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partie baffe du Bengale, entre le Gange & le Bur-
rampooter, eft inondée dans un efpace de plus de
cent milles de largeur. Les maifons & les arbres
paroiffent alors feuls fur la furface des eaux.
Les inondations du Bengale diffèrent de celles
de l'Egypte, en ce que le Nil feul produit celles-
ci s au lieu que les pluies qui tombent dans le
Bengale fuffifent pour inonder le pays, Ce qui le
prouve, c’ eft que le Bengale eft inondé lông~tems
avant que le lit du Gange foit rempli. Il faut ob-
ferver que le terrain dans le voifinage du fleuve, &
à une diftance de plufîeurs miiles, eft beaucoup
plus élevé que le refte du pays. C ’éft là une barrière
qui fépare les: eaux de'l'inondation des eaux
du fleuve jufqu’à ce qu'il finiffe par déborder. Gette
barrière eft quelquefois couverte d’un pied d'eau.
La profondeur-de l'inondation varie dans le refte
du pays, fuivant le niveau du terrain-j mais en général
elle ne furpaffe guère douze pieds dans aucun
endroit. •
Lorfque l’ inondation eft générale, on diftingue
encore le cours du fleuve par les -réfeaux de fes
bords, par la rapidité du courant-&*pàr la-valë
qu’il charie. La couleur de l’eau devient bientôt
noirâtre par fa ftaghâtibn & la îdétqjupôîîtiohuies
végétaux. Cette couleur refte la même malgré le
mélange qui fe-fait enfuite de Teà^-dw'îletive j ce
qui montre que celle- ci eft en "qüàntité relative-
men t cô nfi -iérablev La v i te ffe-<B u' co tir à fît de ‘l ’friô n-
dationm’eft que d’ un demi-mille par-heure. r
v 11 y ja des parties du pays dont la culture n’exige
pas ou: ne comporte pas l’inondation , & qui cependant,
feroient inondées fi on ne les garantiffoit
par des digues.! Ces travaux, .fondés1 & entretenus'
à grands frais ineîrempliffent pas-tou jours d'objet,
parce que les matériaux dont on les compofe, ont
très-peu de ténacité. Par un ca’cul affez exaél, on
penfe que les digues deftinées à garantir ces terrains
de l’ inondation ont plus de mi lle milles de longueur.
Quelques-unes de ces jetées ont uneépaif-
feur égale à celle d’ un parapet ordinaire. 11 n’y à
qu’une branche du Gange qui foit navigable dans
la faifon des. pluies, & cette.branche eft alors égale
en largeur à la Tamife, vers Chelfea j elle-eft en-
caiffée entre deux jetées de foixante-dix milles de
longueur. Lorfqu'on voyage fur cette branche du
fleuve , on domine confiderablement tout le pays
environnant, qui refte à fec. Dans les grandes eaux
du fleuve, la marée perd le pouvoir de faire re-
brouffer le courant. C e n'eft même que très-près
de la mer quë le flux & le reflux font fenfiblës. Il
arrive quelquefois qu'un vent forcé qui contrarie le
c-ourant fait monter les eaux de deux pieds , & de
tels accidens font périr’des récoltes de *iz. En
1 7 6 3 il arriva un événement fort tragique1 à Luc-
kipour, à cinquante milles de la mer. Dans le moment
ou l'inondation éteit parvenue à peu près à
fa plus grande hauteur • un vent violent qui fouf-
floit contre le courant,1 fi: monter les eaux de
ûx pieds au deffus de. leur plus haut niveau, Les
habitans d’un etiftriêt fort étendu furent emportes
avec leurs maifons & leurs beftiaux, & malheureu-
fement encore ce canton eft absolument dépourvu
d’ârbres, qui auroient pu fauver quelques
hommes.
Les embarcations de toutes grandeurs traver-
fént l'inondation; cèllesqüi remontent, coupent au
court dans les eaux tranquilles , &: évitent le courant
du fleuve, qui pour lors a la rapidité d’un torrent.
Le vent qui , dans cette faifon-là, fouffle régulièrement
du fud-eft, favorife les tranfports dans
cette direction, & un voyage de dix journées dans
les baffes eaux , en remontant le cours du fleuve ,
s’eff-éhie alors dans fix jours. Toutes les opérations
de l’agriculture--font fufpendues. Le payfari
vogue fur lès champs qu'il eft accoutumé à labou-
■ rêr , & il eft heureux pour lui que l’élévation des
bords mette les fourrages à l’abri, car les beftiaux
përiroient de faim.
Voici le tableau des obfervàtions faites fur la
crue des eaux du Gange à Jellinghy & à Daca.
" Les eaux montent 1
à Jellinghy , V3 . :■ - • -ià Dapa, '
En mai, de . . 6 pieds o pouces. 2 pieds t\ pouces.
:E» j uin v m m â *> . '4
' 'En juillet, de . i i 6 - 5 ' 6
Dans les quin- ' 1 '
ze premier«: joufs: - -j ,
d’août,,de>. :4: - :.o - ; 1 . i v
,,,. • . ,âi pieds o po.ucej. pieds 3 pouces».
-Ces obfervatioijs ont été faîtes dans une année
o ù ’tes e^ùx'mbntèrént plus que de coutume. '
; Il faut ob fer ver que ,1e Gangeî, ainfi que le Bur-
fgmpooter, s’é lè v e , davantage dans la faifon plu-
‘ vieille, que les autres rivières qui communiquent
! avec lui. Cela eft évident par ce qtie l’on ôbferve
; du cours de l'eau dans les canaux de communication
entre le Gange & la Teefta. Cette grande rivière
fuir un cours prefque parallèle au Gcinge,
dans ün efpace de cent cinquante milles 5 elle communique
enfuite avec lui par deux canaux fîmes à
. vingt milles l'un de l’autre, &r fe déchar geatiffî dans
) la Megna ou le Burrampooter par un troifième ca-
t, nal. Pendant la faifon fèche , l'èau coule de la
1; Teefta au Gange. Dans les grandes eaux, l'eau va
! du Gange à la Teefta , qui fe décharge pour lors
toute entière dans la Megna. On peut conclure de
ƒ ces faits, combien peu il y a de pente dans le lit; de
1 ces rivières, dont le cours dépend moins de l’in—
| clinaifon du terrain, que de la hauteur refpeélive
j de leurs eaux dans les différentes faifons.
i L'inondation eft à peu près ftationnaire pendant
quelque^ jours, vers le milieu d’août, puis
' elle commence à décroître j car quoique les pluies
continuent dans le plat pays en août & en fep-
$ tembre^ comme elles ceffent alors dans une partie
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des montagnes, la quantité de l’eau pluviale ne
fu-ffit plus pour foutenir les eaux de l'inondation à
la même hauteur. L’abaiffement lucceflif des eaux
fuit à peu près la proportion ci-après. Pendant la
dernière quinzaine d’août & tout feptembre, elles
diminuent de trois à quatre pouces par jour. En
oélobre & en novembre la diminution, d’abord de
troisjpouces, fe réduira un .pouce & demi par
jour. Enfin, la moyenne de la diminution jpurna-
lière, depuis novembre jufqu’ à la fin d’avril, eft
feulement d’un pouce & demi. Cette proportion
doit s’entendre des parties du fleuve qui ne font
pas affrétées par le flux& le reflux; caria diminution
des eaux de l ’inondation ne fuit pas régulièrement
la diminution des eaux du fleuve, à caiife de la
hauteur du terrain vers fes bords. Mais dès le commencement
d’octobre , tems auquel les pluies
ceffent, l’ inondation diminue affez rapidement par
l ’évaporation. Les terres, à la fuite de ce paffage
des eaux, reftent enrichies par le dépôt du limon,
& font prêtes à donner d’abondantes récoltes fur
un feul labour.
Il y a dans les crues du Gange une circonft3nçe
peu connue ou peu remarquée jufqu’à préfent.,
parce qu'on n’a pas fait d’obferv^tions- comparables
fur la hauteur des eaux en différeris lieux.
Cette circonftance eft la différence qui exifte dans
la marche, de l’accroiffëment des eaux, à des endroits
différemment diftans de la mer. C ’eft un fait
confirmé par des obfervàtions répétées , qu’ à commencer
de l’endroit où l'influence de la marée devient
fenfible jufqu’au bord de la mer , l’accroif-
fement des eaux eft graduellement moins confidé-
rable, & qu’ enfin cet accroiffement devient nul à
l ’endroit où lès eaux du fleuve arrivent à la mer.
C e fait eft parfaitement conforme aux lois d’après
lefquelles les fluides prennent leur niveau.
L’Océan conferve dans toutes les faifons le
même niveau, toutes circonftances du flux & du
reflux d’ailleurs égales >il influe néceffairement fur
le niveau des eaux qui communiquent avec lu i , à
moins qu’ elles ne s’y précipitent en cataractes. Si
l’on fuppofe que la colonne d’eau de trente-un
pieds d’ élévation, qui repréfente la crue du Gange,
pût fe foutenir jufqu’à fon arrivée à l’Océan j fi
l’aCtion de la force qui auroit foutenu les eaux
ceffoit tout à coup, la tête de la colonne fe ré-
pandroit fur la furface de la mer & dans le refte
de la colonne, aufli loin que s’étend l'influence
de la mer. Il s’établiroit une pente qui, dans
fa totalité, auroit trente - un pieds de hauteur
perpendiculaire, C ’ eft précifément ce qui a lieu
à l’endroit où les eaux du fleuve fe mêlent à l’Océan.
Le niveau eft le même dans toutes lés faisons
, les marées étant fuppofées égales. A Lucki-
pour, la différence de hauteur, dans les deux fai-
ions, n’eft que de fix pieds. A Daca elle eft de quar
to r z e , 8e à Cuftée de trente-un pieds. Il y a donc
une pente régulière , car lesdiftances de ces lieux
à la mer font en proportion avec ces hauteurs.
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Cette pente doit ajouter à la rapidité du courant.
Si l ’on luppofe qu’avant l'inondation, l ’inclinai fon
du lie du fleuve étoit de quatre pouces par mille ,
elle fe trouvera de cinq pouces & demi* Cuftée eft:
à environ, deux cent quarante milles de Ja mer
en fuivant le cours du fleuve , & dans la fai on
fèche la furface de, l’eau du Gange y eft à quatre-
vingts pieds au deffus du niveau de l'Océan à may
rée haute. L ’Océan fait fentir fon influence jufque-
là j c’eft-à-dire que, dans la: faifon fèche, la njaréé
eft fenfible jufqu’ à cette diftance, & que, dans la
faifon pluvieufe, il réduit la hauteur des eaux du
Gange jufqu’à fon propre niveau.
La même chofe s’obferve dans la H o o g ly , la
Jellinghy & .le Burrampooter , & il eft à croiré
que ce phénomène éft commun à tous les fleuves
qui font fujets à des crues d’eau périodiques ou
accidentelles. Non-feulement la hauteur de l’ inondation
diminue enTe rapprochant de la mer , mais
encore la hauteur des bords du fbuve diminue
dans la même proportion. L’on pourroit être porté
à croire que la moindre élévation des bords du
fleuve, dans le voifinage de la mer, eft la véritable
caufe de la moindre élévation de l’eau, parce que
là où les bords font élevés, l'eau encaiffée eft
obligée de s’élever auffi, au lieu qu’elle fe déborde
& s’étend au loin où les bords ne la contiennent
pas. On peut répondre à cette difficulté, qu’il eft:
prouvé par i ’obfervation, que la quantité de la
crue , dans un moment donné à differens endroits
du lit du fleuve , d l toujours en proportion exaéle
avec la totalité de la crue des eaux dans la faifon à
chacun de ces ;mêmes endroits j ainfi lorfque le
fleuve a monté de trois pieds à Daca, où la totalité
de la crue eft de quatorze pieds, l ’eau a
monté de fix pieds & demi à C uitée, où la totalité
de la crue eft de trente-un pieds.
La quantité d ’eau que le Gange décharge dans la
mer pendant la faifon fèche, dans l ’efpace d’ une
fécondé, eft de quatre-vingt mille pieds cubes.
Dans les hautes eaux le volume du fleuve eft
triple. Le mouvement eft accéléré dans la raifon de
I trois à cinq, & la quantité d'eau qui paffe à chaque
fécondé eft alors de quatre cent cinq mille pieds
cubes j ainfi la moyenne fur l’année eft: d’environ
cent quatre-vingt mille pieds cubes d’eau pat
fécondé.
Le Burrampooter prend fa fource dans les
mêmes montagnes que le Gange , & coule d’ abord
dans une direélion oppofée à celle de ce fleuve j
du côté de l’e ft, au travers du Thib et, où il eft
connu fous le nom de Sampoo ou Zancin, mots qui
fîgnifient rivière. Son cours dans le Thibet, tel qu’ il
a été indiqué par le Père Duhalde, & tracé fur la
carte de Danville, eft lufEfamment exaêt pour les
objets généraux de la Géographie , mais non pour
: la longueur totale du fleuve. Il fuit les confins du
. pays de l’Affa , où réfide te Grand-Lama } il fe dirige
au fud-eft, Sc Ce rapproche jufqu à deux cent
vingt milles de la provincfc de Yunan > la partie la