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édifices. Ce n’elt , en effet, que dans les efcalitrs
intérieurs que l’art de la conftruâion peut fe montrer
avec tout ce qu*il comporte de difficulté & de
magnificence.
Le luxe des tfcalitrs s’eft développé affez tard
dans l’architeélure moderne. Il eft à croire que
c’cft de l’art du trait & de fa perfeâion , que
dévoient dépendre la hardieffe , la variété & l’invention
que comporte cette partie des édifices ;
peut-être la grandeur & la richeffe des tfcalitrs
dans les conftruâions en pierre font-elles, jufqu’à
sn certain point, inféparables'de la fcience du trait.
On peut aufli expliquer par les moeurs & les j
ufages de la vie domeftique , cette médiocrité à
laquelle on a vu les tfcalitrs de toutes les maifons
& des palais même, fi long-temps bornés. Le développement
des reffources & des moyens de l’archi-
re&ure , furtout à l’égard des habitations , fe
trouve fouvent arrêté par des caufes étrangères à
cet art. Nous voyons que fucceflivement le luxe des
differentes partses des bâtimens , reçoit la loi des
moeurs des différens fiècles. Or on fait, par l ’hif- <
toire des moeurs modernes, qu’avant une certaine
epoque on ne connoiffoit pas ces nombreufes &
fréquentes réunions, que le gcût de la fociété a
introduites depuis dans le commerce de la vie.
L ’on vivoit beaucoup plus ifolé & retiré chez foi ;
& les palais comme les maifons privées durent,
dans beaucoup de parties , fe reffentir de cette
manière de vivre.
Les tfcaliers qu’on voit dans les anciens palais ne
femblent avoir été conftruits que par la néceffité
& que pour l’ufage des gens feuls de la maifon. Ils
ont l ’air de ce qu’on appeleroit aujourd’hui des
tfcalitrs dérobés. Souvent ils font obfcurs, étroits
& incommodes. L’Italie qui a devancé toutes les
autres nations dans le luxe des bâtimens a, jufqu’à
une certaine époque , ufé de beaucoup de fim-
plicité dans les tfcalitrs des plus grands palais. Ceux
du Vatican en font foi. On ne parle point ici de
celui que le Bernin y a reftauré & embelli, &
dont il a été fait mention dans la vie de cet artifte.
( Voye^ Bernin ). Les anciens tfcalitrs desTuileries
& du Louvre ont quelqu’étendue, maisJeur fimplicité,
leur fituation, leur conftruâion, font fans aucun
rapport de convenance avec la richeffe d’architecture
de ces palais.
La magnificence des efcalitrs a dû augmenter en
raifon des convenances que l’ ufage a introduites
dans les habitations. Lorfque l’appartement d’honneur
ou de parade étoit celui du rez-de-chauffée,
on de voit mettre peu dfimportance aux montées
qui mènent aux étages fupérieurs. Aujourd’hui
que le premier étage eft ordinairement l’étage occupé
par les maîtres de la maifon , Y tfcalitr qui
y conduit eft devenu un objet de Juxe & de richeffe.
L1efcalierannonce affez, par fa dimenfion" & fa décoration
, le degré d’opulence des maifons & de
leurs propriétaires.
XI y a un très-grand nombre de diftijiâions à faire j
entre les diverfes efpèces d'tfcalitrs. T on tes
différentes fortes tirent leurs noms de leurs forme *
de le ur pofition ou de leur conftruâion. On ’
fera l ’énumération à la fin de cet article. n
Il eft une divifion préalable en cette matière &
qui naît de la nature de la chofe, les efcaliers font
intérieurs ou extérieurs.
Les tfcalitrs extérieurs font ceux que Pon pratique'
foit en avant des édifices, foit dans les jardins pour
monter aux terraffes ,foit dans tout autre emplace.
ment découvert, lorfqu’il s’agit d’établir unecommunication
facile entre un lieu bas & un lieu élevé j
On appelle ces tfcaliers, efcalitrs à perron.
L’art proprement dit de la c o n ftr u â io n ou Ia
fcience du trait entre pour peu de chofes dans la
c o n f t r u â io n de ces fortes d'efcalitrs. Ordinairement
ils fe bâtiffent fur des maflifs & ne demandent aucune
h a rd ie ffe . De ce genre est le célèbre tfcalitr ' de la
Trinita de monti à Rome, dans lequel on regrette
qu’un plan plus fimple & un parti plus grandiofe
n’accompagnent point la magnificence avec laquelle
il fut bâti. La diverfîté de fes perrons, les finuofttés
de fes rampes & la trop grande variété de fes
contours, diminuent de beaucoup l’effet q u ’une
aufli haute montée devoit faire aux yeux.
Tous les hommes de goût font frappés de ce
défaut furtout en comparant cet tfcalitr à celui de
YAractli. U y a encore dans ce dernier , comme on I
l’a dit, quelques débris ; mais il y règne aufli quelques
fouvenirs du Capitole. _On peut préfumer
que c’étoit un efcalitr à-peu-près femblable que les
triomphateurs montoient à genoux.
Il faut obferyer toutefois quand un tfcalitr a une
telle hauteur, de ne pas trop effrayer la vue pat
une montée direâe, & qui n’offre aucun repos. On
doit ménager des palliers de diftance en diftance
q u i, fans interrompre la grandeur de la ligne &
fans nuir à l ’effet général, délaffent ceux qui montent.
Car avant to u t , l ’art doit çonfulter le befoin
& l’intérêt de ceux pour qui il travaille. Ce feroit
une puérilité de fàcrifier à la commodité l’effet
pittorefque, & de faire des tfcaliers non pour ceux
qui.doivent les monter, mais pour ceux qui pour*
ront les deffiner.
Un grand monument en ce genre & bien entendu
dans toutes fes parties, eft le double efcalierde
l ’orangerie de Verfailles. Appareil , beauté de
conftruâion, fimplicité de plan , grandeur d’effet»
commodité & belle difpofition , on y trouve tout
ce que le befoin & le goût peuvent defirer dans
de femblables entreprifes. Cet ouvrage, ainfi que
le bâtiment, font, fans comparaifon , ce que Vei-
failles offre de plus remarquable en architecture,
Entre les tfcaliers découverts ou extérieurs & Je*
efcalitrs intérieurs, on pourroit placer une d.fle
particulière d’tfcaliers qui femblent participer à l’un
& à l’autre genre. Je veux parler de ceux qw
donnent quelquefois entrée dans le palais ou I’édincè
même , lorfque le fol de la cou* fe trouve plu*
élevé que celui de la rue. C ’eft de cette forte que
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I d6 rampes d'tfcalitrs , ornées de colonnes & de
I “ Jrie? de» donnent de la rue un. air très-magnr-
& en même-temps très-p.ttorefque a ces
I »nrs de cour. Les marbres dont fe compofent
K r t dèsrés & généralement toute leur confauftion 1 '“ ‘ .enfà cette richeffe. Plufieurs offrent des d.f-
l S io n s heuteufes & des plans -ingémeux.
I P Mais le genre i'tfcalitrs q u i, fans comparaifon ,
I (fre le plus de difficultés & demande le plus de
Lavoir, eft celui des tfcaliers intérieurs, & qui
[ condufent du ren-de-chanffée aux différens étages
| ^ ^première convenance à obferver en ce_genre
eft celle qui a rapport à leur fituation dans 1 édifice.
grand tfcalitr dans une maifon de particulier. 11 eft
effentiel d’obferver dans i’architeâure un rapport
direâ entre les parties & le tout. A in fi , 1a proportion
de l’édifice réglera l’étendue de Yefcalier.
Par l’étendue de l’tfcalitr, nous entendons 1 eipace
qu’occupe fa cage , la longueur de fes marches, oC
l’efpace renfermé entre ce qu’on appelle le mur
d’échiffre ou le limon rampant. ( Voye{ ces^ mots ).
Il faut remarquer que dans tous les genres d efcaliers
pratiqués à l’ufage des maîtres , le giron , la hauteur
Anciennement on plaçoit les tfcalitrs hors d oeuvre.
Depuis, en les plaçant intérieurement on leur a
I affiené pour efpace le milieu même du batiment.
I Tel étoit celui qu’on voyoit au Luxembourg avant
I les chaneemens qu’on a dernièrement fait fubtr a
I ce palais. Enfin , l'ufage a prévalu de les fituer fur
I le côté du veftibule , comme eft Vtfcahtr de milieu
| du château des Tuileries. On a reconnu que 1 « f i t
I lier placé dans le milieu de l’édifice obftruoit le K point de vue du jardin. . I R femble qu’il doit être affez indifférent que I Yefcalier foit placé à la droite ou à la gauche du
I bâtiment. Il y a eu même dçs architeâes qui les
! ont conftruits dans les ailes de leurs édifices.
| Toutefois la convenance demande que 1 ejealler
I s’annonce du veftibule, & foit plutôt a la droite
I qu’à la gauche; foit préjugé foit habitude, nous
K fommes portés à le chercher de ce coté. Et c elt
I ainfi que les meilleurs architeâes recommandent |
I de le fituer. . ,
Il y a des circonftances oit l’on s affranchit de
I cette règle, principalement lorfque par rapport a
r l’intérieur du bâtiment, Sc a l’expofition de fes
K afpeâs, il convient de pratiquer à droite les appar-
I temens de fociété , pour jouir du point de vue ,
I qui, très fouvent dans une maifon de piaifancë , ne
I le rencontre que de ce côté. _ ^
Une attention que l’on doit encore avoir, c eft
qu’ils foient vifibles dès le veftibule. On trouve des
autorités pour & contre ces préceptes. C a r , par
exemple, les efcalitrs des palais Farnefe , Gaëtan ,
Altieri, Caffarelli, de la chancellerie & du capitole
à Rome, font fitués à gauche; ceux du palais du
pape au Vatican & à Monte- CavaHo, ceux des palais
Borghèfe & Chigi font à droite. Cette diverfîté
prouve moins contre la convenance dont on a
parlé qu’elle ne fait voir la difficulté qu’eprouvent
/fouvent les architeâes à s’ÿ conformer.
Ce qu’on doit dire relativement aux dimenfions à
donner aux tfcalitrs , c’ eft que leur grandeur dépend
de l’étendue du bâtiment & d u diamètre des pièces.
Rien ne feroit plus contraire à la convenance que
de faire un tfcalitr principal trop petit pour monter
a des appartenons fpacieux, ou d’ériger un tro p
des marches , & celle des appuis des baluftrades
& des rampes, doivent partout être les memes. Un
obferve dans les tfcalitrs qu’on nomme moyens ,
& qui font aufli à l ’ufage des maîtres , que la longueur
des marches n’ait pas moins de quatre pieds,
afin que deux perfonnes de front puiffent defeendre
& monter commodément.
Par étendue ou grandeur dans les tfcalitrs, on
n’entend pas feulement la furface qu ils occupent.
Leur élévation fait aufli partie de cette étendue.
Cette élévation n’eft jamais moindre que de deux
étages. Souvent elle eft encore au-deffus. Il eft
mieux cependant de l’éviter. Il convient dans les
palais que les rampes ne montent qu’au premier
étage. Quoiqu’au-deflus de ces derniers on foit
obligé de pratiquer des étages fupérieurs, tels que
des attiques pour le logement des gens de la.
maifon ou pour des diftributions de petits àppar-
mens particuliers , il fuffira , pour arriver à ces
étages , d’ un petit efcalier particulier , q u i, en
même-temps, conduira aux combles ou aux terraffes.
Alors le grand tfcalitr devient fufceptible
d’un plus beau développement. Du rez-de-chauffée
on aperçoit mieux fon plafond qui ordinairement
fe termine ou en calotte ou en vouffure , avec un
entablement orné de fculpture , &c*
L’on peut dire que la diverfîté des formes des
tjcalitrs eft aufli grande que celle des bâtimens.
Anciennement on les faifoit volontiers circulaires ;
enfuite on les a fait prefque tous cairés. Aujourd’hui
on leur donne indiftinâement des^ formes
variées, félon que la diftribution du bâtiment,
l’inégalité du terrain ou "îâ fujétion des ilfues fem—
blent l’exiger. I l eft certain que les formes régulières
! méritent la préférence. Lorfque les rampes font
irrégulièrement circulaires, les girons des marches
fe trouvent inégaux, & cela eft un grand inconvénient.
Notre pas étant naturellement réglé, veut
qu’on lui préfente des efpaces également réglés,
fans quoi celui qui monte ou qui defeend eft
expofé à faire des faux pas.
Du relie, la figure des efcalitrs eft du nombre
de celles dans lefquelles on doit prendre pour règle
les préceptes de la folidité avant d’écouter les
confeils de l’imagination. Ainfi, fans avoir égard
aux exemples des tfcalitrs de la plupart des bâtimens
modernes , on ne fauroit trop recommander de
porter beaucoup de lageffe dans leur compofition.
Si quelquefois on le trouve contraint d’arrondir
les angles d’un reâangle ou d’un quadrilatère,