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defquelles ils ne laiffent pas que d'avoir beaucoup
d en fans. Au-delà de cette contrée, fous le dix-
feptième ou dix-huitième degré de latitude nord
& au même parallèle, on trouve les Nègres du Sénégal
& ceux de laNubie, les uns fur la merocéane,
& les autres fur la Mer-Rouge } & enfuite tous les
autres peuples de l'Afrique, qui habitent; depuis
€?. dix-huitième degré de latitude nord , jufqu’au
dix-huitième degré de latitude fud, font noirs, à
I exception des Ethiopiens ou Abyfiins. Ainfi , la
portion du Globe qui eft départie par la nature
aux Nègres , eft une étendue de terrain parallèle
a 1 équateur, d'environ neuf cents lieues de largeur
, fur une longueur bien plus grande, furtout
. au nord de léquateur ; & au-delà des dix-huitième
& vingtième degrés de latitude fud , les hommes
ne font plus des Nègres, comme nous le dirons en
parlant des CafFres & des Hottentots.
On a été long-tems en erreur au fujet de la couleur
& des traits des Ethiopiens , parce qu'on les
a confondus avec les Nubiens leurs voifins , qui
font cependant d'une race différente par la couleur
& par Es trairs. La couleur des Ethiopiens eft
brune ou olivâtre, comme celle des Arabes méridionaux
, defqueh ils ont probablement tiré leur
origine. Ils ont la taille haute» les traits du vifage
bien marqués, les yeux beaux & bien fendus, Je
nez bien fait,, les lèvres petites & les dents blanches}
au lieu que les habitans de. laNubie ont le
nez écrafé, les lèvres gtoffes & épaiffes , & le
vifage fort rroîr. Ces Nubiens font des elpèces
de Nègres allé* femblables à ceux du Sénégal.
Les Ethiopiens font un peuple à demi policé :
leurs vêcemens font de toile de coton, & les- plus
riches en ont en foie. Ils aiment affez la viande
crue > ils ont une graine qu'on appelle tecf9 avec
laquelle ils font du pain & une efpèce de bière
} u.n aigrelet. Il y a de vaftes déferts. en
Ethiopie & dans cette grande pointe qui s'étend
jufqu’au cap GaEdafut. Ce pays, qu'on peut regarder
comme la partie orientale de l'Ethiopie, eft prelqu e
entièrement inhabité. Au midi, l'Ethiopie eft bornée
par les Bédouins & par quelques autres peuples
qui fui vent differentes religions. Il eft probable que
lies Arabes auront, à differentes époques, envahi
l’Ethiopie. C es Arabes fe font même étendus le
long de la cote de Mélinde car lès habitans de
cetre côte ne font que bafanés.
Dès le huitième degré de latitude nord commence
le peuple de G alles , divifé en plufieurs
tribus, qui s'étendent- peut-être jufqu'aux Hottentots
, & ces peuples de Galles font pouc la
plupart blancs. Dans ces vaftes contrées comprifes j
entre le dix-huitième degré de latitude fud , on ne I
trouve des Nègres que fur les côtes & dans les j
pays bas voifins dé la merj mais dans l’intérieur,
où1 lès terres font élevées 8c montagneufes, tous
tes hommes font blancs > ils font même prefque
quffi blancs que les Européens, parce que toute
cette terre de l’Afrique eft fore élevée fur la furface
du G lo be, & n'eft pas expofée à dès chaleurs
I exceffives. D'ailleurs, il y tombe des pluies abondantes
& prefque continuelles, qui, dans certaines
- faifons , rafraichiflènt encore la terre & l'air , au
point de faire de ce climat une région tempérée.
Les montagnes qui s’étendent depuis le Tropique
du Cancer jufqu'à la pointe de l'Afrique , partagent
cette grande prefqu'île dans fa longueur, & font
toutes habitées par des Blancs. C e n'eft que dans
les contrées où les terres s’abailfent, que l ’on trouve
des Nègres. O r , elles fe dépriment beaucoup du
côté de l'occident, vers les pays de C on go, d'Angola
, &r tout autant du côte de l’orient, vers M élinde
Zanguedar. C'eft dans ces contrées baffes,
excellivement chaudes, que fe trouvent les hommes
noirs, les Nègres à l'occident, & les CafFres
à l'orient. Au refte, les naturels de la côte
orientale de l'Afrique font noirs d’origine, & les
hommes bafanés ou blancs qu'on y trouve, font
venus d'ailleurs. Mais, pour fe former une idée
jufte des différences qui fe trouvent entre ces
peuples noirs » il eft néccffaire de les examiner plus
particuliérement.
Il paroît d'abordqu’ il y a autant de variétés dans
la race des Noirs, que dans celle des Blancs. Les
Noirs ont, comme les Blancs, leursTartares & leurs
| Circadiens. Ceux de Guinée font extrêmement
laids, & ont une odeur in fupportable : ceux de
Sofala & de Mozambique font, beaux, & n'ont
aucune mauvaife odeur. Il femble qu'il convien-
! droit de divifer les Noirs en différentes races. Or*
on peut les réduire à deux principales î celle des
Nègres & celle des Caffres. Dans la première, on.
peut comprendre les Noirs île Nubie, du Sénégal» du Cap-Verd , de Gambie , de Sierra-Leona, de
la Côre-des-Dents, delà C ôte -d 'O r, de celle de
Ju ia , de Bénin , de Gabon, de Lowango, de
Congo, d'Angola & deBenguela, jufqu'au Cap-
Nègr-e. r
Dans la fécondé, on peut placer les peuples qui
font au-neli du Cap-Nègre jufqu’à la pointe de
l’ Afrique, ou fe trouvenfies Hottentots & tous
Us peuples de lacôte orientée de l'Afrique, comme
ceux de la terre de Na ta F, fde Sofala , de Mono-
motapa-, de Mozambique, de^Mélinde. Les Noirs,
de Madagafcar & des îles voifines feront aufli des
Caffres & non pas des Nègres. C e s deux races
d'hommes fe r Jfemblent plus par la couleur que
par les traits du vifage :,leurs cheveux * leur peau,,
l'odeur de leur corps, leurs moeurs & leur naturel,
font aufft très-diffère ns.
Enfuite, en examinant particuliérement les dif-
fërens pc.upl. s qui compofent chacune de ces-races
d'hommes n o i r s o n y trouve autant de variétés
que dans les races des hommes blancs,, & l'on y
trouve toutes les nuances du brun au noir»comtxfe
;nous avons trouvé dans lés races d’hommes blancs *
toutes les nuances du brun au blanc.
Si nous commençons maintenant par lés pays qui-
font au nord du Sénégal, & que nous fumons „ let
long de toutes lès côtes de l'Afrique, tous les diffé-
rens peuples que les voyageurs ont reconnus, nous
trouverons que les naturels des îles Canaries ne
font pas des Nègres, puifqueces voyageurs affûtent
que les anciens habitans de ces îles étoient des
hommes bien faits, d'une taille avantageufe &
d'une forte complexion} que les femmes étoient
belles & avoient des cheveux fort beaux & fort
fins, & que ceux qui occupoient la partie méridionale
de chacune de ces liés, étoient plus olivâtres
que les habitans diftribués fur les cotes fep-
tentrionales. Ils nous apprennent, en particulier ,
que les habitans de l'ile de Teneriffc étoient ro-
buftes & d e haute taille, mais maigres & bafanés,
& que la plupart avoient le nez plat. Ces peuples,
comme on v o it , n’ont rien de commun avec les
Nègres, que le nez écrafé. Nous devons remarquer
que les peuples qui habitent la partie du
Continent, fituée a la hauteur de ces îles, font des
Maures affez bafanés, mais qui ne tiennent pas,
plus que ces infulaires, à la race des Nègres.
Les habitans du Cap-Blanc font encore des
Maures qui ne demeurent pas long-tems dans un
même lieu : ils font errans comme les Arabes, fui-
vantles pâturages qu'ils trouvent pour leur bétail,
dont le lait eft leur principale nourriture. Ils ont
des chevaux, des chameaux, des boeu fs , des
chèvres, des brebis} ils commercent avec les
Nègres, qui leur donnent huit ou dix efclaves
pour un cheval, & deux ou trois pour un chameau.
C ’ éft de ess Maures que nous tirons la gomme
arabique > ils en font diffoudre dans le lait dont ils
fe nourriffent j ils ne mangent que très-rarement
de-la viande, & ne tuent leurs beftiaux que lorf-
qu'ils font près de mourir de vieilleffe ou de
maladie. ^
Ces Maures s'étendent jufqu’ à la rivière de Sénégal,
qui les fepare des Nègres : ces Nègres ne
font que bafanés} ils occupent toute la partie au
nord du fleuve. Les Nègres font au midi & font
abfolument noirs. L’ une & l'autre nation a des
moeurs bien différentes : les Maures font errans
dans tout le pays qu'ils habitent j les Nègres font
fédentaires & occupent des villages. Les premiers
font libres & indépendans} les féconds ont des
rois dont ils font efclaves. Les Maures font affez
petits, majgres & de mauvaife mine, avec de
l'efprit & de la fineffe : les Nègres au contraire
font grands, gro s , bien faits , mais niais & fans
efprit. Le pays habité par les Maures n'eft qu'un
fond de fable fi ftérile, qu'on n'y trouve de la verdure
qu’en très-peu d’endroits} au lieu que le pays
des Nègres eft gras, fécond en pâturages, en
tmllet & en arbres toujours verts.
On trouve en quelques endroits, au nord & au
midi du fleuve, une race d'hommes qu'on appelle
Foules, & qui femblent faire ia nuance entre les
Maures & les Nègres, & qui pourraient bien n’être
que des mulâtres produits par le mélange de ces
deux nations. Ces Foules ne font pas toot-à-fait
noifs comme les Nègres, mais ils font bien plus
bruns que les Maures, & tiennent, quant à la teinte
de noir, le milieu entre les deux* ils font plus ci-
vilifés que les Nègres, & reçoivent affez bien les
étrangers.
Les îles du Cap-Verd font de même toutes
peuplées de mulâtres provenus des premiers Portugais
qui s'y établirent & des Nègres qu’ils y trouvèrent
: on les appelle Nègres couleur de cu iv re ,
parce qu'en effet, quoiqu'ils reffemblent affez aux
Nègres par les traits , ils font cependant moins
noirs ou plutôt jaunâtres. Au refte, Us font bien
faits & fpirituels, mais fort pareffeux > car ils ne
vivent pour ainfi dire que de chaffe & de pêche , &
ils échangent ce qu'ils peuvent prêter ou donner-,
pour des épingles ou des marchandifes de pareille
valeur.
Les premiers Nègres que l’on trouve en Afrique
Font donc ceux qui habitent le bord méridional du
Sénégal. Ces peuples, aufli bien que ceux qui
occupent toutes les terres comprifes entre cette
rivière & celle de Gambie, s’appellent Jalofes,* ils
font tous fort noirs , bien proportionnés & d’une
taille avantageufe.'Les traits de leur vifage font
moins durs aue ceux des autres Nègres: les femmes
furtout ont les traits fort réguliers. Iis ont aufli les
mêmes idées que nous de la beauté j car ils veulent
de beaux yeux, une petite bouche, des lèvres proportionnées
& un nez bien fait. Il n'y a que fur le
fond du tableau qu'ils penfent différemment : il
faut que la couleur foit très-noire & très-luifante j,
ils ont aufli la peau très-fine & très-douce, & on
trouve, dans ce canton , d aufli belles femmes à la
couleur près, que dans aucun autre pays du Monde.
Elles font ordinairement très-bien faite s, très-
gaies, très-vives & très-portées à l’amour : elles
ont du goût pour tous les hommes, & particuliérement
pour les blancs, qu’elles recherchent avec
empreffement. Au refte, ces femmes ne laiffent pas
<jue d'avoir une odeur défagréablelorfqu’elles font
échauffées, quoique l'odeur de ces Nègres du
Sénégal foit beaucoup moins forte que celle des
autres Nègres. Elles fe baignent fouvent, & la
plupart des filles, avant de fe marier, fe font découper
& broder la peau de différentes figures d'animaux
& de fleurs.
Les Négreffes portent prefque toujours leurs
petitsenfans furie dos pendant qu’elles travaillent.
Ils ont tous les cheveux noirs & crépus comme de
la laine frifée. C ’eft aufli par les cheveux & par la
couleur, que les Nègres diffèrent principalement
des autres nommes ; car leurs traits ne font peut-
être pas fi différens de ceux des Européens , que
le vifage tartare l'eft du vifage français. Chez
prefque tous les peuples, autres que celui du Sénégal,
les grottes lèvres & le nez large & épaté
font des traits donnés par la nature, qui ont fefvî
de modèle à l’art qui peut être, chez tous ces peuples,
d'aplatir le nez & de gioffir les lèvres à ceux
qui font nés fans cette perfection.
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