
cation, alors elle feroit moins fréquente, & affez
bonne pour ne plus laiffer que de légères incertitudes.
§. V . Evaporation des eaux de la mer.
Quoique beaucoup d’auteurs aient traité céttè
question par Texperience & le raifonnement, elle
n’ en eft pas moins*reftée une énigme, pour avoir
été compliquée 8c obfcurcie. L ’on eft parti communément
de l ’expérience du doéteur Halley, qui
donne pour l’évaporation de l’eau de la mer une
ligne un cinquième en douze heures dans les jours
les plus chauds de l’été : elle a été confirmée
prefque généralement, parce qu’on s’y eft toujours
pris, de;la même manière pour la répéter} & l’on
a ainfî jugé du petit au grand > l’on a même prétendu
que cet argument étoit a fortiori. Cependant
les phyficiens fe font bien convaincus par le fait,
que cette évaporation eft au contraire d’autant
moindre, que le baftïn de l’expérience eft plus
profond , 8c que, dans un marais falant, par
exemple, elle fera en même temps de plus de deux
& trois lignes , parce que l’air 8c la chaleur pénètrent
& agitent le fond même du bafiin aufli violemment
que la furface : il en eft bien autrement
de la pleine couches inférieures ne peuvent
ni fentir la température du jour le plus chaud, ni
même permettre aux fupérieures de la partager
abfolument} de forte qu’en appliquant à la mer le
réfultat de l’expérience faite furie plus grand baflin
artificiel , il doit y avoir beaucoup à rabattre.
Quoi qu’il en foit, évaluant enfuite, avec le
même dodteur Halley, le produit moyen de tous
les fleuves quicculent dans la Méditerranée, l’on
trouve que, dans le même intervalle de douze
heures, ils ne lui rendent guère plus que deux
cinquièmes de ligne d’eau fur toute la fuperficie.
O r , perdant par l ’évaporation fix cinquièmes, &
n’en recouvrant que deux par les fleuves, on fe
croit en droit de conclure qu’elle diflipe trois fois
plus quelle ne reçoit} 8c qu’en douze heures
feulement elle fouffriroit un vide’ de quatre cinquièmes
de ligne de hauteur, ou 3453 millions de
tonneaux, fi le détroit de Gibraltar ne les fuppléoit.
Mais ce réfultat, quoiqu’il fût néceflaire &
même infuffifant encore à cette opinion, eft évidemment
faux & exagéré, x°. parce que le produit
des fleuves eft ici fuppofé tèl qu’il doit être
continuellement, tandis que ce n’eft que pendant
les douze heures du jour le plus chaud, que
l'évaporation peut être de fix cinquièmes de ligne :
il s’en faut bien qu’elle foit pareille durant les
vingt-quatre heures du même jour, & pendant
les douze mois de l ’année k non-feulement elle
eft bien moindre alors, mais très-fouvent elle
ejl plus que compenfée & réparée par la fraîcheur
des nuits, des hivers , des brouillards, 5
2'°. parce qu’il auroit fallu défalquer du déficit la
reftitution directe que les pluies font immédiatement
à la mer, 8c q u i, d’après toutes les expériences
connues, ne peut pas être eftimée moins
de dix-huit pouces par an, c’eft-à-dire, moins de
trois cinquièmes de ligne par jour moyen.
Quand donc on admettroit que l’évaporation
enlève à la Méditerranée fix cinquièmes de ligne
par jour, 8c trente-fix pouces 8c demi de hauteur
d ’eau par an, ce qui n’eft pas croyable, furtout fi
la pluie n’en rend que dix-huit pouces} que tous
les fleuves ne lui rapportent que deux cinquièmes
de ligne, ou douze pouoes un fixième par an, ce
que l’on peut admettre} enfin, que les pluies ne
lui rendent immédiatement que trois cinquièmes
de ligne, ou dix-huit pouces un quart, ce qui eft
certainement au-deflous plutôt qu’au-deffus du
v ra i} ce ne feroit, en-fin de compte, qu’ un déficit
d’un cinquième de .ligne par jour 8c de fix
pouces par an, ceft-à-dire, 900 8c non pas 34^3
millions de tonneaux que le détroit de Gibraltar
auroit, dans ce c a s ,.a lui fournir} c’eft-à-dire
encor^, que cette fourniture du détroit n’auroic
pas befoin, même dans cette fuppofition, d’être
èplus de la moitié de celle des fleuves réunis, au
lieu que, fur l’apparence trompeufe de la largeur
8c de la rapidité de ce détroit, l’on eftime qu’elle
eft réellement huit fois plus grande : quel phénomène
feroit plus inexplicable ! Mais ce neft pas tour.
Il eft bien clair que cette perte journalière 8c ce déficit
annuel, quoique réduits de beaucoup, font
encore exagérés ] parce que, fi l’ évaporation d’une
journée ardente de l’été n’eft que de fix cinquièmes
de ligne ou un dixième de pouce, H n’èft pas
vrai que celle de l’année entière foit de trente-fix
pouces. D’après des expériences mieux circonf-
tanci.ées que celles de Halley, on a penfé qu’elle
ne pouvoit pas excéder vingt-neuf pouces} 8c fur
celles qu’on a faites’ depuis , on n’a pas cru
devoir la fixer à plus «le vingt-un : d!ou il s’enfui
vroit que, loin d’un déficit de fix pouces d’eau
à emprunter de l’Océan, fuivant le calcul de Halley,.
8c de quatre-vingt feize pouces fuivant l’eftime.
ordinaire, la Méditerranée auroit réellement neuf
pouces de trop à lui rendre annuellement.
Si l’on examine cette nouvelle propofîtion en
elle-même, 8c indépendamment des inductions-
qui l’ont amenée, on la trouvera très-vraifembia-
b le , & prefque démontrée 5 car s’il y a un principe
certain fur cette matière , c’ eft que l’évaporation
générale d’une part* & la. pluie générale de
l’autre, font une 8c même quantité.,Quoique les
évaporations ,& les pluies locales foient fouvenc
fort différentes,, l’on ne doit pas admettre de
grande différence à l’égard de la Méditerranée,,
dont le département embrafle jufqu’ à 45 degrés
de longitude 8c 65 de latitude. Il faut donc conclure,
i°; que Ton baflin^reçoit à peu près directement
, & par les pluies feules, autant d’eau que
l'évaporation lui en enlève,.comme il arriveront
évidemment à la mer luiLyerfélle „ fi elle couvre h
totfte la terre} car de ce qu’elle en a laiffé un tiers
à fec, on n’y voit aucune différence, fi ce n’eft que
ce continent partage les pluies avec elle affez également
par tiers, mais qu’il lui en rend toujours
une partie par les fleuves , & que cette partie ëft
exactement ce qu’il a omis de reftituer à l’atmof-
phère par l’évaporation, & ce que la mer fe charge
par conféquent d’y envoyer pour lui 8c de plus
quèlui} 2.0. que prefque partout, ce que les fleuves
apportent à la Méditerranée eft en fus de ce qui
devoir lui revenir, attendu que c’eft le pïoduit
reliant des pluies qu’ a reçues le continent qui l'environne,
8c q u i, étant lui-même environné par la
grande mer, en étoit redevable à c.e.ile-'ci .bien
plus qu’à la Méditerranée, & dans le rapport des
furfaces de l’une & de l’autre} 3°*. que l'évaporation
commune étant de vingt-un pouces, & la mer
générale n’en recevant que dix-huit par les pluies
directes, elle a befoin que le# continens 8c les
fleuves lui rapportent encore trois poiîçes. O r , fi
tous les continens, dont la, fuperficie n’eft: que
moitié de l.a mer générale , lui fourniffent neanmoins
trois pouces d’eau, les parties de l’Europe,
de l’Afie & de l'Afrique qui Vfrfent dans la Méditerranée
doivent lui en porter au moins douze
pouces, puifqu’elles ont notoirement une furface
plus que double de la fienne : ellé doit donc en
retenir trois pouces pour remplir le vide qu’y a
caufé la différence entré fa pluie 8c fon évaporation,
les autres continens : dans ce cas l’évaporation
générale & moyenne ne pourroit plus être de
vingt-un pouces, à moins que celle en particulier
de la mer ne fût de vingrcinq pouces & demi, pour
fuppléer ce défaut. Mais, comme on l’a déjà d it ,.
il fer-bit abfurde de fuppofer qu’en total la mer
reçoit plus & Tatmofphère moins qu’elles ne dé-
penfent. Il faut donc en revenir la , malgré toutes
les obfervations qui pourroient y être contraires,
& dire que la.-pluie moyenne 8c générale eft atiffr
dè vingt-un pouces} que le continent en rend
quinze directement à l’atmofphère , & fix par les
fleuves à la mer générale, qui feroit par-là fur-
chârgéê de trois ppuces, fi fon évaporation par-
ticulière n’étoit de vingt-quatre pouces ati lieu de
vingt-un } c’eft-à-dire, que l’atmofphère demande-
à la mer actuelle vingt-quatre pouces d’eau pour
ne lui en rendre que vingt-un, tandis qu’elle en
envoie auflî vingt-un pouces aux continens pour
ne leur en reprendre que quinze} & il n’en fera-
pas moins vrai que la Méditerranée, quoique dé-'
penfant auflî vingt-quatre pouces., continuant de
recevoir les douze pouces du tribut des fleuves-
avec les vingt-un pouces de pluie commune, aura
toujours neuf pouces à renvoyer à l’Oçéan : tant,
ce principe de météorologie eft neceflaire 8c vrai;
• dans, toutes les fuppofuiousv
8c il faut bien quelle renvoie les neuf pouces
reftans à la grande mer y qui les avoit réellement
fournis, - v
Le raifonnement s’accorde donc avec l’obfer- ■
vation pour prouver que, vifible cm non, il doit
y avoir un courant par lequel la Méditerranée fe
décharge dans l’Océan. Certes on peut nier les
fixations adoptées ci-deffus, tant pour ;le produit
que pour la dépenfe des pluies, des fleuves & de,
l’évaporation } mais fi l'évaporation y eft trop
foible, la pluie l’eft fûrement aufli, & à plus forte
raifon. Quelques changemens qu’on y^faffe , l’on
verra que le réfultat n’en peut guère différer} 8c
quelques exceptions locales qu’on veuille admettre
pour une mer, pour un la c , pour un continent
particulier, on ne peut s’écarter beaucoup
d’une théorie aufli fimple 8c aufli évidente..
Cependant, pour que tous les continens enfem-
ble puiffent fournir trois pouces d’ eau à .la mer,
qui eft double en furface, il faut qu’ils lui en envoient
par les fleuves fix des dix^huit qu’ils ont
reçus par la. pluie» ce qui fe trouve vérifié par la
Méditerranée,, puifqu’elle reçoit réellement,, par-
cette v o ie , douze pouces, c’eft-à-dire, quatre
fois plus que la mer générale, parce que fon continent'particulier?
eft proportionnellement quadruple
: il faut donc aufli qu’ ils'renvoient par
l’évaporation les douze pouces reflans, excepté;
la petite partie qu’ ils en retiennent & qui fe terrifie.
Mais fuppofons que la reftitution des douze
pouces, eft. e n t i è r e & qu’elle ^eft la même fur tous.
§, VI. Température des eaux de la mer.
Plufieurs navigateurs habiles ont reconnu £ par
expérience, que L’eau de la mer, en certains temps,,
près des côtes , des bancs de fable ». des bas-fonds-
& des écueils, étoit plus- froide de neuf à-dix degrés*
que l’eau de la pleine mer ils ont cru en.
conféquence, qu’en faifant ufage d'un thermomètre,
les marins pourroient s’affurerde la proximité
des écueils, des bancs de fable,, par la-marche
de la liqueur, de cet inftrument.
Ce n’eft pas feulement à la furface de l'eau;
, qu’on a remarqué cette diminution de chaleur
dans le voifinage des terres : on l’a reconnue de
même lorfqu'on fondoit plus avant 8c qu’on ap-
prochoit davantage le thermomètre du' fond du-
baflin de la mer. Ainfi les fondes ont appris que'
l’eau de la mer,. en hiv er, étoit doutant plus-
froide » que la profondeur du baflin étoit moindre.-
11 eft vifible que cet effet phyfique tient à la même,
caufe que l’effet précédent que nous avons expofé
au commencement de cet article.} car à mefure
que ces terres-, dans toutes les occafions, peuvent -
contracter de l’atmofphère fes diverfes températu
r e s ,^ !^ les tranfmettent à l’eau qu’ elles- touchent.
|
Ceci eft encore une fuite de ce que nous avons.-
établi & prouvé également par expérience, en
parlant de la glace des rivières qui fe forme fur le-
fond de leur lit.
Le rapprochement de tous ces faits nous paroît;
uèsrutiie * en ce qu'il, donne, lieu de faifir toutes»