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reufe à peu de diftance l'un de l’autre. Le plus !
grand a vingt à vingt-cinq toifes de long fur huit
de large, 8c très-peu de profondeur ; l’èau en eft
très-fulfureufe j elle dépofe fur le limon quantité
de matières calcaires & fulfureufes. 8c répand une
odeur très-forte. Il y a dans une efpèce de cale
de ce petit la c , laquelle ne gèle jamais, même
dans les hivers les plus rudes, une fource très-
forte qui fort eh bouillonnant, 8c amène avec
elle une matière grife qui relfemble à de la cendre.
Les Tfchuwafches 8c d’autres“ habitans de cette
contrée fe fervent avec fuccès de toutes ces eaux
■ fulfureufes pour fe guérir de la gale 8c autrès
éruptions cutanées.
M ILAN , capitale du Milanez. La ville de Milan
a cinq mille toifes ou un peu plus de deux lieues
de tpur ; elle eft pavée de pierres roulées 8c arrondies
par l’Adda ou par les autres rivières des environs;
ces galets font toujours des granités roug
e s , verts, gris ou d’autres couleurs, ou des
pierres-qui reffemblent au porphyre. C e granité
eft très-commun à Milan,- il y en a furtout un qui
tire fur le rouge; il y en auifi qui eft blanchâtre :
le premier vient d’ une carrière qui eft près de Ba-
veno, village à cinquante milles de Milan, aux
environs du Lac-Majeur; le fécond fe tire des environs
de Margozzo, autre village fitué auffi fur
le Lac-Majeur, à cinquante-quatre milles de Milan :
il fert à différens ornemens publics 8c particuliers.
Cette abondance de granité eft un avantage
coniidérable pour la bâtiffe à Milan, de même
que le marbre blanc qu’on tire des montagnes du
lac de Côme. Ce marbre n’eft pas aufli parfait que
celui de Carrare ; mais il ne laiffe pas d’être encore
fort beau. La carrière en fut découverte dans
le temps que les ducs de Milan entreprirent l’im-
menfe édifice de la cathédrale ; on continue toujours
à l’exploiter, 8c le marbre en eft plus beau
que jamais : il provient d’une veine qu’on dit avoir
cinq milles de longueur fur quinze à vingt pieds
de profondeur.
Les deux grands canaux qui joignent Milan
avec l’Adda 8c le Téfin, font la principale caufe
delà fertilité du territoire de cette v ille, 8c l’une
des premières reffources du commerce. Le canal
du T é fin , navilio di Gaggiano, navilio grande,
tire fon nom du canton de Gaggiano, par lequel
il paffe. 1
Le canal de l’Adda, appelé navilio délia Marte-
fana à cauf^ d’un canton d’où il v ien t, 8c qui
porte ce nom, tire feseaux du fleuve Adda. Etant
arrivé à un mille au nord de Milan, il fe trouve
plus haut de cinq pieds que le navilio grande qu’ on
tire du Téfin. Pour les réunir dans la ville faqs.
inondation 8c lans ch u te , on a pratiqué cinq
éclufes qui portent le nom de canal de l ’Adda ,
jufque dans le canal du Téfin.
Non-feulement ces canaux fontutiles pour la fertilité
des campagnes,mais ils font encore d ’un très- I
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grand fecours pour le commerce : la Martefana
amène du bois & d’ autres provifions néceffaires
à la ville ; le grand canal apporte les marbres du
Lac-Majeur, & établit avec Milan une communication
très - intéreffante. La fcience des eaux
& l’architeéture hydraulique font employées dans
toute ritalie avec autant d'intelligence que de
fuccès.
MILANEZ ou LOMBARDIE. Ce pays contient
un excellent territoire. On y trouve des
terres qui ne fe repofent jamais* & donnent deux
récoltes par an * l'une de froment, l'autre de blé
de Turquie , de millet ou d’autres menus grains.
Beaucoup de prés fe fauchent trois fois l’an y ceux
qui ont de l’eau ( & c eft le plus grand nombre )
peuvent fe faucher jufqu’à quatre fois; ceux qui'
n en ont point ne donnent quelquefois que deux
récoltes de foin.
Les champs, féparés par des alignpmens d’arbres,
font en mêmetemps couverts d’arbres'fruitiers,
de- mûriers, de vignes, de légumes & de
moiffons.
Ces riches cultures attirent principalement l'attention
des voyageurs, par l’art avec lequel on
dirige les arrofemens j on raffemble les eaux près
des fources dans de grands réfervoirs, d’où on les
diftribue dans plufieurs autres fucceffivement moins
élevés, & , avec des rigoles, on les conduit dans
tous les terrains inférieurs.
Le fol du Milane% a quoiqu’expofé à une température
plus froide que celui du refte de l’Italie,
ne laiffe pas d’être très-favorable à la culture de
toures les efpèces de fruits & de légumes. Le riz ,
le lin , le chanvre & la vigne y font cultivés avec
le plus grand fuccès > le cotonnier, le câprier &
l ’oiiyier même s’y cultivent avec avantage} les
mûriers y produifent des feuilles deux fois l’année :
les premières fervent à nourrir quantité de vers
a foie j les fécondés fuppléent à la pâture des bef-
tiaux. Les plantations dé ces arbres ne font nulle
part auffi multipliées.
Parmi les chofes que l ’on remarque en arrivant
en Lombardie, il y a une plante peu connue en
France , mais qui eft fort cultivée dans cette contrée
, ainfi que dans toute l’Italie, & qu’on y appelle
fagina. On en fait des balais & même des
broffes, & les cannes fervent à faire des nattes &
à couvrir des maifons, à peu près comme en
France les rofeaux. La petite efpèce de fagina à
tête ramaffée donne une graine que les payfans
font entrer-dans le pain.
On cultive auffi beaucoup, dans, le Milaneç &
toute l'Italie, le blé de Turquie ou maïs} il y eft
appelé gran-turcoy & c'eft probablement d e - là
qu'eft venu le nom français blé de Turquie} ce
n'eft pas qu'on ait reçu des Turcs cette efpèce de
culture, mais parce que la tête nue & le panache
des épis les ont fait comparer à une tête de Turc,
11 n’y a guère de pays en Europe où il y ait tant
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de lacs., & d’où l'on tire t3nt 4e poiffons, que des
pays fitués entre la France & le M i la n e Sur un
efpace de foixanfe-quinze lieues on tiouve les
lacs de Genève, de.Neufchâtel ou d’Yverdun, de
Morat, de Bienne, de Quinti, de Lucerne, de
Confiance, de Valenftat} le lac de C ôm e , celui
de Lugano, le Lac-Majeur & le lac de Garda ,
qui a douze lieues de long. Tous ces lacs font
remplis d ’excellens poiffons, furtout de truites }
le carpioneéu lac de Garda efl plus délicat que la
truite & le faumon , mais il n’eft pas fi grand : on
n’en trouve pas de plus de dix, à douze livres.
Le fol du Milane[ eft calcaire. Toutes ces riches
plaines qui en tont un^pays fi produ&if, ont
été recouvertes par les eaux de la mer dans des
temps antérieurs à tous les monumenshiftoriques,
mais pourtant poftérieurs à la formation des montagnes
& .a u x premières révolutions de notre
Globe. C ’eft ce qu’attefte l’immenfe quantité de
coquillages marins., parfaitement conlervés, que
l’on trouve épars dans ce canton.
Les montagnes du Milane^ font, comme celles
de l’Apennin, compofées de pierres ollaires &
fchifteufes} elles renferment auffi de beaux marbres
, & il y a beaucoup de granité au nord de
Milan, Le principal commerce du Milaneç eft celui
de la foie , dont la vente rapporte au pays huit
à neuf millions. On ne s’étendra pas fur les autres
objets d’exportation de ce peuple, dont on con-
noît les reffources & l'induftrie.
MILO, î'ed e l’Archipel grec ,fituee à l’entrée
de la mer Egée, par 36 d. yo' de latitude, & 21 d.
10' de longitude.
Cette î le , vifitée en 1793 par-MM. Olivier &
Bruguières , leur parut, lorfqu’ ils y abordèrent,
être entièrement le produit du feu. La côte d'A-
pollonia leur préfenta partout des porphyres plus
ou moins décompofés , des terres blanches allez
femblables à celles de cimolis:, des laves grifes
pefantes en grandes maffes. A un quart de lieue
du irionaftère de Sainte-Marine ils virent exploiter
de beau gypfe dans une couche de terre profonde
mélangée, de cendre volcanique, de trag-
mens de pierres-ponces & dé pozzolane : cexte
couche terreufe s'étendoit à une grande diftance,
& montroit en plufieurs endroits des excavations
d’où l’on a voit pareillement extrait la pierre à
plâtre à des époques différentes.
Après avoir paflé la nuit dans le monaftère &
avoir gagné la ville de Milo le lendemain, à travers
les amas- des matières volcaniques, ils allèrent
vifiter la montagne de Calamo, que je confi ière
comme un des centres d’éruption des feux fou-
terrains : elle n’ eft pas bien élevée. Quand on a
quitté la plaine, on trouve des terres i cultes volcaniques,
mêlées de fragmens de pierre-ponce.
Àvarçt d’arriver au Commet, nos voyageurs furent
avertis du voifinage de quelqu’oiiverture Volca-
nique, par l’odeur de foufre qui les frappa. Un-
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peu au-deffousde la cime conique delà montagne,,
ils aperçurent un déchirement d’ une certaine étendue
q u i's ’étoit fait au milieu d'un maffif de lave
compaète , & qui étoit recouvert d’une^ croûte
faline dans laquelle on enfonçoit jufqu’ à mi-jambe.
Il y avoit quelques crevaffes d’où il fortoit une fumée
très-fétide} & d'ailleurs, en quelqu’endroit
qu’on c reufâ t,la chaleur y étoit fi forte, qu'il
etoit impoffible d’ y tenir la imin à un pied de
profondeur : lorsqu'on enlevoitna croûte faline ,
on trouvoit deffous du foufre fublimé en belles-
aiguilles jaunes d’ une très-grande fragilité.
Il s’élevoit auffi de la fumée des fentes qu’of-
froient les rochers voifins. Plus loin une autre
bouche préfentoit des bourfoufflures d’ une matière
blanche femblable à la terre cimolée y plus-
ou moins chargée d’alun. Diverfes autres ouvertures
rendoient une odeur fulfureufe tellement'
fé tid e , qu’on pouvoir à peine refpirer dans le
voifinage-} enfin, la chaleur du fol fe faifoit fentir
en même temps. On v o it ,- par toutes ces obferva-
tons, que la montagne eft fort éôhauffée vers fon1
fommet, & que les effets de cette chaleur & des'
évaporations falines & fulfureufes contribuent»
la décompofition des fubftances primitives, ou
même des laves compares, en une terre blanche-
que l’on peut pétrir à volonté, & de la même nature
que la terre cimolée : phénomènes déjà reconnus
depuis long-temps aux environsdu Véfuve.
Dans les parties voifines de la bafe de Calamo r
MM Olivier & Bruguières eurent occafion d’o b -
ferver des couches de différentes matières toutes
plus ou moins altérées par le feu de ce petit vol--
can. Ce font des laves compactes ferrugineufes ,
. des fragmens de pierre-ponce, des terres ochreufcs
mélangées, des cendres- volcaniques grifes, très-
fines, très-légères. Ces produits du feu leur donnèrent
l'idée que les explofions qui ont eu lieu au-
fommet de Calamo- étoient très-anciennes} car
la décompofition des laves eft d^jà fort avancée,,
& reffemble à celle , qu'on peut obferver dans
toutes les parties de Hier D’ailleurs, les couches-
iupérieures font en très-grande'partie paffées à
l’érat terreux. Le gypfe a eu le temps de former-
des dépôts dans quelques unes de ces couches ;
celles qui ont encore de la folidité , font très-
ferrugineufes, & peu différentes, quant à i’afpecf
des fcories de fer.
En continuant de parcourir cette île intéref-
fante , nos voyageurs vifitèrent avec-foin le quartier
où fe forme l'alun de plume, dont les Anciens-
& les Modernes ont également parlé. Ils y aper-
çurent d’abord de grands bancs de terres blanchâtres,
dans lefquels plufieurs fouilles ont été faites
pour l'exploitation de l'alun 5 enfuite ils pénétrèrent
dans une grotte qui leur offrit à fon entrée
des criftaux de gypfe groupés. A mefure qu’ ils i s’enfoncèrent dans ce fouterrain, ils fentirent que la
chaleur augmentoit de manière à leur faire épr-ou^
. ver- de h difficulté, à refpirer