
Langres. Toutes ces côtes, du plus haut au plus
b a s , offrent les impreflîons les plus éclatantes de
la chute 4e ces torrens.
Le terrain, d'ailleurs, fur lequel la ville de hongres
e ft'étab lie, Te trouve au confluent de plusieurs
torrens® 8c ce ne lont point ces torrens
qui l'ont d?pofé, convie il tft arrivé dans tous
les pays inférieurs j c a r , 1^. les pierres & les
rochers détachés autrefois par leurs efforts, 8c
que l’on voit aujourd'hui fur ces côtes, étoient
dès-lors par lits de deux 8c de trois pieds d'épaif-
feur } le ur nature d'une efpèce de pierre à grains
très-grofliers 8c d'une qualité déjà très-dure,
puifqu'elle a confervé fes arêtes, fes angles &
toutes fes formes ; ce qui fait connoître que l'âge
de la conftruCtion de ces blocs eft bien différent
que celui de leur démolition ■ } 20. les eaux de
la Bonelle & de la Marne ne venoient point d'allez
loin pour être chargées d'une quantité de matières
étrangères, de fable & de vafe propre à la conftruCtion
d'une montagne de cent toi fes de hauteur
5 30. les dépôts dont les derniers torrens ont
fait de nouvelles conftr 11 étions , font tous en
pentes douces & infenfibles, & ordinairement
de fable & de terre, au lieu que toute la maffe
de Langres eft efcafpée de tous côtés & ne pré-
fente qu'un rocher. Sa figure provient, comme
nous l'avons déjà dit , 4e ce que les terrains contigus
ont été détruits de part & d’autre par l'éruption
des fources 8c emportes par le torrent, au moins
fur toute la hauteur qui en fait aujourd'hui la
profondeur. Sans doute qu'à la longue, ce cap- ou
ce promontoire eût été aufli détruit ; il a dû
même être beaucoup plus alongé vers le village
d’Hufmes, car il paroît que la montagne des
Fourches, qui eft fous la ville, en a fait autrefois
une parue continue..
Cette petite montagne eft fort capable d'attirer
l'attfcdtion des naturalises, à caufe de fa po-
jïtioh 8c de fa nature. To.ut le continent de hongres
8c des montagnes voifines eft compofé de
pierres plus ou moins dures, pofées lits par lits
£ e différentes épaiffeurs } mais cette montagne,
qui eh ronde par fa bafe, & entièrement ifolée
de tout le continent, paroît d’abord n’être qu’une
pyramide ou un cpne compofé d'une yafe grife
•& femblable à de la cendre} fon fommet, qui
n’a qu’une plate - forme de quelques toifes , eft
d’environ vingt-cinq toifes inférieur au niveau j
la ville. Ce qu’il y a de fingulier, c'eft que , fur fa
pointe, on découvre plufieurs blocs de roches ifo-
lés & culbutés , portant huit ou dix pieds de
longueur, cinq à fix pieds de largeur, fur deux à
trois pieds d’épaiffeur de lit. Ces roches font de
la même nature que celles du fol de Langres y mais
elles ne fe montrent point là dans "une. pofition
que fon puiffe dire naturelle. La bafe de la montagne
eft entourée d’un fond de vafe très-profond,
ce que l'on reconnoît par l'excavation delà ravine
qui côtoie le grand chemin de Chaumont.
| Quelle qu'ait pu être la violence des eaux anciennes,
il ne feroit pas raifonnable de croire que
ces tables énormes de pierres aient été enlevées
& portées fur ce pain de fucre par leur effort} il
eft plus jufte de penier qu’ ainfi qu'il y avoit des
fources qui ont miné les faces latérales du promontoire
de Langres, il y en a eu aufli dans cette
partie une grande quantité qui, attaquant par-
deffous tous les terrains par lefquels cette butte
étoit auparavant unie au continent de Langres, les
ont détruits 8c entraînés peu à peii. La vallée profonde
par laquelle elle en eft féparée aujourd'hui,
eft le vide & la place de tous les terrains qui ne
font plus.
Les vafes dont enfuite tout le noyau a été inverti
& recouvert, font aufli vifiblement une production
des grandes eaux} csr on peut remarquer
qye le revers qui regarde la ville eft pierreux
8c roide, & que celui qui lui eft oppofé ne l ’eft
pas, parce qu'il étoit à l'abii du courant, & que
l'autre ne l’éroit point.
La forme régulière & roide de cette montagne,
8c fa pofition précife à l'abri du promontoire ,
placée plus veis le couchant que vers le levant,
s'explique par une autre opération des grandes
eaux. Le continent de Langres, fitué entre les
deux vallées de la Marne & de la Bonelle, de-
voit produire, dans ces deux torrens, le même
effet que produit, dans le courant d'une rivière,
la pile d'un pont. Ces torrens, venant à fe réunir
au-deffous du promontoire, dévoient y former
des tournoiemens confidérables, & les eaux auparavant
relîerrées, trouvant un plus grand emplacement
, dévoient aufli fe réunir, mais avec une
chute & avec des viteffes inégales, parce que le
torrent de la Marne étant plus confîdérable que
celui de la Bonelle , le plus fort devoit repouffer
le plus foible: par-la il eft arrivé que le tourbillon
fe formoit, non au milieu jufte des deux vallées
réunies, ni poiîtivement à la pointe du promontoire,
mais plus près du cou.s de la Bonelle que
i du cours de la Marne, fans doute dans la proportion
de leur force. Les vafes & les matières légères
que les eaux entraînoient dans ce tourbillon,
après avoir pirouetté avec les lames & les
colonnes d’eaux qui les pouffojent, gagnoient à
la fin le centre du tourbillon & s'y precipitoient :
aufli en voit-on une plus grande quantité au nord
qu'au midi, parce que c'étoit là le côté de l’abri}
en forte que le pied de cette montagne de vafes
s'eft prolongé jqfqu'à une lieue plus loin, vers
Hufmes, où fe fait aujourd’hui la jonCtion de la
Marne 6c de la Bonelle.
îl y a toute apparence que ces vafes ont fourni
autrefois une butte conique plus régulière par la
point-e, mais qu’elles ont été emportées par les
vents & layées par l’eau des pluies ; en forte que
le noyau qui en avoit été recouvert, s'eft dégagé
peu à peu, & a montré enfin fa pointe héiiîTeedes
roches culbutées que l'on y vqit aujourd'hui.
Nous avons trouvé fur prefque toutes les pierrailles
& les pierres brifées qui font affez communes
fur le revers méridional de cette butte, des
empreintes de .très - grands coquillages. Il y a
dans les terres & les ruTFeaux des environs de
Jorquenoy , une granle quantité de béleronites.
Le revers de Langres, qui regarde cette montagne
des Fourches, a. cette finguhrité , qu’ il eft
recouvert de prairies’qui montent prefque fous
les dernières roches qui fervent de bafe à fes remparts.
Le fond de la terre en eft bon & profitable,
& la raifon en eft toujours la même ; cette
face de la montagne n'a jamais été expofée au
choc direCt des eaux, & a recueilli une partie des
vafes que les rorrens charient. Ces vafes, aujourd'hui
continuellement rafraîchies par les fources
dont elles abondent, font des terrains frais 8c affez
humides pour former des prairies.
On voit tous les jours dans ces contrées, fans |
être étonné, une grande quantité de terre, c'eft- i
à-dire, de vafe qui couvre les revers 8c les plaines
les plus hautes comme les plus baffes. Cette
abondance cependant a bien iieu de furprendre,
furtout vers les fources de la Marne & de la
Meufe , aux environs de Montigny-le-Roi, de
Bouilly , & autres lieux femblables du Baflîgny. 11
n’y a rien d’étonnant d’en trouver à vingt 8c trente
lieues des fommets , de la tête des fleuves 8c des
rivières , parce qu’il eft cenfé que les terrains d’en
haut les ont produits} mais fur cette monticule
des Fourches, fur le revers de Langres, par exemple,
& furtout dans cette partie qui s'aftonge vers
Hufmes , il eft difficile d’imaginer d’où ces vafes
pouvoient v enir, le, courant n'ayant encore eu là
qu’à peine une lieue de trajet, & les fommets fu-
périeurs étant fort étroits.
La conftitution du fo l, fur le côtémériiional de
la montagne de Langres, eft en partie de mauvais
grès tendre & d’autres qualités de pief res qui en
approchent, ce qui a permis aux torrens d’y faire
de bien plus grands ravages, les terrains s’y dé-
truifant bien plus aifément. D'ailleurs, les rives
des vallées ont été écartées 8c reculées de façon
qu'il y a au pied de ces fommets de grandes plaines
très-fertiles, au milieu defquelles il y a encore
des éminences confidérables entièrement ifolées,
qui font les témoins des terrains contigus qui ont
été emportés. L'on peut très-aifément, en tournant
tout autour., remarquer, pour chacun, quel
étoit le revers le plus expofé} & l’on voit que
c'eft toujours le revers qui regarde le fommet de
Langres.
Si l'on confidère au loin la ligne que forment les
fommets de cette contrée, on verra qu’il y a beaucoup
de ces pains de fucre ifoles, fitués de droite
quables autour des fommets de la Meufe, vers
Clermont, vers Montigny-le-Roi, vers Andilly.
On en voit aufli vers l'Amance, vers les fources
de la Vingeanne 8c auprès d'Heuilly , cantons de
Pallier, de Chaflîgny, de Mont-Saugeon. I! y en
a de fort élevés vers les fources de la Gille 8c de
la Seine } mais fi l’on continuoit de monter la
même ligne en allant vers les Cévennes ou vers
la Suiffe par les V o fg e s , on verroit infenfiblement
ces buttes ifolées devenir par degrés très-hautes ,
8c former enfin des pics inacceflibles. Leur pofition
& de gauche à peu de diftance, 8c même quelques-
uns font entièrement fur la ligne même } fi on les
examine en particulier , on reconnoîtra qu’ ils font 1
tous les reftes des terrains contigus ou fupérieurs,
qui ne font plus. Il y en a plufieurs de fort remar- j
, tonte pareille à l’égard des fommets qu’ ils
fui vent & côto ient, nous conduiroit à la con-
noiflance de leur origine, qui ne peut être autre
que celle des buttés les moins élevées des mêmes
; fommets vers Langres. Quelqu’élevés, quelqu’ifo-
! lés qu’ils foient ailleurs, quelque bizarres qu'ils
puiffent être , ils ne font que les reftes de terrains
contigus qui ont difparu. Veut*on ici analyfer leur
nature ? Il s’en faut beaucoup qu'elle foit fimple :
il n’y a point de pays au monde plus ftérile en
productions maritimes 8c en fofliles de toutes ef-
pèces que ces affreufes montagnes. Combien fomz
donc grands les désordres qui les ont formées , &
de combien doivent - ils être plus antiques que
ceux qui depuis les ont détruites comme elles
font, 8c ne nous ont laiffé que le?S lambeaux de
l'ancienne terre !
Comme, dans tous les fommets, l'irrégularité
d’ un grand nombre de torrens voilins l’un de l’autre
, 8c variés dans leur direction, eft ce qui a caufé
tant de pics & de maffes ifolées dans les pays inférieurs
, c’eft parce que ces torrens ont été plus
réunis 8c moins multipliés, 8c que leurs directions
ont été plus uniformes', que l’on y voit moins de
ces mafies errantes.
Si l’on cherche aufli la raifon de cette diverfité
de hauteur dans les terrains qui régnent au long
d’un même fommet, indépendamment des grands
affaiffemens auxquels des maffes entières de continent
ont dû être fujettes, on peut l’attribuer enj
core au plus ou moins d’ attaques que les eaux ont
livrées à ces terrains, & â la plus ou moins grande
réfiftance que ceux-ci y ont oppofée par leur du-
j reté. L/on fait que, dans les hautes montagnes, f©
j trouvent généralement les rochers les plus durs 8c
( les plus compactes. O r , fi l’on cor.fidère les diffé-
[ rentes hauteurs de tout le fommet général qui
traverfe la France, on remarquera cette fingula-
r ité , que c’eft à l’endroit le plus bas de toute
cette ligne que l’ on trouve les vertiges 8c la tête
des torrens de plus long cours j car c’eft des-environs
de Langres , réputée la plus haute ville de
la France, quoiqu'elle foit au plus bas du fommet
général, que la Meufe, la Marne, i’ A ube, la
Seine & toutes les rivières & ruiffeaux qui fe
jettent dans la Saône 8c dans le Rhône enfuite ,
ont leur naiffance-: o r , ces-grar.des & longues vallées,
originaires de l'endroit le plus bas, donnent:
lieu de croire que les .Commets de Langres don