin. Ce fut, dans ce fiècle j !
un luxe général. Les princes rivalifèrent avec
le Roi j les grands & les riches le difputèrent I
aux princes , & de toute part on vit de fuperbes
parcs plantés à peu près dans le même goût, fe répéter
dans les mêmes ordonnances, de parterres,de
bois, de boulingrins , d’avenues alignées, d’allées,
de charmilles, de berceaux, de bofquels, de
canaux , de glottes , de terrafîes, & de tous, les
objets que l’art peut imaginer.
Un très-grand nombre de ces jardins exillent
encore quoique plufieurs aient été détruits
par les révolutions du temps, & que d’autres
aient fubi à peu près le même fort, par l’effet
du changement, de goût que le dernier fiècle a
apporté dans le fyftème du jardinage.
L ’homme éprouve le befoin du changement.
Ce befoin tient à la nature de fon être , comme
on l’a dit bien des fois. Il n’y a que des caufes
très-fortes qui puiffent fixer fon goût, & ces
caufes font celles de la puiffançe réligieufe ou
de l ’organifation fociale. Nous avons déjà vu
qu’elles eurent très-peu d’empire fur le génie des
artiftes modernes. Mais de tous les arts, le plu*
indépendant eft, fans contredit, celui des jardins.
Il faut peu s’étonner , par conféquent, des
changemeus qu’il a pu fubir.
Le goût régulier qui régna pendant près de
trois, fiècles dans les jardins des peuples modernes
, tomba infenfiblement dans des répétition5
faflidieufes, dans une recherche de i’yméuie uop
1 » n i. dans nn ridicule d’apprêt & de peigné,
ft1 . „ J bizarrerie de toilette , f ilo n peut'dire,
mettant l ’artificiel & le compaffé à la place
? naturel orné par l’ar t, appela l’ennur , fils
1 l'nnilbrmité, dans des lieux ou la nature des
[ “Lies demande de la. variété.
c Ce fut en Angleterre que commença la prot-
[ rnption du goût régnant alors dans tous les
! L î de l’Europe. Bacon avoit été le premier
Pnropofer des' améliorations dans l’art de dif-
itluer les jardins. Adiffon & Pope vinrent en-
& ce que ce dernier chercha a faire entente
par le moyen de la fatyre , Atlillon 1 ex-
liuua plis clairement, en le foumetlant a des (LL de goût. Les obfevvations critiques d’Adiffon
Burent accueillies généralement par les Anglais ,
(& bientôt on commença à mettre en pratique les
I réfultals de la nouvelle théorie.
\ Vers l’an 1720, Kent, homme de goût &
Lénieux, réalifa , dans la compofition dés
liaïdins, le fyftème de jardinage, qui conhite
là prendre pour modèle de cet ^art, la nature
[fans art, telle qu’elle nous apparoit dans le ipec-
Itacle des champs, à tranfporter enfin, dans des
| efpaces bornés , les effets du payfage. A
j Kent avoit déjà répandu 8t propagé ce goût
|de jardinage, lorfque s’introduifoient en Angle-
[terre des notions plus précifes fur les jardins
des Chinois, qui paroiffent y avoir de tout temps
pratiqué un genre irrégulier de compofition pitlo-
{refque & fouvent bizarre. Chambers, en *7^7 »
(publia , fur ce fujet, des obfervations & des
[détails qu’il aVoit obtenus d’un jardinier chinois
[nommé Lepqua , Si bientôt tous les des
maifons dé campagne furent refaits ou faits dans
le genre irrégulier. ( Voyez J ardinage..)
Il eft a u f l i en ce genre ufl l u x e & u n e vicheffe
d’ornemens, tels que les ftalues, les badins, les
parterres de fleurs , qui ne peuvent réellement
trouver convenablement leur place, qu avec des
plans réguliers. Ajoutons que lorfque de vaftes
palais fe trouvent réunis à des jardins, la régularité
Nous ne donnerons pas plus de defcriptions de
\ ms jardins que de ceux de 1 autre , genre , car
elles feroient encore moins intelligibles. Rien
n’échappe plus à l’art de décrire , que tout ce qui
dépend des effets fi variés & fi fugitifs , des atpects
de là nature. Il fuffit de dire qu’en Angleterre,
en Allemagne, on trouve de c es jardins qui comprennent
des efpaces fi étendus, que rien ne
vous avertit que vous êtes dans on Heu difpolé
par l’art, -de forte que l’art s’y confond tout-à-
fait avec la nature. {Voyez Jardinage.)
Le goût des jardins qu’on nomma d’abord chï-
nois t puis anglais, & que nous appelons z77-é-
guliehy eft devenu alfez général en France-, où
toutefois des caufes particulières ont maintenu
& maintiendront probablement toujours le goût
régulier. Les magnifiques jardins des maifons
royales, & ceux qui font défîmes a la reunion
do public dans là capitale, étant compofés dans
le fyftème de la régularité , perpétueront rtécef-
" ftème également fondé fur la nà-
n dîfent certains critiques). L ’harement
ee ly
jure (‘’quoi qu’en ---- -------1 - ✓
Hitude de la promenade exige , pour lé public -,
dos allées droites , des diftributiôns- fymetriqùes» •
des ligr.vs de , l’architecture, le befoin
de-CGordonne r de grands efpaces a de grandes
malles , obligent, de mettre les plantations en
rapport avec les bâtimens : & voilà pourquoi très-
naturellement l’archite&e d’un palais étant appelé
à la compofition de fon jardin, le goût de régularité
qu’exige' l’art de bâtir, fe communique
à l’art de planter. . v - y
Les jaidins reçoivent différens noms , félon la
diverfîté de leur goût de compofition, de leurs
emplois , de leurs deftinations , de leurs formes
, &c.
On appelle :
Jardin anglais , celui qui eft compofé & or-
donné félon le fyftème de plantations irrégulières
dont les Anglais o n t, les p rem ie rs in tro d u it
l’ufage en Europe.
Jardin chinois , celui qui eft compofé & distribué
-dans le goût pittorefque, fuivi de temps
immémorial à la Chine»
Jardin de b o t a n iq u e . On donne ce nom à un
jardin où l’on cultive fpécialement des plantes
médicinales, & des Amples qui peuvent entrer
dans les préparations chimiques des pharmaciens®
Jardin fleuriste. On appelle ainfi un jardin
deftiné à la culture des fleurs , foit que ce jardin
faifant partie , mais féparé d’un plus grand, foit
confaeré par un amateur de fleurs à ce genre
de produÔion , foit , comme cela eft le plus
commun, que ce foit un terrain où un jardinier
qu’on nomme auffi j l e u r i j l e y. cultive des plants
de toutes fortes de fleurs pour les vendre aux
propriétaires de jardins. Chaque faifon ayant les
fleurs, il eft difficile au plus grand nombre.de
ceux qui veulent en embellir fuceeffivement leurs
parterres , de réunir tout Ce qui eft ne ce fl aire
à une culture aufli délicate que variée, hes jardins
fleuriftes font donc des efpèces de marchés de
fleurs , où chacun vient s’approvifionner-félon fon
goût, & où i’ori achète en plants encore jeune«
les fleurs que l’on- tianfplante.
J ardin I rrégulier. Jardin diPpofe & planté
en maffes., en plantations & en allées irrégulières
»-
Jardin des plantes. C eft ainfi qu on nomme
un jardin deftiné à la cultuve de toutes fortes
de plantes étrangères , d’arbuftes ou d’arbriffeaux
exotiques qui exigent des foins très'-pavncubers,
pour, végéter 8c fe conferver, hors du climat 8c