
fupporter l’épreuve de la critique. ( Voyez Re cherches
qfla tiques 3 tome I I , page 164* )
Les anciens mo nu mens de l’Inde, qui ont in*
duit les premiers voyageurs à donner une fi
iiaute antiquité au pays où ils fe font confervés,
ne fauroient fournir aucune preuve de cette antiquité.
Nulle infcription n’a encore été découverte
fur cet objet, nul monument hiftorique n eft
venu dépofer en faveur des traditions que la
crédulité perpétue dans ce pays. Il n’exifte point
d’annales qui puiffent rendre compte des viciffi-
tudes par lefquelles a paffé le gouvernement de
ces peuples , des révolutions qu’ils ont éprouvées,
des époques auxquelles on pourroit rapporter l’état
de richeffe & de profpérité, que fait fuppofer
le travail d’ouvrages qui furent certainement fort
difpendieux.
Tout ce qu’on fa it, c’eft que l ’Index, été pof-
fédée , & fucceffivement envahie par plufieurs
peuples, & que fes croyances, comme fes allégories
religieufes, indiquent un mélange d’opinions,
fource de toutes fortes d’in exactitudes dans les
recherches de la critique hiftorique.
A confulter le goût de ces monumens, on
éprouvé la même difette de renfeignemens. En
général, les ouvrages de l’enfance d’ un peuple,
s’ils parviennent à fe conferver, offrent, lorfqu’on
les voit en parallèle avec ceux des âges pofté-
rieurs , des caraCtères frappans de fimplicité, d’ignorance
, de rudeffe, qui deviennent, pour l ’oeil
du connoiffeur, des témoins de leur ancienneté.
Si les monumens de l’antique Egypte ne nous
fourniffent que peu de matière à ce genre de parallèle
, la caufe en eft dans l ’extrême fimplicité
des types & des formes de fon architecture , dans
les caufes religieufes qui fixèrent ces formes , &
en empêchant tout genre d’innovation , empêchèrent
auffi toute eipèce de perfectionnement.
D’ailleurs, les ouvrages originaux de l’Egypte &
i ’-exéoution de fes temples s’arrêtent à une époque
très-ancienne, où l’Egypte ceffa pour ainfi dire
d’être elle-même, & où-, en recevant des maîtres,
elle perdit jnfqu’à la mémoire de fon ancienne
écriture & la tradition de fes anciens rites. Encore
faut-il dire, que ceux qui ont vifité avec attention
les monumens de l’Egypte , ont cru reconnoî-
^re à leur exécution, des différences de goût qui
indiqueraient des époques fuccelfives , & qui annoncent
, dans ces ouvrages, une plus ou moins
grande ancienneté.
Tous les autres peuples de l ’antiquité, & ceux
des temps modernes chez lefqùels il eft poffifale
d’examiner le cours naturel de refpritde l’homme
dans les inventions de fes ouvrages , nous montrent
une progrefiion confiante de favoir, d’induf-
t r ie , d’habileté & de goût. Des degrés faciles à
obferver -mefurent l’intervalle parcouru entre la
naiffance & le développement des arts ; & c’eft fur
ces degrés, qu’à défaut d’autres renfeignemens
hiftoriques, s’établit -fouvent la date ou fépoque
des ouvrages qu’il s’agit de foumettre à un ord J
chronologique.
Dans l’Inde , cette reffource manque encore abj
folument à la critique. Lorfque, dans les cleffin.
de M. Daniell, on confidère tous les monumens dj
l’Inde ancienne, tant ceux qui font creufés dan J
des bancs de pierre fouterrains, ou ifolés en plejn j
a ir , que ceux qui font bâtis, on ne fauroit dé.J
couvrir aucune indication qui porte à difcernt
par l’empreinte d’un goût plus ou moins fimple f l
d’une induftrie plus ou moins avancée , quels font I
ceux qui doivent dater d’une époque antérieure!
ou poftérieure.
Naturellement on ferait porté à croire que ]eJ
monumens fouterrains auraient eu la priorité del
date. Cependant on peut affirmer qu’on ne trouve!
dans ces rochers creufés , ni moins de détails, ni J
moins de bizarrerie de forme, ni moins de prodi-l
galité d’ornemens capricieux, que dans les édi-1
faces Jurterrains. Peut-être même le génie fautai-1
tique des formes fans raifon, & des ovnemens fansH
motif, fe prononce-t-il avec plus d’évidence en J
core dans les ouvrages creufés , que dans les ou-J
vrages c o n ftru its . L’on pourroit en trouver ]»
caufe dans la nature propre du travail appliqué J
à des maffes'de pierre affez tendre, pour fe laifler
d é c o u p e r de toutes- les façons poffibles, & allez ]
ferme pour fupporter des légèretés, des évide-
mens &. des porte-à-faux qu’il e û t été difficile del
réalifer dans des édifices formés de beaucoup del
pierres réunies entr’elles.
Il n’y a donc eu jnfqu’à préfent aucun moyen]
d’établir la moindre critique fur les, degrés d’an-1
cienneté des monumens de -l’Inde. Ainfi, après ]
qu’on eut avancé, fans preuve, qu’ils datoientl
d’auffi loin & de plus loin que les plus anciens!
monumens de l’E gypte, d’autres critiques ont j
prodigieufiement rabattu de ces calculs. M. Mei-|
ners a prétendu que ces monumens ne font que des!
premiers fiècles de l’ère vulgaire , au temps où les r
Indiens avoient reçu des Grecs la coxinoiffance desl
arts & des fciences. Un autre critique ( M. Lan-|
glès) « eft d’avis qu’on ne peut guère coutelier |
» aux Egyptiens l’avantage d’une prodigieufe an*|
» tériorité, à l’égard des Indiens, dans la civuila-i
» lion, & dàns tous les arts qui tiennent à la cm- j
» lifation. Il ne faudroit pas même (continue-t-il) i
» remonter à des époques très-reculées, pour de-1
» couvrir celle où une partie de leurs connoiffas'l
» ces & de leurs arts a été portée dans l’Inde.I
» -Uette utile importation a dû furtout s’eSefluer!
» par la médiation des Abyffins, dontles ancienoeîl
» relations avec les deux eûtes de la prefquibjJ
» & même avec l ’intérieur du Dekan , font a »1
» fois bien connues & bien atteftées.... Il fumt ae|
» dire que -, parmi les Abyffins voyageurs, on a ]
» dû trouver des articles ou au-moins des efpècesi
» d’architeéles beaucoup plus habiles, fans doute,r
» que ceux de l’Inde, -paifqu ils furent employai
» & peut-être même appelés par les princes û I
„s Ces Abyffins paroiffent avoir en quelque
e bien vague, à la vérité, de l’art des Grecs;
1 on reconnoît dans différentes grottes, fur-
,oat dans celles d’E lora, des lignes, des orne-
mens des ftatues même , qui offrent des traces
duflyle g rec, fi altérées, j’en conviens,
au’il faut les chercher avec une attention toute
particulière , & avec des yeux bien exercés.
: joutons que, par l’emploi bizarre de certains
ornemens, elles deviennent encore plus mé-
| copnoiffables. Qui s'attendrait, par exemple , à
: lr0uver des feuilles d’acanthe mal figurées &
i repverfées autour de la bafe d’un pilier de ftyle
: hindou, de manière que cette bafe donne l ’idée
i d’an chapiteau corinthien renverfé, &c. &c. ? »
J’ai cité ce paffage , pour montrer à quel
joint il eft difficile d’aneoir un jugement fur l’an-
aeiineté des monumens de l’Inde , & fur le ftyle
irioinel de cette architecture. Si , en effet, le
«ift des excavations d’Elora différait de celui des
Jutres ouvrages du même genre, il feroit affez
îaturel d’attribuer à ce goût un principe étranger
l’Inde. Mais qui ne voit que ces reuemblances
strêmement confufes , altérées & difficiles à dif-
lingiier, dont parle l’auteur de ce paffag-e , font
bn ne peut pas moins propres à établir ce qu’il cher-
lie à prouver? Gar fans contefter le fait que des
Eyllins ont pu, dans des temps affez modernes, être
employés aux monumens d’Elora, & apporter dans
l’Inde les notions dénaturées • des fouterrains de
[Egypte, de l’archite&ure abâtardie du moyen
■ e, 8t de celle des Mufulmans, nous demande-
tons à tout critique judicieux en quoi le goût d’Elora
diffère de celui d’Elépbanta , de Salfette, ou
jd’Ambola, de Mavulipouram , de Chalembrom,
de Siringam & de tant d’autres lieux.
I Ne pouvant entrer ic i dans aucune difcuffion
fpr les époques que des. renfeignemens puifés fur
lès lieux mêmes, ont pu & pourront donner à quelles
monumens de l’Inde , je dirai que ces épo-
les, quand on parviendrait à en déterminer
1 [ues-unes d’une manière approximative, fe-
fpient encore d’une légère importance , tant
ne pourra qjoint parvenir à des notions po-
ptives & générales en cette matière : carlorfqu’il
[«.agit de l’antiquité d’une arqbiteêlure ou d’un
[pût de bâtir, la preuve acquife qu’un monument
jft d’une époque récente, ne prouve rien pçur le
out en général, puifque ce monument peut ,êti*e
la fois moderne & d’un ftyle fort ancien ; car
)us voyons élever fous nos yeux des édifices,
pont le ftyle & le goût remontent à des milliers
[d années. -
La queftion de l ’ancienneté de l’architeâture
Mdienne eft donc fort différente de la queftion de
Npoque de tel ou tel monument. Toute recher-
r “e incomplète fur la première queftion
qu’on ne parviendra pas à prouver la date de
pos les monumens de l’Inde.
Nous avons déjà vu à l’article A siatique ( A rchiteélure)
, que toute cette partie du Globe
s’eft, de toute ancienneté , fait remarquer par un
goût général pour ce que nous appelons caprice>
irrégularité, Jantaifîe & bizarrerie , c’eft-à-dire ,
par un goût auquel on ne fauroit trouver ce caractère
d’imitation de la nature, qui diflingue le
genre régulièr du genre irrégulier. Ce goût nous
eft décrit par l’idée qü’Ariftopbane nous donne
des tapiffenes de l ’Orient, des amalgames de figures
monftrueufes qui s’y faifoient remarquer.
Ce goût nous eft indiqué par la naiffance de ce
genre de décoration emprunté de ce pays, que
Yitruve nous.a fi bien défini, & auquel nous donnons
le nom d' arabefque. Ce goût nous eft très?,
bien connu par les monumens de la Perfe, par
ceux des Arabes qui, au moyen âgé, fe répan?
dirent dans le midi de l’Europe, & nous ont très-
probablement communiqué beaucoup d’élémens
de celui qui, fous le nom de gothique3 avoit envahi
l’Europe , lorfque le genre régulier a triomphé
de nouveau par la renaiffance des lettres, des
lciences & des arts , aux quatorzième & quinzième
fiècles.
Si les notions très-anciennes que nous avons fur
le goût qui régna de tout temps chez les peuples
de l’Afie ; fi là connoiffance plus certaine encore
de cette perpétuité de goût chez certains peuples
de ces contrées; fi la certitude où nous fommes,
que l’invariabilité eft un des caraÇtères de cette
partie du Globe; fi enfin beaucoup de faits, de
documens & de traditions nous attellent que, de*
puis une époque très-ancienne, la manière de
voir & de faire , dans les arts , eft reliée la même
dans ces contrées (voyez Defcript. hiß- & géog-
de l’ Indoflan 3 par le major Rennel, Introduâlion
(au commencement), page 18 de là traduction
françaife ) , pourquoi ne conclurions-nous pas r
avec beaucoup de vraifemblance, la j-nême cKofe
pour les temps qui précèdent l’époque d’où partent
les notions que nous avons ?.
Si donc les ouvrages 4e l ’Inde, dont nous pou«
vons conjeClurer que la date eft affez récente,
nous montrent le même goût ,que celui qui eft
écrit dans les monumens dout nops ignorons la
date, & qu’on foupçonne être beaucoup plus ancienne,
il nous eft permis de croire que le même
ftyle d’architeôure exiftoit dans ce p^ys aux temps
qui précédèrent la conquête d’Alexandre, & l’époque
des premières communications que cette
région très-anciennement civilifée eut avec les
Greçs. Et comme dans la vérité, ainfi que la faite
de cette analyfe le prouvera, il n’exifte dans les
monumens de l’Inde qui nous font aujourd’hui
bien connus, aucune efpèce de rapport avec l ’ar-
chiteClure grecque, loin de croire qu’en aucun
temps des élémens de l’art des Grecs fe foient me»
lés à ceux de l’Inde, nous ferons portés.à fpup-*
çonnerfaien plutôt, qu’après la chute de l’Empirer
romain, ce fera le goût irrégulier & bizarre d«
l’Afie qui fe fera répandu en Europe , & s’y