
néceflaire de l’ordre naturel des chofes.Si Von con-
fulte à cet égard rhiftoi-re du genre humain, on
verra que les caufes qui s*oppofent à l'émancipation
de la faculté imitative dans l’homme,font aufli nom-
breufes que variées. ( Voyt{ im i t a t i o n . ) On eft
tenté de regarder l’art dès Grecs comme une exception
due au-concours le plus extraordinaire de cir-
conftances.Peut-être eft-on forcé de sert convaincre
quand on -conftdère combien de fociétés d’ hom mes
en acquérant le développement déboutés les facultés
morales auxquelles la plus grande civilifation permet
d'arriver, font cependant reftées fur le point de
l’imitation dans une efpèce d’état fauvage. Bien plus
encore s'en convaincra-t- on , quand cm réfléchira
que l’imitation des corps ayant été la première
écriture , & cette écriture ayant néceflairement
prêté fes Agnes au culte religieux , il y avoit partout
les raifons les plus fortes pour que ces Agnes
devenus facrés confervaffent toujours leur forme
primitive.
Deux caufes principales tendirent à contrarier ou entraver
en Egypte le perfectionnement de l ’imitation.
La première de ces caufes tient à l’ordre politique,
fe fécondé à l’aétion de la religion.
•Lcrfque le type d’aine fociété repofe fur un ref-
peèt confiant & inviolable pour tout ce qui a été ,
îorfque toutes les inftitutions tendantes à la cbnfer-
Vation de l’ordre focial établi, avec toute l’énergie
dont elles font capables, mettent en honneur le foin
de perpétuer toutes les pratiques, & en diferédit
Fefprit d’innovation, lorfque le germe d’un tel yf-
téme s?eïfc développé avec une nation, ou que pour
mieux dire une nation s’eft développée dans un tel
ày ftême ,1a durée de fa manière d’être femble devoir
être -éternelle..
Chez un peuple dont le type originaire fera ainft
conftitué, il fe forme un genre de perfectionnement
très-différent de la perfection qui, ailleurs, réfulte
de la facilité ou de l’habitude du changement. Mais
ce qu’on remarque, c’eft que l’ufage de fuivre les
formes des prédécefleurs acquiert autant de force
dans les choies de peu d’importance que dans celles
qui paroiffenten avoir le plus; c’eft pour cela que les
premiers types des arts, que les objets qui fervirent
de Agne primitif aux différens langages de la fociété
relient conftamment les mêmes, fubAftent fans altération
, & fe tranfmettent d’âge en âge aufli fldèle-
ment que les lo is , les moeurs, les inftitutions.
On obferve que dans les procédés de chaque art,
il y a deux fortes de Ani, l’un qui tient à la perfection
même de l’imitation des formes de la nature,
& l’autre au Ample maniement ou au poli de la'
matière & aux procédés techniques ; c’eft-à-dire ,
qu’une ébauche informe & vicieufe en tout point,
peut recevoir un poli parfait fans en être plus Anie ,
loifqu’au contraire une imitation de la nature pourvoit
être parfaitement Anie fans avoir reçu aucun
poli. Il en arrive de même dans la génération des
arts. On voit que fous l’influence des caufes politiques
& morales dont i l s’a g i t , la perfection ne ]
pouvant réfulter d’un changement propre àatn$,
liorer les formes une fois confacrées, le befoin d«
perfectionner fe porte vers toutes les parties accef.
foires de l’art, 6c en quelque forte à l’extérieur des
formes établies. La peinture, fous l’influence de ces
caufes, acquerra toute la valeur s toute la ténacité
que peut produire lechoix cm l’emploi des plus belles
fubftances colorantes , &. ne connoîtra toutefois ni
l’harmonie dans les tons, ni la proportion dans les
formes. La fculpture portera jufqu’au fcrupule
l’obfervance des petits détails, &. jufqu’à l’exagération
la dimenfion de fes Agures j elle donnera à la
pierre le plus beau poli, & arrivera à la plus grande
habileté dans le travail des matériaux les plus durs;
enfln, tout ce qui tient à la perfeClion méchanique
y remplacera celle de la vérité naturelle, que l’habi«,
tude des anciens erremens l’ empêchera, non pas
feulement de fuivre, mais de foupçonner.
Telle eft , en effet, la puiffance univerfelle du
principe conservateur de la fociété, du principe de
l’immutabilité, lorfqu’il eft né & s'eft développé
avec les éiémens même de la fociété. Les premiers
tatonnemens de l ’imitation dans tous les arts, loin
de devenir fujet d’émulation , deviennent objet dt
vénération. Loin que de plus heureux efforts dil'eré*
ditent les premiers, de nouvelles redites leur donnent
l ’autorité de l’ufage. Dès qu’une fois cettt
autorité eft étab’ie , il n’y a plus moyen que le*
types , les méthodes, les principes les plus erronésj
les plus contraires à la nature, puiffent fubir ni
critique, ni changement. Rien ne parvient plus à
détruire cet empire de l’habitude, 1-orfqu’une longut
fuite de générations & de Aècles en a confolidé le
preftige; c’eft alors qu’il fe forme comme une fe*
conde nature. Les organes façonnés à une manière
de v o ir , fe refufent à fuppofer même la poflibilité
d’une autre , ainfi qu’à reconnoître la fupériorité de
la véritable imitation, fille de la nature, fur celle
qui n’eft que le produit bâtard de l’ignorance & d*
la routine. C ’eft ce que nous voyons à la Chine &
dans l’Afie; c’eft ce qu’on découvre dans tous le*
reftes des arts de l’Egypte.
Mais la religion toute feule fut capable encore a y
affujétir & d’y enchaîner la faculté imitative, par la
conlervation des types ou des Agnes primitifs qui
produifirem l’imitation hiéroglyphique.
La religion confidérée dans fes rapports exte*
rieurs , c’eft à-dire comme culte, ayant pour objet
de Axer, de perpétuer 6c de rendre irripériftablè
dans l’a me de l’homme , l ’idée de la divinité,
ainfi que de toutes les moralités qui fe joignent»
cette idée primaire , & la religion ayant à parler a
des hommes, elle ne put leur parler que par de*
Agnes fenfibles.
Mais les fignes que la religion eft forcée de s ap^
proprier, font de la nature de tous les fignes qui
entrent dans la fphère des befoins de l’homme & de
la fociété. Ces fignes en tant que repréfentation des
objets, font fufoeptibles d’acquérir une perfe&iofl
illimitée, M ais iis fout également capables de rempli
; llJfliè?eeaeKbau’ che,foit qu’il, fe prodmfent fous
L dehors »chevés d’une complette mutation. C eft
ri nue les fignes informa du xodiaque n ont pas
‘ moindre vertu fignificativç, que les figures ele-
*** . ;es Grees embellirent ces cara&ères. La
foit le degré d’avancement
î,ii elle trouve cher un peuple 1 art des fignes, s en
empare. 1 lui fa»' Une écriture, & elle s affocie
i t e l lem e n t celle que préfente 1 tmstation par
Égure, qui fût ou le principe ou le réfultat de 1 eçri-
I % n w'u donc comment, fans parler même de
l'eforit de telle ou telle croyance religieufe, qiu peut
cuelquefois répugner au perfeaionnement des fignes
mi'elle emploie, il eft naturel que ces lignes reçoivent
de la fainteté de leur emploi, une autorité qui
comment, avec tant de moyens favorables au fiiccèa
de i’imitaçion, l’Egypte en méconnut toujours l’ef-
fence & la vérité. Ainfi, quoique doué d’uneinduf-
trie pcodigisufe, quoique poffédant les matières le?
plus belles, les fecrets de la métallurgie, de l'a teinture,
s’oppofe à toute efpèce de modification dans leurs
.°pîus une religion, fi elle eft née avec une fociété,
v acquerra de force & d’empire, 6c plus elle tendra,
par un culte impofant 6ç dominant, à rendre facrees., :
c’eft-à-dire immuables, des formes q u i, parleur
corrélation avec les idées , ne peuvent plus le
changer qu’en changeant les idées. Ces formes reçues,
& gravées dans l’efprit par l’habitude de les voir, ne •
font plus fufçeptibles de changement. La force de
l’ufage & la fan&ion du refpea^publie, y attachent
des lenfations, des fouvenirs, des rapports d’une
nature telle, que l’ altération du Agne en produiroit
une dans la chofe AgniAée. ‘ '
Cette feule caufe, qui arrête le perfectionnement
de l’imitation dans les Agnes religieux, reagit de ;
toute la puiffance de l ’exemple le plus impofant fur
les fignes qui n’ont pas de rapport avec la religion ,
& l’on voit encore,dans plus d’ un pays,cet état
d’enfance de Limitation , confacre une fois par le
culte & fes pratiques, devenir, malgré le perfectionnement
de l’état focial de l’homme , de fes facultés
& de fon induftrie dans les autres arts, 1 état habituel
& invariable des arts d’imitation.
Quand à cet état d’imperfeétion ^ qui empeche la 1
chofe repréfentante d’arriver jufqu’à la reffemblance
de l’objet à repréfenter, l’Egypte nous en offre le
plusfenfible exemple , ainft que de la puiffance des
entraves religieulès.
Ce que l’on croit trouver d’imaginatif dans fes
monumens, fes figures, fes ftatues, n’eft autre chofe
que le réfultat néceflaire de la foibléfle humaine
dans la communication ou l’expreflion des idees.
Sa religion , forcée d’employer les Agnes des objets
matériels à la repréfentation des objets intellectuels,
interdit à l’art toute efpèce de modiAcation de
forme, dans la crainte que le Agne' ce flat d’être
Amplement Agne. Si le bon goût ne parut pas dans
fes images, c’eft que le bon fens n’en difparut
jia“m“*a“i“s..
On a befoin , fans doute , d’une caufe aufli
puiffante que cells de h religion, pouf expliquer
de la mécanique & de toutes les fciences qui
coopèrent au développement de l'art, quoiqu’amr
bitieux dans,fes monumens, & jaloux d’y imprimer
cette perfeélion mécanique dont aucun autre peuple
n’a approché , on voit l’Egyptieh pouffer jufqu’aq
plus haut excès l’hyperbole de les ftatues & de les
temples, porter au plus haut degré la ténacité de %
peinture; mais'fidèle à l’entrave refigieufe , rqfter
dans les limites de l’hiéroglyphe ou du caiatterç
facré, c’eft-à-dire, de l’écriture par figures ou des
figures littérales. ,
La politique des Egyptiens9 dit Platon ( de Legib,
1. a. ) avoit toujours entretenu la peinture dans, le
même état de médiocrité fans aucune altération &• fanq
aucun progrès. Elle, ne foitit pour ainfi dire pas dq
ftvle monochrome. Alliée à la fculpture dans les
caractères hiéroglyphiques,, elle n’y a d’autre valeup
que celle des lettres peintes ou dqrées de nos anciens
manuferits. L ’éclat dont elle brille encore dans le?
ruines des temples après tant de fiècles, attelle le
fyftême de fon itnpuiffance volontaire ou forcée. |
La fculpture égyptienne , foit de bas relief, foit
de ronde boffe, acquit toute la perfçéhon qui tient
au fini de la matière, au poli fuperficiel, à.la prér
cifion méthodique de certains détails, à la fi»ieffp
même de l ’outil, maisfur-tout à la grandeur & ?
la patience des entreprises. Toutefois comme ellp
n’eut jamais la penféé de fe mefurer avec la nature ,
il femble qu'eile ne veuille pas même qu’on la lut
foupçonne. On dirait qu’elle faite parade defontm-
paiffance apparente , comme ailleurs on voit cet
art tirer vanité de fa hardieffe. Elle ne fe permit pas
même de détacher les membres de fes ftatues Au
bloc qui les enchaîne. Ses figures, comme les caiilqs
des momies, femblent n’être que des enveloppqs
d’autres figures. C ’eft ce qu’elles font, en effet,
fous le rapport moral. Symbole de l ’immuabilite
jufque dans les moindres parties, la fculpture égyptienne
refta éternellement une écriture allégorique,
dont le fens eft perdu, mais dont l’intention ne
fauroit fe perdre. Aufli finit-elle par plaire à la
raifon à force de contrarier fe goût,
Il n’y a certainement rien de mieux connu que lé
goût et le ftyle de la fculpture égyptienne. Toutes
les ftatues qu’ à diyerfes époques on a tirées de 1 rs-
gypte, celles que les Romains en ont enlevées, enfin
tous fes morceaux de fculpture, grands ou petits ,
qui font répandus par toute l’Europe, forment un
recueil immenfe. Si l’on confronte a tous ces ouvrages
ceux que fes voyageurs ont vus & delhnes
dans le pays, & qui couvrent tous les murs des
! édifices & même les rochers, on eft force d avouer
que nous connoiftbns plufieurs milliers d ouvrages
égyptiens. La plus entière uniformité règne entr eux,
1 & quoique dans fe nombre il foit c«tarn qu'ri y en