
regione nemorofa paroît devoir la faire comprendre
fous le même nom.
*> La région inculte que M. Bridon appelle avec
raifon la regione freda , eft entièrement couverte de
cendres. La lave que l'on trouve en fi grande abondance
dans les deux autres régions, n\-ft pas pré--
cifément la même dans celle-ci, ou du moins cette
production du volcan y eft trè>-pulvérifée. Cette
différence vient fans, doute de la quantité de cendres
que vomit le grand cratère, & qui y couvre
entièrement la terre. On doit juger aufii par-là que
les éruptions ont été beaucoup plus rares & beaucoup
plus anciennes que dans les deux autres.
» La couleur noire de la cendre qui s'étend fur
toute cette région élevée, la fumée abondante qui
fort de la bouche du grand cratère, l'odeur fulfu-
reufe que l'on refpire de toutes parts , préfentent,
en avançant vers le Commet de la montagne, un des
tableaux les plus impofans, & les mieux faits pour
nous donner une image de cet enfer quelapoéfîe
& la fupeiftition fe font efforcés tour-à-tour de
nous préfenter fous des traits fieffrayans.
33 On remarque quelque différence entre la cendre
qui fe trouve près du grand cratère & celle qui en
eft plus éloignée : cette dernière, plus pulvérifée,
un peu moins noire , fe rapproche de la couleur &
de la friabilité du fable. La première au contraire
eft abfolument fembiable aux gros morceaux qui
fe trouvent? dans le charbon de pierre lorfqu il a
été confumé dans une forge.
33 L'abondance de la fumée qui fort du grand
cratère varie infiniment : il y a des jours où elie eft
fi foib le, qu'elle pei met de regarder dans le goufre,
& par conféquent de juger de la forme & de l’étendue
de fon orifice j mais elle étoit fi forte le jour
que nous y fûmes, qu’elle nous priva entièrement
de fatisfaire notre curioficé à cet égard, & nous
incommoda même beaucoup par la quantité des
vapeurs fulfureufes que le vent dirigèoit fur nous
à plufieurs reprifcs , malgré tous nos efforts pour
les éviter. Nous fûmes également privés de ce
fpe&acle enchanteur dont parle M. Bridon d'une
façon fi poétique , de cette vue du haut de la montagne
d'où l'on découvre prefque jufqu'aux côtes
de Barbarie, où toute la Sicile paroît tracée fous
les yeux comme une carte géographique. Une
partie de l’horizon étoit couverte de nuages quand
nous arrivâmes au fommet de la montagne, & nous
laiffa feulement voir dans quelques points, & par
intervalles', ce qu’il falloir pour mieux regretter
çout ce que nous perdions en ce moment.
» Dans une fécondé tentative quelques jours plus
tard, les circonftances nous fervirent beaucoup
mieux : nous vîmes très-diftinéfcement toute la
forme & l’étendue du grand cratère, parce qu’il
n’en fortoit alors prefque point de fumée. Les di-
menfions de la bouche de ce volcan ont environ
un mille de circonférence, d’ une forme ovale, plus
ouverte dans la partie feprentrionale. Au refte, ces
ijimenfioris & cette figure font affez indifférentes
' décrire, parce’que ce cratère, dont toute la couronne
n’ eft formée que des cendres jetées par la
bouche du volcan, s’éboule, & s'élève alternativement
d’une façon très-irrégulière. La fumée qui
nous laiffoitainfi appercevoir toute la'circonférence
du grand cratère , nous permit auffi de voir dans
l’intérieur, jufqu’à la profondeur de près de deux
cents pieds. Toutes les parois de cette large ouverture
font de roc tailié à pic, & couvertes du foufre
& du noir de fumée qui en fortent en fi grande
abondance. On ne peut guère fe figurer un fpeéta-
cle plus impofant, & plus effrayant pour les imaginations
foibles & romanefques.
33 Des obfervations météorologiques fur la nature
& les degrés du froid qu’il fait fur le haut de
cette montagne, dans toutes les faifons de l’année,
feroient infiniment curieufes, Le chanoine Recu-
pero , qui depuis vingt ans en obferve conftam-
ment les phénomènes, afliire que le thermomètre
eft prefque toujours à la fommité de vingt degrés
de Réaumur plus bas qu’à Catane; mais cette ob-
fervation n’a été faite que pendant la balle faifon.
Il fëroit bien intéreffant de favoir fi cètte règle
générale feroit la même pendant les mois de janvier
& février. Le thermomètre ne defcend pas
alors à Catane plus bas que neuf degrés au deflus
de la glace ; ce qui feroit onze degrés au deflbus
de-la fommité de YEtna, & il y a toute apparence
qu’il y règne alors un froid beaucoup plus vif.
»3 Le même, oblèrvateur nous aflura avoir été
obligé d’y faire un trou au milieu de là terre, &
de s’y enfoncer bien vite pour n’y pas périr de
froid pendant la nuit , quoique ce fût au milieu du
mois d’août. Le jour que nous y montâmes, le iG
juin-; le thermomètre defcendit à midi plus de
deux degrés au deflbus du terme de la glace.
Les nuages qui traverfoient l’endroit où nous
étions , couvroient nos cheveux de givre , &
quelqu’ un qui y avoit monté ia nuit du 1 4 au 2 y
du même mois, nous aflura y avoir eu la falive
gelée fur les lèvres , & y avoir fouffert un froid
exceflif quoiqu’il eût pris tous les vêtemens &
toutes les fourrures dont on pourroit fe couvrir
en Laponie.»
Il réfulte de cette expérience, que l’on devroît
trouver toute la fommité de ce volcan couverte
de neige & de glace, comme on le voit fur la
cime des plus hautes montagnes des Alpes & des
Pyrénées, où je me rappelle avoir trouvé des
mafles de neige très-confidérables, beaucoup au
deflbus de la fommité, & qui ne fondoient point,
du moins d’une façon fenfible , quoique le thermomètre
fût alors à vingt-un degrés au deflîts de
la glace. Mais s’ il eft vrai, comme l'affure le chanoine
Recupero , que la vivacité du fro il qui fe
fait fentir, doit être attribuée à la violence du vent
du nord, on en doit conclure que, pendant l’ été ,
il s’ÿ trouve fôuvenc des tems où la température
eft favorable à la f.ifion de la neige. D’ailleurs,
le vent , toujours plus fort fur cette montagne
ifolée ,
ifolée, qu’ il ne le fauroit être fur les autres mafles
de montagnes, comme celles des Alpes ou des Py-,
rénées, contribue encore à diffiper la neige lorsqu'elle
ne tombe pas en allez grande abondance,
ou qu’elle*n’eft pas condenfée par un froid v i f &
confiant ; ce qui 11e peut guère arriver pendant
l’été.
> » Le loi de ce volcan eft abfolument différent
de celui des Alpes & des Pyrénées. Toute la partie
fupérieure, compofée de cendres, étant nécef-
faicernent moins denfe par fa. nature,, préfente à
la neige une furface moins favorable à fa condensation.,
D’ailleurs, l ’expérience nous prouve que
la chaleur .& le froid s’entretiennent par la maffe
d'es objets qui les environnent, & qui éprouvent à
peu près la même température. Ne doit-il pas ré-
f'ulter de cette expérience, que la confiance du
froid doit être beaucoup plus grande dans ces
chaînes de montagnes de quatre-vingts ou cent
lieues,de long, de quarante d’ épaifleur , que dans
une, feule montagne abfolumenr ifolée, comme
VEtna , & qui ne rencontre dans aucun des objets
qui l’entourent, de quoi entretenir ou accroître
cette température.
33 Ce ne peut être fans doute qu’à ces caufes que
l’on doit attribuer cette efpèce d’inconféquence
de la Nature, qui; diffipe prefqù’entiérement la
neige furie mont Etna, & la conferve fur d’autres
rnpncagnes qui n’ont pas une plus grande élévation.
»3 La defcription que donne M. Bridon, de la
forme detousles petits cratères caufes parles différentes
éruptions, de la forme fous laquelle la lave
coule dans la partie inférieure de.la montagne , de
la fertilité de cette lave au bout d’ un grand nombre
defiècles, eft trop exaéte pour entrer ici dans
tin détail qui rie pourroit être qu’ une copie de
fon voyage.
« Le chanoine Recupero lui a dit que la lave*
qui fortoit des entrailles de la montagne, danjs
les différentes éruptions, fournilfoit dés. pierres
& des terres de toutes les efpèces, du genre vitri-
fiable, calcaire, gypfeux & argileux. Ce fetoit
fans doute un objet bien intéreffant, que d’ana-
lyfer toutes ces pierres par les expériences recherchées
* que nous indique la chimie, & la plus
intéreffante & la plus curieufe de ces recherches
feroit de découvrira quoi l’on peut attribuer ce
principe de fertilité qui fe trouve dans la lave au
bout de douze ou quinze fiècles, & dont elle eft
privée pendant un fi long tems après être fortiedes
entrailles de la terre. Mais cette expérience importante
ne pourroit fe faire que fur les lieux : il
faudroit, pour cet ^ffet, prendre de la lave de
tous les âges & de toutes les efpèces, la pul-
vérifer, l’employer tantôt feule , tantôt mêlée
avec d’autre la v e , tantôt avec de la terre ordinaire,
& , en eflayant d’y planter divers végétaux,
lâcher de démêler fi ce principe de fertilité quelle
Géographie - Phyjîquc, Tome IV*
obtient après un fi long tems, eft dû à une décom-
pofition qui fe fait de fes parties intégrantes par le
contaél dé l’air, ou doit être attribuée à une certaine
quantité de terre végétale que l’air lui apporte
peu à peu , & dont elle fe couvre, au bouc
de plufieurs fiècles, en affez grande abondance
pour devenir fertile.
Le peu de moyens que l’on a trouvé jufqu’à
préfent pour mefurer l’inténfité du feu & la rareté
des éruptions de YEtna, ne permet guère de pouvoir
juger quel degré de Chaleur éprouve la lave
au fortir de la montagne, quand elle eft encore
dans fon état de fluidité. Lors de l’éruption de:
176 7, le chanoine Recupero y jeta du plomb, qui
difparut à l’ inftant du contaél, comme auroit pu
faire une liqueur fpiritueufe. Et lors dë l’ éruption
de 1669, lorfque cette lave bouiiianre venoit à
tomber dans la mer, on raconte qu’elle en éva-
poroit les parties falines, au point que, dans les
environs, tous les habitans étoient incommodés
de la pluie de fel dont ils étoient couverts , Sèr
qui ne pouvoit provenir que de cette évaporation.
; ]ix> Dans l’éruption de 1767 on a obferve que la
force de projeftion qui lançoit les pierres hors de
la montagne, en avoit porcé, d’une énorme pefan-
teur, jufqu’àquatre milles de diftance.Ona obfer-
vé , dans cette même éruption, que quelques-unes
des pierres lancées hors de la montagne mettoienc
jufqu’à vingt fécondés à tomber du point de leur
plus grande élévation, & qu’il y en avoit plufieurs
qui échappoient à la vue.
** L’ accès du mont Etna eft fort facile du côté
méridional : il faut environ trois heures & demie
pour monter de Catane à l’abbaye de Saint-Ni-
c o lo , placée fur les confins de la regione colti-
1'.ata. ïl faut enfuite près de deux heures pour arriver
à une grotte nommée Spelonca delli Capjioli,
fituée à l’extrémité des bois qui couvrent la partie
mitoyenne delà montagne. On arrive en trois heures
de cette grotte au pied du grand cratère fi la
direction du v en t, & par conféquent de larfumée,
n’y met point d’obftacle, & qu’on n’ait point pour
objet de voir le lever- du foleil. On peut arriver à
un endroit du pied du cratère affez près du lom-
met pour l ’atteindre enfuite à pied dans l’efpace
d’ une demi-heure; mais fi l’on eft obligé démonter
par l’endroit ordinaire que les guides préfèrent
toujours pendant la nuit, on eft contraint de gravir
au moins pendant l’efpace d’ un mille dans le »
chemin le plus pénible dont on puifle avoit l idée,
enfonçant jufqu’aux genoux dans les pierres brûlées
dont cé cratère eft formé ; & , comme il faut
fe repofer fréquemment pour fupporter cette fatigue,
on emploie près de deux heures pour faire
ce deînier mille. La defcentedu mont Etna eft plus
facile & beaucoup plus courte , à en juger par le
tems qu’on y emploie : l’on fe rend aifëment du
fommet; à Caiane ep fept heures & demie.
O