
fources d'eaux minérales, je croifr que Couvent
leur compofition tient à tel ou tel maffifj de
forte que ces eaux ne fe montrent que là & non
ailleurs. Certaines efpèces d’eaux minérales fe
montrent indifféremment dans des maflifs totalement
oppofés. Il faut, dans ce cas, craindre une
illulïon qui eft fort commune , c’eft de juger des
maffifs par ce qui paroît à la fupevficie de la terre,
& qui ne font fouvent que de foibles veftiges de
couches accidentelles, qiii n’influent point dans
la nature des auxquelles ces couches donnent
feulement paffage : telles font les eaux de V ich i,
qui fortent en apparence de couches de tuf calcaire,
mais qui réellement ont eu pour réfidence
le fchifte.
J’ai vu beaucoup à9eaux aériennes qui fortoient
de deffous les courans modernes, en Auvergne :
il y en a auffi qui fortent des couches inclinées des
pierres de fable de la moyenne terre ; mais, paF des
.recherches fuivies, j'ai vu que ces courans d’eaux
chaudes bouillantes, en Auvergne, fortent de deffous
les matières volcaniques : telles font celles
du Mont*Dor, de la Bourboule & de Chaudes-
Aigues.
Il y en a de bouillonnantes qui fortent, en
Lorraine , des couches de pierres de fable ou des
fchiftes : telles font celles de Plombières.
Je faifois ces réflexions à l’occafion du catalogue
raifonné des eaux minérales de France, par
M. Carrère.
§. IV . Eau foufrée.
A quatorze milles de Rome, en allant à T iv o li,
on paffe fur un ruiffeau qui a quatre à cinq pieds
de largeur, Sc autant de profondeur, donc 1 ’eauy
qui coule allez rapidement, exhale une forte odeur
de foufre , qui lui a fait donner le nom d’acqua
\olfa. Cette odeur fe répand affez loin aux environs,
& furtout quand elle eft portée par un vent ,
qui n’ eft pas affez violent pour la difiiper : on dit ■
même que, dans certains tems, & principalement !
pendant la nuit, on en eft incommodé jufqu’ à !
Rome, quoique cette ville en foit éloignée de
près de cinq lieues communes de France.
Ces fources d’eau foufrée ne font pas rares en
Italie. Aux environs de Viterbe elles fe font feniir
quelquefois aux paffans. Il y en a de pareilles fur
le grand chemin de Rome à Naples, au deffous
de Sermonetta. Elles font prefque toujours, plus
chaudes que l’air de l ’atmofphère, Sc d’une couleur
laiteufe, femblable à celle du girafol. La vapeur
qui en fort, pénètre infenfibl.ement les pierres les
plus dures qui s.’y trouvent exppfées • elle Jes
enduit de fleur de foufre ; elle, les calcine intérieurement,
Sc les diffout de telle forte, qu’çlles
deviennent légères, Sc perdent beaucoup d$ leur
eonfiftançe de pierre.
C ’eft par cette raifon que l’acqua zolfa de T i- I
voli a peine à fe contenir dans le lit qu’elle s’eft j
çreufë, & qu’on prend foin d'entretenir dans nn
terrain rempli de roches qui font à fleur de terre.
Elle s’extravafe en plufleurs endroits, & par la
fucceflion des tems, en fuivant la pente du terrain,
elle a excavé tout le deffous de la plaine qui eft
entre le ruiffeau & la'montagne, au bas de laquelle
elle rencontre le Teverone. La terre entp ouverte,
les lits de pierres enfoncés y forment quantité de
précipices & plufleurs foupiraux d’où l’on voit
fortir une vapeur épaiffe, & parlefquels on entend
le bruit des eaux qui fe précipitent d’ une cavité
dans l’autre. Partout ailleurs ces excavations fou-
terraines s’annoncent par un bruit fourd que font
entendre les pas des chevaux, & même ceux de*
hommes qui appuient un peu en marchant.
En remontant lé ruilfeau, on trouve quelques-
unes de ces excavations profondes. Ces fortes de
grottes, çreufées dans des lits de pierre traver-
tine, avoient, pour la plupart, la forme d’un entonnoir
incliné , 8c aufona duquel Veau échappée
du ruifleau alloit fe perdre comme dans ungoufre,
C ’eft là qu'on apperçoit, du dehors, une grande
quantité de fleurs de foufre fublimées, 8c qu'il fe-
roitpeut-être imprudent d’aller recueillir au dedans,
en y pénétrant à une certaine profondeur.
Veau du ruilfeau eft chaude, mais modérément j
car un thermomètre plongé dans cette eau le fixa
foit au font! > foit au milieu, foit vers la furface ,
à io degrés partout.
En remontant ce courant d’eau jufqu'à fa fource,
qui eft à deux milles du cheuiin, au nord , c’ eft
un petit lac qui peut avoir trente ou quarante
toifes de largeur tout au plus, dont les bords font
couverts de joncs 8c de rofeaux. On voit fur cette
eau, qu’on dit être extrêmement profonde dans
le milieu, plufleurs petites île s , dont le terrain
reflfemble tout-à fait à celui des bords du lac , &
qui font couvert« des mêmes plantes. Ces île s ,
dont la plus grande n'a pas trente pieds de diamètre
, flottent au gré des vents , 8c fe trouvent
quelquefois difperlees, quelquefois réunies.
■ U y a grande apparence que çes îles flottantes ne
font autre chofs que des portions du terrain même
des bords du lac, avec lequel elles ont tant de ref-
femblance, lelquelles, après avoir été minées par-
deffous , fe font enfin détachées de çes bords.
Puifqu'un canal, prefqu’entiérement creufë dans
la pierre, a peine àcontenir cette eau, puifqu’éüe
fe fraie des routes par desexcavations dans des lits
de pierres qui 5'affailfent enfuite 8c fe rompent par
morceaux, cette même eau ne peut-elle pas p n v
duire les mêmes effets à fa fource ? Ce.s îles ne
font donc qu’une croûte de terre fuperfiçielle qui
fe trouve affez légère pour flotter fur l’eau, parce
qu,e ce n'eit qu’ un tilïu de racines mêlées avec une
petite quantité de terre bitumineufe. Ce qui a fait
croire à ces effets, c ’eft que prefque tous les bords
du lac ont l ’air d’être çreufés en deffous ; 8c l’on
croit, avec vraifemblancedans le pays, que ce petit
lac n’ eft queTouverture d'un abîme d'eau beancoup
plus la fg e , qui s’étend davantage fous le
marais. On remarque qu’il s’élève à la furface de
l’eau du lac un affez grand nombre de bulles qui
viennent continuellement crever. C e font de petites
portions d’air ou de vapeur dilatée, qui
s’élèvent du fond à mefure que Y tau y arrive $
car comme la fource ne fe manifefte en aucun
endroit ni par de gros bouillons ni par des jets
qui répondent à la quantité d'eau qui fort du lac
pour former le ruiffeau dont on a parlé, il eft à
p ré fumer que cette eau vient du fond par une infinité
d’iffues * & fi elle y eft amenée de plus loin
par des canaux qui communiquent avec l’atmof-
phère, elle peut avoir entraîné une certaine quantité
d’ air qui s’élève en petites bulles jufqu’à la
furface. Acad, des Sc. , pag. 5 4 , ann. 17/0.
§, V . Eau cêmentatoire.
On nomme cêmentatoire , aqus. cementato
ris. ( Hift. natur. & Minéral, ) , St cernent wafler
en allemand , des fources d’ eau très-chargées de
vitriol- de V én u s , que l'on trouve au fond de
plufieurs mines de cuivre : on en voit furtout en
Hongrie, près de la ville de Neufol, au pied
des monts Crapacks. On leur Attribue vulgairement
la propriété de convertir le fer en cuivre,
quoique , pour peu que l’on ait de connoiffance
de la chimie , il foit facile de voir qu’il ne fe fait
point de tranfmutation, mais feulement unefimple
précipitation caufée par le fer que l'on trempe
dans cette eau. Voici comment on s’y prend pour
faire cette prétendue tranfmutation.
L’eau cêmentatoire eft très-claire& très-limpide
dans fa fource : l’on fait des réfervoirs pour la
recevoir, afin qu’elle puiffes’y raffemblerj l’on
fait entrer l’eau de ces réfervoirs dans des auges
ou canaux de bois qui ont environ un pied de
large & autant de profondeur. Quant à leur longueur
, elle n’eft point déterminée : on la pouffe
auffi loin que l’on p eut, quelquefois même jufqu’à
cent ou cent cinquante pieds. On appelle ces
auges ou canaux cementers, fuivant M. Schlutter.
On les remplit de vieilles férailles, autant qu’il y
en peut tenir : l’on fait enfuite entrer i eau eémen-
tatoire dans ces auges j elle couvre le fe r , le diffout
& le détruit, Sc met en fa place le cuivre
dont elle eft chargée. I! prend la figure Sc la forme
que' la féraille avoit auparavant 5 de forte qu’ en
trois mois ,de terris, plus ou moins, fuivant la force
de l’eau vitriolique, tout le fer fe trouve confommé
& détruit*& le cuivreeft entièrement précipité. La
raifon pour laquelle le cuivre précipité prend la
même figure qu’avoit le fer, c’ eft que l’acide vitriolique,
ayant plus d’affinité avec le fer, lâche le cuivre
qu’ il tenoit en diffolution, pour s’y attacher. 11
arrive de là qu’il fe précipice précilèment autant
de cuivre au’ il fe diffout de fer jde façon que l’un
prend la place de l’autre, Sc qu’il fe met toujours
une portion de cuivre à la place de celle de fe r ,
qui a été mife en diffolution. ( Voye^ Waliérius,
Hydrologie, pag. 6 2 , §. 23.)
Voilà la manière dont on s’y prend pour obtenir,
à peu de frais Sc fans grande p eine, une
quantité quelquefois très-confidérable de cuivre
très-bon , & que l’on dit même plus duétiie Sc
plus malléable que celui q u i, par des fonres réitérées,
a été tiré de fa mine. Ce cuivre eft mou
& femblable à du limon tant qu’il eft fous l’ eau;
mais il prend de la confiftance Sc fe durcit auffitôt
qu’il vient à l’air.
Les deux plus fameufes fources d’eau de cémentation
de la Hongrie font celles de Smolnitz & des
Heregrund. L’on affure que la première peut fournir
tous les ans jufqu’à fix cents quintaux de cuivre
précipité de la manière qui vient d’être décrite ;
ce qui vient de la grande abondance de cetre fource
Sc de la prodigieufe quantité de vitriol de Vénus
dont elle eft chargée. Outre cela, le fer que l ’on y
met tremper fe trouve entièrement diflous entrois
Termines de tems, & le cuivre a pris, fa place ; au
lieu que dans d’autres fources il faut trois mois ,
Sc même quelquefois un an pour que cette opération
fe fa-fle.
L’on trouve en Hongrie plufieurs fources qui
ont l’es mêmes propriétés. 11 y en a de pareilles en
Allemagne, près de.Goftars, en Suède , fcc. L ’ on
attribue la même qualité à une fource que l’on voit
à Chieffy dans le Lyonnois. ( Hoyeç E. Schve-
denbord , 1 .111, pag. 49 & fuiv. ) Henckel nous
explique dans fa Pyritoiogie, p. 6 7 4 , la caufe de
ces phénomènes:, favoir : que les eaux qui com-
pofent ces fources, venant à. palier fur des pyrites
cuivreufes qui ont été décompofées dans les entrailles
de la terre, en détachent les parties v i-
trioliques qui s’y font formées, & les entraînent
avec elles.
C ’éroit une tranfmutation femblable à celle qui
vient d'être décrite, que produifirent, il y a quelques
années, des perfonnes qui avoient trouvé le
fécret d’obtenir un -privilège' excluftf pour convertir
le fer en cuivre dans toute l’étendue du
royaume. L’on fut très flatté de l’idée de pouvoir
fe paffer du cuivre de l’étranger, Sc de pouvoir
en produire autant que l’on voudroic. Tout le fe-
cret corififtoit dans une eau vitriolique, où , en
failant tremper du fer , il fe faifoit une précipitation
de cuivre tout-à-fait femblable à celle que
nousxvenons d’expliquer dans cet article; mais
comme ces convertiffeurs de métaux n’avoient
point à leur difpofition une fource d'eau vitriolique
auffi abondante que celle de Smolnitz, qui pût
fournir long-tems à faire leur prétendue tranfmutation
, la fraude fe découvrit , Sc le public fat
en peu de tems défabufé.
ï C ’eft un.fait, que tout ce que nous avons dit
fend certain 6c indubitable que l’ordre Sc la difpo-
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