
S’Gravefande*, Wittichius & Cruquius, q u î,
par ordre des États-Généraux , examinèrent, en
1750 , avec tout b foin poifible , la fituation & le
cours de la Meufe & de la Mervre, ont donné des
obfervations très-exaéfces fur la rapidité du cours
de ces deux rivières. Ils ont trouvé qu'à la hauteur
dé Hardir.kfveld, la rapidité du courant eft
d'environ cinq mille roedens dans les vingt-quatre
heures , ainli qu'ils l ’ont marqué fur une carte très-
bien exécutée. Ces mêmes obfervations portent
que cette rapidité de la rivière eft plus ou moins
grande , félon que les eaux s'approchent des branches
collatérales plus ou moins conlidérables 3 ou
coulent fur un lit plus ou moins élevé.
Après avoir ainfi fuivi le cours du Rhin & de la
Meufe, nous obferveronsles petites rivières qui y
prennent leur fource. Il femble d’abord que le V ahal
& le Letk font les principales rivières de fécond
ordre; mais, en effet3 ce font plutôt Hf-
fel 3 le Vecht 8c l'Amftel, 8c l'on peut joindre à
ces derniers le V lie t, le Does 3 le Zyle 3 la Maarne,
la Linge, le Schie & plulïeurs autres eaux qu’on
pourroit regarder comme de petites rivières j mais
comme ce ne font prefque tous que des canaux
artificiels qui vn’ont point d’embouchures particulières
dans la mer, 8c nè prennent point leur fource
dans quelques rivières , nôns ne nous y arrêterons
p oint, en ayant déjà dit quelque chofe en parlant
des branches ou des canaux d'évacuation de la
Meufe 8c du Rhin.
Le V ah a l, nommé en latin Vahalis 3 a été reconnu
des anciens hiftoriens pour le premier &
le principal bras du Rhin; 8c c'ert peut-être fa fé-
paration- éloignée du Rhin qui a fait donner à
cette rivière te nom allégorique de Rhenus bicor-
nis dont fe fert Virgile. Nous n'examinerons pas fi
fon nom hollandois de Waal lui vient de Waalen
dwaalcn 3 Afdwaalen ; ce qui veut dire errer, ne
point tenir de cours réglé , parce que de pareilles
étymologies font plutôt des jeux d'efprit que des
Vérités utiles , qui n’ont au refte aucun rapport
à la nature de cet ouvrage. Du tems de T acite
cette rivière portoit déjà le nom de Vahalis
& de Waal. D’autres écrivains, 8c entr’autres
Jufte-Lipfe, lui ont donné le nom de Nabalia,
par où l’on entend cependant communément l’ If-
fel de la Gueidre. Mais nous ne difcuterons point
cette queftion ; car il eft certain qu'aujourd’hui
cette rivière porte le nom de Vahâl3 8c quoiqu'elle
coule principalement en Gueidre , elle a
néanmoins tant de rapport avec la Meufe 8c le
Rhin , qu'il eft néceffaire d'en donner ici une idée
exaéle. Le Vahal eft une eau courante, qui quit-
toit autrefois le Rhin près du fort de Schenk,
mais qui iort aujourd’hui de cètte rivière à deux
lieues au deffous de ce fort , à la hauteur du
Panderfche Gat. Commençant de là fon cours particulier
, elle defcend vers Nimègue’& T h ie l, & j
paffe ie long du Bommel-Waard, à l’extrémité
duquel, comme nous l’avons dit err parlant de Fri
Meufe, elle fe jette dans cette rivière près du
château de Loevefte in ; après quoi elle perd fon
nom, ainfi que la Meufe , entre Loeveftein 8c
Gorinchem , 8c prend celui de Mevwe.
Le Leck eft la fécondé rivière intérieure qui
prend fa fource dans la vallée du Rhin > il commence
à Wykte-Duurftède ,& defcend vers Kuilenburg,
Everdingen, Hageftein, Honfwyk-Waal, jufqu'à
Vianen. A la hauteur de cette ville cette rivière
s’approche, pour la dernière fois, du Rhin; de
l'autre c ô té , près de V r e e .V y k , par un canal
nommé le Vaartfche-Rhyn, qui va à Utrecht. Le
Leck formoic autrefois, au deffous de Vreefwyk ,
l ’ifiue intérieure où l’Iffel de Gouda defcendoit
jufqu'à ce qu’ il fe jetât près de Crimpen dans la
Merwe, qui lui fait perdre fon nom. Il eft très-
large en fortant du Rhin, èc fe rétrécit beaucoup
en defcendantj ce qui fait que, vers le bas, fe£
eaux font fouvent fort hautes 8c inondent les
terrés ; de forte que* loriqu’il deicend beaucoup
d'eau, cette rivière monte quelquefois à dix -.deds
au deffus de fa hauteur ordinaire. ; & fi fes eaux
grofliflent davantage, elles renverient alors les
digues & les chauffées. Aurefte, les bords du Leck
font d ’une argile ferme, 8c cette rivière charie
auflî beaucoup d'argile que le Rhin y jette. On a
obfervé que, dans l'efpace de vingt & quelques
années , le lit du Leck a haulïé, près d'Ameide ,
déplus de quatre pieds d'argile ou de fange (1),
On a tiré de l'argile du lit de.cette rivière & de les
branches (K ille ) , près de Lekfmond & au deffus
de Vianen, & l'o n trouve qu’elle é toit mêlée d’une
grande quantité de petits cailloux polis , dont les
habitans ferrent les grands chemins. Les avant-
terres (z) des digues du Leck relient prefque toujours
découvertes pendant l’é té , 8c la plupart font
très-fertiles. Les terres> en dedans des digues,
font prefque toutes fablonneufes ; mais comme
jadis elles ont été fouvent inondées, il y a une légère
couche d’argile.
Après le L e ck , c ’ eft I’ Iffel qui eft la principale
rivière de la Hollande, c’eft-à-dire, l'iffel intérieur
ou l’iffel de Hollande , communément nommé le
Goudfeht-ljfel.( l'ilièi de Gouda ) , pour le diftin-
guer de l’iifel de Gueidre ou de Doesburg.
On .croit que l’iffel de Gouda tire fa fource
du Leck , un peu au deffous de Vreeiwyk ou du
Vaart , d’où il coule vers Iffelftein. Refferré aujourd’hui
entre des chauffées au deffus d'Iffelftein,
(ï) « Cela vient, dit M. de Lalande dans Tes C a n a u x d e
n a v ig a t io n , & c . , pag. 5o3 , parce que les digues étant trop
voifines, le lit eft trop étroit ôc fe comble trop tôt ; cependant
les digues ont déjà vingt-quatre pieds de haut, ôc le
terrain eft trop foible pour foutenir une élévation beaucoup
plus conlîdérable. »
. (2) C’/eft-à-dire, les terres entre le lie de la rivière & les
digues.
tî prolonge fon cours de cette ville par Monfoort
& à travers Oudewater. Ici il forme un canal fpa-
cieux qui fe rend par Linfchoten à Woerden, &
de là fe jette dans le Rhin. Les eaux de l’ iffel ar-
rofent, par le cours que nous venons de fuivre &
par d’autres canaux & foffés, plulïeurs terres ôc
polders. L 'iffel, en coulant d'Oudewater, le long
de Haaftrecht, paffe enfin à Gouda , où il a une
largeur allez conlîdérable ; ce qui rend la navigation
intérieure de cette ville floriffante. En traversant
Gouda, l’iffel forme une rivière nommée le
Gouwe, qui, en paffant le long de Boskoop,
coule jufqu’à l’éclufe de Gouda, qui la fépare du
Rhin ( 1 ) j d’un autre côté l’iffel, en quittant la
ville de Gouda, coule au fud-oueft , entre Moor-
drecht & Gouderak, par Ouderkerk, le long de
Kapelle-fur-Iffel, jufqu’à ce qu’il fe je tte enfin
plus bas dans la Merwe, à la hauteur d’Yffelmonde,
où il perd fon nom. LTffel, ainfi réuni avec la
Merwe, éprouve, furtout depuis qu’on l'a refferré
entre des chauffées au deffus d’ Iffelftein , le flux
& le reflux, ainfi que toutes les eaux q ui, depuis
Dordrech jufqu'à Briel , font réunies avec la
Meufe & la Metwe, à caufe de la proximité de la
mer du Nord.
L ’iffel coule fur un lit d’argile beaucoup plus
fine que celle du L e c k , qu’ on vend avec avantage
aux briqueteries. Les briques qu'on en fait
font d’un jaune-pâle , tandis que celles qu’on fait
avec de l’argile tirée fur les bords du Rhin font
plusgrifes & plus rougeâtres, parce que fans doute
cette dernière argile eft plus expofée à l’air & fe
trouve plus mêlée de la décompofition de plantes,
de racines & d'autres objets ; elle éprouve auflî de
grands changemens & contient plus de parties fer-
rugineufes 8c fulfureufes que l'argile de l'if fe l,
qui j étant nouvellement tirée du lit de cette rivière,
ne contient que des parties purement de terre.
Cependant l'argile du Rhin ou celle du Vahal 8c
du Leck contient auflî les qualités propres à faire
des briques jaunes lorfqu’on la tire des endroits
convenables.
Revenons vers Utrecht pour examiner le cours
du Vecnt. Les écrivains ont beaucoup difpùté fur
l’origine & l'ancien cours de cette rivière ,'que
quelques-uns même ont fait venir de la provincè
d’Over-lffel par le Zuiderzée dans la province d’U -
trecht ; mais nous ne nous arrêterons pas à cette
difeuflion : elle fert certainement aujourd’hui de
décharge au Rhin, qui fe partage à Utrecht en
deux branches, dont l'une, fous le nom de Rhin,
coule à l’oueft du côté de Woerden, & l ’autre
(1) Le canal de Gouda fut fait vers l’an 1281. La branche
du Rhin, qui cenoit le milieu des trois, ayant été obf-
truée, & les eaux qui alloient auparavant dans le Leck &
dans riffel n’y allant plus, on conduilît à Gouda dans l’iffel
un ruiffeau appelé G o lo d a . ( V o y e \ "VValvis & Boxhorn ,
Theatrum urbium H oU a n d ite . $
fous le nom de Vecht. Cette rivière continue fon
cours , fous ce même nom , depuis Utre cht, par
Zuilen & Maarfen, jufqu'à Breukelen. Ici la
Vecht fe partage en deux branches, & , pourfui-
vant avec l’une fon cours dans la même direction,
il defcer.d devant Loenen , Vreeland 8c Nichte-
vecht, par W e fo p , 8c tombe enfin à Muiden dans
le Zuiderzée , où en fe déchargeant il forme un
banc de fable appelé le Muider^ant ( lé banc de
Muiden ).
L'autre branche qui forme l'Aa fe prolonge vers
Nieuwer-Aa, où elle eft féparée par uneéclufe de
pierre, d'une autre eau nommée VAngtel, mais à
laquelle on donne communément, quoique mal-à-
propos, le nom de Krommen-Amftel, à caufe de
fes finuofités. A l’Amftel fe joint la première
branche du V e ch t , par le moyen d’un canal artificiel
à la hauteur de Nièuwerfluis. Cette eau coulé
lelongdeBaambrugge, versAbconde, & continue
foti cours à la droite, tant vers Wefop , que vers
Diemen, tandis qu’à la gauche elle fe réunit avec
le Holendrecht, & Bullev^yk, qui fe jette à Ouderkerk
dans l’Amftel, 8c prolonge fon cours fous ce
; nom jufqu’à Amfterdam.
Le Vecht n'a point de digues, mais eft feulement
bordé par lç grand chemin 8c de fimples chauffées-
qui fervent à contenir las eaux dans leur. lit. La
rivière eft remplie de plantes aquatiques, & partout
fort garnie de rofeaux. Sur fes bords on voit de
très-belles maifons de campagne & des fiefs qui
appartiennent aux négocians d'Amfterdam & aux
plus riches habitans d'Utrecht, q u i, cherchant
tous à fe furpaffer par la magnificence de ces habitations
, font un féjour enchanté de tout ce qu’on
rencontre le long du Yechr.
Après avoir fuivi le V e ch t, q u i, comme nous1
l’avons v u , communique avec l'Amftel, il eft
naturel que nous pallions maintenant à l’ Amftel
même, qui eft compté auflî parmi les principales
rivières de la Hollande. L'Amft 1, qu'on appeloit
anciennement Aemftel 8c Amftella, eft , avec la
digue de l’Amftel, lïtué le long de l'Y e j ce qui
a fait donner le nom à la ville d Amfterdam , ou
plutôt d’Amfteldam, formé de ceux d’Amft 1 8c
de Dam, qui veut dire digue ou chauffée L’Amftel
a auflî donné le nom d'Amftclland ( pays d'Amftel),
aux terres qu'il arrofe, de même que le Rhin a
donné le lien au Rhinland.
L’Amftel prend fa fource un p.-u au deffus d'Uit-
hoorn, au confluant d^i Drecht, du Kromme 8c
du Midrecht ou Miert, qui reçoivent beaucoup
d’eau de différentes branches du Rhin ; de forte
qu’on peut dire que l'Amftel eft formé des eaux du
Rhin. En defeendant, rAmftel reçoit les eaux du
Zydelmeer & de l’Oude-Waver, & continue fon
cours vers Ouderkerk, où le Holendrecht & le Bul-
lewih fe jettent dans cette rivière. De là l'Amftel
prolonge fon cours dans un lit large & profond,
le long des terres d’Ouderkerk & de celles du
lac defféché deDiemer ( Diemeimeer > C ’eft dans
Z z 2