
quantité d’autres ouvertures plus étroites, des lointains
qui paroiffent encore plus reculés par la
manière dont on les aperçoit. On entre dans les
Champs-Elyfées par une arcade dorique, placée à
l’extrémité d’un percé. Dans l’intérieur font des
temples fituës l’un fur un endroit élevé , l’autre
dans le fond du vallon & près de la rivière. Tous
les deux font ornés des bulles des hommes célèbres
de l ’Angleterre. On y lit ces vers de Virgile ».
Hic manus oh patriam pugnando vulner■ & pajji,
Quique pii va tes & Ph.ce.bo digna Locuti
Inventas,, aut qui vitam excolucre per art es,
Quiquc fui mémo res alios fecere merendo.
« La limpidité du grand ruiffeau qui ferpente au
travers du vallon, la fraîcheur d’ un autre plus
petit qui vient s’y réunir, le vard foncé du gazon,
ces temples & ces images des grands hommes qui fe
réfléchi/Tent dans l’eau, la variété des arbres, l’éclat
de leur verdure, leurs groupes agréablement répartis
fur les petites inégalités du terrain , tout contribue
à répandre dans cette fcène un charme que l'imagination
a peine à concevoir ».
L ’artifte qui fopropofe de faire dans un jardin ce
qu’on eft convenu d’appeler un èlyfée , choifira
d’abord un canton, qui réunifie au calme de la'
fituation une riante aménité, un canton vafte ,
'dégagé & parfemé de collines. Point de chaîne de
'montagnes, mais une enceinte de monticules entre
lesquelles ^’ouvrent des perfpeétives qui préfentent
l’image de la progrelfion & de l’immenfité. Point de
cafçâdés epu troublent Je repos , point de bâtimens
qui fafient naître l ’idéë d’enceinte ou de clôture.
11 faudra, pour en faire mieux refiortir l'effet, que
les approches de 19élyfée foient un.fol aride livré
aux ronces & garni d’arbres trilles, à feuillage noirâtre.
On ne fauroit en rendre le fite avoilinant
trop fauvage.Ce font là de ces reffources que l’art
doit employer fous peine de manquer fon but.
Rien ne vaut en ce genre que par le contrafte.
Quelque foiff que l ’ârtifte emploie pour en produire
, il court toujours le rifque de n’être ni feûti
ni.compris par le commun des fpeélateurs. L’imagination
de la plupart des hommes eft fi étrangère
aux impreffions poétiques du jardinage , que les
imitations les plus heureufes de l’art des jardins
paffent devant eux & difparoiffent, fans rien dire à
leur a me. Ce n’ eft qu’un fimple fpeâacle pour les
yeux. Pour jouir des fcènes de cette efpèce , il faut
dans le fendaient une extrême facilité à recevoir les
impreffions , Si dans l’imagination une certaine
flexibilité qui corrige ou rachève ce qui manque à
Limitation pour être parfaite. Le caraélère des lieux
& de leur décoration ne fauroit jamais être représenté'd'une
manière aulfi complètement illufoire
.que dans les deferiptions des poètes. Les emplace-
jnens, les arbres & les autres objets ne font guère
ici que ce que nous avons l ’habitude de les voir ailleurs,
Quand i’artifte a fait tout ce que fon art peut
produire, encore faut-il que le fpeélateur fe prêt*
a l'illufion.
Ce qu’on appelle les Champs-Elyfées, à Paris,eft
une grande promenade plantée en quinconce
divifée en grands emplacemens deftinés à des
jeux.
EMARGER, v. ad . Ecrire en marge. Les ar-
chitedes, les experts émargent lejs mémoires des
ouvriers en les réglant. ,
EMBASEMENT, f. m. Bafe ou retraite coa.’
tinue au pied d’un édifice, laquelle eft ordinairement
d’une conftruélion fimple Si fans ornement.
. EMBELLIR , v . ad. Mot générique dont onufe
en architedure comme danis beaucoup d’autres arts.
pour dire orner, foit un édifice dans fon enfemble,
foit chaque partie dans les détails. Toutefois les
deux mots fpécialement affedés en ce genre à l’architedure
, font décorer Si orner.
EMBELLISSEMENT, f. m. C ’ell une addition
faite à un objet quelconque pour le rendre plus
beau. Tout ce que l’architedure comporte à’embtl-
lijjement fe trouve compris dans les mots confacrés
par l’ufage décoration Si ornement. (Voyez ces mots),
EMBLEME, f. m. Efpèce de figure symbolique
ordinairement accompagnée de devifos ou de quel* '
ques paroles fententieufés. (* Voyet^ allégorie,
devise ).
EMBOITER, v . ad. Enchâfter une chofe dans
une autre. On dit emboiter une porte, une table.
EMBOlTUR E , f. f. Terme de charpenterie. C’elt
dans l’affemblage d’une porte collée Si emboîtée,une
traverfe qu’on met à chaque bout pour retenir en
mortarfe les ais à tenon, collés Si chevillés. Les
emhoitures doivent toujours être de bois de chene
même aux ouvrages de-fa pin.
EMBORDURER, v . ad. Mettre une bordures
un tableau ou à un bas -relief.
EMBRANCHEMENT , f. m. Pièce de l’enraye
ure affemblée de’ niveau avec le coyer & le?
enipanons dans la croupe d’un comble.
• EMBRASEMENT , f. m. Eft l’élargiffement
qu’on fait intérieurement aux jambages d’une porte
ou d’une croifée, par une ligne oblique à la Lee
du mur, depuis la feuillure jusqu’au parement* On
devroit dire ébrdfement.
EMBRASER, v. ad. On devroit dire ebrafa
(Voyez Embrasement).
EMBRASSURE, f. f. Eff'un afiemblage carré
de chevrons à queue d’hironde, qui fert à retenir le»
languettes du pourtour d’une fouche de cheminée.
EMBRÈVEMENT. ( Voye^ assemblage ).
EMERAUDE, f* f* Pierre précieufe tranfparente
de couleur verte.
u Théophrafte rapporte qu'on trou voit dans
les annales des Egyptiens , qu’ un roi de Baby-
lone avoit envoyé , en préfent, à un de leurs rois,
un émeraude de quatre coudées de hauteur fur trois
de largeur ; qu’en outre il y avoit en Egypte, dans
le temple de Jupiter, un obélifque compofé de
quatre émeraudes feulement, dont la longueur étoit
de quarante coudées, & la largeur en partie de
quatre, en partie de deux coudées. Le même auteur
ajoute que de fon temps , Si lorfqu’il écrivoit fon
ouvrage, il y avoit à T y r , dans le temple d’Her-
cule, un pillier debout d’ une feule émeraude, à
moins que ce n’ait été du pfeudo-Jmaragdus. Car
il exilte aulfi une pierre de ce genre ; & en Chypre,
on en trouve qui ell à moitié émeraude Si à moitié
jafpe ».
« Appion, furnommé Plillonice,, a écrit depuis
peu qu’il y avoit encore à préfent, dans le labyrinthe
d’Egypte, un férapis coloffal en émeraude, de
la proportion de neuf coudées ». ( Pline, hifl. nat.
il. 37» ch. 5).
EMERI, f. m. Pierre métallique q u i, réduite
en poudre, fert à polir les marbres. \
EMINENCp, f. f . , (jardinage). C’eft une ex-
preflion générique qui fert à défigner toute élévation
dç terrain au-deffus du niveau de la plaine.
Chaque efpèce à!éminence, félon fon caraélère particulier,
prend un nom qui lui eft propre, comme
i colline, butte , montagne , &c.
Véminence plait dans les jardins, elle préfente à
la vue un plus grand horifon. Elle termine des af-
pefts, elle en ouvre elle-même de nouveaux. Quand
on la monte, elle offre des points de vue variés.
Elle donne de la majefté aux édifices qu’elle porte
fur fon fommet, & leur procure fur les penchans
des fituations douces & agréables.
Tout ce qui eft anguleux, coupé net, excavé
ou pointu, bleffe l ’oeil. La beauté de l 'éminence
dépend.furtout de fa configuration. Des lignes légèrement
ondoyantes, des penchans infenfibles , un
j fommet élégamment arrondi. & fe terminant par une
plaine, en font le charme Si le mérite.
Véminence. peut plaire même lprfqu'elle eft nue ,
pourvu que fa forme foit avantageufo ; mais garnie,
elle acquiert de nouveaux attraits. Des buiffons
«uris,difperfés fans régularité fur fes pentes , de
petits groupes d’arbuftes, quelques grands arbres
qui s élancent de. fes flancs & ombragent une partie
u laite, quel que édifice élégant au fommet; voilà
ce *1UI en eft la décoration naturelle.
EMISSARIUM , émissaire. On a traduit ainfi ,
puis quelques années, ç.e mot latin, quoique le
Didion. d'Archit. Tome II.
mot français qui lui correfpond ait une autre figni-
fication. L’ ufage feul décidera fi ce nom reliera à
ces grands ouvrages, exécutés par les Romains,. pour
la décharge de plusieurs lacs. L’emiJJarium eft , à
proprement parler, un canal de décharge.
Nous allons rendre compte des deux principaux
monuimens de ce genre, dont un remonte
aux premiers temps de la république romaine, Si
prouve à quel point les connoiffances de l’hydraulique
Si du nivellement étoient dès-lors parvenues.
De /’Emiffarium du lac d’Albane.
L ’an de Rome 355 , étant tribuns militaires avec .
la puiffance confulaire, L. Valerius Potitus, pour
la cinquième fois ; L. Furius Medullinus, pour la
troifième; M. Valerius Maximus, M. Furius C-~
millus, pour la fécondé ; & Q . Sulpicius Came-
rinus, pour la fécondé, les Romains étoient occupés
au Liège de Veies. Le récit d’un grand nombre
de prodiges fe répondit dans le camp. Toutefois,
dit Tite-Live , ces nouvelles allarmèrent peu le»
efprits. La plupart furent révoquées en doute. On
fe mit peu en peine d’en détourner les préfages> fur-
tout vu le manque d’Arufpices, occafionné par la •
guerre que l'on foutenoit contre les Etruïques.
Mais un prodige vint fixer l’attention univerfeiie.
Ses effets frappèrent d’autant plus qu’ils étoient
voifins, & qu’on n’en voyoit pas la- caufe. Ce prodige
fut l’açcroiffement extraordinaire du lac d’Albe.
Son débordement n’étoit motivé par rien de fenfi-
ble, il n’étoit point tombé de pluye.
Ce la c , connu aujourd’hui fous le nom de lac
d’Albane, eft fitué à la diftance de treize milles
de Rome , dans un balfin extrêmement profond, qui
forme, un vafte entonnoir, dont les bords fort rapides
font couverts de bois, de vignes & de maifons
de campagne. Son circuit peut être d’environ huit
milles. Il eft très-inégal dans fes profondeurs. Dans
quelques endroits, on ne fauroit, avec la fonde ,
parvenir à trouver fond; mais diverfes expériences
f ont appris qu’il y avoit des courans très-rapides
qui entraînent la fonde &en empêchent l’effet. Cela
peut fervir à expliquer les crues & les débordemens
qui donnèrent lieu au grand travail de \emiffarium.
Le prodigieux accroiffement de ce lac vers la fin
d’un été , où toutes les fources & tous les ruiflêaux
étoient à fec, effraya tellement les Romains qu’ils
envoyèrent confulter fur ce phénomène l’oracle de
Delphes. Sa réponfe fe trouva conforme à celle
d’un arufpice étrufque fait prifonnier pendant cette
guerre, & qui prédifoit aux Romains la prife de
Veies après qu’ils auroient donné un écoulement
aux eaux du lac. L’on entreprit aulfitôt le grand
ouvrage dont nous allons parler, il fubfifte encore
aujourd’h u i, fort au même emploi qui eft de décharger
le trop plein des eaux du lac d’Albane,
Si de les porter de l’autre côté de la montagne dans
les champs qu’elles fertilifent.