
& qu'elle aie été forcée de de (cendre dans une
région où elle ne p^roît pas devoir fe conferver ,
puifqu’ il y fait afiez chaud pour qu'une quantité
de végétaux y croiffent & y mûriflent.
L*eau cou le, de tous côtés , du pied du glaciçr.
On voit que la glace fe fpnd, & que s'il s'en maintient
dans cette faifon, ce n’eft que par la prodi-
gieufe quantité qu’ il y en a> mais on reconnoît
bien d'autres moyens qu'emploie la Nature pour
conferver ces amas de glaces lï l'on approche de
plus près ces glaciers 3 & qu'on parcoure une certaine
étendue de glace.
Pour arriver fur ces glaciers par le pied 3 on eft
obligé de monter fur des tas de décombres coin-
pofésde terresj de graviers, de pierres, & de
maffes de rochers qui forment une enceinte le long
du bord du glacier, & qu'on nomme murtme. Si
l’on y monte par le côté , il faut monter les croupes
du vallon & les redefeendre énfuite : on voit
que ïa glace eft affaifiée, & va en pente quelquefois
vers l’ouverture du vallon que le glacier
remplir.
Outre cela cette glace, qui de loin paroiffoit
feulement raboteufe & inégale, offre à l’obferva-
teur curieux qui la parcourt, une furface remplie
de hauteurs & de cavités, & il y a partout des
fentes, des crevaffes & des trous. Ces inégalités
inquiètent d'abord fur des pentes de glaces où le
pied paroîc peu affuré j mais comme certaines parties
font chargées de terres & de graviers fur
les bords, on peut les choifir pour faciliter fa
marche. Plus on avance fur la glace, plus on a
befoin d’un bâton ferré ; & li l’on a eu la précaution
de fe procurer des fouliers armés de clous,
comme les montagnards, on marche, comme eux,
fûrement fur ces glaces. Il eft plus difficile de parcourir
& de vilïter les glaciers avant que le foleil
en ait fondu la fuperficie, parce que la partie dégelée
le jour s’eft gelée la n u it, & offre un verglas
très-uni, fur lequel on ne pourroit marcher
qu’avec des fouliers ferrés. Les fentes , dans le i
bas du glacier3 font dans fa direction , c'eft-à-dire,
en lo n g , & fuivant îe fil des eaux qui en découlent.
Au milieu, & dans les autres parties du glacier
, elles fe trouvent en différens fens, & elles
font profondes à proportion de l’épaiffeur des
glaces : c ’eft prefque toujours le lit du glacier incliné
plus ou moins, qui produit la plus grande
partie des fentes. Partout où la pente eft rapide,
|es glaces entraînées par leur poids, & inégalement
foutenuespar lefond raboteux qui les porte,
fe divifent en grandes tranches tranfvérfales &
féparées par de profondes crevaffes. Ainfi le lit du
glacier du Grindervrald étant fort incliné & inégal
à fon iffue, il n’eft pas étonnant que le glacier fo:t,
dans ces parties, rempli de crevaffes & de pyra?
mides. Si l’ on monté plus haut derrière le Ret-
tenberg, on voit que la furface du m ç < n e glacier 3
fur un lit plus approchant du plan de l’horizon &
moins inégal, eft prefqu'unie, n’a point de pyramides,
très-peu de crevaffes, dont la plupart font
affez étroites. Dans d’autres glaciers il y en a qui
font des goufres effroyables, & qui vont en fe
; rétréciffint par le bas. On a raifon de craindre d’y
gliffer, de fe, trouver ferré & fufpendu entre ces
murs déglacés, dont fouvent on ne voit pas le
fond : il y en,a de huit & dix pieds de large &
quelquefois plus. La fente s’élargit ou fe rétrécit,
fuivant les parties de la bafe des glaçons où la
1 chaleur du foleil agit plus fortement, & qu'elle
fond plus abondamment. Souvent elles fe contournent
& prennent différentes finuofîtés. On voit
même des trous & des cavités arrondies, furtout
à la naiffance des fentes. Ordinairement les maffes
de glaces qui font entre les crevafles font convexes
, & piéfentent un dos-d’ âne à leur milieu ;
& il réfuîte de là que la furface totale d'un glacier
eft couverte de hauts & de bas de ces iné-
galirés qui refîèmblent aux vagues' d'une mer
agitée, & qui fe feroient gelées fubitëment. C'eft
. la meilleure idée qu’on ait pu donner de ces
vaftes étendues de glacé en les appelant mers de
glaces quand elles font fur un fond qui eft prefque
horizontal.
Ce qui étonne le plus enfuite , c’ eft la couleur
des glaces. Les rayons du foleil traverfant les parties
ifolées , la lumière qui fe rend fenfible dans
la partie oppofée des fentes donne à la glace une
couleur bleue-verdâtre, qui augmente & f e fonce
à mefure que les fentes font plus profondes. Cette
couleur eft très-agréable dans les parties les plus
éclairées 5 elle contrafte bien avec la fuperficie du
glacier, qui , vue d’un certain afpeét, eft d’un
blanc éblouiffant, & réfléchit les rayons du foleil
comme de l’argent poli. Ces trous & ces crevaffes
font remplis d’ eau qui quelquefois eft limpide , ÔC
d’autres fois trouble comme celle qui fort du pied
des glaciers. Comme «lie eft le produit de la
fonte des neiges & des glaces, & qu’elle coule
par-deffous les glaçons, elle fe charge de tous les
corps étrangers qu’elle rencontre j aufli entend-on
le bruit des eaux qui coulent fous les glaçons.
On voit quelquefois des fentes qui fe font re-
prifes & reffoudées après que les bords s’en font
rejoints ; d’autres ne font fondées que par l'eau dont
elles étoient remplies & qui s’eft gelée. Cette nouvelle
glace fe diftingue très-bien par fa tranfparence
& par fa couleur plus bleue.
Plus on avance fur \esglaciers, plus on approche
des hauteurs où fe trouvent les amas de neige,
plus le froid augmente. On rencontre auffi quelquefois,
dans ces parties fupérieures, des vallées
d’ où découlent d’autres glaciers qui fe joignent au
premier.
En é té , les fentes font nombreufes & fe multiplient
chaque jour } elles font auffi plus ou moins
larges. En hiver , elles font couvertes de neiges ,
& font d’autant plus dangereufes, qu'on s'y précipite
fans les connoître, parce qw’elles changent
fouvent d’emplacèment. La façon d’y voyager en
G L A
hiver eft d’avoir une perche fous le bras & por?
tée horizontalement, afin qu’ on puiffe refter fuf-
pendu au dtffus de la fente fi l'on avoir le malheur ,
d’y tomber. Si l’on eft plufieurs, on marche à une
certaine diftance les uns des autres, & chacun
tient la même corde qui fert à retirer celui qui eft
tombé dans quelque tente. Quand on a voyagé fur
ces glaciers & qu’on a été à leurs parties fupërieu-
res, on reconnoît que ce qu’on a pris de loin pour
de la neige eft de la glace : fur quoi nous ferons
obferver que les nuages ne fourniffent que de la
n e ige , & que c’eft par le dégel qui fuccède, que
cette neige eft couverte de glace. I! faut donc que
le dégel ait pénétré dans toute J’épaiffeur de la
neige , pour qu’elle devienne glace pure & tranf-
parente. Ainfi ce n’ eft qu’en été qu'on trouve des
glaces partout, & l’hiver tout eft couvert de neiges
qui confervent leur état primitif.
Les glaciers ont fouvent plufieurs lieues de longueur,
c'eft-à-dire que les vallons remplis de ces
courans de glaces s’étendent à cette diftance avant
d'arriver aux limites de leur accroiffeme.nt. Il y a
des glaciers qui ont toutes fortes de grandeurs,
parce qu'ils ont toutes fortes de pofîtions. S'ils
font fur les croupes rapides des montagnes , lés
neiges & puis les glaces s’amonçèlent jufqu'à ce
quelles aient gagné le niveau où elles fondent
abondamment, ou bien où elles,coulent. Un rocher
, une montagne qui fe trouve dans le chemin
du glacier, l ’oblige à fe détourner pour gagner
la pente la plus prochaine. Ces écoulemens
de glaces font affujettis à des règles dépendantes
d e l’inclinaifon plus ou moins confidérable du fond
des vallées & de l’accroiffement de chaleur fie de
fonte que les glaçons éprouvent dans les diffé-^
rentes parties du glacier. Au refte, nous expofe-
rons toutes ces circonftànces par la fuite.
Fentes & crevaffes des glaciers , & leur marche.
Par la chaleur de la terre , Ja neige & la glace
fe fondent davantage à la partie inférieure, qu’à
leur furface. Cet effet fe remarque également fur
les plus hautes montagnes, & dans le plus fort
de l’hiver > car dans cette faifon il fort, toujours
de l'eau par-deffous les glaciers , même, fort élevés.
L’été la fonte eft confidérable > auffi les
fleuves & les rivières qui tirent leur fource de
montagnes où il y a des glacières , ne débordent
que dans les grandes chaleurs de l’été. La chaleur
de la terre fe communique tellement de proche en
proche , que toutes les glaces qui touchent à la
terre & aux rochers fe trouvent fondues à une
certaine diftance.C’eft cette caufe qui fépare l’extrémité
des glaciers des enceintes de pierres ou
murème qui les enveloppent. Les pierres mêmes
qui fe trouvent au milieu des glaciers font entourées
d’un vide occafionné par la fonte de la glace,
& le vide eft plus confidérable du côté où les
pierres ont teçu en plein les rayons du foleil. L’ é vaporation
qui fe fait au dt flous du glacier, étant
GLA s85
renfermée fous les glaces, n’en devient que plus
a<5tiv,e, & pour lors on comprend que la fonte
occafionné de grands vides & de grands creux
fous des glaçons d'une étendue confidérable. Les
portes-faux fur un terrain inégal occafionneae
des ruptures & des affaiffemens dans le glacier,
qui augmentent les inégalités de fa furface. Ces
chaogemeps ne peuvent s’opérer fans qu’ il s'y
forme des fentes 6ç des crevaffes de tous côtés &
en différens‘fens, & furtout dans le fens de la dir
reétion du vallon.
Nous avons déjà remarqué qu’en arrivant fur le
glacier par les çq té s , on trouve que la glace alloit
en pente, non-feulement de la tête du yallon à fon
embouchure , mais encore des bords vers le mi-
lieùVEnfin,deuxdifpofitions des glaçons méritent
d être remarquées & confédérées comme les bafes
.des explications qui nous reftent à donner.
Les affaiffemens des glaçons fe font avec un
bruit & un fracas qu'on entend à plufieurs lieues.
On croiroitque çe font un grand nombre de pièces
d’artillerie qu’on décharge à la fois. Les échos 6c
les vallées, contribuent à propager le bruit. On a
dit que ces bruits fréquens étoient une annoncé
de changemens de tems & de pluie : c'eft le ba->
romètre des habitans voifins des glaciers. On pré-;
tend qu’ ils fe font entendre plus fouvent à l’entrée
de la nuit, à caufe de la fonte du jour.
L’eau qui 4e gèle dans les fentes occafionné
auffi des dilatations & des craquemens, mais moins
confidérables que ceiix produits par les ruptures
des glaçons. La chute des aiguilles déglacé fe fait
auffi entendre en raifon de la miffe & de la hauteur
d’où elles fe précipitent. Quand il fe fait
quelque rupture de glaçons & des affaiffemens, il
femb.e que le bruit parcourt le glacier d’ une extrémité
à l’autre. Quand cet affaiffement fe fait
fur tin terrain en pente , les glaçons font déterminés
;à fe porter dans le fens de la pente , & les
autres fuivent de proche en proche j & fi l’on y
ajoute la preflion des maffes énormes qui font au
deffus, qui augmentent & s’accumulent annuellement
par la fonte>des neiges & leur converfion en
glace-, & leur gliffement , on concevra facilement
comment s’opère la marche des glaciers dont on ne
peut plus douter quand on a raffemblé toutes les
circonftànces que nous venons de rappeler i c i , &
qui doivent y concourir néceffairement.
Beaucoup d’autres faits établiffent cette marche.
On fait que différentes vallées étoient autrefois
dès communications entre les pays limitrophes
> elles font actuellement obftruées de glaces,
& inabordables. Les titres de biens & de poffef-:
fions fituées d£ns ces vallées font encore exif-
tans , & ne datent pas de fort loin. Toutes les ob-
fervations fuivies qu’on a faires des glaciers prouvent
que les glaces augmentent, & que la quantité
qui fe fond l’été eft inférieure à celle qui fe forme
l’hiver & les autres faifons. Cela doit être , puif-
qu’en raifon de l'étendue des glaces , le frioid de
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