
rapportées par des gens du pays , dignes de foi.
C e vent fouffle d'abord vers l’oueft , parce que
Je côté de la montagne d’où il fort, a cet afpeét?
mais comme il eft forcé de s’étendre felon la direction
du vallon, il fe détourne bientôt vers le
nord-oueft, parce que le vallon a cette pofition,
linfi qu'on Ta remarqué.
C e vent fouffle toujours? mais la force avec laquelle
il fouffle, eft fujète à de grandes variations :
tantôt i) eft violent jufqu'à déraciner les arbres?
tantôt au contraire il eft fi foible , & quelquefois
même on ne peut s’en appercevoir qu’en mettant
la main dans les foupiraux ou en y introdûifant
quelque chofe qui puiflfe être facilement agité.
Ces variations répondent exactement à la férë-
n itéd e l’air & au cnaud. Quand le tems eft clair,
fierein & chaud le vent eft fort violent ? il s'af-
foiblit au contraire, & ceffe même d’être fenfible
quand lç tems eft couvert, pluvieux , chargé de
brouillards ou extrêmement froid.
De là vient qu'en été ce vent règne avec violence.
& prefque fans difcontinuation , parce
qu'alors le tems eft prefque toujours ferein & que
h chaleur eft grande? au lieu qu'il ne fouffle que
rarement & foiblement en hiver , parce que la
chaleur eft moindre & la férénité plus rare.
De là vient auffl que ce vent eft fort & violent
rr.ême quand le vent de fud-eft ou vent d'Autan
fouffle, au lieu qu'il eft plus foible & paroît même
cefter quand le vent d'oueft ou le Cers règne,
parce que le vent d'Autan rend l'air chaud & ferein
, au lieu que celui- de Ceis y amène la pluie'
& le froid.
Cependant ce vent ne fouffle, du moins d'une
manière fenfible, que la nuit, & jamais pendant le
jour. II commence quand le foleii eft déjà bas,
fe fortifie à l'entrée de la nuit, fouffle avec force
toute la nuit, diminue à la pointe du jour, & enfin
ceffe de fouffler fenfiblement dès que le foleii
eft un peu haut. C'eft un ordre invariable en tout
tems & en toute faifon ? ce qui fait aufli que les
pay fans de Blaud, qui n'ont point d'autre vent en
été que ce vent de P a s , ne peuvent vanner,
comme on parle dans ce pays, venter leur blé
que pendant la nuit.
Enfin ce vent eft fort frais en é té , & rafraîchir
tout le vallon pendant la nuit. On allure que les
bouteilles de vin que les payfaps vont quelquefois
mettre à rafraîchir dans les foupiraux, y deviennent
auffl fraîches que fi elles avoient été mifes à la
glace. Au contraire, en h iv e r , ce même vent eft
tempéré , & il empêche qu'il ne fe forme aucune
gelée blanthe dans le vallon, où il n'en paroît
jamais tant qu'il fouffle, quelque rude que foit
l'hiver.
L’origine fingulière de ce vent fouterrain, &
les différentes variations auxquelles il eft (ujer,
mais dont l'ordinaire eft confiant & réglé, fem
blent devoir exciter l'envie d ’en pénétrer la caufe.
Pour y réufflr, ou du moins pour pouvoir établir
quelqip chofe de plaufible, i! faut auparavant faire
attention à la difpofition des lieux.
Les différens foupiraux dont la montagne du Tm
eft percée, & par où fort le vent en queftion,
doivent communiquer à une vafte concavité qui
doit occuper le milieu de cette montagne. L'inf-
peétion du lieu , la difpofition des foupiraux, la
(ortie du vent qui s’en échappe , tbut donfteroit
lieu de former cette conjecture. Mais pourquoi’
s'en tenir à des conjectures? Le hafard a fourni
autrefois des preuves certaines de ce que nous
(uppofons. 11 y eut ordre du R o i, en 1680, de réparer
le chemin de Sault, par où M. de Louvois
devoit pafler en revenant du Mont-Louis qu'il
étoit allé vifiter. En élargiffant ce chemin fur cette
. montagne, on fit fauter plufieurs pièces de rocher
qui le refferroient, & qui renfermoient un de ces
foupiraux , & l’on découvrit par ce moyen un
abîme ou , pour me fervir du terme même du
pays, un barrene très-profond. M de Louvois,qui
; paffa peu de tems après,prit plaifir à l'examiner, mais'
il ordonna fagement de le boucher au plus tp t , de
peur que la facilité qu'on auroit d'y jeter les cadavres
& de cacher ainfi les meurtres & les aflàf*
finars , ne donnât occafion d'y en commettre. En
conféquence de cet ordre, on boucha ce trou
en y jetant des arbres entiers & de grands quartiers
de rocher qu’on couvrit de terre. Les chofes
demeurèrent quelque tems en cet état; mais le
vent qui fe formoit dans le creux de la montagne,
& qui avoit peine à fortir par les autres foupiraux
qui étoient trop étroits, fe creufa bientôt dans le
même endroit une nouvelle iffue, qui eft actuellement
affez grande pour y introduire la main.
Un peu plus loin que les foupiraux dont on vient
de parler, & au pied de la même montagne, il y a
dans le fond du vallon de Blaud deux'antres o u 1
cavernes féparées, mais qui fe rémiffent bientôt
& qui vont aboutir à un grand baffln ou réfervoir
d'eau, enfoncé dans la montagne de cinquante ou
foixante pas. Ces cavernes ne fourniffent rien dans
l’é té , mais dans l'hiver elles vomifient à gros bouillons
un torrent d’eau, qui forme la plus grande
partie de la rivière qui ferpente dans le vallon de
Blaud.
On a des preuves que cette eau vient, par des
routes fouterraines, du pays de Sault, qui n'en eft
éloigné que d'environ une lieue. C'eft un petit pays
où l'on entre dès qu’on a atteint le fommet des
montagnes qui bornent le vallon de Blaud du côté
du midi, avec lefquelles ce pays eft prefque de
niveau. L'on trouve, en y entrant, une affez grande
plaine d'environ une lieue & demie de diamètre,
dont les eaux pluviales n'ont aucune iffue. Elles
font obligées de fe ramaffer vers le milieu, qui eft
plus bas , où elles forment, en été , deux mares
groffles dans l'hiver par les eaux pluviales & par
.différens torrens qui s'y rendent des montagnes voi-
fin.es, forment, en fe réunifiant, une efpèce de lac,
dont les eaux vont fe précipiter avec violence dans
iin trou ou goufre qui eft auprès. C e trou eft appelé,
par les gens du pays, Yentonnadou, c'eft-à-
dire , Yentonnoir. On a expérimenté plufieurs fois
que de la pjiiie ; de la fciure de bois ou de petits
morceaux de liège que l’on avoit jetés dans ce
goufre en hiver, ont été bientôt rejetés par lés
cavernes que nous venons de décrire, & répandus
dans le vallon de Blaud.
De là il eftaifé de conclure que les eaux pluviales
qui tombent dans cette partie du pays de Sault,
& qui fe rendent au goufre de l'entonnadou ,
font portées par des voies fouterraines vers la
montagne de Blaud , s'y précipitent dans la concavité
que cette montagne renferme , & fortent enfin
par les deux ancres qui font au pied de la même
montagne, & qui font pour ainfi dire les deux
égouts de cette plaine.
Comme ces antres jettent une grande quantité
■ d'eau pendant l'hiver,il eft bien évident qu’ il doit y
en avoir beaucoupalors dans le creux de la montagne
de Blaud, avec lequel ces antres communiquent j
mais il doit y en avoir auffl dans l'é té , même le
plus fe c , quoiqu'il n'en forte point, puifque dans
ce tems-là même l'on trouve dans le fond de ces
antres un grand baffln d'eau , qui d o i t , fuivant
les apparences, s'étendre affez avant dans la montagne
, & pour le moins jufqu’au deffous des foupiraux
dont nous avons parlé.
On peut expliquer la caufe du vent de Pas, fi
l’on compare le creux de la montagne de Blaud
à un éolipyle. Perfonne n’ ignore que fi l'on met
dans un éolipyle quelques gouttes d'eau, & qu’on
expofe enfuite l’éolipyle au fe u , i I fort un vent im
pétueux par l'ouverture étroite dont il eft percé,
à mefure que l'eau Te réfout en vapeurs par la chaleur
du feu.
Dans la montagne de Blaud il y a une cavité qui
répond à la cavité de l’éolipyle : dans le fond de
cette concavité il y a de l'eau, comme il y en a
dans l’éolipyle ? il y a en fin, ainfi que dans l’éolipyle,
•une chaleur intérieure que le foleii communique
partout aux entrailles de la T e r re , & qui s'y con-
ferve toujours malgré les variations qui arrivent
fur fa furface. Cette eau doit donc, de même que
dans l’éolipyle, s’y réfoudre en vapeurs par l'action
de cette chaleur, & ces vapeurs, après avoir
rempli les concavités de la montagne, doivent
ènfin s'échapper avec violence par les foupiraux
tlont elle eft p ercée, & produire par ce moyen un
vent très-fenfible.
f C'eft de cette manière que fe forme cette efpèce
de vent coulis que l’on fent fortir en été des foupiraux
des caves qui font profondes. L'humidité
dont ces caves font pleines, fe réfout alors en vapeurs
par la chaleur de la faifon, & ces vapeurs,
qui s'échappent en foule par les foupiraux, produisent,
en for tant, un .vent affez fenfible. Cet
exemple fert merveilleufement à confirmer ce que
nous avançons. Ce qu^ fe paffe en petit dans les
caves doit fe paffer en grand dans le creux de la
montâgne de Blaud j & fi le peu de vapeurs qu*
s’élèvent dans i’etendue d’ une feule cave , p eu t,
en fortant par un foupirail affez grand , faire un
vent affez fenfible quoique foib le , il faut à proportion
que les vapeurs abondantes qui fe forment
dans les concavités fpacieufes de cette montagne,
& qui font obligées de fortir par des foupiraux
très-étroits, forment un vent très-fort & très-
impétueux.
Cette fuppofition une fois admife, il eft aifé de
rendtè raifon de tous les phénomènes que l ’on
obferve dans le cours de ce vent.
11 fouffle toujours, du moins auprès des foupiraux,
Si cela parce qu'il fe forme toujours des vapeurs
dans le creux de la montagne, qui s’échappent
au dehors.
Ce v en t, quoique continuel, fouffre de grandes
variations dans la force avec laquelle il fouffle t tantôt
il eft impétueux, & tantôt il eft foible & pref-
qu'imperceptible ? ce qui peut venir de deux différentes
caufes, ou de la quantité des vapeurs qui
fe forment dans la concavité de la montagne, laquelle
tantôt augmente & tantôt diminue, ou de
la réfiftance que les vapeurs trouvent à fortir, laquelle
eft tantôt plus grande & tantôt moindre.
C'eft par la première de ces caufes que ce vent
eft fo r t , tant que l'Autan ou le vent de fud-eft
fouffle, & qu'il eft foible au contraire & devient
même imperceptible dès que le vent d’oueft ou de
nord-oueft, qu'on y appelle te vent de Cers, prend
le deffus. Le vent de fud-eft eft chaud, & contribue
par conféquent à faire forme* dans le creux
de la montagne une plus grande quantité de vapeurs:
le vent d’outft ou de nord-oueft y eft au
contraire très-froid, & doit par conféquent, en
refroidiffant l'air , .diminuer la quantité de vapeurs
qui fe forment dans ces concavités^
C'eft par la même caufe que ce vent eft violent
quand le tems eft clair , beau & ferein? au
lieu qu’ il diminue & ceffe même quand le tems eft
couvert & pluvieux. Le beau tems eft toujours
caufé, dans ce pays-là, par le vent de fud-eft ou
l'Autan, qui eft chaud, au lieu que la pluie y eft
toujours amenée par le vent d'oueit ou le Cers, qui
eft froid.
C'eft parla même caufe encore que ce vent fouffle
avec violence & prefque continuellement en é t é ,
parce qu’alors la chaleur eft grande & continuelle $
au lieu qu'il ne fouffle que rarement & foiblement
en hiv e r , pendant lequel la chaleur eft toible & le
beau tems plus rare.
Mais c'eft de ta fécondé des caufes que nous
avons rapportées, que dépendentles variations journalières
qui font que ce vent ceffe le jour & ne
commence à fouffler que la nuit. Pendant le jour
l'air du dehors , échauffé & raréfié par les rayons
du foleii, contre-balance & arrête la fortie des vapeurs
qui fe prëfentent aux foupiraux, & par conféquent.
affoiolit ou fupprime le vent que ces vapeurs
formeroieot. C e n’eft que vers le foir que
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