
Il en eft des fources des pays de montagnes volcaniques
de la moyenne époque, comme de celles
qu’on voit dans les pays de granits , intactes : ce
font des fuintemens multipliés & qui fe mon-»
trent au pied des culots , comme à l’extrémité des
différens courans : c’eft de leur réunion que fe
forment les ruifTeaux qui circulent fur les plateaux
& le long des courans.
Lorfque ces courans abforbent, par des fentes
multipliées , Veau fuperficielle , & qu’ ils font en-
caiffés au fond des vallons, ils donnent à leurs
extrémités des fources abondantes comme les courans
modernes : il y en a même qui ont de fem-
blables fources fur les côtes , lorfqu'ils font guindés
fur des fommets qui mettent ces côtes à découvert
; mais fur les revers des monts Dor les courans
ne donnent point de fources ni le long de
leurs flancs ni à leurs extrémités, parce que les
terres cuites ont fermé toutes les iffues & toutes
„les ouvertures par lefquelles Veau , dans les courans
modernes, peut gagner le deffous des laves,
fe raffembler & circuler à la furface du fol intaét,
qui la confervé toute entière.
Les fources qui fortent de l’extrémité des courans
modernes ont plutôt l’apparence de ruifTeaux
qüi, ayant eu un cours à couvert de la lave, fe continuent
au-delà & à leurs extrémités. Les cantons
d’Auvergne, où fe trouvent les ruifTeaux les plus
abondans & les plus multipliés, font ceux qui font
couverts des courans anciens & modernes : les
uns les montrent plutôt à leur furface, les autres
les confervent fous une croûte très-alongée, qui
s’oppofe à l’évaporation de Veau, en même tems
qu’elle leur livre un paffage & des routes fuivies
fouterraines.
11 faudroit une defcription générale & un plan
de tous les ruifTeaux qui circulent dans les monts
Dor & dans les environs du Puy-de-Dôme : on
pourroit enfuite y ajouter les eaux courantes du
Salers & du Cantal, ainfi que celles du Cezallier.
On feroit étonné combien ces divers cantons font
abondans en ruifTeaux qui coulent fort rapidement j
ce qui fournit une quantité d'eau énorme aux rivières
principales qui en fortent j & f i , à furface
ég a le , on comparoït un canton dans le granit,
on y trouveroit une différence fort grande.
S E C O N D E P A R T I E .
E A U X C O U R A N T E S A L A SU R F A C E DE
L A T E R R E .
Puifque les eaux dégradent les maflifs terreux,
foit en les délayant ou bien en les minant par leur
c h o c , & qu’elles dégradent même les rochers
par la feule àdtion de l’humidité , qui, les pénétrant,
en gonfle les parties & les oblige à s ’éclater
& à fe défunir, il arrive donc que les rivages, fuf-
ceptibles d’être attaqués, s’ébouleront s’ils font
de terre, & s’écrouleront s’ils font de rocher. Les
terres délayées dans les eaux feront emportées, &
les rochers, en roulant les uns fur les autres, fe
briferont avant d’être parvenus au courant. S’ ils
s’arrêtent, les points du canal où ils repofent,
fans celle minés, les forceront de rouler plus loin,
& par cette marche fuccefiive l’eau les conduira,
fans grands efforts , à des diftances très-éloignées
de leur origine. C'eft ainfi que tous les décombres
des rivages ont une tendance générale pour fe
rendre dans le courant. Là les eaux ayant toute leur
force, laquelle s’accroît même par cette réfiflance,
leur maffe fera d’autant plus expofée à fe brifer &
à s’ ufer par le roulis. Comme leur cours devient
irrégulier, ces mafTescomminuées doivent prendre
une direction oblique au grand courant. La pref-
fion latérale des eaux les en écarte^de plus en plus,
& les détermine à fe porter ou contre les parties
raillantes ou dans les parties voifines, où, fe traînant
fur les pentes, elles parviendront à former des
bancs immobiles.
I! fuit de tout ce que nous venons d’expofer,
que les décombres des rivages, tranfportés & dé-
groflis par les eaux courantes, doivent :
i° . Se trouver dans des portions où les eaux
ont pu couler en force, comme le long des bords
des anciens lits, fur les pentes des angles faillans,
dans les fonds de cuve des vallons & des vallées,
ou dans les plaines$
2°. Être plus petits & en plus grande quantité,
à proportion de l’éloignement des lieux de leur
origine ;
3°. Être dégroffis à un certain p oint, fuivant
ja nature des pierres primitives.
On peut donc conclure que, de quelque matière
que foient les pierres qui réuniront ces trois conditions,
elles devront leur forme, leur tranfport
& leur dépofîtion aux eaux courantes, & qu’elles
feront des témoins irrévocables de leur paffage
dans ces lieux ; .& puifque la defcription des montagnes
du Dauphiné fait mention de décombres
qui ont ces caractères, ils forment tous feuls des
preuves convaincantes du travail des eaux dans les
deux groupes.
Je diftingue avec foin ces décombres en pierres
perdues & dégroffies, en galets ou cailloux roulé
s , polis & arrondis, lefquels fe trouvent fouvent
dans les vallées des grandes rivières , & même
dans certaines couches de la terre : c’ eft par cette
raifon que l’on trouve fouvent de ces galets de
pierres dures dans les rivières , même les plus
grandes, & le long des côtes de la mer, quoique
ces rivières coulent ou bordent des contrées où
l’on ne rencontre que des pierres à chaux, ou
tout au moins qui ne font nullement de la qualité
de ces cailloux. 11 faut donc qu’ils y aient été
amenés & dépofés par d’autres eaux que par celles
des rivières auprès, defquelles ces galets font dépofés.
Je dirai quelque jour à quelles circonftan-
ces il convient de rapporter les amas qu’ on en
trouve, & qui ne peuvent être les effets des eaux
courantes.
A l’égard des terres, étant délayées dans toute
la maffe , elles font pour ainfi dire corps avec
elles, & doivent conféquemment en fuivre le cours
avec uniformité } mais il eft à croire qu’auffitôt
que la force impulfive qui les entraîne, ne furmon-
tera plus celle de leur pefanteur fpécifique, ces
terres fe précipiteront, & couvriront les corps dépofés
avant elles, à caufe de leur plus grande pefan -
teur} mais ces dépôts doivent fe faire fuivant un
ordre qu’il faut expliquer.
Les [parties des corps délayés par les eaux font
à peu près réduites à leur plus petit volume : ainfi
la dépofition des matières entraînées doit- fe faire
fuivant la loi de la pefanteur fpécifique $ & comme
les élémens de pefanteur égale font de même nature
, & par conféquent au moins à peu près de
forme pareille , toutes les parties les plus pefantes
fe précipitent les premières , & ainfi de fuite ,
félon l’ordre de leur pefanteur. Le dépôt doit
être uniforme, c ’elt- à-dire, d’ une égale épaiffeur :
d’où il fuit qu'il prendra la forme des furfaces
qu’ il recouvrira. Mais le mouvement des eaux,
foit durant le dépôt ou bien après, peut altérer
ou changer cet ordre > la preffion ou le poids de
leur volume peut comprimer une partie plus que
l’autre ; l’agitation peut déranger ces couches encore
molles ; enfin le courant, qui tend toujours
à rafer tout ce qui s’élève au deffus du niveau
général du plan.
L’effet des eaux courantes , par rapport aux
terres & aux fables, eft donc :
i° . De les dépofer plus tard que les pierres &
autres corps dégroffis , mais moins comminués
que les terres & les fables j
2°. De faire lés dépôts uniformes, d’ égalifer
les fuperficies, foit horizontales, foit inclinées
où bien arrondies.
Par la defcription des groupes, les pentes des
montagnes couvertes de terres, les fonds des
vallons & des vallées ont ces difpofitions du haut
en bas, fauf les altérations inévitables que le tems
y imprime journellement.
Autres preuves de l’a&ion des eaux courantes :
Toute eau courante doit avoir une iffue vers un
point beaucoup plus bas que celui d’où elle découle
, fans quoi les eaux accumulées fortiroient
de leur lit.
Raffemblons maintenant les effets d’ une eau
Courante.
i° . La forme tortueufe des lits , la correfpon-
dance & l ’arrondiffement des parties faillantes &
rentrantes i
2°. La difperfion ou l’amas des pierres à des
diftances confidérables des maffes dont elles ont
fait partie, leur dégrofliffement, leur diminution
en proportion de l’éloignement ou du trajet
qu’elles ont fait dans l’eau j
3°. La forme unie des pentes formées de terres
ou de fables, l ’applaniffement des vallons ou des
plaines ;
4°. L’iffue de leur lit vers un point plus bas, &
la diminution de largeur jufqu’à fon origine.
Comme perfonne ne peut contefter que l’eau
feule peut être la caufe de tous ces effets , on ne
peut s’empêcher de les reconnoître partout où ils
fe trouvent, & de les lui attribuer.
Les effets que je viens de détailler ne réfultent,
à proprement parler, que de Taétiond’ un feui courant.
Toutefois l’afpecl feu! des montagnes indique
que leurs formes font dues aux efforts combinés
d’ un grand nombre de ces courans. Il eft
donc néceffaire d’examiner ce qui doit réfulterde
cette combinaifon.
Si Ton fuppofe que les courans entraînent des
terres , des fables & des pierres, on pourra remarquer
:
i° . Que les pierres pourront s’accumuler fur les
bords d’ un des courans particuliers , ou bien fe
jeter daus l ’angle mort du confluent, là s’y accumuler
, & prolonger la pointe du b e c , & , par la
grandeur & la réfiftance du dépôt , éloigner le
confluent >
2°. Le même effet peut arriver aux fables & aux
terres qui recouvriront les pierres déjà dépofées,
comme nous venons de le dire.
On peut donc tirer de là deux cara&ères m-
conteftables pour reconnoître & noter les excavations
& les dépôts produits par le concours des
eaux courantes, tels que :
i° . L ’ inclinaifon des lits qui fe joignent vers un
même point de réunion , & la pente de ce lit
commun vers un point plus bas}
2°. L’efpèce de baffin produit par les embouchures
des trois lits & par le reflux des eaux ;
3°. L’abaiffement du terrain compris dans l’angle
du confluent, qui fe talude de tous côtés , &
fe termine par l'angle ou par le becj
4°. Les amas, foit de pierres ou de fables & de
terres , au confluent & aux embouchures particulières.
Que Ton imagine maintenant qu’ un terrain foit
traverfé par plufieurs courans, félon des dire&ions
diverfes. En commençant l’examen par les parties
les plus élevées, on remarquera :
i ° . Que chacun fe tracera un l i t , & continuera
d’y courir jufqu’ à ce qu’il foit arrivé au point le
plus bas. Plufieurs dans leur marche fe rencontreront,
& prendront, à la fuite de cette réunion, une
direction analogue au terrain & à la force abfolue
de chacun. Leurs eaux réunies pourront en rencontrer
d'autres, & les mêmes lois s'exécuteront.
Enfin, parvenues à ce terrain inférieur, toutes
ces eaux continueront de couler dans un lit proportionné
à leur volume.
Maintenant fi Ton fuppofe que le terrain ait été