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avec plus d’éclat & d’aétivité dans la faifon du
printems 3c vers le tems de la nouvelle lune. Les
brouillards font fort fréquens & même épais en
été, & les vapeurs des glaces fumantes font très-
abondantes en hiver. Cette fumée froide s’élève
des glaçons qui flottent furla mer, & furtout des
ouvertures qui s’y trouvent.
Les Gro'ênlandais fe regardent comme des hommes
par excellence ; ilsjfont cependant une branche
des Efquimaux, race petite, abâtardie, & confinée
fur toutes les côtes aréliques; Ils tirent leur origine
des Samoïèdes, qui, en paffant dans le Nouveau
Monde, ont une fuite d’habitations non-interrompues,:
depuis le détroit du Prince Guillaume,
au côté occidental, latitude foixante-un
degrés, jufqu’à la partie méridionale & orientale
de la terre de Labrador ; ils fe font difperfés par
degrés au moyen de leurs petits canaux, diminuant
toujours de taille, jufqu’à ce qu’ils foient
venus au terme de leur dégénéràtion, fous le nom
d‘ EJquunaux 8c de Gro'ênlandais. Un peuple fem-
blable a été vu depuis le détroit du Prince
Guillaume jufqu’au nord du détroit de Bering
M. Hearne l’a retrouvé enfuite à la latitude de
foixante & douze degrés. Suivant le rapport des
Gro'ênlandais de la baie de Difco , il y en a dans
la baie de Baffin }_ latitude foixante & dix - huit
degrés.
C’eft une race faite pour le climat ou plutôt par
le climat, & e le ne pourroit pas plus fupporter
fon tranfport fous un.,ciel tempéré, qu’un animal
de la zone torride ne pourroit vivre dans notre
climat, où la température eft fi variable : outre
cela, la privation de fa nourriture habituelle pro-
duiroit bientôt fa deftruétion. On a trouvé une
refiemblance de moeurs, de vêtemens, d’armes
& de langage dans toutes les colonies de cette
rac-e que nous avons indiquée & reconnue depuis
le détroit du Prince Guillaume jufqu’à la terre de
Labrador ; ce qui forme un èfpace d’environ mille
cinq cents lieues. Cette-même race paroît n’habiter
que les côtes; elle eft partout expofée à la perfé-
cution des Indiens , qui lui ont voué une haine
éternelle, & qui la pouffent continuellement vers
la mer en l’excluant de l’intérieur des terres.
- Le nombre des Gro'ênlandais eft aujourd’hui ex-
ceflîvement diminué. En 1730, il y avoit trente
mille âmes : actuellement on ne peut guère compter
que fur dix mille, & c’eft principalement aux ravages
de la petite vérole qu’eft due cette dépopulation
aufli rapide.
Les quadrupèdes de cette contrée font le renne,
qui n’eft abfolument ici qu’un objet de chaffè :
leur nombre eft confidérablement diminué, & l’on
n’en trouve plus que dans les parties les plus éloignées
j les chiens, qui reffemblent aux loups par
la figure, la grandeur & les^ inclinations. Abandonnés
à eux-mêmes, ils chàffent par meutes le peu
d’ animaux du pays, dont ils font leur proie 5 ils
lefiem&lent aux chiens des Efquimaux du Labrador.
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Il eft probable qu’ils ont été apportés là par leurs
maîtres, qui s’ enfuirent de ce pays pour s’établir
dans le Groenland & le peupler.
Les renards arCtiques y font très-nombreux, & ,
avec lès ours polaires, ils infeftent le pays. Le glouton
exifte en petit nombre dans les parties méridionales
, où il vit de rennes & de lièvres blancs.
On préfume tivec vraifemblance, qu’ il a été primitivement
apporté fur le ^ glaces, & avoir fait le trajet
de la terre de Labrador ici; car cette terre qu’ il
habite, eft le lieu le plus voifin du Groenland.
Le lièvre changeant y eft très-commun. Le val-
rufe & cinq efpèces de veaux marins habitent aufli
ces mers. Le commun, le grand, l’heriffé, le ca-
puchonne, le harp, les ours polaires, les veaux malins
& les manati font originaires de ces contrées :
les autres quadrupèdes y ont paffé fur des îles de
glace. Le renard arCtique s’eft fervi de la n ême voiture
pour fe tranfporter du Groenland en Illande,
comme il a pafle avec le renne au Spitzberg. C ’ eft
probablement du Labrador qu’ont été tranfportés
au Spitzberg, la belette commune & le renard rouge
ou commun. La fouris, dont j’ai parlé à l ’article
Islande , a manqué le Groenland ; mais elle a pu
arriver en Iflande & s’ y multiplier. Le glouton 3t
le lièvre changeant n’ont jamais atteint plus loin
que le Groenland. Tels font à peu près la marche
& les progrès du paffage des quadrupèdes dans la
zone glaciale, auflî loin qu’il y a des terres.
Oifeaux de terre & d'eau.
Paffons maintenant aux oifeaux de terre & d’eau
du Groenland. On trouve, dans cette contrée ,
l’aigle cendré, le faucon du Groenland, le gerfaut,
le faucon à collier, le hibou à longues oreilles,
le hibou de neige, le corbeau , le ptarmigan ,
l’ortolan de neige, le lulu, le petit rouce-gorge, la
méfange huppée, le héron commun, la bécaffine, le
jadreka, la guinette rayée, celle des Hébrides ; la
petite guinette brune, le pluvier doré, à gorge
noire ; le pluvier annèle, le phalaïope gris, le pha-
larope rouge, le grand pingouin, le pingouin à bec
.de rafoir, le bec noir, le plongeon, le guillemot
noir, le plongeon du nord, le plongeon à rouge-
gorge , la grande h'ifondellé de mer , le goëlan au
dos noir, le goëlan cendré ; le goëlan d’un blanc-
verdâtre, le goëlan d’ivoire,-le turrock , l’aroti-
que, lepuflin gris-blanc, lepetrel, le frifeurd’eau,
le harle à gorge rouge, l’oie du Canada, l’oie fau-
vage, le cravaüt, la bernacle, le canard à duvet ,
Je canard r o i , le garrot, la queue d’épingle , la
longue queue, l’arlequin , le mallard, le morillon.
Poijfons.
Le nombre dès poiflons qui fréquentent les mers
glaciales des environs du Groenland eft très-con-
fidérable. Elles font d’abord le grand rendez-vous
des baleines, & la pêche des Hollandais commence
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dans la baie de Difco dès le mois d’avril. Les na- 1
turels du pays en prennant dans d’autres faifons ,
mettent en morceaux les parties.qui donnent
l'huile, 3c la conferyent avec l’os de baleine comme ;
un article de commerce. Il eft certain qu’ ils ne ;
boivent point de cette huile, comme fondes vrais
Efquimaux & les autres nations de la mêipe
race.
Les autres efpèces qui fe trouvent fur les côtes .
du Groenland font le narval, le monodon fpurius,
rare efpèce , avec deux dents d’environ un pouce
de longueur, qui fortent de l’extrémité de la mâchoire
fupérieure; la baleine commune, la baleine
à foufflet, la baleine à lèvres rondes, la baleine
à long grouin, le fouffleur à longue tê te , le j
cachalot à tête ronde, le cachalot à tête moufle,
le dauphin orque ou perfécuteurdes grandes baleines
, le marfouin-, le dauphin, le grampus; la ;
baleine béluga, qui éclaire l’eau autour d’ elle par '
fa blancheur éblouiffante.
Parmi les efpèces cartilagineufes font le goulu
blanc, également vorace depuis l’équateur jufqu’au
cercle polaire arétique; le goulu à pointes ,
le basking, l’efpadon ou baleine à fcie, le mafiif
fucéur, qui eft d’une grande reffource pour la nourriture
des habitans du Groenland ,• le fuceur épineux,
le fuceur huileux , le petit.
Parmi les poiflons offeux fe trouve l’anguille,
qui fe pêche, mais rarement, dans les rivières du
midi. Le loup de mer paroît au printems avec le
lump, & difparoît en automne. La lance , le fer- ’
pent vert & le merlus font abondans en hiver. La
morue bariolée 3c la morue commune fréquentent
les côtes au printems 3c en automne. La morue
verte ou lamproie, la morue à fâcher & lé grand
brafme, font des efpèces de morue qui fe pêch.nt
aufii dans ces mers. La tête du taureau armé, le
père foueteur» poiflon très-commun 3c d’ un très- :
grand ufage; le chabot fcorpion ou à quatre cornes
, fe trouvent dans l’eau falée. Le zeus gallus ,
poiflon des parages les plus chauds de l’Amérique
méridionale^, eft foupçonné de Te trouver.ici.
L ’holibu: &,îe flétan à langue de chien y font fort
communs. L’ancien labre, la truie de Norvège ^
& lefaumony font extrêmement rares à préfentj
cependant, du tems de Davis, ce fut un des pré.^
fens que lui firent les Sauvages , 3c Baffin en vit
des bancs nombreux dans le détroit deCockin . Sur
cette côre occidentale , à la latitude de foixante-
cinq degrés quarante-cinq minutes, le faumon
carpio eft un des poiflons les plus communs 3c les
plus utiles : on en trouve beaucoup dans les lacs, & .
dans les rivières vers leur embouchure. ;Le char
fraternife avec ce premier, 8c eft auffi commun. Il
faut ajouter le faumon d’étang, efpèce nouvelle
qu’on a trouvée dans les lacs fîcués entre les montagnes.
Le faumon de ruiffeau , le faumon aréfcique
ou capelin des pêcheurs de Terre-Neuve, eft le
ider.nier de.çe genre, mais c’eft cglui dont les Gro'èn-
landais..retirent le plus .grand avantage^ L.e harang
commun, ainfi que l’anchois, eft rare dans ces
mers.
Jean Davis, habile marin, a le premier examiné
& vifîté le côté occidental du Groenland : on ne
connoiffoit, avant lu i, que la partie orientale. Il
a fait trois différens voyages en 1685’ , 1686 &
1687. Après avoir doublé le cap Farewell, il fonda,
& ne trouva pas le fond à trois cents braffes. Au
nord de ce qu’il appelle Terre de Défolation, il
arriva dans une eau fale, noire & ftagnante, de la
profondeur de cent vingt braffes; il trouva dubois
flotté à la latitude de foixante-cinq degrés, &
un arbre entier de foixante pieds de long, avec
fes racines. Les efpèces de ces bois étoient du
fapin, des fpruces & des genévriers, qui étoient
defcendus de lieux très-éloignés, furies bords des
rivières de la baie d’Hudfon. On fait d’ailleurs
qu’aujourd’hui même, dans certaines années, une
grande quantité de bois de charpente eft voiturée ,
avec la glace, à l’embouchure dés rivières de
cette baie. Davis trouva aufii, dans ces parages ,
des pierres-ponces noires, qui avoient été apportées
des volcans voifins, brûlant ou éteints :
à moins qu’on n’aime nri ux.croire qu’elles avoient
été voitürées fur l ’eau depuis l’ Ifiande. La pierie
du Groenland eft en général du granit : on y trouve
aufli de la pierre de fablr & d u marbre d’un grain
fort grofiier. La pierre ollaire s’y trouve aufii en
grandes maffes, 3c elle eft d’une grande reffôurce
pour les naturels du pays, qui en font de la poterie :
il y a aufli de la pierre à plâtre, des grenats 8c des
pyrites cuivreufes que les navigateurs ont pris
fou vent pour de l’or. On vo it, fur les rochers , des
indices de mines1 de cuivre; mais jamais l ’avjdiré
des gens qui exploitent les mines ne les déterminera
de faire ce voyage, de féjourner dans ces
contrées pour arracher ces riche fies du fein delà
terre, - -
Davis s’éleva jufqu’à la latitude de foixante 3c
deuze degrés , & nomma le pays Côte de Londres.
Le détroit qu’ il paffa entre la côte occidentale dp
Groenland & les grandes îles porte fon nom, 11
paroît qu’ils ’engagea entre les grandes îlesj il paffa
un autre détroit au fud-oueft ».trouvaquatrçrvingç-
dix braffes d’eau à l’entrée; mais , dans le milieu;,
il ne put atteindre le fond à trois 'cent, trente braf-
fès.Les marées s’y élevpient à fix ou fept braffes ;
mais, comme cela arrive fréquemment entre les
îles, le flot yenoit de tant de dire&ionsdifférentes ,
qu’ il ne put diftinguer la direction principale, &:
par eonfequent ne remporta aucuûs affurance du
paffage qu il cherchoit au nord-oueft.
; Le détroit de Davis eft fréquenté par quelques
.pécheurs anglais de la baleine ; ils partent d’Yar-
mouth au commencement de mars, & arrivent,
vèré le milieu d’avril, au détroit, qu’ils remontent
jufqu’à deux cents lieues, vers la baie de Difco.
Dans ces mers, les baleines font plus groffes , mais
moiqs nombreufes que, dans les mers du Spitzberg :
le. syea^x,marins y fonj: aufii plus rates, Cependant la