
cela, la furface du glacier eft remplie de fentes ]
& de crevaffes larges & profondes : les faces en
font fondues, & les bords arrondis par le foleil.
On entend couler l’eau deffous le glacier , &
quelquefois elle eft bruyante comme celle d’un
torrent.
Comme la largeur des fentes & des crevaffes
empêche de traverfer le glacier, il faut Continuer
fa vifîte fur le côté , enfuite grimper les rochers
efcarpés qui le bordent, pour éviter les pyramides
effrayantes provenantes de la grande épaiffeur des
glaces qui rempliffent, en certains endroits, des
fonds confidérables. A tout moment on entend
la chute de cès énormes glaçons de plus de
foixante pieds de haut } ce qui produit un grand
fracas. Lorfqu’on eft ai rivé au point le plus élevé
ou glacier, on én apperçoit un autre qui defcend
par derrière le Breit Eigher-Horn, & vient mêler
fes glaces au premier j ce qui occafionne la grande
epaiffeur des glaces dont nous avons parlé j auffi
eft-il tout hériffé de pyramides. Un peu au deffous
, on voit un efpace abfolument fans glaces 5
mais on a reconnu que le fond du rocher y eft à
pic coupé 5 de forte que les glaces ne peuvent pas y
refter, niais qu’elles font obligées de fè précipiter
& de dégarnir ce fond.
Il réfulte de cet examen, q ue , dans les parties où
ce glacier a le plus d’étendue ; il eft moins chargé
de pyramides, & qu’il offre à fa furface des inégalités
qui reffemblent aux vagues de la mer agitée 5
que les pierres qui font fur le glacier, comme celles
de l’enceinte, font toujours quartzeufes , mêlées
de mica ou de granit, & proviennent du Viefcher-
Horn.
La hauteur des neiges qui font fur cette montagne,
& dont on diftingue parfaitement la coupe,
paroît encore étonnante après la fonte qui s’en
fait en é t é , & furtout après les maffes qui s’en
précipitent dans les bas. Cette hauteur paroît être
de quarante à cinquante pieds. Ces torrens de
neiges fe précipitent avec un fracas épouvantable,
& qui fe continue jufqu’à ce que tout foit tombé
dans les fonds. Ces chutes occafionnent des cou-
rans^d’ air très-froids, outre cela un obfcurciffe-
ment momentané par les parties de neige qui voltigent
, & que les vents tranfportent comme une
très-fine pouflière ; preuve du grand froid qu’il
fait encore fur ces fommets, & qui réduit la neige
à cette forme pulvérulente.
La montagne de Mettenberg qu’ on côtoie dans
ces courfes eft entièrement compofée de roches
calcaires de différentes couleurs. Dès qu’on eft
parvenu derrière le Mettenberg on trouve la pierre
feuilletée, fur laquelle la pierre calcaire eft adoffée.
C ’eft de cette partie que les neiges & les glaces
voiturent les granits qui fe trouvent fur le glacier
& dans la marème. Cette vallée de glace, depuis
le pied du glacier jufqu’ au Viefcher-Horn, paroît j
avoir à peu près deux lieues de longueur en droite J
ligne. . f
Après avoir vu le haut 8c le milieu du glacier il
faut auffi en vifiter les parties inférieures. Quoi-
qu on voie ici moins de glaces à la fois ,• elles font
beaucoup plus inftruétives que fur le glacier 5 car\j
pour fe réfumer , on voit fur ce glacier un torrent
de glace polie, lui faute, & qui réfléchit vivement
la lumière^ du foleil. Elle e ft, dans certains
endroits, hériffée de pyramides à plufieurs pointes
& déchirées. La maffe p'us en avant eft entrecoupée
de larges fentes 8c de crevaffes, avec des
trous 8c des cavités oblongues.
Au lieu que quand on eft au pied du glacier on
voit les glaces au deffus de foi. Les glaces fe trouvant
ftir un terrain plus bas, & par çonféquent
moins froid que le refte du glacier -, elîes en font
plus poreufes , remplies de trous & de cavités :
1 eau en diftille 8c en découle de tous côtés. Les
parties les moins épaiffes laiffant paffer les rayons
de la lumière, elles ont une couleur verdâtre qui
prend différentes nuances, jufqu’à la plus obfcure
dans les grandes cavités. Le peu de dureté & de
folidité de ces glaces fait que, bien loin de fe former
en glaçons folides, elles continuent à fe fondre,
& diftillent continuellement de l’eau. Des morceaux
s en détachent fort fouvent avec grand
fracas. Les eaux du torrent formé par le produit
de la^fonte générale du glacier augmentent vers le
foir. Ce torrent eft proprement l’égout de toutes
ces eaux : on le nomme lutfchin blanc. En effet,
Jgg eaux en font blanchâtres & tr-oubles, parce
qu’elles font chargées de fables & des débris de
pierres calcaires détruites en raifon des trajets
qu elles ont faits deffous les glaces. Quand on prend
; de cette eau dans un verre, il s’y forme peu après
, un dépor. Les aiguilles de glaces qui font voifines
de la partie inférieure du glacier font fort poreufes
& peu folides, 8c il eft aifé d’en détacher des morceaux
j aufli paroiffent-elles être en train de deftruc-
tion 8c ont beaucoup de poin tes.
Enfin, on trouve fur le bas du glacier les mêmes
pierres qui font fur le haut, & tout-à-fait au pied
un amas confidérable de fable, de graviers, de
pierres , de blocs des mêmes pierres quartzeufes
& micacées, & des granirs que nous avons décrits
ci-deffus. C ’eft cet amas que nous avons
nomme mareme. Elle eft appuyée contre les glaces.
On voit que L s pierres amenées du haut par les
glaçons s’amaffent à cette extrémité, & qu’elles
forment une efpèce de rempart autour des glaces.
Dans le moment où le glacier avance, il eft facile
de concevoir que le poids de cette maffe énorme
de glace pouffe devant elle toutes ces pierres ou
rochers qui ne tiennent pas au fo l, ainfi que toute
autre maffe qui n a pas de forces capables de lui
rélîfter. Si, par une fuite de la chaleur de la fai-
fon ou des pluies chaudes, le pied du glacier vient
à fondre, & que la maffe totale diminue , on le
reconnoît à cette enceinte de pierre, qui eft toujours
la marque certaiiie du point où s’éft avancé
le glacier. On en a cité différens exemples, furtout
en décrivant le glacier du Rhône. (Voye\ cet
article. )
Comme il ne refte aucune trace d’enceinte en
avant du glacier dont il eft ici queftion, on peut
fcffurer qu'il eft à fon plus grand accroiffement &
qu’il n’a jamais été plus avancé.
Un peu fur le côté du glacier, à une portée de
fufil, on voit un bois d’aunes d’ une fort belle v enue
: on eft tout furpris de le trouver rempli de
fraifes d’ un parfum exquis. Une quantité d’autres.
fleurs propres au printems, d’autres à l’é té , étoient
répandues aux environs j ainfi l’on voyoit au même
moment 8c au même lieu les produits des faifons
oppofées, 8c les moins faits pour fe trouver raf-
femblés.
Il eft prouvé, par des titres, que des biens ap-
partenans à des particuliers étoient fitués dans le
vallon occupé actuellement pajr le glacier. La tradition
commune de ce pays rapporte que ce même
vallon, parcouru aétuellement par le glacier, dont
La' partie fupérieure eft une mer de glace inabordable
, étoit un paffage fréquenté de ce pays au
haut Vallais. Au lieu qu’en conféquence de cette
©bftruétion il n’exifte actuellement de communication
encre le canton de Berne > dont le Grindelwald
fait partie, que par*le chemin extraordinaire
de la Gemmi, dont nous avons parlé à cet
article. ,
On n’a peut-être pas encore affez remarqué les
changemens qui ont pu arriver dans plufieurs
parties de la furface de la Terre par le moyen des
neiges 8c des glaces. Ce n’eft que par l'étude & la
cpmparaifon de ces amas, de leur marche & de
leurs révolutions, qu’on pourra en tirer quelques
conféquences générales 3 mais on doit redouter de
les étendre arbitrairement à des objets éloignés.
Glacier-fupêrieur du Grindelwald.
Pour aller au glacier fupêrieur, Ober-Gleitfcher,
on prend fur la gauche en fortant du village de
Grindelwald. Après avoir beaucoup monté, on
pnffe le torrent de Bergelbach , qui defcend de
Grindelalp. Il eft rempli de fchiftes argileux dont '
cette montagne eft compofée : on y trouve auffi
des marbres gris & noirs, & quelques blocs de
granits roulés} mais il faut confidérer en même ;
tems les grandes maffes de brèçhes qui y font. Le
glacier a le plus bel afpeCt de loin. Ses glaces font
blanches, 8c ne font pas falies par la terre comme
celles du glacier inférieur. Après avoir traverfé
le vallon & un bois de fa pins & de mélèzes, on
parvient à l’ancienne marème ou enceinte du glacier
: elle eft très-confidérable, & prouve que les
glaces ont pris depuis long-tems leur écoulement
par ce vallon} elle eft compofée de quartiers de
rochers fort gros , entaffés depuis long-tems les
uns fur les autres , & le tout eft recouvert pref-
qu’entiérement de gazon, de végétaux & d’arbres,
dont les troncs de quelques-uns font plus gros
’ que la cuiffe. Cette enceinte a plus de trente pieds
de haut* & forme un ta'us rapide pour arriver au
glacier, qui en eft éloigné de quelques toifes.
D’après la'tradition & des pièces authentiques
qui font mention des poffeflîons qui ont été envahies
par ce glacier, il faut que les glaces aient
bien diminué depuis ce tems, puifqu’il a cru entre
cette marème & le glacier des fapins gros comme
la jambe. Ce glacier paroît être dans l’époque de
fon accroiffement} il a déjà renverfé & abattu
partie des fapins qu’il a trouvés fur fon chemin. II
eft bien difficilequ’il aille plus loin que fon ancienne
marème , attendu qu’ il fera borné en même tems
par la montagne qui eft en face , &r contre laquelle,
fon ancienne marème eft appuyée, qui elle-même a
eu le tems de fe confolider, & de faire corps au
moyen des terres, des arbres & de léurs racines,
& de lui oppofer une très-forte barrière qui lui
réfiftera peut-être : on dit peut-être parce que ce
glacier eft fort en pente, qu’il eft d’ailleurs dominé
par de très-hautes montagnes rapides, entourées
de glacières & de neiges immenfes , qui fourniront
une augmentation fucceflive à ce glacier.
Il fera curieux de voir par la fuite fi le glacier
ne s’élèvera pas jufqu’au niveau de fon ancienne
barrière, ou s’il ne fe détournera pas fur la gauch
e , où le vallon préfente une pente continue. Il
eft très-probable qu’il prendra cette rou te, pour
peu qu’il vienne s’appuyer contre fon ancienne
marème. Ceci prouve combien il feroit intéreffant
qu’on eût des plans exaCts de ces fortes d’amas de
glaces, afin qu’on pût les fuivre & connoître leur
accroiffement ou leur diminution. Il fe trouvoit
en 17 77, au pied du glacier, une enceinte compofée
, ainfi que l’ancienne, de granits & de pierres
quartzeufes, mêlées de mica. L’eau qui s’écoule
du bas du glacier fe nomme Jchwarti lutfchin (lutfchin
noir): cette eau eft cependant blanchâtre &
trouble comme celle du glacier inférieur ; mais un
ruiffeau qui defcend de la montagne du Scheideck,
fe mêlant à celle qui fort du glacier, lui communique
une couleur noire qu’il a contrariée en tra-
verfant les fchiftes argileux dont la montagne de
Scheideck eft compofée.
Le glacier fupêrieur eft, comme nous l’avons
d it, entouré de montagnes fameufes par leur hauteur,
entr’ autres le Schreck-Horn (corne d e là
terreur ) , auquel Micheli donne deux mille fept
cent vingt-quatre toifes au deffus de la mer. On
voit ce pic de différens endroits très-éloignés,
même depuis Berne. Le Schreck-Horn eft comme
le point central d’où découlent les glaces-des environs.
On a déjà parlé du M ettenberg, qui eft fur
la droite du glacier fupêrieur, 8c le fépare du glacier
inférieur. Derrière le Mettenberg eft le Glets-
cherberg, & enfuite différentes montagnes cou-
vertés de neiges, qui, prifes en général, peuvent
être confidérées comme les magafins des neiges &
les réfervoirs des glaces. Au deffous eft une fuite
de rochers qui forment l’enceinte du glacier de
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