
1 atmofphère environnante doit s’accroître & contribuer
à produire de nouvelles glaces en confère
n t celles qui exiftent.
Par la même raifon, les rivières & les fleuves
qui font entretenus parles glaciers doivent augmenter
en volume d’eau, & leurs débôrdemens >
dans les étés chauds, augmenter en raifon des
magafins de glaces qui les produifent. Neferoit-ce
pas à cet accroiffement des glaciers qu’ il faudrait
attribuer les débôrdemens des fleuves qu’on dit
être plus fréquens, & le changement de température
qu’on a cru remarquer? Car les vents qui
paffent fur ces amas de glaces doivent être d’autant
plus froids & plus fréquens, que l’efpace
glacé s’ étend davantage. L ’accroiffemeht des glaciers
n'eltpas cependant annuel & conftamment
le même : il y en a qui font moins avancés dans les
vallées, qu’ ils ne l'étoient autrefois ; ainfi c’eft la
malfe totale qui s’accroît à quelques modifications
près.
Pierres fur les glaciers.
Une nouvelle preuve bien lenfible de la marche
des glaciers, ce font ces ras de graviers, de pierrè;s
& quelquefois de màffes étonnantes de rochers
qu’on trouve à côté & fur les différentes parties
des glaciers. La première idée qui vient quand ori
rencontre ces matériaux eft qü'iîs y ont été précipités
des rochers environnans : cela eft vrai pour
quelques parties des glaciers. Il en eft de même de
la terre & des fables qui fe trouvent fur les bords
de ces glaciers, & qui en font quelquefois couverts
entièrement; ils proviennent des.pluies & i
des avalanches qui les y ont entraînés : mais il eft ;
queftion de ces quartiers de rocher qui ne peuvent
être amenés de bien loin, & qui'font étrangers à
la vallée où fe trouve le glacier.
Convaincus, par ce qui précède, de la marche :
des glaciers , il ne s’agit plus que de s'afliirer d’où
provenoientces pierres. Ilfalloit donc reconnoître
leur nature&celle des pierres quepouvoient fournir
les montagnes environnantes. D'après cedouble
examen, on a reconnu que les rochers des montagnes
entre lefquelles couloient certains glaciers,
étoient calcaires, pendant que les graviers & les
pierres qu’on voyoit fur le glacier, étoient des
granits mêlés de quelques débris de criftaux de
oche. Ces débris ne provenoient fûrement pas
des montagnes calcaires environnantes, qui fer-
voient comme de baflin aux glaciers, Nulle pierre
calcaire ne fe trouvoit fur le glacis. Il étoit naturel
d’aller à la découverte du lieu d’où pouvoient
provenir ces granits, & on les a trouvés
dans les fommets élevés qui étoient au hâùt des
glaciers. On s’eft alluré pour lors que les granits
pris fur les glaces, comparés avec les fortes qui
les dominent, étoient les mêmes; que c’étoient les
avalanches & la dilatation des glaces interpofées
dans les fentes des granits , qui les détachoient ,
& que les glaçons , dans leur marche f les entra*- ,
noient fur les glaciers, & les faifoient parvenir
aux bords & au pied des glaciers, à moins qu'ils
ne gagnaflent le deffous des glaçons par les fentes.
C e font toutes ces pierres qui forment les enceintes
ou les murèmes des 'glaciers. Le volume de
ces enceintes peut faire juger de l ’ancienneté
d’un glacier & de Tes pofitions antérieures.
La plupart des glaciers de la Suiffe font entourés,
à leurs pieds, de montagnes calcaires prodigieufe-
ment hautes , & leurs murèmes font ae granits ou
de fchiftes argileux micacés, mêlés de quartz,
c ’eft-à-dire, de pierres differentes de celles des
montagnes au pied defquelles font les glaciers..
Cette observation ferait plus que fuffifante pour
déciderJiâ marche & la progreffion des glaçons
dans le£ glaciers, fi d’autres circonftances pouvoient
laiffer quelques doutes à ce fujet. La même
obferva^ion prouvé auffi, comme nous l ’avons fait
voir ailleurs, & furtout dans les articles du Val-
lais , de Sçint-Bernardj que les plus hautes montagnes
font de: granits & de roches fchifteufes
micacées. Ce que nous venons de dire doic auffi
■ détruire les contes ridicules des gens du pays,
qui affurent que ces pierres font rejetées par les
glaciers. Si cela é to it , on ne verroit plus de glaciers
,• ils feroient tous couverts de pierres.
- Il feroit intéreflant de:connoître,de.combien eft
la progreffion des glaciers dans un tems donné;
mais elle doit beaucoup dépendre delà différente
température des faifons, qui ne font pas les mêmes
chaque année. Si à un hiver fort long où il fera
tombé beaucoup de neige qui aura augmenté ia
mafïe fupérieuré du glacier j il fuccède un été fort
chaud , que des pluies chaudes concourent avec
la chaleur pour faire fondre ia glace , alors la
partie inférieure du glacier fohdra très-abondamment,
difparoîrra même à fes extrémités comme
on l’a vu. dans plufieurs glaciers-, Sc en particulier
aux glaciers de Chamouni. Cette partie inférieure,
dégarnie de glace , fera place aux glaces fupé-
rieures furincumbentes, qui, privées de ce point
1 d’appui, avanceront plus facilement, & parcourront
plus de terrain. Les glaçons feront d’ ailleurs
d'autant plus de chemin , que la pente: les
favorifera davantage.
On s’eft au refte afTuré, parle fait, de la marche
des glaciers, & d’ailleurs de la quantité à peu
près de cette marche, en plantant des arbres à
travers les plaines de glace dans l’alignement d'un
objet remarquable fur les, bords, & on a trouvé
que ces arbres avoient cheminé debout aveé les
glaçons dans lefquels ils étoient implantés, &
qu’ils avoient avancé de quatorze pieds vers l’extrémité
inférieure du glacier. Ces épreuves, faites
à differentes reprifes , ont donné les mêmes ré-
fultats : d’où l’on peut conclure une grande probabilité
que la maffe totale du glacier eft à peu
près dans cette proportion avec les variétés que
differentes eau fes peuvent y apporter.
Quand le terrain eft fort en pente ou que les
rochers qui font deffous vont par gradins, le glacier
eft alors en amphithéâtre, où il reffemble à
uue nappe d’eau fe précipitant par cafcades, qui
aurait été fubitemenfegelee. Le côté à’ un glaciery
s’élève quelquefois verticalement, & prefente
une face unie toute de glace : on l’appelle pour
lors mur de glace. Un cône , un mamelon , le haut
d’une montagne, font quelquefois entourés & revêtus
de glace unie, fans qu'il y ait des fentes ou
des crevaffes apparentes, parce qu'il n’y a pas d’af-
faiffemens par-deffous, ou qu’ils font peu fen-
iiblts : ce font des revêcemens de glace.
- Le local modifie:, comme on le comprend aifé-
ment, la forme des glaciers de mille laçons di-
verfesj quoiqu’ils aient la même origine. Il nous
refte à parler de ces pyramides & de ces aiguilles
de glaces qni font de fi grands effets vues de
loin, & qui étonnent lorlqu’on les examine de
près. On ne les apperçoit jamais mieux que lorfque
ces aiguilles viennent aboutir à un fommet de rocher
a pic, où fe termine un glacier ; elles fe détachent
avantageufement fur le beau ciel d’azur*
foncé qu’on n’apperçoit que fur les hautes montagnes.
On voie que ces aiguilles font le réfultat
edes fentes qui s’étoisnt formées dans la direction
des glaciers , & que leurs faces ne font que le profil
des lames ou maffes de glaces qui font inter-,
médiaires entre les fentes. Si l'on voit de côté ces
aiguilles, elles ne paroiffint plus pointues, mais;
plates & carrées par le haur. On les voit tomber
& fe précipiter des bords efearpés, & s’amonceler
dans le fond pour être emportées par le tor-;
rént généra) des autres glaçons.
Des cafcades fe précipitent de tous côtés des;
rochers efearpés, parce que la fonte de la glace y
eft d’autant plus confîdérable, que le foleil échauffe
davantage ce flanc de rocher découvert.
Les pyramides les plus élevées fe trouvent particuliérement
dans les parties fupérieures des glaciers
, où la glace s’eft amoncelée pour combler i
les fonds; elles font affez diftantes k s unes des'
autres pour qu’on les diftingue de loin, & pour
qu’ il en réfuite l’apparence d'un champ de glace
tout hériffé de glaçons pyramidaux.
On en voit auffi fur les côtés des glaciers & en
différens endroits, où la glace eft plus ancienne &
moins expofée aux progreffions du glacier.
La hauteur de ces pyramides a de quoi fur-
prendre lorfqu’ on les voit de près : il y en a de
toutes hauteurs, & même jufqu’à quatre-vingts
& cent pieds d'élévation; ce qui eft prodigieux.
C ’eft dans ces pyramides qu’on obferve plus facilement
la différente denficé qui eft remarquable
dans les couches de glace dont elles font compo-
fées : on voit que les moins tranfparentes fe fondent
plus facilement; on y voit auffi des lits de
fable & de gravier qui font placés entre ces
couches de glace. Les plus anciennes couches, ou
celles de la bafe, étoient moins épaiflès que celles:
du haut. Ces pyramides ne font point pentagones-1
comme on l’ a d it, ou n’ont point, quant au nombre
de leur fa c e , une figure déterminée;, elles
font toutes très-irrégulières , de formes variées
& bizarres , & par conféquent ne fe reffembient
point. La plupart font tronquées par le fomm^r.
La même pyramide paroîtra .pointue fous un certain
afpeêt, & fous un autre elle reffemblera à un
parallélépipède. Il en eft de même de ces pics, de
ces aiguillons ou dents de rochers qui paroi-ffent
pointues de loin. Si l’on monte à leurs lommets,
on y trouve des plateaux, des emplacemens confi-
dérables. Ces malles ne font pas auffi peu acctl-
fibles qu’elles le paroiifem.
Cayern-.s de glaces.
Après les:pyramides de glace nous devons faire
mention des cavernes de g lances, qu’on trouve .de
u’on admire au pied des glaciers ,• elles fe forment
ans l’endroit où beaucoup d'eau fe raffemble pour
déboucher du glacier. Pius il y a d’eau , plus ces
grottes.deviennent grandes & profondes. Leur e x cavation
eft produitepar les mêmes agens réunis qui
font difperfés fous les glaciers, & qui prodüife.nt les
affaiffemens iocaux. L’eau qui fort du glacier étant
beaucoup moins froide que la glace, il n eft pas étonnant
qu’elle fonde une grande partie des glaçons
qu’elle touche, & qu’elle donne la forme des bouillons
aux vides qui en résultent : de là naiffent les
cavernes que l’ on trouve à l’origine dé l’Arve & de
l ’Arveiron, & c . 11 fort de ces cavernes de glace un
froid confidérable , occafionné par le mouvement
dés eaux & par l'air qui fe dégage avec elles dé
deffous les glaciers. Les èaux, fuivant leur vor
lume, contribuent à augmenter l ’ouverture par laquelle
on les voit fo r tir , & par conféquent la
capacité des cavernes. L’eau en fort fumante, &
les glaçons qui forment la voûte de ces cavités
font poreux, parce qu’ils font en deftruélion,
parce que les eaux s’y font jour de tous côtés.
Cependant, ces glaçons s’y trouvent, difpofés de
manière qu’ ils peuvent fe foutenir réciproquement
, comme font les pierres dont on çompofe
les différentes portes de voûtes, Ces, grottes, au
refte, changent continuellement de fprme, für-
to.ut l’é té , où l’eau eft abondante & moins froide,
& qu’il fe détache des voûtes des morceaux de
glace qui ne peuvent plus fe Coutenit, vu la déf-
truétion continuelle qui s’opère en eux & à côté
d’euxV
C ’eft; dans ces cavernes qu’on diftingue particuliérement
la couleur des glaces quand le foleil
donne deffus. La lumière , paffant à travers différentes
épaiffeurs, produit toutes, les teintes de la
couleur d’ aigue-marine.
L’eau fort de ces cavernes avec bruit & en
bouillonnant ; elle fort trouble, blanche ou jaunâtre
communément, quelquefois comme une
forte eau de favon; d’autres fois noirâtre , fuivant
les terrains que l’eau & les glaces parcourent.