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pêche de la baleine fe fait fouvent avec une grande
célérité dans les parages du Groenland. On- a vu
des vasffeaux, partis le 11 avril d'Yarmoath, le 17
mai tuer la première baleine , & repartir le 23
juin , avec la charge de fept baleines, pour'l'Angleterre
, où ils arrivoient le 8 juillet.
Les Groëolandais, race de peuple ar&ique qui
habite certaines côtes du Groenland, font de petite
taille : il y en a peu qui aient cinq pieds de
hauteur. Ils ont le vifage largé & plat > les joues
rondes, mais dont les os s'élèvent en avant; les
yeux petits & noirs; le nez écrafé ; la lèvre inférieure
un peu groffe; la couleur olivâtre ; les cheveux
plats, roides & longs : ils ont peu de barbe
parce qu'ils fe l'arrachent ; ils ont auflî la tête groffe,
mais les mains & les pieds petits, ainfi que les jambes
& les bras ; la poitrine éleve e, les épaules
larges, & le corps bien mufelé; ils font tous chuf-
feurs ou pêtheuts, & ne vivent que des animaux
qu'ils tuent. Les veaux marins & les rennes font
leur principale nourriture; ils en font deffécher la
chair avant de la manger, quoiqu'ils en boivent le
fang tout chaud ; ils mangent aufli du poiffon def- i
féché, des farcelles & d'autres oifeaux qu'ils font
bouillir dans l’eau de mer; ils font des efpèces
d'omelettes de leurs oe u fs , qu'ils mêlent avec des
baies de buiffons & de l'angélique dans de l'huile
de veau marin ; ils ne boivent pas de l'huile de baleine
; ils ne s'en fervent que pour brûler. L'eau
pure eft leur boiffon ordinaire. Les mères & les
nourrices ont une forte d'habillement affez ample
par-derrière pour y porter leurs enfans. C e vêtement,
fait de pelleterie, eft chaud, & tient lieu de
lange -8? de berceau : on y met l'enfant nouveau-
né tout nu. Les Grôëlandais font en général fi
mal-propres, qu'on ne peut les approcher fans dégoût
: ils fentent le poiffon pourri. Les femmes,
pour détruire cette mauvaife odeur, fe laventayec
de l'urine ; mais les hommes ne fe lavent jamais.
Ils ont des tentes pour l'été, & des huttes pour l'hi-
vér. La hauteur de ces habitations n'eit que de
cinq à fix pieds ; elles font confiantes ou tapiffées
de peaux de veaux marins & de rennes : ces peaux *
leur fervent aufli de lits. Leurs vitres font des
boyaux tranfparens de poiffons de mer. Ils avoient
des arcs, mais ils les ont remplacés par des fufils
qui leur fervent à la chaffe. Pour la pêche ils font
ufage de harpons, de lances, de javelines armées
de fer ou d'os de poiffon, & de bateaux affez
grands, dont quelques-uns portent des voiles faites
avec le chanvre & le lin qu'ils tirent des Européens,
ainfi que le fer & plufieurs autres chofes
qu'ils reçoivent en échange des pelleteries & des
huiles de poiffon qu'ils leur donnent. lis fe marient
communément à l'âge de vingt ans, & peuvent
, s'ils font aifés , prendre plufieurs femmes.
Le divorce en cas de mécontentement eft-nen-
feulement permis, mais d’un ufage commun. Tous
les enfans pour lors fuivent la mère, 6c même
après fa mort ne retournent pas auprès du père«
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Au refte, le nombre des enfans n'eft jamais grand.
Il eft rare qu'une femme en produife plus de trois
ou quatre. Les femmes accouchent aifément, &
fe relèvent dès le jour même pour vaquer à leurs
occupations ordinaires ; elles laiffent tetter leurs
enfans jufqu'à trois ou quatre ans. Les femmes,
quoique chargées de l'éducation de leurs enfans,
des foins de la préparation des alimens, des vête-
mehs & des meubles de toute la famille, quoique
forcées de conduire les bateaux à la rame, &
même de conftruire les tentes d'été & les huttes
d'hiver, ne laiffent pas ,' malgré ces travaux continuels,
de vivre plùs;long-tems que les hommes],
qui ne font que chaffer ou pêcher ; car les hommes
ne parviennent guère qu'à cinquante ans, tan-
disque les femmes vivent foixante-dix & quatre-
vingts ans.
Les Groëenlandais reffemblent plus aux Kamtz-
chadales, aux Tungulês, auxCalmouks del’A fie ,
qu'aux Lappons d'Europe. Les ufages , foit fuperf-
titieux, foit raifonnables, de ce peupleTont d’ailleurs
affez femblablès à ceux des Lappons, des
Samoïèdes & des Koriaques. Plus on les comparera
, plus on reconnoîtra que tous ces peuples,
voifins de notre pôle, ne forment qu’une feule
& même race différente de toutes les autres dans
l’efpèce humaine, à laquelle on doit encore ajouter
celle des Efquimaux dü nord de l'Amérique,
qui reffemblent aux Groenlandais & plus encore
aux Koriaques du Kamtzchatka.
G R O I ’T E S . Pour donner une idée de ces
grottes, nous en avons décrit plufieurs en particulier
, parce qu'elles font toutes xdifFérentes les
unes des autres , pour l'étendue & la diftribution
des cavités, la figure des principaux groupes de
ftala&ites. Cependant comme elles fe reflèmblent
toutes par la nature & la forme effentielle de la
matière qu'elles contiennent, & par la marche de
l'agent qui les a creufées, nous en ferons un ar-
i tiçle particulier. Une grotte, dans le fens dont il
s'agit ic i , eft une' cavité fouterraine, formée naturellement
ou pratiquée par art, au dedans ou au
deffous d’un rocher de pierres calcaires, & fituéè
de façon que l’eau des pluies puiffe y pénétrer à
travers le rocher; car l'eau eft le principal agent
dans la formation des ftalaftites, mais elle ne produit
cet effet que lorfqu’elle arrive dans les grottes
en petite quantité à la fois, qu'elle y tombe goutte
à goutte, & que fon écoulement dure long-tems.
Toutes ces circonftances font néceffaires pour
l'accroiffement & la formation des ftalaélites. Ordinairement
la plus grande partie de l'eau des
pluies s'écoule parla pente naturelle du terrain qui
eft au deffus de la grotte : une autre partie s’imbibe
dans la terre qui fe trouve fur le rocher & dans
fes fentes , ou coule au loin , fur le premier banc
de pierre qu'elle rencontre. Il n'y a donc qu'une
petite quantité d’eau qui pénètre à travers la
maffe du rocher qui fert de toit à la grotte. Cette
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eau eft filtrée dans la pierre, ou au moins elle lave
toutes les faces de chaque bloc & les graviers qui
fe trouvent dans les fentes verticales ou dans les
intervalles qui féparent les différens lits. Par ces
fortes de lotions, l’eau détache des particules de
pierres, & tient en diffolution parfaite tous les
principes qui font la matière du fpath ; elle s’en
charge , & les entraîne avec elle dans les petites
routes par lefquelles elle parvient jufqu'à la grotte.
Ces routes font ouvertes en différens endroits
de la voûte & des parois latérales. Si nous confi-
dérons d’abord celles dont l'origine eft au plafond,
l'eau, y étant parvenue julqu'à l'extrémité
de fon petit canal, eft retenue fur les bords de
l'orifice, s'y amaffe, & forme une goutte qui refte
fufpendue jufqu'à ce que, fon volume étant augmenté
à un certain point, elle tombe par fon
propre poids. Dans le tems que la goutte eft fufpendue
j les molécules de matière folide dont elle
eft chargée, & qui font le plus près'des bords du
petit canal dont elle fo r t , s'y attachent fous la
forme d'un petit Cercle de matière de ftala&ite ;
mais les molécules qui en font plus éloignées font
emportées dans la chute de la goutte, & tombent
avec*elle fur le fol de h grotte t s'y fixent, & y
forment une petite éminence après que l’eau eft
écoulée ou évaporée. Cette éminence du fo l, de
même que le petit cercle qui eft fur les bords
de l’orifice du plafond, feroir à peine fenfible
fi elle' n’ étoît que le produit d’une feule goutte
d ’eau ; mais comme les gouttes fe fuccèdent les
unes aux autres, la maffe de matière folide s'augmente
peu à peu de part & d’autre, & parvient,
par la fuite des tems , au point de former fur le
fol un cône qui y tient par fa bafe & au plafond,
un tuyau qui eft une continuation du canal que
l ’eau parcourt dans le rocher. Ce tuyau groflît à
l'extérieur, parce qu'il reçoit l'eau d'autres canaux
du plafond, qui arrofe les dehors du tuyau ; & y
laifie des couches de matière folide. D’un autre
côté, le cône s'alonge par le haut pendant que le
tuyau s'élève par le bas, & à la fin ils fe rencontrent
dans leur accroiffement mutuel , 8e forment
, en fe joignant, une forte de colonne qui
s'étend depuis le fol jufqu'au plafond de la grotte,
On peut juger, par la manière dont fe fait l’ac-
croiffement du cône 8e du tuyau dont je viens de
parler, qu'ils font tous les deux compofés de couches
additionnelles, 8e que la colonne eft folide;
mais toutes les ftalaélites qui font fufpendues au
plafond des grottes n’ont pas un tuyau dans leur
intérieur. Pour former ce tuyau, il faut d’aberd
ue l'orifice du canal qui eft dans ce rocher , 8e
'où fort la goutte d’eau, foit à peu près horizontal^,
afin que la goutté refte fufpendue à tous les
points de fes bords, 8e qu'elle y forme un cercle,
entier de matière fpathique. Au contraire, fi l'orifice
du canal eft incliné de façon que la goutte
ne tienne qu'à la partie inférieure des bords de
l'orifice, il eft évident que les molécules de ma-
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tière folide ne peuvent s’attacher qu’à cet endtoit»
Dans ce c a s , la flala&ite eft folide, de même que
celles qui font formées par l'eau qui fort des parois
inclinées ou latérales de la grotte. L’eau, en coulant
je long de ces parois & en defeendant jufqu'au fol,
laiffe dans fa route, 6c dépofe dans le bas plufieurs
couches de matière folide, les unes fur les autres.
11 arrive aufli que le tuyau des ftalactites du plafond
s'obftrue &c fe remplit en entier.
Des corps ainfi formés par l’eau font ftijets à
de grandes variétés de figures; D ’ailleurs, les inégalités
des parois d’une cavité de rocher contribuent
beaucoup à donner aux ftalaélites des contours
irréguliers & extraordinaires : c'eft pourquoi
l'afpeét d'une grotte revêtue de ftalaélites (ur prend
tous ceux qui y entrent pour la première fois. De
quelque côté que l'on jette les yeux, on apperçoic
des groupes figurés de tant de manières différentes
, diftribués d’une façon fi variée, que l’on imagine
y trouver de la reftemblance avec des chofes
connues, comme des tables, des eu de-lampes;
des bornes, des tuyaux d'orgue, des colonnes,
des draperies , des figures d’hommes, de quadrupèdes,
d'oifeaux, de fleurs, de fruiti, de plante
s , &c. ; aufli donne-t-on des noms particuliers
aux différens endroits des grottes les plus fameufe*
& les plus fréquentées. Mais lorfque l'on confidère
toutes ces différentes apparences fans fç livrer à
l’idée du merveilleux, on n'y voit que les traces
8>c la repréfentation de plufieurs chutes d ’eau : ce
font des cafcades qui femblent avoir été fixées &
conlolidées dans l'inftant où elles formoient des
nappes & des bouillons.
La différence des formes de ftalaélites les plus
remarquables aux yeux d’un naturalifte eft à leur
furfaee. Les unes font hériffées de tubercules , de
pointes ou d'éminences taillées à facettes > tandis
que les autres font prefque liffes, & à peu près
unies dans leurs différens contours. La caufe de
cette variété de configuration vient de la qualité
de la combinai fon des matières, dont les llalac-
tites font formées, & de la quantité de l’eau qui
a ete l'agent de ce travail. Lorfqu’il fe trouve plus
de matière fpathique que d’autre matière brute ,
& que l’eau ne coule qu'en petite quantité, les particules
du fpath fe criftallifent en fe réunifiant en
ftalaâites, & forment des efpèces de criftaux à la
furfaee extérieure de chaque groupe : mais s'il y a
plus de matière brute que de fpath, elles font retenues
entre les particules terreufes, groflières,8c
mafquées par elles; elles ne peuvent s’approcher
ni s’arranger régulièrement. De même , fi l’eau les
apporte en trop grande quantité & les amoncèle
trop brufquement, elles reftent en défordre, parce
qu’il n'y a pas affez de tems ni affez d’efpace pour
faire un arrangement régulier, & même affez fou-
vent des criftaux de fpath bien formés fe trouvent'
recouverts par une matière terreufe & pierreufe
brute. Ainfi différentes ftalattites s'unifient & fe
confondent : c’eft ce qui arrive le plus fouvent