
prefque tout nus. Il y i auffi , dans cette même île ,
une race d'hommes nains. ( Koyrr L'article Mada-
GASCAR.)
Il paroi t , par tout ce que nous venons de rapporter
fur les différens peuples du Continent
d'Afrique & des îles voifines, que les Nègres proprement
dits font différens des Cafïies, qui font
des Noirs de race différente. Mais ce qse ces
détails indiquent encore plus clairement > c'efl que
la couleur dépend principalement du climat, 6c
que les traits dépendent beaucoup des coutumes
ou des ufages ou font les différens peuples , de
s’écrafer le nez , de fe tirer les paupières, de
s'alonger les .oreilles, de fe groilir les lèvres, de
s ap«atir le v ila g e , & c . Rien ne prouve mieux
combien le dimat influe fur la couleur, que de
trouver fous le même parallèle , à plus de mille
lieues de diÜance, der peuples aufli femblablts que
le font les Nubiens & les Sénégalois} de voir que
les H ottentots, qui n on t pu tirer leur origine que
de nations noires, font cependant les moins noirs
dé tous les peuples de l’Afrique, parce qu’en effet
ils font dans le climat le plus froid de cette partie
du Monde. Et fi l’on s’étonne de ce q ue , furies
bords du Sénégal, on trouve , d’un côté , une
nation bafanée, &- de l’autre une nation entièrement
noire , il faut obferver d’abord que la
nation bafanée eft diltribuée, partie fur les montagnes
& partie dans les plaines, & qu’elle change
pat conféquent affez fouvent de climat pour ne
porter qu’ une imprefiion modérée de la chaleur
des plaines. Joignez encore â cela la différence de
nourriture, qui doit réfulter de la différence 6c
du changement affez fréquent de climats.
* L’origine des Noirs a dans tous les tems fait une
grande queftion. Les Anciens, qui neconnoilioient
guère que ceux de la N u b ie , les regardoient
comme faifant la dernière nuance des peuples ba-
fanés, 6c ils les confondoient avec les Ethiopiens j
& les autres nations de cette partie de l’Afrique,
qui , quoiqu’extrêmement bruns, tiennent plus
de la race blanche que de la race noire. Ils pen-
foient donc que la différente couleur des hommes
ne provenoit que de la différence du climat, &
que ce qui produifoit la noirceur de ces peuples
étoit l'ardeur exceffive du foleil, à laquelle ils font
perpétuellement expofés. Cette opinion , qui eft
rrès-vraifemblable, a fouffert quelque üifhculté
lorfqu’on a reconnu au-delà de la Nubie , dans un
climat encore plus méridional 6c fous l’équateur
même, comme à Mélinde & àMonbaza, que la
plupart des hommes ne font pas noirs comme les
Nubiens, mais feulement fortbafanésj & lorfqu’on
eut obferyé qu'en tranfpomnt des Noirs de leur
climat brûlant dam des pays tempérés , ils n’ont
rien perdu de leur couleur, & l’ont également tranf-
mife à leurs defcendans.Mais.fi l’on fait attention,
d ’un, cô té , à-la migration des différens peuples, &
de l'autre au tems qu’ il faut pour noircir ou pour
bianebiç une, race , on verra facilement que tout
peut réconcilier avec le fentiment des Anciens j câf
les habitans naturels de cette partie de l’Afrique
fonties Nubiens, qui font noirs, & qui demeureront
perpétuellement noirs tant qu’ils habiteront
i ciimàt 8c qu’ils ne fe mêleront pas avec
les Blancs. Les Ethiopiens au contraire, les Abyf-
iins & meme ceux de Mélinde , qui tirent leur
origine des Blancs, puifqu’ils ont les mêmes ufages
que les Arabes, 6c qu'ils leur reffemblent par la
couleur, font à la vérité plus bafmés que les
Arabes méridionaux ; mais cela prouve que , dans
une meme race d'hommes, le plus ou le moins de
noir dépend de la plus ou moins grande ardeur
du climat. Il faut peut-être plufîeurs fîècles & une
lucceffion d’un grand nombre de générations pour
qu une race blanche prenne par nuance la couleur
brune , & devienne enfin tout-à-fait noire.1 Il y
a grande apparence qu'avec le rems , un peuple
blanc, tranfporté du nord à l’équateur, pour-
roit devenir brun 6c même tout-à-fait noir fi 'y
en changeant de climat,' ce peuple changeoit de
moeurs, 8c ne fe fervoit, pour nourriture, que des
productions du pays chaud dans lequel il auroit été
tranfporté.
L objection qu’on pourroit faire contre cette
opinion 6c qu on voudroic tirer de la différence
des traits, ne paroit pas bien forte } car on peut
répondre qu il y a moins de différence entre les
traits d un Nègre qu’on n’aura pas défiguré dans
fon enfance, & les traits d’un Européen, qu’entre
ceux d un Tartareou d’ un Chinois , & ceux d’un
Circadien ou d’ un Grec.
A l égard des cheveux, leur nature dépend fi
fort de celle de la peau , qu’on ne doit les regarder
que comme faifant une différence très-accidentelle.
Puifqu’on trouve dans le même pays 6c dans la
■» hommes qui , quoique blancs ,
ne laiflent'pas d avoir des cheveux très-differens
les uns des autres, au point qu’ on voit même, en
France, des hommes qui les ont aufli courts & aufli
crépusque les Nègres , & que d’ailleurs on voit que
Je climat, le freid & le chaud influent fi fort
fur la couleur des cheveux des hommes 6c du poil
des animaux , qu il n’y a point de cheveux noirs
dans les royaumes du nord, & que les écureuils,
les hevres, les beletes & plufieures autres animaux
y font blancs, tandis qu’ils font gris ou
bruns dans les pays moins froids. Cette différence
, qui efl produite par l'influence du froid
ou de l i chaleur, eft meme fi marquée, q ue,
dans la plupart des pays du nord , comme dans la
bueue, certains animaux, tels que les lièvres, font
tout gris pendant l’été , & tout blancs pendant
1 hiver. r
Mais il y a une autre raifon qui paroît beaucoup
pi fis forte contre cette opinion : c’eft qu’on
î/r e j ° UVj rt un Continent entie r, un nouveau
Monde, dont la plus grande partie des terres habitées
fe trouvent fituées dans la zone torride, &
ou cependant il ne fe trouve pas un homme noir,
tous les habitans de cette partie de la Terre étant
plus ou moins rouges , plus ou moins bafanés ou
couleur de cuivre } car on auroit dû trouver aux
îles Antilles, au M exique, au royaume de Santafë,
dans la Guiane, dans le pays des Amazones & dans
le Pérou, des Nègres ou du moins des peuples
noirs, puifque ces pays de l’ Amérique font limés
fous la même latitude que le Sénégal, la Guinée
& le pays d’Angola dans l’Afrique. On auroit dû
trouver au Bréfil, au Paraguay, au C h ili , des
hommes femblables aux Caffres, aux .Hottentots ,
fi la feule diftance du pôle étoit la çaufe de la
couleur des hommes ; mais avant d’expofer ce
qu’on peut dire à ce fujet, je crois qu’il eft né-
ceffaire de confidérer tous les différens peuples de
l’Amérique, comme on a confidéré ceux des autres
parties del’ ancienContinent&furrout de l ’Afrique,
après quoi nous ferons en état de faire de juftes
comparaifons 6c d'en tirer des réfultats généraux.
Amérique,
En commençant par le nord, on trouve, comme
nous l’avons déjà d it , dans les parties les plus fep-
tentrionales de l’Amérique, une race d’hommes
affez femblables aux Lapons d’Europe & aux Sa-
rtioïèdes d’Afie} 6c quoiqu’ ils foientpeu nombreux
en comparai fon de ceux c i , ils ne laiffent pas d’être
répandus dans une étendue de terrain très-confidé-
rable. Ceux qui habitent les côtes du détroit de
Davis font petits & d’ un teint olivâtre : ils ont
les jambes courtes & greffes j ils font habiles pêcheurs
j ils mangent leur poiffon & leur viande
crus : leur boiffon eft de l’eau pure ou du fang de
chien de mer. Ils font crès-robuftes & vivent très-
long-tems. Voilà , comme l’on v o it , la figure , la
couleur & les moeurs de nos Lapons. Bien plus,
de même qu’on trouve auprès de ces Lapons les
Finnois, qui font fort blancs, bien faits & grands,
on trouve auffi auprès de ces Lapons d’Amérique,
une antre race d’hommes, grands , bien faits 6c
affez blancs, avec lés traits du vifage réguliers.
Les fauvages de la baie d’Hudfon 6c du nord
de la terre de Labrador ont beaucoup de reffem-
blanee avec ces premiers > ils font laids, petits , ;
niai faits , ont les mêmes moeurs. L’ hiver ,• ils
vivent fous terre comme les Lapons & les Samo- '
tèdes} ils vivent aufli fort long tems, & ils ne fe !
nourriffent que de chair & de poiffon crus. Les !
fauvages de Terre-Neuve reffemblent affez à ceux !
du détroit de Davis > ils font de petite tarife} ils j
n’ont que peu ou point de barbe : leur vifage eft !
large & p la t> leurs y ?ux font g r o s & ils font
affez généralement camus. Nous appellerons ces
fauvages, Efyuimaux. M. Hearne en a aufli trouvé ‘
dans les terres les plus feptentrionafes de l’Amé- i
rique, affez près des cotes de l’Océan, qu’il a reconnues.
^
Au deffous de ces fauvages on trouve d’autrfes I
tauvages plus, nombreux. 6c tout différens des J
j premiers. Ces fauvages font ceux du Canada & de
toute la profondeur des terres, jufqu’aux Aflini-
boêls. Ils font tous affez grands, robuftes, forts
& affez bien faits : ils ont tous les cheveux 6c le*
y?ux noirs, les den.es très-blanches , le teint bafoué,
peu de barbe, & point ou prefque point de
poil en aucune partie du corps > ils font durs & infatigables
à la marche, très légers à ia courfe ; ils
fopportent aufli aifement la faim que les plus grands
excès de nourriture} ils font hardis, courageux,
fiers, graves 6c modérés } enfin , ils reffembfenc
fi fort aux Tartares orientaux par la couleur de
la peau , des cheveux 6c des yeux , par le peu de
barbe & de poils, & aufli par 1e naturel 6c fes
moeurs, qu’on les croiroit iflus de cette nation ft
on ne les regardoit pas comme féparés les uns
des autres par un détroit affez large. Ils font aufli
fous la même latitude} ce qui prouve,en paffant ,
conribiên le climat influe fur la couleur 6c fur les
principaux traits des hommes. En un m o t, on
trouve dans le nouveau Continent comme dans
l’ancien, d ’abord des hommes au nord, femblables
aux Lapons, 6c aufli des hommes blancs 6c à cheveux
blonds, femblables aux peuples du nord do
l’Europe ; & enfin les fauvages du Canada & de
toute la terre-ferme jufqu’au golfe du Mexique,
qai reffemblent aux Tartares par tant de traits ,
qu’on ne doureroit pas qu’ils ne fuffent Tartares
en effet. La difficulté de la migration- eft bien peu-
de chofe, depuis que I’on connoît le détroit de
Boering & l étendue de la mer qu’ila fallu franchir*
D’ailleurs, on n’ a trouvé, dans cette étendue de
terresimmenfes, qu’un fi petit nombres d’hommes,.
& qui étoient fi peu civilifés, qu’on ne peut guère
fe refufer à croire que toutes ces nations fauvages
ne foient de nouvelles peuplades produites par
quelques individus échappés d’un peuple plus nom-
breux.En général, l’Amérique, fi l’on ne confidèr®
que les contrées réduites aux habitans naturels
dont il eft ici queftion, eft fi déferte, qu’on ne
rencontre des habitations de fauvages qu’ a des distances
extrêmement grandes fes unes des autres i.
&dans h fquelles il n’y avoir fouvent qu’une feule
famille, quelquefoiscleux ou rrois, mais rarement
plus de vingt perfonnes enfemble. Il eft vrai que ,,
le long des fleuves 8c dés lacs qu’on a remontés ,
on a trouvé des nations fauvages/, compofées d’un
bien plus grand nombre d hommes} mais ces nations
fe rédurfent encore à trois ou» quatre mille1
perfonnes,qu’ondoie confidérercomme répandues»'
fur un efpace de terrain fouvent plus- grand que-
le royaume de France. Comme c’eft le nombre des*
hommes, augmentés à urr certain poinr, qui produit
prefque néceffairement la fociécé, il eft è
préfumer que , comme l’on n’a- trouvé dans toute
cette partie de l ’Amérique aucune nation civilifée,.
le nombre des hommes y étoit trop petit, & leur
etabliffement dans ces contrées txop nouveau»
pour qu’ ils aient pfffentir h nélceffité ou fes avantages
de fe réunir enfoefeté } car quoique ces