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s"extravafer aufli facilement & auflï abondamment
qu'il eft néceffaire de le fuppofer , pour difperfer
avec autant de profufion les fontaines fur la furface
des îles & des continens. Quand même la mer
pénétrerait certaines couches de fon fond à une
profondeur affez confidérable , on ne peut en conclure
la filtration de fes eaux dans la mafle du
Globe. Prétendre, outre cela -3 quë les goufres
qui paroiflent abforber l’eau de la mer foient les
bouches- de ces canaux fouterrains, c’eft s’attacher
à des apparences pour le moins incertaines ,
comme nous le verrons par la fuite.
On n’a pas plus de lumières fur ces grands réfer-
voirsou ces immenfes dépôts, qui, félon quelques
auteurs , fourniffent l’eau à une certaine portion
de la furface du Globe i fur ces lacs fouterrains
décrits dans Kircher (Mund. fubterr.') fous le nom
d’hydropkilacia s & dont il a cru devoir donner des
plans pour raffurer la crédulité de ceux qui feroient
portés à ne les pas adopter fur fa parole.
2°«. Quand leur exiftence feroit aufli certaine
qu’elle eft douteufe à ceux qui n’imaginent pas
gratuitement, il ne s’enfuivroit pas que ces lacs
euffent une communication avec la mer. Les lacs
fouterrains que l’on a découverts, font d’eau douce.
Au lurplus, ils tirent vifiblement leurs eaux des
couches fupérieuresdelà Terre. On obferveconf-
tamment, toutes les fois qu’on vifite des fouterrains
, que les eaux fe filtrent au travers de l’épaif-
feur de la croûte de terre qui leur fert de voûte.
Lorfqu’on fait un étalage de ces cavernes fa-
tneufes , par lefquelles on voudroit nous perfuader
l ’exiftence & l ’emploi de ces réfervoirs fouterrains
, on nous donne lieu de recueillir des faits
très-décififs contre ces fuppofitions} car la caverne
de Baumania, fituée dans les montagnes de
la forêt d’Hircinie , celle de Podpetfchio dans la
Carniole, celles de la X io vie , de la Podolie,
toutes celles que Scheuchzer a eu lieu d’examiner
dans les Alpes, celles qu’on trouve en Angleterre,
font la plupart à fe c , & l’on y remarque tout au
plus quelques filets d’eau qui viennent des voûtes
& des congélations formées par les dépôts fuccef-
fifs des eaux qui fe filtrent au travers des couches
fupérieures. La forme des fluors, la configuration
des ftalaétites en cul de lampe, annonce la direction
des eaux goutières. Les filets d’eau & ces ef-
pèces de fontaines tarifTent par la féchere ffe, comme
on l’ a remarqué dans les caves de l’Obfervatoire &
dans la grotte d’Arcy en Bourgogne , dans laquelle
il paffe , en certain tem$, une efpèce de torrent qui
traverfe une de fes cavités. Si l’on examine l ’eau
des pluies & des fources, on trouvera qu’elle a
des propriérés dépendantes de !a Nature des couches
de terres fupérieures au baflin qui contient les
eaux. Dans la ville de Modène-, & à quatre milles
aux environs-, en quelqu’endroit que l’on fouille,
lorfqu’on eft à la profondeur de foixante-trois
pieds, & qu’on a percé la terre, l’eau jaillit avec
une fi grande f o r c e q u ’elle remplit les puits en
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peu de tems, & qu’elle coule même continuellement
par-deffus fes bords. O r , cet effet indique un
réfervoir fupérieur au fol de Modène , qui élève
l’eau de fes puits au niveau de fon terrain, & qui
par conféquent doit être placé dans les montagnes
voifines. Et n’eft-il pas plus naturel qu’il foit le
produit des pluies qui tombent fur les collines &
les montagnes de Saint-Pelerin, que de fuppofer
un effet de filtration ou diftillation des eaux de la
mer, qui ait guindé ces eaux à cette hauteur pour
les faire remonter au niveau du fol de Modène?
Ainfi l’on n’a aucun fait qui établi ffe des évaporations,
des diftillations oudes percolations du centre
du Globe à la circonférence ; mais au contraire ,
toutes les obfervations nous font remarquer des
filtrations dans les premières couches du Globe.
3°. Les merveilleux alambics, la chaleur qui entretient
leur travail, le froid qui condenfe leurs
vapeurs, la direction du col du chapiteau ou des
aludels d’ afcenfion, qui doit être telle qu'elle empêche
les vapeurs de retomber dans le fond de la
cucurbite , &: de produire par-là une circulation
infruétueufe, combien de fuppofitions pour réunir
tous ces avantages! Comment le feu feroit-il affez
violent pour changer en vapeurs cette eau falée &
pefante qu’on tire de la mer, & la faire monter juf-
qu’aux premières couches de la Terre? Le degré
de chaleur qu’on a eu lieu d’obferver dans les fouterrains
n’eft pas capable de produire ces effets.
Quelle accélération dans le travail, & quelle capacité
dans l’alambic n’exigeroit pas 1^ diftillation
d’une fource aufli abondante que celles qu’ on rencontre
affez ordinairement!L’eau, réduite en vapeur
à la chaleur de l'eau bouillante, occupant uw
efpace quatorze mille fois plus grand, les eaux ,
réduites en vapeurs & comprimées dans les cavernes
, font plus capables de produire des agitations
violentes que des diftillations. D’aiileurs, fi
le feu eft trop violent dans les fouterrains, l’eau
fortira falée de la cucurbite, & c .
4°. Après une certaine interruption de pluies ,
la plupart des fontaines , ou tariffent, ou diminuent
confidérablement, & l’abondance, reparoît dans
leur baflin après des pluies abondantes ou laffonte
des neiges. Or, fi unfouterrain fournit d’eau les réfervoirs
des fources, que peut opérer la température
extérieure pour en ralentir ou en accélérer
les opérations ? Il eft vrai que certains phyficiens
ne difconviennent pas que les eaux pluviales ne
puiffent , en fe joignant au produit des canaux
■ fouterrains, former, après leur réunion , une plus
grande abondance d'eau dans les réfervoirs, & y
faire fentir un déchet confi-.iérable par leur fouf-
traéfcion ; mais, après-cet aveu, ils ne peuvent fe
difiimuler que les eaux des pluies n’influent très-
vifiblement dans les écoulemens des fontaines ,
& que cet effet ne foit une préfomption très-forte
pour s’y borner, fi le produit des pluies fuffit à
l'entretien des fources, comme nous le ferons
voir par la fuite. Woodward prétend qu'il y a ,
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lors des pluies , moins de difllpation dans les couches
du Globe, où fe raflemblentles eaux évaporées
de l’abîme par leur feu central, & que la féche-
reffe fournit une tranfpiration abondante de ces
vapeurs. Ceci feroit recevable fi la circulation des
eaux dans les couches qui peuvent reffentir les dif-
férens effets d e l’hamidité;& de la féchereffe nefe
faifoit pas de la circonférence au centre ou dans la
direélion des couches qui .contiennent les eaux.
f ° . Pourquoi l’eau de la mer iroit-elle chercher
le centre, ou du moins les endroits lès plus élevés
des continens, pour y entretenir les fontaines ?
Defcartes nous répondra qu’ il y a fous ces montagnes
& fous ces endroits élevés , des alambics j
mais de la mer à ces prétendus alambics, quelle
correfpondance a-t-il établie? Ne feroit-il pas plus
naturel que les fources fuffent plus abondantes fur
les bords de la mer, que dans le centré des terres
& dans les plaines, que dans les pays'montueux?
Outre qu’on ne remarque pas cette difpofition
dans les fources, la grande quantité de pluie qui
tombe fur les bords de la mer feroit la caufe naturelle
de cet effet fi le terrain étoit favorable aux
fources.
: 6°. Il refte. enfin une dernière difficulté : i° . le
réfidu des Tels dans l'eau fe dépouillant ou par diftillation
ou par filtration, ne doit-il pas avoir formé
des obftruétions dans les canaux fouterrains , &
avoir enfin comblé depuis long-tems tous les alambics
? 2°. La mer, par ces dépôts, n’a-t-elie pas
dû perdre une quantité prodigieufe de fes fels?
Pour donner une idée de ces deux effets il faut apprécier
la quantité de fel que l’eau de la merauroit
dépoféedans les cavités, & dont elle fe feroit réellement
appauvrie. Il paroît, par les expériences
de M. le comte de Marngly, de Halley & de Halles,
qu’une livre d’eau de la mer tient en diffolution
quatre gros de,fel, c’eft-i-dire, un trente-deuxième
de fon poids. Ainfi trente-deux livres d’ eau pro-
duifent une livre de fel, & foixante-quatre en donneront
deux. Le pied cube d’eau pefant foixante-
dix livres, on peut, pour une plus grande exactitude
, compter deux livres de fel dans ces foixante-
dix. Nous partirons donc de ce principe , qu’un
pied cube d’eau douce doit avoir dépofé deux livres
de fel avant de parvenir à la fource d’une
rivière. O r , s'il paffe fous le Pont-Royal , fuivant
la détermination de M. Mariotte, deux <cent
quatre-vingt-huit millions de pieds cubes d’eau
en vingt-quatre heures, cette quantité d’eau aura
dépofé fous terre cinq cent foixante-dix-huit millions
de livres de fel.
Cependant, comme ceux qui admettent la circulation
intérieure de l’eau de la mer conviennent
que les pluies groffîffent les rivières i nous réduirons
ce produit à Ja moitié j ainfi , l’eau de la
Seine laiffe chaque jour , dans les entrailles de la
Terre,.deux cent quatre-vingt-huit millions de-livres
de fel, & nous aurons plus de cent milliards de
livres pour l’anoée; mais qu’ eft-ce que la Seine,
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comparée avec toutes les rivières de l ’Europe, &
enfin du Monde entier? Quel amas prodigieux de
fel aura donc formé, dans des canaux fouterrains,
la maffe immenfe d'eau que les fleuves & les rivières
déchargent dans la mer depuis tant de fièdest
( V o y e i Salure >& Mer. )
On peut réduire à trois cîaffes les phyficiens qui
ont effayé de répondre à ces difficultés.
I. M. Guaitieri (Journ desSav. ann. I j l $, juin) ,
dans des réflexions adreffées à M. Valifnieri, exige
feulement qu’on lui accorde deux propofitions :
la première, qu’ il fe trouve au fond de la mer une
terre particulière ou un couloir au travers duquel
l’eau de la mer ne peut paffer fans fe dépoqiller de
fon fel j la fécondé, que l’eau de la mer fait équilibre
à une colonne d’eau douce, qui s’infioue danj»
l ’intérieur du Globe à une hauteur qui eft en raifon
inverfe de fa pefanteur fpécifique , c’eft-à-dire ,
dans le rapport de cent trois à cent. Pour étab’ir
fa première propofition, il allègue l’analogie des
filtrations des fucs dans les animaux & dans les végétaux
, & enfin l'adouciflement de l’eau de la mer
par évaporation. C e qui embarraffe d’abord, c’ eft
defavoir où les feis fe dépoferont dans le filtre particulier
qui aura la vertu d’adoucir l’eau de la mer.
Dans les animaux, les fucs qui n’entrent point dans
certains couloirs font abforbés par d’ autres : fans
cela il feformeroit desobftru&ions, comme il doit
s’en former au fond de la mer.
En fécond lieu , fi la-eolonne d’eau fouterraine
eft en équilibre avec celle de l’eau marine, par
quelle force l’eau pénétrera-t-elle les couloirs?
D’ailleurs, fi l’on fuppofe que la mer eft aufli profonde
que les montagnes font élevées , le rapport
de pefanteur fpécifique de cent à cent trois, qui
fe trouve entre l’eau douce & l’eau falée, ne peut
élever l ’eau douce qu’au de la hauteur des
montagnes j ainfi elle ne parviendra jamais au fom-,
met même des collines de moyenne grandeur.
IL D’autres phyficiens n’ont pas été alarmés des
blocs de fels aufli énormes que la mer doit dépofer
dans les entrailles de la Terre : leur imagination a
été aufti féconde pour creufer des alambics & des
canaux fouterrains , que l’eau falée peut être active
pour combler les uns & boucher les autres ;
elle a formé un échaffaudage de nouvelles pièces
qui jouent félon les voeux & félon les befoins du
fyftème.
On a rencontré, dans l’Océan & dans certains
détroits ou mers particulières, des efpèces de>
goufres où les eaux font violemment agitées, &
paroiflent s'engloutir dans des cavités fouterraines
qui les rejettent avec la même violence. Le plus
fameux de ces goufres eft près des côtes de la Laponie
& dans la mer du Nord * il engloutit les baleines,,
les vaiffeaux, & c . , & rejette enfnite les
débris de tout ce qu’il paroît avoir abforbé. On en
place un autre près de »’île d’È u b ie , qui abforbe
& rend les eaux fept fois en vingt-quatre heures :
cçlui de Carybde, près des côtes de la Calabre ,