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l’eau, refoulée dans fon aqueduc naturel, fculeva à
cent pas au deffus une roche fort épaiffe, & s’ex-
travafa par cette ouverture en biffant le baflîn de
la fontaine à fec. On-'n*a pu l’v faire rentrer qu'en
couvrant d’une maffe de maçonnerie cette large
ouverture , & iaiflant un puits d’environ quinze
pieds de diamètre, dont on a élevé les bords au
deffus des murs de la fontaine. Malgré cette précaution
, l’eau fort parce puits & entr’ouvre la
maçonnerie , qui menace ruine dans les grandes
eaux. Ces .effets font une fuite du parti que l’on
a pris d’élever l’eau dans le badin dè la fontaine', pour le fervice des moulins qui font conltruns fur
un côté de fon baflmj ce qui tient la fource dans
un état forcé.
De toute cette do&rine, nous tirerons quelques
conféquences que l’expérience confirme.
i°. Ce n'eft point en traversant l’épaiffeur des
couches de la Terre & en les imbibant totalement,
que l’eau pluviale pénètre dans les conduits & les
réfervoirs qui la contiennent, pour fournir aux
écoulemens fuccefiîfs > ainfi les faits qu’on allègue
contre la pénétration ne détruifent que la première
manière, & ne donnent aucune atteinte à la
féconde.
2°. C’eft dans les montagnes ou dans les gorges
formées par les vallons , que fe^trouvent le plus
ordinairement les fources, parce que les conduits
& les couches qui contiennent les eaux s’épanoui f-
fent fur les croupes des montagnes pour les recueillir,
& fe réunifient dans les culs-de-fac pour
les verfer.
z Q. Les/o/ita/Wnousparoiflent, enconféquence
de cette obfervation, occuper une pofition intermédiaire
entre les collines qui reçoivenr ou ver-
fent les eaux dans les couches organifées, & entre
les plaines qui préfentent aux eaux un lit & une
pente facile pour leur diftr ibi^tion régulière.Quinte-
Curce remarque ( Lib. V I I , cap. 14. ) que tous les
fommets des montagnes fe contiennent dans toute
l'Afie par des chaînes aîongées, d’où tous les fleuves
fe précipitent, omdans la merCafpiehne, &c.
ou dans l’Océan indien. On ne peut objecter les
fources du Don ouTanaïs, & du Danube près d’Ef-
chinging, qui font dans des plaines j car qu‘eft-ce
que cette dernière fource en comparaifon de routes
celles qui fe jettent dans le Danube, tant des montagnes
de la Hongrie, que du prolongement des
Alpes vers le Tyrol ? Et de même les Cordillières
donnent naiflance à plufieurs fources qui fe jettent
dans la rivière des Amazones en fuivant la pente
du terrain. Les autres, qui font fur les croupes occidentales
, fe jettent dans la mer du fud. Il y a fur
le Globe, des.points de diftribution, en Europe *
au mont Saint-Gothard, vers Langres , en Champagne
, &c. ( Voye% ^articleS o u r c e . )
4°. Si l’on voit quelquefois des fources dans des
lieux élevés & même au haut des montagnes, elles
doivent venir de lieux encore plus élevés, & avoir
été conduites par des lits de glaife ou de terre argileufe,
comme par des canaux naturels. Il faut
faire attention à ce mécanifme lorfqu’on veut éva-
: luer la furface d'un terrain qui peut fournir de l’eau
| à une fource. On eft quelquefois trompé par les
! apparences. M. Mariotte obferveque, dans un cer-
j tain point de vue , une montagne près de Dijon
| fembioit commander aux environs $ mais dans un
| autre afpeét il découvrit une grande étendue de
| terrain qui pouvoit y verfer fes eaux. Voilà la feule
! réponfe que nous ferons à ceux qui allèguent des
I obferv«tions faites par des voyageurs fur desmon-
\ tagnes élevées. 11 n’eft pas étonnant que les voyageurs
aient pu découvrit, en paffant leur chemin ,
I d’où des fources abondantes tiroientjeurs eaux. Si,
entre une montagne du haut de laquelle il part une
fource, & une autre montagne plus élevée qui doit
fournir de l’eau, il y a un vallon, il faut imaginer
b fource comme produite par une eau qui, d'un ré-
fervoir d’une certaine hauteur, a été conduite dans
un canal fouterrain, & eft remontée à une hauteur
prefqu’égale à ton réfervoir. Souventl’eau des fources
qui paroifient fur des croupes ou dans des plaines
, peut remonter au deffus des couches entrouvertes
qui la produifent. A Modène, certains puits
coulent par-icffus leurs bords, quoique leurs four- '
ces fojLnt àToixante-trois pieds de profondeur.
On peut même élever l’eau à fix pieds au deffus du
terrain, par le moyen d’un tuyau. Près de Saint-
Omer on perce ainfi des puits, dont l’eau remonte
au deffus du niveau des terres. Tous ces effets fup-
pofent des fiphons, dont une partie eft un conduit
naturel depuis les réfervoirs jufqu’aux fources :
l’autre partie eft la capacité cylindrique des .puits.
En même tems que ces faits r établi fient l’ufage des
fiphons renverfés, qui communiquent dans une
certaine étendue de terrain, l’infpeétion des premières
couches rend fenfible leur exiftence. On
nous objeéte que cette communication ne peut s’étendre
aux îles de l’Océan, & furtout à celles où
il ne pleut pas & où l’on trouve des fontaines pet - pétuelles. Je ne vois pas d’impoflibilité que l’eau
foit conduite dans quelques-unes de b terre-ferme,
par des canaux qui tranchiffent l’intervalle par-def-
fous les eaux-PietrodellaValle rapporte que, dans
les îles Strophades, félon le récit que lui en firent
les Religieux qui les habitent, il y a une fontaine qui doit tirer fes eaux de la Morée, parce qu’il fort
fouvent avec l’eau de la fource des chofes qui ne
peuvent venir que de là. Ces lies font cependant
éloignées cônfidérablement de la terre-ferme, &
toutes imbibées d'eau. Par rapport aux autres îles ,
| les rofées y font abondantes, & les pluies dans cer-
J tains tems de l’année} ce qui fuffit pour fournir à ! l’entretien àesfontaines. Halley remarque qu’à l’île
I de Sainte-Hélène, le verre de fa lunette fe char-
j geoit d’une lame de rofée très-épaiffe dans un
très-petit intervalle 5 ce qui interrompoit fes ob- Ifervations.
Lorfque lès premières couches de la Terre
n’admettent point l’eau pluviale, il n'y a point de
fçntaines
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fontaines à efpérer, ou bien l’eau des pluies s’évapore
bc forme des torrens, 0« bien il n’y pleut
plus, comme en certains cantons de l’Amérique.
Il y a de grands pays où l’eau manque par cette
xaifon, comme dans l’Arabie-Pétrée, qui eft un dé-
fert, ou dans tous ceux de l’Afie ou de l’Amérique.
Les puits font fi rares dans l'Arabie, que l’on n’en
compte que cinq depuis le Caire jufqu’au mont
Sinai, & encore l’eau en eft-elle amère.
6°. Lorfque les premières couches admettent les
eaux, & qu'il ne fe trouve pas des lits d’argile ou
de roche propres à les contenir, elles pénètrent
fort avant, & vont former des nappes d’eau ou
des courans fouterrains. Ceux qui travaillent aux
carrières des pierres blanches près de la ville d’Aire
en Artois, trouvent quelquefois des ruifleaux fou-
terrains qui les obligent d'abandonner leur travail.
Il y a des puits dans plufieurs villages des environs
d’Aire, au fond& au travers defquels pàffent des
courans qui coulent avec plus de rapidité que ceux
qui font à la furface de 1a Terre. On a remarqué
qu’ils couloient de l'orient d’été au couchant d'hiver,
c’eft-à-dire, qu’ils fe dirigent du Continent
vers b mer} ils font à cent & à cent dix pieds de
profondeur. (Journ. d eT r év ., ann. 1703) mars.') 70. Les fecouifes violentes des tremblemens de
terre font très-propres à déranger la circulation
intérieure deseaux fouterraines. Comme ces canaux
ne font capables que d’une certaine réfiftance, les
agitations violentes produifent, ou des inondations !
particulières en comprimant, par des foulévemens
rapides , les parois des conduits naturels qui voi- !
tureut fecrétement les eaux, & en les exprimant
pour ainfi dire par le jeu alternatif des commotions,
ou bien un abaiflèment ou une diminution
dans le produit des fonrces. Après un tremblement
de terre, un e fontaine ne recevra plus fes eaux à
l’ordinaire, parce que fes canaux font obftrués par
des éboulemens intérieurs ; mais l’eau refoulée fe
porte vers les parties des couches entr’ouvertes ,
& y forme une nouvell e fontaine. Ainfi nous voyons
( H iß . de IA ca d .3 ann. 1704) qu’une eau foufrée
qui étoit furie chemin de Rome à Tivoli, baiffa
de deux pieds & demi en conféquenèe d’un tremblement
de terre. En plufieurs endroits de la plaine
appelée la Tcfiine, il y a voit des fources d’eau qui
formoient des marais impraticables : tout fut féché,
& à la place des anciennes fources il en fortit de
nouvelles à environ une lieue des premières} &
dans le dernier tremblement de terre de 1755 &
1756, nous avons été témoins de ces qffets en plufieurs
endroits. ( Voyez Varticle T r em b l em e n t
de t e r r e .) Si les eaux fe trouvent entre des couches
de fable rouge ou bien entre des marnes ou
d’autres matières colorées, les eaux des fources,
faites & imprégnées de ces corps étrangers qu’elles
entraînent, changent de couleur très-naturellement
} mais le peuple effrayé voit couler du fang
ou du lait, parce que, dans cet état de commotion
qui fe communique de 1a terre aux efprits, rien ne
GéographU-Phyfque. Tome I V •
doit paroître que fous les idées accefîoires les plus
terribles, & un rien aide l’imagination à réalifer
les chimères les plus extravagantes.
Singularités des fontaines. On peut confiderer les
Angularités des fontaines fous deux points de vue
généraux, par rapport à leur écoulement, & par
rapport aux propriétés & aux qualités particulières
duQ fluuaidnet aq cue’ eqlulei sc opnrocedrunifee nt. c e dernier objet, voyez
l’article H y d r o l o g i e , où cette matière feradif-
cutée. Nous allons traiter ici de ce qui regarde les
variations régulières ou irrégulières de récoule-
ment des fontaines. En les confidérant ainfi, les
fontaines peuvent être divifées en crois cbfies :
les uniformes, les intermittentes & les intercalairLeess.
uniformes ont un cours foutenu, égal &
i continuel, & produifent du moins, dans certaines
faifons, b même quantité d'eau.
Les intermittentes font celles dont l’écoulement
cefle, & reparoît à différentes reprifes en un certain
tems. Les Anciens les ont connues. ( Voyez PiiLnees, ilnibt.e rIcfa lacairpe.s i ofojn. t) celles dont l’écoulement,
fans ceffer entièrement, éprouve des retours,d’aug7
mentation bc de diminution, qui fe fuccèdent après
un tems plus ou moins confidérable.
Les fontaines des deux dernières cbfies fe nomment
en général Périodiques. Dans les intermittentes
la période fe compte du commencement d’un écoulement
ou d’un flux, à celui qui lai fuccède* de forte
qu’elle comprend le tems du flux bc celuhde l’inter-
miffion. La période des intercalaires eft renfermée
dans l’intervalle qu’il y a entre chaque retour d’augmentation
, que l’on nomme accès y en forte qu’elle
comprend b durée de l’accès & le repos ou l'intercalai
fon dans laquelle l’écoulement parvientquel-
quefois à une uniformité paflagère. Quelquefois
aulfi on n’y remarque aucun repos ou intercabi-
fon} mais leur cours n'eft proprement qu’une augmentation
& une diminution fucceftive d’eau.
Si l’interruption dure trois, fix ou neuf mois de
l’année, les fontaines qui l’éprouvent, fe nomment
temporaires ( temporales ou temporarie, ) , & en particulier
maïales ( majales ) lorfque leur écoulement
commence aux prenvères chaleurs, vers le
mois de mai, à la fonte des neiges, bc qu’il finit
en Laeust omne. fontaines véritablement intermittentes qui
ont attiré l'attention du peuple & des philofophes,
font celles dontl'intermifiion ne dure que quelques
heures ou quelques jours*
Je crois qu’on peut rapporter à b claffe des intercalaires
les fontaines uniformes qui éprouvent
des accroiffemèns afiez fubits & paffigers après de
! grandes pluies ou par la fonte des neiges.
| Enfin plufieurs fontaines préfentent , dans leur
| cours, des modifiestious qui les font paffer fuccef-
j fivementde l’uniformité à l’intermittence, & de
I l’intermittence à l’intercibifon, & revenir enfuite
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