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fort de deflfous la terre, elle a quelquefois deux
ou trois toifes de profondeur. Elle y paroîc outre
cela immobile, très-claire & tranfparente. Les baf-
lins d ou elle fort de terre font fort étendus en
longueur, & continuent affez régulièrement depuis
Varennes jufqu'à Quincy, c’eft-à-dire , dans
Je trajet d’ une lieue & demie ou deux lieues au
deflus d’ Ierre : de là vient que cette rivièrç ne
gèle jamais, parce qu’elle eft entretenue par des
fources & des fontaines qui ont leurs débouchés
*ant dans le fond, que furies côtés de fon lit.
On obferve aufli qu’elle ne débordé que rarement.
Depuis Comble-la-Ville, où il y a un goufie
dans un endroit appelé le Vont-au-Diablt, on en
v o it , en remontant la rivière, plufieurs autres
jemblables. Il en exifte un entre Sognole & ïvry-
les-Châteaux ; un autre, qui eft coi.fidé'ré comme
un des plus Cotifidérables, eft au deflus de Sognole,
& placé dans le bas de la paroifie de Souîairs.
Lorfqu’ il y afles averfes un peu foutenues, l’eau
couvre le dernier goufre; elle y eft tranquille &
prefque fans mouvement. Il faut cependant qu’elle
y entre abondamment j car pour peu qu’on s’avance
jufqu’à Sognole, on trouve que l'eau y diminue &
qu’elle y difparoït prefqu’ entiérement, quoiqu’il
n y ait qu’un bon quart de lieue de Souîairs à Sognole,
& en moins de trois ou quatre jours toute
l ’eau produite par cinq ou fix jours d’ayerfes fe
trouve abforbée»
Quoique le goufre de Souîairs foit confidérable
& qu'il boive ainlî une grande quantité d'eau en
lî peu de tems, cependant plufieurs autres le font
beaucoup plus, nommément ceux des environs des
Etais, village fitué à une demi-lieue ou trois quarts
de lieue au plus de Souîairs j ils font tous très-connus
dans le canton , comme ceux des.environs de
Chaumes, de Creuil, d’Argentières, qui le voient
fur le bord de la rivière, en continuant de la remonter.
Ce grand nombre de goufres doit fans
doute abforber une fi grande quantité d’eau , qu’ il
faut que la rivière en rafifemble beaucoup pour
qu'il en refte encore dans l'endroit où elle dilpa-
roît entièrement. Il faut même que ceux dont on
a parlé ne foient pas les feuls, puifque cette rivière
eft quelquefois plufieurs années à fec au def-
fus de Chaumes, furiout lorfque, les années font
peu pluvieufes. D’ailleurs, on en trouve beaucoup
d ’autres en remontant cette rivière jufqu’à fa
fource; car pour peu qu’on en fuive ie cours dans
ces parties fupérieures, on voit que les goufresfe
multiplient à mefure qu’on approche de la fourbe
& que plufieurs^ parties de fon lit font à fe c , &
enfin , peu a^rès les étangs, qui font les vraies
fources de 1 Ierre \ on rencontre de ces trous où.
1 eau s’engouhe a fiez facilement, & même difpa-
roit entièrement lorfque les étangs en fournif-
fent peu.
\ ^ etce première partie de Ylerr.e étant obfervée
ainfi en détail, il eft plus intéreflànt enfuite de
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faire l’examen de cette même rivière lorfqu’elle à
reparu après ces grandes pertes : il faut donc la
voir à Varennes, où elle eft fort confidérable. On
eft tout étonné de la trouver en cet état dans un
endroit aufli peu éloigné d’ un goufre qui abforbe
j encore beaucoup d'eau. Il faut donc que cette rivière
ait dans fon lit des fources qui lui fournir-
fent de l’eau , outre les fontaines qui font fur fes
bords, & dont les eaux abondantes fe rendent
dans cette rivière.
La fontaine qui en donne le plus eft celle de
V illé : on la regarde même, dans le pays, comme
la fource de \ Ierre; mais il n’y a pas d’apparence
que cette feule fource puifie fuffire à alimenter
une rivière qui a au moins trois toifes de largeur
& prefqu’autant de profondeur. Il faut y comprendre
aufli l’eau de la fontaine de Sainte-Geneviève
y mais comme, entre Sognole & Ivry-lès-
Châteaux , il y a un goufre, l’eau qu’il abiorbe,
doit diminuer confiderablement la rivière malgré
les augmentations des eaux de la fontaine , qui ne
font pas abfoibées. Il y a grande apparence d’ai’-
leurs que la quantité d’eau qui fe perd continue à
couler dans des folles fouterrains qu’elle s eft
creufés le long du lit de la rivière, & qu’elle re-
paroit dans certains endroits de ce lit en formant
des fources comme elle paroït le faire dès les villages
de Varennes &: de Quincy, & des fources
allez abondantes pour rendre Ylùre en état de porter
bateau.
Nous avons dit qu’elle recevoit aufli des augmentations
par l’ abord de f eau des fontaines nom-
breufes qui à’epanchent des côtes voifines de lbn
lit. On doit mettre de ce nombre les fontaines
d Ierre, &r celles furtout voifines du château, parmi
lefquelles la fontaine Budée, célèbre par lès
grands-hommes à qui cette habitation a ajppartenu,
en donne confîdérablement.
Pour peu qu’on fuive avec attention la marche
des eaux latérales qui affluent dans le lit de ïltrre ,
& qu’on remonte un peu avant dans les u r r e s ,
on trouve de ces eaux qui 1e perdent, & après
avoir coulé vers la rivièrè, à une certaine profondeur
en terre, reparoiliènt, foit dans fon lit même,
foit par des fources appai entes & féparéts , dont
les eaux s’y rendent. 11 paroït que la tonftitution
du terrain le prête à cette circulation des eaux. II
y a , par exemple, un ru dont l’eau fe perd'dans
le parc de Panfou, paroifie de Viiiemeu j un autre
au dclfous de ce premier, qui fe perd aufli dans
le parc de Villemairi; un troifième qui donne de
l’eau au moulin de la Grange-le-Roi, paroilfe de
j G r ify , fe perd à un peu moins d’un quart de
lieue de cë moulin ; un quatrième eft abiorbe par
un goufre qui eft dans les environs de Liverdi j
enfin , ufi cinquième diiparoït dans ce qu’on appelle
les goufres de Prejle.
Tous ces différent endroits que je viens d’indiquer
font peu éloignés les uns des autres, & les
points où l'eau des rus difparoït, font à peu près
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dans le même alignement} de forte qu’il eft fort
vraifemblable qu’il y a un canal fouterrain qui
conduit ces eaux vers la rivière. Le plus confidérable
de tous ces rus eft celui des goufres de Prefle
ou plutôt de Vilginard. Ces goufres font près
d’un moulin qui porte ce nom : un d’eux fert de
noue. L’eau qui fait tourner la roue y eft conduite
par un chenal d'environ un pied de largeur, tombe
par-deffus cette roue, & fe perd enfuite dans Je
goufre qui l'abforbe allez promptement, & qui eft
à fec lorfque le moulin ne tourne pas. Le fond du
goufre-eft naturellement pavé par un banc de pierres
à chaux blanches, entre k fqu e lle jl’eau fe perd.
L'eau qui fert à faire tourner ie moulin de Vil—
ginard n’ eft pas la feule qui foit abforbée dans cét
endroit. Outre cette eau, .il y a celle que fournit
un petit étang qui eft au deflus .& tout près du
moulin, laquelle va fe perdre, à quelques pas de
la maifon, dans un amas de petites pierres qui
forment probablement les premiers bancs de la
carrière, dont le fond du goufre du moulin offre
les,lits les plus bas. L’eau fe perd fans bruit, &
d’un mouvement continu : c ’eft une imbibition
femblable à celle qui lé fait de l’eau à travers
d’une terre feche & aride.
En é té , ce trop-plein de l’étang eft peu abondant,
mais en hiver il eft bien plus confidérable.
Dans cette faifon l’eau du ru eft aufli très-forte,
& le goufre ne peut abforber à mefure l'eau que
fournit la roue du moulin ; elle fe répand alors dans
les environs, mais elle difparoït fort vite dans d’autres
trous voifins du goufre, & qui ont huit à dix
pieds de diamètre à leur ouverture. Ce qui n’ eft
pas abforbé s’écoule dans une prairie, & parvient
jiifqiie vers Ozouer-le-Vougis, & gagne ainfi la
rivière d’/m?par un cours fuperficiel.il eft à croire
que la partie qui eft abforbée fe rend, par des canaux
fouterrains , dans la même rivière. La pente
qui fe trouve entre le fond des goufres & le lit de
la rivière principale, que je confi.ière comme
l'égout de ces eaux, favorife bien cette réunion.
Une rivière auffi bien fournie d’ eau, qui ne tarit ‘
jamais, qui ne gèle point, qui pourroit être très-
utile à Paris par fa communication avec la Seine,
mériteroit fans doute qu’on f ît quelque travail pour
augmenter fes eaux en s’oppofant à leur perte. On
pourroit auffi donner une attention particulière à
la confervation des eaux déspetits ruiffeaux qui s’ y
rendent en hiver -, qui perdent même tn cette
faifon une partie de leurfc eaux. Celui de V i lginard
en particulier fçrôit facilement confervé,
ainfi que les deux autres, de Viiiemeu & de Ville-
main. Si l’on réuflilfoit à conferver ces eaux, VIerre
deviendrait alors une rivière, digne d’attention ,
& pourror être d’une certaine milité pour les propriétaires
riverains. Les détails dans lefqueis on eft
entré dans cet article pourront faire naître l’idée
des travaux qu'il faudroit entreprendre pour parvenir
à un but auffi utile. Les faits d'hiftoire naturelle
bi;-n développés, outre leur curiolité, devien-
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nent encore plus iméreffans lorfq fils font rapprochés
de nos beforns, & c'eft là principalement où
doivent tendre les recherches des bons obferva-
teurs.
JERSEY, île fituée dans le détroit de la Manche,
On a découvert en 1787, à la baie de Sainc-Ouen,
dans l'île de Jerfey, plufieurs arbres, en fi grand
nombre, qu’ il lèmbîoit que c’étoit une forêt qui
avoit été renverfée dans la mer & engloutie. Ces *■*
arbres occupoient fur la plage un efpaceaie terrain
de plufieurs arpens, & le même ftratum paroiflbit
s ’étendre a {fez avant dans la mer, Plufieurs de ces
atbres étoienc entiers , 6c avoient au moins quar
rame pieds de longueur. Leurs racines étoienc adhérentes
à la terre j ce qui donna lieu de croire qu'ils
avoient cru dans l’endroit même occ ipé par la
baie & la mer voifine. Il faut que la fur'-ace du fol
ait bien changé depuis l’enfoui (Te ment de ces
arbres} c a r , dans l’efpace de plufieurs milles autour
de la baie, la iurfice de la terre' eft toute couverte
de fable à une très-grande épaiffeur j en forte
qu’on n’y voit pas un feul arbufte.
JE ZERO , lac de Dalmatie, dans le diftriét du
'Primons. li a environ dix milles de longueur. Son
badin eft tout environné de montagnes. Son eau
eft très-limpide & très-pure j auffi le tnomme-r-o;i
Je^ero ou ie lac par excellence, parce que c’eft
le plus grand de cette contrée. Dans quelques en--
droits on voit des ruines de maifo’ns 5 ce qui pourroit
accréditer la tradition des habitans du voifi-
nage, qui porte que ce lac étoic autrefois une plaine
cultivée, & qui étoic couverte par un lac inter-'
mittent, dont les eaux s’écouloîent par des canaux
fouterrains que les Turcs bouchèrent en abandonnant
le pays. Vers le fud, il fubfifte encore une de
ces ouvertures d’ un canal fouterrain qui entre dans .
la caverne de Czemivir, & qui, après un cours de
deux milles fous terre, fe décharge dans le canal
Noir , lequel à fon tour fe réunit à la rivière de
Narenta, à deux milles de la mer. Le lac de Jerero
fe fèche cependant quelquefois, & les cultivateurs
morlàques profitent alors du terrain gras qu’il offre ,
comme des fonds de la vailée de.Roftok, pour y
femer des grains pourvu que les eaux s’écoulent
dans une faifon convenable. Jezeras eft un petit
lac qui a peu de profondeur, & q u i, par cette
raifon, fe delfèche tous les ans, à moins que tes
pluies ne tombent avec une abondance extraordinaire'.
,
Aux environs de ces lacs & dé jà plaine de C oc-
corich, le fol eft alternativement montueüx & en
plaines. G eft par les montagnes, par les canaux
fouterrains qui font diftribués dans leur b afe, que
les eaux inondent les plaines & les abandonnent
fucceffivement. On retrouve dans ces lacs -à peu
près les mêmes^phénomènes qui ont fi fort étonné
dans le lac de Czerniïks. ( Voye{ cet article. ) Plus
on obfervera , plus on trouvera qu’ il n’y a point de