
fureur qu'on ne peut voir à deux pas de foi , il
leur feroit impoflible de reconnoître ou de fuivre
aucun chemin, & ils périroient infailliblement,
furtout s'ils ne s’étoient pas munis de tentes pour
fe mettre 'à couvert des principaux effets des
orages. On obferva en 1 7 2 9 , que, prèsduVil-
laras, fur les frontières de Suède & de N o rvè g e ,
il y tomba une quantité fi affreufe de neige , que
quarante maifons en furent totalement couvertes,
& que tous les hommes & les animaux qui s'y
trouvoient renfermés furent étouffés.
S’il arrive qu’on veuille franchir une montagne
fort élevée & remplie de rochers qu'une grande
quantité de neige cache, & où elle recèle des cavités
dans lefquelles on peut être abîmé , il y a
deux manières de le faire; l’une en gliffant fur
deux planches étroites, longues de huit pieds, au
moyen defquelles on fe préferve d’enfoncer dans
la neige, lorfqu’on fait bien les faire manoeuvrer;
l ’autre en fe confiant aux rennes, qui„peuvent
faire un pareil voyage par la manière dont iis
marchent & s’avancent dans les lieux élevés.
Les habitans de Kamtchatka voyagent de même
fur la neige avec des rennes & des chiens qui fervent
à traîner les voitures} c’efl aufli la méthode
de Voyager dans les parties de la Sibérie, où la
neige fond pendant tout le temps qu’elle couvre
la terre. Dans la prefqu’île de Lopatka, les neiges
font très-abondantes 5 elles ont même la folidité
de la glace, de telle forte qu’elles réfléchiffent les
rayons du foleil avec tant de force, qu’ il eft im-
poflibîe aux habitans d’en foutènir l’ éclat. Les
habitans portent ordinairement dans le printemps
des couvertures percées de petits trous, ou des
réfeaux de crin noir, afin de brifer une partie,
des rayons; mais, malgré ces précautions, ils ont
•la peau bafanée comme les Indiens ; & la plupart
du temps, des yeux fi affoiblis & fi malades , qu’un
grand nombre finiffent par perdre la vite. -
Les montagnes que la neige couvre feulement
pendant cinq ou fix mois de l’année, font peuplées
de plantes très-vertes & très-bien nourries,
après que la neige fondue a biffé un libre cours à
£a végétation , qui n’eft pas même fouvent interrompue
fous les couches de neige. Il faut , pour
cela, que les fommersde ces montagnes, ainfi que
leurs revers, fe dégagent lentement de ces neiges;
car autrement elles pourriroient&détruiroienti'or-
ganifation des végétaux qui pouffentfous cette couverture
: rien n’eft furtout plus pernicieux aux
plantes & aux arbres que la neige qui., féjournant
fur la terre, fe fond en partie pendant le jour,
pour fe geler de nouveau la nuit fuivante.
La neige qui couvre pendant plus-des deux tiers
de l’année certaines contrées de la Laponie, de
la Norwège & de la Sibérie, oblige les habitans
à fe pratiquer des habitations fouterraines pour
fe préferver du froid exceffif qu'on y éprouve fins
«ette reffource. Effectivement., il eft conftanx qu’il
fait moins froid'fous la neige qu’ à l ’an- extérieur,
& que plus la couverture de neige eft épaiffe, plus
la température dont on peut jouir fous cette couverture
eft doLxe. Dans ces contrées, jorfqueMes
hommes font pris de la nuic en voyageant, ils fe
conftruifent des cabanes avec la neige , où ils paf-
fent les nuits les plus froides, fans éprouver aucune
incommodité de la rigueur du temps.
- - Les neiges qui couvrent la furface de la terre
pendant l'hiver dans les hautes & moyennes lati—
-tudes, fervent indubitablement d’enveloppe à la
tërre ,Pouc la défendre contre les vents piqua hs
qui viennent des régions polaires pendant la fai-
fon froide. L’air, difféminé entre les molécules
de neiges & retenu jar elles, empêche efficacement
que la chaleur de la terre ne fe diffipe,
tandis qu’au contraire la.glace b biffer oit paflér
facilement dans les températures au-deffous du
terme de la congélation. C'eft donc encore l’air
qui fert d’envelOppe.à la terre.
Les vents polaires, malgré les vafles continens
qu’ ils parcourent, gardent-leur âpreté aufli longtemps
que le fol qu’ils balayent eft couvert de
neiges ; & ce n’eft: qu’après être arrivés à l’Océan,
qu’ils acquièrent, par leur eoutadt avec fés eaux ,
la chajeur que l a nage ne permet pas qu’ils enlèvent
au Globe. C ’ eft là que leur froid piquant
s'adoucit par degrés , & qu’ils finiffent par terminer
leurs cours.
Oa trouve, en général, fes vents plus froids
lorfque la terre eft couverte de neige, que lorf-
qu’elle eft nue, & l'on fuppofe d'ordinaire que le
froid eft communiqué à l’ air par la neige ; mais
c'eft une erreur , c ir ces vents font , en général ,
plus froids que la neige elle-même. Us gardent îeur
température, parce que 1a neige les empêche de
s’échauffer aux dépens de la terre; & c’eft là
encore un des ufages effentiels de la neige dans
des latitudes froides.
Cependant nous devons obferver que quelques
phyficiens ont cru pouvoir, expliquer ces prolon-
gemens de l’a&ion des -vents froids, en fuppofant
au contraire qu'ils contribuoient à l’évaporation
de h neige., jaque lie occafionnoit ce froid, comme
on s’en eft affuré d’ ailleurs en d'autres circonf-
tanees.
Il eft à remarquer que ces vents fouffiènt rarement
des poLes uireélement vers l’équateur, mais
qu'ils ont une tendance marquée de la terre vers
là mer; car on fait que fur la côte orientale de
l’Amérique feptentrionale , les vents froids viennent
du nord-oueft ; mais für la côte occidentale
de l’Europe, ils fouffiènt du nord-eft.
U n’eft pas étonnant de les voir tendre vers les
régions où leur pefanteur relative les entraîne ;
il ne 1,’eft pas de même de les voir mourir dans
ces régions à roefure que l’ air s'y dilate en s’y ré-
chauffrnt ; & fi l'on peut fe permettre quelque
conjecture fur l’un des principaux ufages des mers
à: la furface du Globe, ou fur la raifon de l’excès
confiàérable de l'eau fur 1a terre dans le Globe
terraqué, c’eft peut-ê tre parée que l’eau, fui-
vant plufieurs expériences , eftdeftinée à maintenir
une température plus égalé dans les différens
climat«., en réchauffant ou en refroidiftant les vents
qui, dans certaines époques, fouffiènt des grarids
continens.
Il eft certain que les vents froids, s ’adouciffent
beaucoup en paffmt fur la mer, & que les vents
chauds font au contraire rafraîchis par leur con-
ta<5l avec fes eaux. C'eft .encore un fait que les
vents de mer font > dans tous les climats , beaucoup
plus tempérés que ceux de terre. Ainfi les
vents brûlans du midi qui défolent quelquefois
les côtes feptentrionales d'Afrique J e long de la
Méditerranée, n’ont pas traverfé cette mer; car
1 e firocco d’ Italie , quoique très-chaud, eft encore
tr.ès-éloigné de la chaleur brûlante de ces vents
qu’on diroit fortir d'une/ournaife.
.La grande douceur du climat des îles britanniques
eft due fans aucun doute à leur féparadon
du continent, dans toutes les fituarions pareilles,
les caufes analogues ont des effets fem-
blables.
. Ces vents froidis du nord-oueft qui régnent en
hiver fur la .cote de l’Amérique feptentrionale ,
s’étendent rarement plus de cent lieues en mer :
d’ailleurs, leur froideur & leur activité diminuent
à rnefuçe qu’ ils s’éloignent de la terre.
Les vents périodiques des cpntinens d’Europe
& de l'Amérique feptentrionale régnent furtout
vers la fin de février & dans le mois de, mars; ils
peuvent être très ^utiles pour hâter l’arrivée du
printemps .& prôcujer une année abondante , relativement
aux produirions de la culture, furtout
s’ils font très-vio}ens dans le mois de mars, & fi ,
dans ce temps-là, le fol eft couvert de neige ; car
alors ils tranfportent pour ainfi dire l’atmofphère
polaire fur l’Océan : c ’eft là qu’elle fe réchauffe
-& fe fature d’eau. Il eft évident pour lors qu’une
grande accumulation d’air fur la mer, étant produite
par ces vents de terre long-temps continués,
lorfque cette accumulation a atteint fort maximum,
ils commencent à revenir de la mer fur lès conti-
nens., fous la forme dé doux zéphyrs qui viennent
aider Je foleil à enlever à la terre le refte de fon
froid contrarié en hiver, & à donner la vie aux
végétaux fans nombre que le printemps fait développer.
Cet air-, qui a acquis fa chaleur par le féjour
. fur l'Océan , arrive faturé, d’eau ; de-là proviennent
les. pluies chaudes d’avril .& de mai, & qui
font fi utiles à la végétation.
L’Océan peut donc être confi iéré comme le
grand réfervoir de la chaleur, & comme confer-
vant, par fes influentes bénignes, une température
moyenne dans l’atmafphère , parce que ces-:
influences opèrent ainfi dans toutes.lès fai Tons &
dans tous les climats. Les vents chauds qui fouf
flent de la terre dans b zone torride, .font raf/alchis
par le eoritaClde.fes eaux & les brifeS de mer,
q u i, à certaines heures du jours , arrivent fur les
terres, y apportent éo retour 1a fraîcheur & pour-
ainfi dire 1a vie & 1a vigueur aux animaux & aux
végétaux accablés par l’extrême chaleur dés terres.
Combien de vaftrs pays, maintenant les-.plus fertiles
à;la furface du Globe , feroient inhabitables-
&- fiérjlies fans,ces brifes biefifaifântes î N’eft-il pas-
plus que probable que les extrêmes de: chaleur
de fro id , dans les riifféfentes faifons-, feroient
abfolument intolérables fans l’influence de l’Océan
pour adoucir ces différens excès?
Cette maffe d’eau difperfée fur le Globe doit
être confidérée comme merveilleufement appropriée
à .ces .effets, non - feulement en vertu du
grand pouvoir qu’a l’eau .d'abforber la chaleur'à
eaufe d.e la profondeur & de la vafte étendue des
mers ( celles qu’on peut à peine fuppofer. qu’un
feul été ou qu'un feul hiver y produife un effet
fenfible) , mais encore à raifon de la circulation
continuelle qui a lieu dans l’Océan lui-même pair
lejmoyen.desicourans. Les eaux de la zone torride,
tranfpojtées par ces courans vers les régions polaires,
font là rafraîchies par leur côntaâî avec
les vents froids, & , communiquant ainfi leur
chaleur à ces triftes régions , reviennent en lui te
apporter de b fraîcheur aux régions équatoriales.
Si l’on réfléchit encore* que l’eau eft une des
fubftances dont la chaleur 1-pécifique eft b plus
confidérable *. qui, fous un poids donné & une
température égale, contient réellement le plus de
feu', & peut par conféqusent en donner & en
prendre davantage ; fi l’on remarque,.enfin, combien
l’agitation caufée par les vents, en multipliant
& variant les iurfaces de contaèl entre l’eau
& l’air, favorife le doubleevnprunt d e 'feu& d ’eau
que fait l’air, félon les circonftances, en paffant
fur b mer, on fendra fort facilement 1a jufteffe
des vues que nous avons expofées ci-deffus, .&
les rapports inconteihbies des effets aux caufes..
On a fouvent mis en queftion les avantages qui
peuvent réfuiter, quant à l’économie générale de
la nature, de b diftribution des continens-& des
mers à la furface du Globe. L’immenfe étendue
de l’Océan a été citée comme une preuve du peu
d’harmonie qu’ il y avoir dans les parties principales
de la furface de la terre; mais de tout ce
que nous avons d it , ne réfulte-t-il pas au contraire
que , plus nous acquérons de lumières fur b conf-
titution réelle des élémens & fur leurs ufages
variés, plus nous découvrons dans les différentes
parties du monde vifible,,une marche & unecor-
refpoiîdance qui concourent au bien-être générât
de fes. habitans ?
Ligne• neigêe.
La hauteur du - fommet- pierreux.de Pitchincha<
eft à peu près celle du terme inférieur confiant de
U neige s. ce fommet eft élevé dé 2454/toîfes. ai*-