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à trouver en partie ; mais comme ces révolutions
font néceffaires, puifque tout prouve que la mer
occupoit un autre baflin plus étendu vers certaines
parties, il faut donc fuppofer qu'elle a eu des caufes
décidées de retraité > ou lentes & infaillibles, ou
brufquées.
Époques ( Ëlémens des ). Quelques-uns des
phyliciens qui ont recueilli certaines obfervations
fur la pétrification & fes progrès, ont été curieux
de déterminer au jufte le tems que la nature em-
ployoit à perfe&ionner les pierres. Mais la plupart
des faits furlefquels on a voulu établir ces calculs,
étoient des réfultats d’opérations ifolées , fans aucune
correfpondance avec l’enfemble des opérations
générales de la nature ; & il n’eft pas étonnant que
des réfultats de ces calculs l’on n’ait pu tirer aucune
conféquence jufte & précife pour deciderla durée
du tems que la nature a mis à former telle ou telle
pierre. Le calcul que l'Empereur a voulu faire au
iujet des incruftations dont étoient couvertes les
poutres du pont du Danube, conftruit parTrajm,
n’a aucune folidité. Les cinq quarts de pouce formés
en quinze cents ans n’érabiiffènt aucune règle
qu’on puilfe genéralifer, parce que les pétrifications
de cette nature font dépendantes d'un nombre
infini de circonftancesdont le concours eft
très-difficile à bien apprécier avec précifion.
M. Guettard, en parlant des matériaux qui remplirent
le fond de la plaine de Grenelle, & dont la
nature & la quantité ont été connues par la fouille,
du puits de l'École royale-militaire, s ’eft attaché
à quelques élémens de calculs fort incertains, pour
déterminer le tems qu’ il a fallu à la Seine pour for-r
mer tous ces dépôts ; mais il s’en faut bien qu’il
ait envifagé toutes les données néceffaires à la folu-
tion de ce problème. Cette difeuffion demandoit,
fur les progrès & la caufe des dépôts fluvials, des
détails qu’il n’étoit guère en état d’entendre.
Il n'a pas v u , par exemple, q u e , parmi ces matériaux
, il y en a beaucoup qui font venus des
croupes latérales de la vallée de la Seine, & qui ont
été mêlés aux produits des alternatives de ces
états fluvials & torrentiels, il n’a pas vu non plus
qu’ il a été un tems où la rivière ne faifoit aucun
d ép ôt, mais creuioit la vallée jufqu à la profondeur
où l'on a trouvé les couches naturelles vers
le fond du puits. Toutes ces circonftances doivent
être mifes en ligne de comptedans.les calculs qu’on
entreprendroit fi l’on croy oit devoir hafarder cette
fpéculation.
J'ai reconnu la même méprife dans les é'émens
du calcul que les naturaliftes fuédois ont tenté d’établir
fur les progrès de la diminution de l ’eau de
la Baltique. Il eft évident qu'ils ont omis une infinité
de circonftances qui fe rencontrent dans ce
qui conftitueles méditerranées, & qui font fujètes
à varier de telle manière, qu’ on ne peut les réduire
au calcul fans des obfervations particulières. On
conçoit en général que fi l’ on avoit omis un des élée
p o
mens de ces circonflances, les réfultats dévoient
être très-inexacts, & que la méprife feroit encore
plus forte fi l'on omettoit une circonftance entière
comme l’a fait M. Guettard, ainfi que je l’ ai indiqué.
C ’efl d'après la difficulté prefqu’ infurmontable
de pouvoir fixer les époques par les calculs faits d’après
ces mauvais plans, fur des élémens auffi vagues
8c des circonflances auffi peu complètes, que j’ai cru
devoir envifager, fous un autre point de vue , Us
époques qu’il eft fi important de diftinguer lorfqu’on
examine le travail de la nature. J'ai cru devoir
étendre en quelque force les limites, & , en partant
de certains points fixes bien avérés, les refferrer
autant que les caractères des opérations le permet-
troient, & parvenir, par ces voies des limites , à
des réfultats qui puiffent clafler les opérations elles-
mêmes & leurs époques. Je renvoie à l’article époques
, la méthode qu’on a cru devoir adopter pour
parvenir à ce but. ( V~oye[ les Recherches de.Pawt
Lettre fur les vkijfitudes du Globe, t. 2 , p. 320. )
Je crois qu’il faudroit appeler âges ce que j’ai
nommé époques dans beaucoup de cas, c ’eft-à-dire,
de certaines maffes de faits, circonfcrits entre plu-
fieurs fortes de limites. Dans ces âges il doit y avoir
des évenemens qui font décidément antérieurs à
d’autres, & ces évenemens peuvent être indiqués
comme époques ,* ainfi Y époque de la retraite de la
mer eft anterieure à 1 écoulement des eaux pluviales
dans des vallons ébauchés. La formation des
vallons furies parties du Globe, abandonnées par la
mer jufqu’a i’ état aCtuel, eft un âge. Les différens
états de l'eau font des âges de cette époque torren-?
tielle, auxquels je donne les noms d’âge : l ’âge tor-
rentio-Jiuviale , l'âgefluvio-torrentiel, l’ âge fluvial,
8cç. Vépoque eft particuliérement attachée à un
tems précis, en forte qu’elle fe compofe de deux
ou .trois âges, lefquels lui fervent de limites, &
décident de fon antériorité fur une autre.
Le premier âge du Globe eft celui de la formation
de l’ancienne terre.
Le fécond âge du Globe eft celui de la création
de la moyenne terre.
Le troifîeme âge du Globe eft celui de la nouvelle
terre.
Le quatrième âge du Globe eft celui qui fuc-
cède à ces trois tems, & qui n’eft pas complet
comme eux.
A ces diftinétions il faut joindre les dégradations
des eaux fur les produits des trois premiers âges ,
ou conjointement, ou féparément. C et ordre de
chofescorrefpond à tous les âges, & les comprend
tous fucceffivement. Suivant cette diftribution des
âges, le premier feul a été expofé à l ’a&ion des
pluies pendant la durée du fécond > le premier &
le fécond enfemble, pendant la durée du troifième ;
le premier, le fécond & le troifième enfin, pendant
la durée du quatrième. Le quatrième n’ a pas
encore été fournis au retour , en forte que les effets
de cet ordre de chofes doivent être actuellement
dans le troifième état que j’ai fuppofé : c’eft î’étaç
aCtuel
e p o
aCtuel & compliqué que le Globe nous préfente à
la fuite de ces âges. Il a fallu beaucoup d’analyfes
pour parvenir à décompofer ces différens effets &
produits des pluies, démontrer leur diftinCtion, &
apprendre à les reconnoître par des caractères
précis*
En conféquence, toutes chofes égales d’ailleurs,
l’ancienne terre, qui a été plus long-tems expofée
aux dégradations des eaux, doit être plus altérée
que la moyenne , & la moyenne plus que la nouvelle.
Celle-ci doit l ’être moins que toutes les
autres.
On ne peut juger de ces effets des eaux, fur l’ancienne
& la moyenne terre, que par les parties qui
font reftées à découvert & qui ont été continuellement
Suffi expofées à leur aClion, c’eft-à-dire
(pour ce qui concerne l’ancienne terre), qu’on ne'
peut en faire l’application que fur les parties que la
-moyenne & la nouvelle n’ont point recouvertes,
& , pour ce qui concerne la moyenne, que fur les
parties que la nouvelle n’a point recouvertes. Quant
à la nouvelle, elle n’a pas reçu de couverture,
parce que le produit de cet-âge n’eft pas encore
forti du fond de la mer.
Il y a auffi des variétés dans les agens des dégradations,
& ces variétés peuvent encore fe combiner
avec la durée de l ’aétion des eaux & la réfiftance
des produits des différens âges : de là il
réfulte trois chofes à comparer, la réfiftance des
matières qui font expofées aux dégradations des
eaux des pluies, la quantité & l’ abondance de ces :
: eaux & la durée de leur a&ion j en forte que fi l’on
appelle R la réfiftance de la matière , A la quantité
d’èau, F leur durée, l’état aétuel pourra être
exprimé par A F . Les dégradations font en raifon
.compofées directe de R , l’eau & le tems, & en
raifon inverfe de la dureté ou de la réfiftance de la
matière.
t II y a encore des époques différentes dans chaque
âge, mais avec quelques variétés. La première circonftance
des eaux eft de les déterminer toutes tor-
-rentielles} la fécondé eft de les obtenir plus torrentielles
que fluviales j & enfin la troifième, plus
fluviales que torrentielles. Ces trois états fucceffifs
demandent des difeuffionsinfinies. L’état torrentiel
eft le plus ordinaire dans l’ancienne terre ; il eft
moins ordinaire dans la moyenne terre, 8c moins
encore dans la nouvelle terre > il n’ a lieu que dans
les tems d’orage. Quant à la réfiftance de la matière,
la moyenne terre vient après l’ancienne,
puis la nouvelle : mais il y a beaucoup d’exceptions
dans ces vues générales > car la moyenne & la nouvelle
renferment l’une & l’autre des marbres qui
font également durs. Il y a d’autres mélanges qui
fe trouvent dans ces trois terres, & qui fe prêtent
bien également à la deftruétion.
. On peut préfumer que les dégradations ne fe
foient portées, furies produits des différens âges,
que fucceffivement ; ce qui feroit une nouvelle férié*
Il faut voirfi les obfervations peuvent décider quel-
' Çéographie-Phyfique. Tome
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ques réfultats à ce fujet. Je crois que les limites
font tranchées bien nettes 5 ainfi point dé fuite
interrompue : il faudra donc établir cet ordre fi
effentiel des âges & dés époques.
J’ai vu quelques écrivains qui ont voulu mêler
les faits hiftoriqués aux grands faits de la nature ,
fans douté pour rendre ceux - ci plus croyable^,
en fixant leurs époques] & en recueillant quelques
traces des anciennes révolutions. De ce nombre eft
Boullanger, qui, dans plufi^urs écrits & dans l’ article
du déluge, a fait valoir des étymologies vagues
& incertaines. Lorfqu’on a recours à ce fup-
plément, l’on n’a pas allez bien vu les faits de la
nature, leurs circonftances, leurs dépendancesj
car ces faits, ainfi bien d ife u té s fo n t d’une toute
autre force que les faits hiftoriqués. M. de Buffori a
recours à la fable de l’Atlantide, que Platon a imaginée,
ou dont il cite des garans auffi peu fûrs que
fon imagination. Les hiftoriens de la nature, fans
penferaux archives immenfes qui font établies fur
toute la furface du Globe, ont la foibleffe de fouillèr
dans les chartes du dixième ou deuxième fiè c lé ,
comme fi ces petits intervalles de tems pouvoient
fournira la nature le tems de produire une nuance
décidée dans un fait. Quoique ces faits foient altérés
par une fuite de révolutions continuelles, on
peut les retrouver en grande partie fi l ’on/ait bien
attention aux états anciens, en appréciant avec fa-
gacité les deftruétions. Ainfi les altérations elles-
mêmes du premier fait deviennent de nouveaux faits
auffi effentiels que le premier. Or, cette manière de
procéder nous éloigne abfolument de tousles tems
hiftoriqués, 8c nous rejette dans tous les tems primitifs
, où les révolutions de la nature n’o n t, en
aucune façon, confervé les monumens hiftoriqués.
Les hommes fauvages, qui auroient pu être témoins
de quelques-uns de ces faits, n’avoient aucun
intérêt à les obfèrver, & ne les auront pas vus.
Qui eft-ce qui obferve la dégradation des bords
d'une rivière?N'eft-ce pas un propriétaire, inté-
reffé aux pertes ou aux avantages des ofcilfations
des eaux courantes dans leur lit. O r , le fauvage
qui eft propriétaire de tout un pays, ne s’attache
à aucune partie. Ilsé.toient d’ailleurs peu inftruits,
comme l’étoient les premiers habitans d’un grand
nombre de nos contrées du moyen mondé ou du
nouveau. Celles de l’ ancien monde étoient fi peu
de ch o fe , quelles n'ont pu être habitées que
petit à petit.
Il convient de diftinguer préfentement l’ancienne
terre , composée de granits à grains uniformément
diftribués \ la moyenne terre, à laquelle appartiennent
peut-être les granits à bandes, les
fehiftes, les ardoifes, les charbons de terre, puis
les couchés calcaires, fablonneufes, inclinées, ondées,
8c les différens gîtes des mines. Enfuite vient
la nouvelle terre, compofée de couches calcaires
horizontales. A cela il faut ajouter des maffifs de
plâtre , les amas de fel marin , qui fe trouvent dif-
pQt(és dans ces couches. Eufin on y comprendra