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blement en Sortant de Loiche. On traverfe beaucoup
de pâturages : on voit quelques champs de
feigles , des bofquets & de petits bois de fapins.
Des maffes confidérables de rochers, des monceaux
de pierres entaffées, descendues des hauteurs
, couvrent cette Superficie, qui prend une
pente d’autant plus rapide, qu'on approche davantage
du pied de cette maffe. Cette pente , qu'on
trouve partout au pied des montagnes efcarpées,
eft formée vifiblement des pierres & des menus
débris qui le détachent des hauteurs , & produisent
à la longue des talus en pain de Sucre, adoffés
contre les parties eScarpées. Les plus grolfes
pierres , roulant & Se précipitant plus bas , Servent
de point d’appui aux matériaux qui viennent
er.Suite & qui s’ y arrêtent} enfin , la hauteur des
talus's'augmente à meSure que les baSes s’élar-
giffent, & tous ces produits des éboulemens journaliers
finifTent par devenir des montagnes très-
coniïdérablés, dont la mafife eft en rai Ton de la
quantité des débris qu’ont pu fournir les parties
furincumbentes.
B eft facile de difiinguer ces Sortes de maffes
des autres, au pied desquelles elles Sont fituées,
& qui en ont fourni les matériaux. Comme elles
Sont composées de plufieurs Sortes de débris, il
n’ eft pas étonnant qu’elles Soient plus fertiles, plus
couvertes de végétaux, d’arbres & de forêts.Nous
ferons voir à l’article V a l l a is , que les maffes calcaires
étoient aflïfes Sur des maffes de Schifte &
d’ardoife , q u i, par l’arrangement de leurs feuillets
& de leurs bancs, paroiffent avoir été formées
& arrangées fucceffivement. Les autres
grandes maffes tiennent auffi à des formations &
à des arrangemens particuliers & bien antérieurs}
mais ce qui les rend plus méconnoifiables, ce
font les changemensqui y font Survenus, & qui
mafquent leur correspondance & leurs anciennes
difpoiîtions. Ce n’eft qu’en appréciant au jufte
l’étendue de ces changemens , qu’on pourroit
parvenir à reconnoître leur ancien état.
En arrivant au pied de l’efcarpement de la
Gemmi y le premier objet qui frappe, ce Sont de s
bancs de fehiftes ou d’ardoifes bleuâtres, mêlés
de larges filons de quartz, qui forment la bafe Sur
laquelle eft élevé ce mur de pierres calcaires qui
eft à pic. Les lits d’ardoife font un peu inclinés
vers le couchant, ainfi que tout ce qui repofe
deflus. La deftru&ion de cette bafe a caufé la
chute des rochers Supérieurs, qui repofoient également
deffus. Il eft à croire que l'enveloppe calcaire
couvroit entièrement ces lits de fehiftes partout
où ils s’étendoient. Il n’eft plus queftion maintenant
que de trouver une caufe deftrudtive de la
bafe, laquelle aoccafionné.enmême tems la chute
de l’enveloppe calcaire, & a réduit la Gemmi dans ,
l’état où elle Se trouve a&uellement. Comme il j
peut être utile de connoître la compofuion de
cette maffe, nous allons placer, par ordre , les
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différentes fubftances pierreufes, telles qu’elles Se
présentent en montant.
i®. Bafe de Schifte ou d’ardoife feuillètée,
bleuâtre, traversée de larges filons de quartz. On
ne peut eftitqer l’épaiffeur de cette bafe, parce
qu’une grande partie eft enterrée.
2°. Immédiatement deffus pofe la pierre calcaire}
elle eft d’un grain fin, Serré, couleur d’un
gris-jaunâtre , ainfi que tout le refte.
3°. Des filons de differentes épaiffeurs , d’un
Spath calcaire jaunâtre.
4°. Quelques petits filons de Schifte pur.
5°. De la pierre calcaire d’ un plus gros grain.
6°. D’autres couches d’ un grain plus fin.
7°. Couches de pierres calcaires, mêlées d’ une
quantité de fable fnffifante pour faire feu avec le
briquet, Sans que les morceaux ceffent de faire
effervefcence avec les acides.
8°. De petits filons ou couches ondoyantes de
fpath.
9°. De la pierre calcaire, dans laquelle font renfermées
des efpèces de noyaux oblongs, quelquefois
par couches, mais fans fuite , compofés
d’ un Sable fin, d’une couleur grifâtre, faifant feu
au briquet, &fans faire aucune effervefcence avec
les acides.
io ° . On retrouve encore des couches minces ,
fablonneufes, mêlées de parties calcaires.
i i ° . D’autres de pierre calcaire compacte &
d’une épaiffeur confidérahle.
12°. Alternativement de moins compare,
i} ° . Quelques filons de fpath jaunâtre, entremêlés
de. veines de Schifte pur, ne faifant pas effervescence.
14°. De la pierre calcaire.
150. Des fehiftes mêlés de pierres calcaires.
16°. De la pierre calcaire pure.
17®. De la pierre calcaire pure, d’un gris plus
foncé que dans le bas.
i8°.Des couches calcaires jaunâtres.
19°. Enfin , tout le haut n’eft que pure pierre
calcaire, grife & altérée. Cette partie Supérieure
de la Gemmi eft fort étendue. Tout ce qui eft Sur
le lieu qui va en pente affez douce vers le milieu,
ne paroît pas avoir Souffert des roulis & des frot-
temens. Il n’y a que la longueur du téms qui l’ait
dégradée, & lui ait imprimé le caractère de la
vétufté. On n’y voit que des pierres calcaires, remplies
de trous, de fentes & de crevaffe's. Beaucoup
paroiffent poreufes-, comme de la pierre-ponce
groflière. Le Séjour des neiges, des eaux, la gelée
& l’ intempérie des fai Sons ont tout fait. On voit,
de tous côtés, que l’e.au s’infiltre & fe perd dans les
fentes. D ’ailleurs, l’arrangement de la pierre calcaire
par couches facilite l’entrée des eaux dans
l’intérieur d e là montagne, pour aller donner naifi-
fance à des fources, à des torrens, & quelquefois
à d’affez fortes rivières qui Sortent du pied de ces
montagnes calcaires. Lors de la fonte des neiges,
l’eau ne fe verfe point par la furface des fommets
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& des croupes de ces fortes de montagnes ,
comme de deffus les autres maffes, composées de
fubftancës pierreufes différentes, & qui abforbent
moins les eaux.
Dans le milieu du haut de la Gemmi il y a un
petit lac d’un grand quart de lieue de lon g, de
forme ovale, où Se raffemblent les eaux des neiges
fondues. Il n’y a pas d iffue Superficielle à ce lac.
Ses eaux font abforbée,s, & Se perdent dans l'intérieur
de la montagne.
• Un glacier eft Sur la droite, Se prolonge & va
fermer le Sommet du vallon où eft Loiche : c’eft
le même glacier qu’on apperçoit derrière les fources
chaudes. Deux aiguilles fort hautes, & de
forme conique , s’élèvent au deffus du Sommet}
elles font toujours couvertes de neiges. Leur ref-
femblance & leur proximité ont fait donner à la
maffe totale le nom de Gemmi (Jumeaux ). On voit
à Ses pieds, à une profondeur immenfe, le village
de Loiche : il faut cependant une grande heure &
demie pour s’y rendre. Le chemin qui eft pratiqué
dans le rocher y a été taillé partout. il le contourne
dans certains endroits : dans^ d’autres, il
eft creufé de façon qu’ il forme une voûte couverte,
& qu’on a le rocher fufpendu au deffus de foi. Les
chevaux & les mulets paffent par ce chemin e ffrayant.,
On ne peut douter, après avoir examiné cette
maffe prodigieufe, que ce ne Soient les eaux qui
aient dépofé fucceffivement tous les lits ou couches
qui la composent : on n’y voit aucun veflige de
corps marins. Il eft rare de trouver l’occafion de
pouvoir examiner & détailler, avec autant de facilité,
une montagne d’une hauteur pareille. A
compter les galeries jufqu’aux glaciers de là
Gemmi, ces rochers perpendiculaires & à pic ont
plus de trois lieues de largeur; ils diminuent en
hauteur à meSure que le pays s’é lève , & qu’ il
fe confond avec les plus hautes Alpes, qui lont
Surmontées de maffes de rochers d une nature différente.
De l’autre côté du vallon, & vis-à-vis des maffes
qui forment la Gemmi, eft la montagne du midi,
Séparée par le Data, torrent qui vient du glacier
qui eft à la tête du vallon, dont les eaux paroiffent
avoir creufé le lit étroit & profond. Cette montagne
eft calcaire comme la Gemmi, & paroît en
avoir fait partie. Tout eft dans un grand bouleversement
fur fa croupe , qui eft Sort rapide. Vers
le milieu , au pied des rochers à pic , il y a un
grand amas de pierres fablonneufes, mêlées de
très-petits fragmens de quartz. Ces pierres, comme
dans bien d’autres endroits, font effervescence
avec les acides, & feu avec le briquet. Ces différentes
maffes font fort variées pour les couleurs.
Je les défignerai fous le nom d e pierre de faite. A
environ trois quarts de lieue des bains, un Sentier
fort difficile, qui paffe fur les décombres de cette
montagne, conduit à un rocher perpendiculaire,
comme font preSque-tous ceux du canton, & de
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là on defeend à Son pied avec des échelles. Les
Sapins qui Sortent des fentes & des Saillies de ce
rocher n’ont point de branches de Son c ô t é ,
parce l’air néceffaire à leur produ&ion n’ y circule
pas affez abondamment. Du côté oppofé, on voit
des éboulemens qui ont formé de nouveaux terrains
recouverts de pâturages. Ce Sont ceux d'In-
den, dont on voit quelques chalets.
G EN E R A C , village du département du Gard,
arrondiffement de Nîmes, & à deux lieues trois
quarts de cette ville. Il y a cinq fabriques d’eaux-
de-vie & trois tuileries.
GÊNER ARGUES, village du département du
Gard, arrondiffementd'Alais, & à deux lieues de
cette ville. Il y a deux manufactures de laine pour
les armées, deux carrières à plâtre & des maffes
de porphyre.
GÊNES ( montagne de ) , département de la
Drôme, arrondiffement de Nions , & à cinq
lieues un quart de cette ville. Sa direction eft de
i’oueft-nord-oueft à l’eft-fud-eft > elle aune lieue
de longueur.
Gênes ( ville & département de ). L’ancienne
république de Gênes ne contenoit pas plus de cinq
cent mille habitans} ce qui annonce le peu d’étendue
de Son territoire.
L’Apennin, que l’on peutconfidérer comme un
rameau des Alpes, Se détache de celles-ci entre Gênes
& Turin, & defeend de là jufqu’à l’extrémité de
l'Italie, en Se rangeant plus près de là côte occidentale
que de l'orientale. Il eft, comme les Alpes ,
bordé en bas de collines composées de Sables, de
grès & d’autres débris, mais moins abondans 8c
d’un moins grand volume que ceux des Alpes. Les
montagnes de l’Apennin Sont prefque toutes de
Seconde formation, calcaires, ollaires, fehifteufes :
il y a cependant quelques places où le granit perce
au travers de ces pierres Secondaires. Ces montagnes
renferment des mines & des marbres} mais
elles n’offrent aucun veftige de l'a&ion des feux
fouterrains.
L'ardorfe eft extrêmement commune dans cette
partie de ITtalie : on en trouve une carrière con-
fidérable près de Lavagna. Le fond de la montagne
de Gênes paroît êrre principalement fehifteux. L*
ville eft bâtie de fehiftes remplis de veines de
fpath ou de quartz. Toutes les montagnes, depuis
Gênes jufqu’ à Ottagio, Sont de ces mêmes pierres ,
& les villages y Sont couverts d’une ardoifg qui
eft d’ un beau noir, & meilleure que celle qu’on
emploie à G£/ze.r.Touc ce canton Semble donc être
un pays fehifteux , & par conséquent de l'ancienne
formation. Il y a cependant auffi de îa pierre à
chaux, & l’on y explorée de beaux marbres r mars
on obferve que quelquefois le terrain des pierres
calcaires- fe ttouve dans celui des fehiftes..