
Peu importe donc quelle loit la 'sature , l'origine
eu l ’étymologie de ce grand nombre d’objets qui
entrent cotpir.e élémens dans là décoration. Quels
cu’ils foient, leur préfence, leur abfence ou leur
choix détermineront toujours, l’ame à recevoir telle
eu telle impreftion.
L ’abfence ou la préfence des ornemens ; indépendamment
de la lignification particulière que ch a- j
cun d’eux peut avoir, & de leur analogie, eft donc
dans l’architecture , ce que 'font les couleurs daps
la peinture. Avec cette progreffion , que le goût
fait établir , le décorateur fait qu’un édifice vous
paroîtra propre à un emploi grave ou léger, fé-
rieux ou gai ; il fera que cet édifice excitera chez
v o u s , où l’étonnement, ou l ’admiration, ou le
plaifir , ou .la trifteffe, ou le recueillement ou la
diftra&ion ; vous fera naître des idées élevées ou
riantes, mélancoliques ou fombres, voluptueufes
ou févères. Enfin, l ’abfence, la préfence ou le
choix du plus où du moins d’ornemens, eft à l’ ar-
chiteélure ce qu’eft à lair.ufique V ad agio, l'allegro,
le piano & le f o n t , ainfi que toutes les nuances intermédiaires
entre les temps extrêmes.
L ’archite&ure qui s’adrefie fur-tout à I’enten-
denaeat pour plaire à notre ame , trouve encore,
dans la difpofition des objets de décoration, un
moyen de l’ a fie été r agréablement. Ce moyen con-
fifte dans l’ordre & l’harmonie qu’un bel arrangement
de ces objets dirigé par un goût exquis & des
combinaifons lavantes peut développer. C’e ft, en
quelque forte , là l’objet le plus important de l’architecture.
Un bel édifice peut fe définir, un fpec-
tacle de rapports harmonieux d’ordre & de difpofition
, donné à l’entendement par l’intermédiaire
des yeux. Les détails de l’ornement font tellement
partie du plaifir qui réfulte d’un accord parfait
dans un tout architeâural, que le meilleur ouvrage,
quant aux principes efientiels d’ordre & d’harmonie,
p eut, par le feu] vice de la confufiori ou mauvais
emploi- de la décoration, manquer fon but -, qui eft
de plaire à l’entendement. Il eft beaucoup d’édifices
qui dev-iendroient, en un inllant, de bons ouvrage
, fi on les déchargeoit de leur décoration, ou
fi on la remplaçoit par une autre*
Ainfi, quoique cette partie de la décoration, qui
fe compose d’ornemens pour la plupart capricieux
dans leur effence, ou tout au moins dans leur ap-
p'ication , (bit celle de toutes qui femble le plus
laite pour ne parler qu’aux yeux , l ’entendement
& la raifon refont pas noins inté relies , dans l’em-
p' i qu’en fait le décorateur -, à réclamer leur jouif-
fance. On peut comparer cette partiè à la partie
ânftrumentale de la rrufique, qui , confidérée feu-
leme t comme combinaifon de fons, privée de la
v a ’ eur r1 c* paroles ou des accens de la voix, ne,
tfauroir ch rmer l’oreille fans flatter auflà , ou l’ame
qui jouit dé l'harmonie , on l’entendement qui en
«aïeule les moyen* &.les effets.
J’ai dit que la fécondé fource, où l ’archîtefin^ I
puiloit les moyens de décoration étoit Yanclogi^ I
Il eft dans la nature des facultés humaines de ne I
pouvoir créer qu’en combinant des choies créées I
de ne pouvoir inventer qu’en imitant.
L ’invention de Larcin te élure nous en donne h I
preuve & l’exemple. C’eft dans les produirons de I
la nature, ou dans la manière de produire de la I
nature , que cet art trouve les modèles & fes règles, I
On a développé ailleurs, avec allez d’étendue, ce I
fyftême d’imitation de l’architecture, pour qu’oa
pu i fie fe contenter de renvoyer le lefteur aux articles
ARCHITECTURE, ARBRE, CHARPENTE, &c,
En puifant, dans i’analcgie des premières conductions
fabriquées par l’inftinél du befoin , le^ types
& les caractères primitifs de fa conftitutipn, Par-
chitefture y trouva aufli une fource féconde d’em-
bellifiemens.
Une grande partie de la décoration de l’architecture
réfulte donc’ de cette imitation analogique
des formes produites par les combinaifons de l’ait I
primitif de bâtir , dans chaque pays.
Mais il n’eft aucune architecture , dont le fyftême I
imitatif & décoratif foit plus vifiblement écrit dans I
la nature des choies , que celui de Larcin teftiire I
grecque 9/devenue celle de toute l’Europe.
Les Grecs firent deux chofes qui ont rendu leurs I
combinaifons les plus excellentes de toutes j ils le I
donnèrent un modèle pofitif, ce qui les pré'erva I
des écarts de toutes les.fantaifies ; ils voulurent en-
fuite que les ornemens propres à embellir ce modèle
fulTent aufli puifés. dans-la même fource ; de
manière qu’au défaut de modèle de bâtir dans le I
oeuvres de la nature, qui ne crée point de maiioity I
ils choifirent l’ouvrage de l’art le plus voihnde I
- infpirations du befoin, de l’inftinâ.& des moeurs I
de la nature; A défaut, d objets de décoration précis
dans les oeuvres de la nature , l’art imagina, dans
la tranfpcfiiion qu’il fit des conftruéïions de bois am
corftruétions de pierre & de marbre, de faire Servir
à l’embedifleïTient précifément toutes'les indications
du befoin. 11 voulut que tout.ee qui annofr I
çoit l’oflature & l’anatomie grofii ère du modèle in- [
forme qu’il fe donnoit pour type, fut le^principe I
de l ’ornement, dans la copie.
De -là eft réfulté, dans cette architecture,!» |
genre d’imitation de la nature, qu’on ne retrouve I
aufli diftinftement dans aucun® autre; c’eftqu* I
le plaifir , comme dans U nature , non-feulerc«J I
fe trouve à côté du befoin , m. is en eft , en quel* I
que forte, le produit. De-là aufli eft réfulte, peur I
la raifon & l’entendement, un genre de plaifir qu on I
ne retrouve nulle part aufn complettement que dans I
les ouvrages de cette architeÛure* C ’eft que les or* I
“netr.ens principaux étant originaires des I
mêmes de la conftruéliori, il eft peu de ces deW|
dont le goût ne p r ffe tentke
compte au raifonnement. . .
« r = nWets de décoration puifés dans l ’analogie
B méfions primitives du befoin , font trop
deS i S ià t néceffaire d’en faire ici
connus po fl colonnes , les chapiteaux ,
tonsF portent avec eux leur extrait de naiffance
■ Sôn intonteftable pour qu’on doive s arrêter a le
W M Ainfi , comme on le v o it, une partie tres-
F nortsnte de l’architecture, celle qu’on appelle
Mdinniurt & qui fait auffi une des bafes de la
l " .prosdon:t du. fyftême d’analogie qui
’ ïoriftitue le principe d imitation de 1 art.
,i c ’eft à refpefter cette analogie que le décorateur
doit, dans fes compositions , mettre toute fon attention
Si une fois l ’oubli de cette origine, fi
llnobfervation de ces principes introdûtfent la con-
ftfion ou le défordre dans l’emploi & la diipoii-
lor, des objets de dieo ration, l’architecture perd,
i l valeur & fa fignification ; ce qui parloit aux
deux& à l’efprit, ne s’adreflant plus qu’au feus
wiuel, le fatiguera bientôt lui-même par fa redite
inutile Stuifeufe. Tout ce qui avoit un motif &
line raifon cédant- d’en avoir , l'efprit ceffera de I
trouver , dans un art qui ne fera plus rien pour lu i ,
lè plaifir qu’il avoit droit d’attendre.
1: C’eft en s’ifolant de l’archite&ure , que l’art de
fa décoration, fe corrompant lui-même, a corrompu
fart dont il n’étoit qu’auxiliaire. Si-tôt que le génie
lécorateur s’eft cru libre des entraves de 1 analogie,
finîtes les formes caraftériftiques fe font contournées
, perverties & dénaturées , au point qu il y a
Jntr’elles & celles de la bonne architecture, plus
de diftance qu’entre -celles-ci & les types de la pri-
Énitive conftruftion. Qui pourroit, en effet, dans
'les enroulemens, les tortillages, les brifemens &
lés découpures des frontons, des éneadremens , des
profils, des chapiteaux du Boromint , reconnoitre
le caraftère originaire, dont ils rendent l’empreinte
®ême problématique, pour ceux qui n’ont pas fait
d’étude de cette efpèce de généalogie ?
Cet abus provient de deux caufes. La première
l ’entrevoit aifément dans l ’équivoque, réfultant des
divers objets de décoration qui entrent dans la .composition
de l’architefture. De ce que , comme.on l ’a
,^u , certains détails de l’ornement ont pris naif-'
lance de. l’inftinâ: feul de la variété , & .offrent
■ |ine tranfpofition d’gbjets, dent la raifon .eft trop
floignée ou trop métaphorique pour être faifie par
ÿne analyfe exacte & févère , on a conclu que tout
pouvoit être métaphore dans l’architeéture, & par
ffl^iite que tout étoit arbitraire dans, la décoration,parce
|pi\l y entroi.t quelque chofe d’arbitraire.
R -L a fécondé caufe paroît être dans une faufie idée
feue les décorateurs fe font faite de l’ invention. Ils
pris pour manque de génie, dans l’archite&ure
antique, cette exafle obfervance des naénies formes,
ils ont pris pour de la monotonie ce qui n’étoit que
de la régularité : ne fachant plus apprécier tes
nuances délicates avec lefquelles on peut exprimer
toutes les modifications de caractère, ils ent préféré
les tons durs & brufques qui ne produifent plus
d’effet, parce qu’ils en veulent trop produire.
On peut, n’en doutons pas, avec la plus fcru-
puleufe . obfervance des types indicatifs de l’origine
de l’a r t, allier toute la variété que requiert le
goût de la décoration.
On peut , fans altérer leur empreinte, en multiplier
indéfiniment les nuances au gre du plaifir
& du carattère plus ou moins fimple , ou plus ou
moins complexe, que doit recevoir un édifice.
■ Le fyftême de i’architeclure , & fa divilion en
trois modes, 'nous montrent comment i’exprefîion
plus ou moins reffentie ou diffimulée des formes .
du befoin, fait iniroduire dans la décoration une
progreffion de richeffe ou de fim.plicité , de variété
ou d’ uniformité , qui confirme une forte de langage
très-intelligible , lorfque , d’une p art, l’artifte fait
: le parler, le que de l’autre le fpeSateur fait le com-
prendre.
Mais la fource oîi- la décoration puife le plus
■ grand nombre” des moyens les plus propres à faire
de l’archireéfure, un langage, fi l’on peut due ,
oculaire , une forte d’écriture hiéroglyphique, c eit
l’allégorie.
L’allégorie eft un difeours figuré, mais elle eft
l ’expreffion fimple Si naturêlie de ces arts d’imitation
qui ne parlent que par ftgnes ou par figures.
L ’architeÔure', par l'emploi qu’elle fait de ces arts,
. & des fymboies' qu’ils lui prêtent, parvient à donner
à fes ouvrages une fignification auffi déterminée,
une propriété auffi diftinéle, que le peut faire chaque
art dans fon domaine particulier.
Au moyen de l’allégorie , l ’architea'ure devient
'une forte de peinture. Un édifice eft un tableau,
ou pour mieux dire une réunion de tableaux. Les
reffources que la décoration trouve dans l’allegoric
font te lle s , que l’architeéle peut traiter toutes
fortes de fujets. Ce n’eft plus fimplement par des
r tpprochemens indirecls, par des combinaifons plus
ou moins abftraites, par un choix de rapports analogiques
, qu’il parvient à faire naître dans nette
ame des idées correfpondantes aux qualités qu u
met en évidence; l’art fe fait réellement h.ftonen
& narrateur; il nous explique, l’objet général oc
particulier qu’il traite ; il nous informe du but
moral comme de l'emploi phyftque de fon édifice.
La décoration allégorique tient lieu d tnfcnptions ;
elle dit plus , elle, dit mieux que toutes les legendes
dont on peut charger les ftentifpices & les murs.
Tel eft donc le gra»d avantage de la décoration ,
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