
Parmi ces variétés de T art ares en trouve plu«
fieuis hommes & femmes qui ne leur reffemblent
point , ou qui ne leur reffemblent qu'imparfaite«
ment, & dont quelques-uns font aullî blancs que
Jes Polonois,. Comme il y a parmi ces nations plusieurs
efclaves , hommes & femmes, enlevés en
Pologne 8c en Ruffie, que leur religion leur permet
la polygamie & la multiplicité des concubines,
8c que leurs fultans ou murzas, qui font
les nobles de ces nations, prennent leurs femmes
en Circaflie 8c en Géorgie, les enfans qui naiftent
de ces alliances font moins laids & plus blancs
q-ue les autres. Il y a même parmi ces Tartares un
peuple entier dont les hommes 8c lés femmes font
d'une beauté fingulière : ce font les KabarJinski ;
ils ont le vifage agréable, frais & vermeil; les
yeux grands, vifs 8c noirs; la taille haute & bien
prile , 8c les femmes font auffi belles que les
hommes. Cette nation , fi différente des Tartares
qui l'environnent, vient originairement de l'U-
kraine , 8c a été tranfporcée dans le canton de
Kabarda il y a environ cent foixante ans.
• Ce fang tartare s'eft mêlé d'un côté avec les
Chinois, 8c de l'autre avec les Ruffes orientaux,
& ce mélange n'a pas fait difparoître en entier
les trait? de cette race pure, car il y a parmi les
Mofcovites beaucoup de vifages tartares ; & quoi-
qu’en général cette nation foie du même fang que
les autres nations européennes , on y trouve cependant
beaucoup d’individus qui ont la forme
du corps carrée‘,\ les cuiffes greffes, les jambes
courtes comme les Tartares. Mais les Chinois ne
font pas,' à beaucoup près, auffi différens des Tartares
, que le font les Mofcovites , & il n’eft pas
même bien fût qu’ils foient primitivement d’une
race différente. La feule chofe qui pourroit le faire
croire, c'eft la différence totale du naturel, des
moeurs & des coutumes de ces deux peuples.' Les
Tartares, en général, font naturellement fiërs;
belliqueux, chaffeurs : ils aiment la fatigue , l'indépendance
; ils font durs & gro(Tiers jufqu'à la
brutalité. Les Chinois ont des moeurs tout oppo-
fées : ce font des peuples mous, pacifiques, indo-
îens, fuperftitieux | fournis , dépendans jufqu'à
l'efclavage, cérémonieux, complimenteurs jufqu’à
la fadeur ; mais fî on les compare aux Tartares par
la figure & par les traits ,• on y trouvera des earae-^
tères d'une reffemblance non équivoque.
Nation ■ chinôifc.
' Les Chinois bntîes membres bien proportionnés,
& font-gros & gras : ils ont le vifage large & rond,
les yeux petits',3es fourcilsigrands, les paupières
élevées, ie nez petit 8c écrafé ; ils n’ont que fe.pt
ou hui: épis de barbe noire à châ'que lèvre,-Si‘fort
peir au menton. Ceux qui habitent les provinces
méridionales font plus bruns , 82ronflé! teifir plus
baiané que les-autres ; ils rèffembifeftt,- quanta la
couleur, aux peuples de la Mauritanie 8c aux Ef- ;
pagnoîs les plus bafanés, au lieu que ceux qui ha*
bitent les provinces du milieu de l’empire font blancs
comme les Allemands.
Les voyageurs hollandois s'accordent tous adiré
que les Chinois ont en général le vifage large, les
yeux petits, le nez camus, 8c n'ont prefque point
de barbe ; que ceux qui font nés à Canton 8c tout
le long de la côte méridionale, font auffi bafanés
que les habitans de Fez en Afrique ; mais que ceux
des provinces intérieures font blancs pour la plupart.
Les femmes font tout ce qu’elles peuvent
pour faire paroitre leurs yeux petits ; ce q ui, joint
à un nez écrafé 8c à des oreilles larges & ouvertes,
les rend des beautés parfaites. Pour peu qu'on
compare les descriptions que les voyageurs font
des Chinois avec- celles des Tartares , on ne
pourra guère douter que, quoiqu’ il y ait quelques
variétés dans la forme du vifage 8c de la taille des
Chinois, ils n'aient cependant beaucoup plus de
rapport avec les Tartares, qu'avec aucun autre
peuple, & que ces variétés ne viennent du climat
& du mélange des races. C ’eft lè fentiment de.
Chardin..« Les petits Tartares, dit ce voyageur,
» ont communément la taille plus petite de quatre
« pouces que la nôtre, 8c plus grolfe à proportion.
» Leur teint eft rouge & bafané ; leurs vifages
» font plats, larges & carrés ; ils ont le nez écrafé
» & les yeux petits. O r , comme ce font là tout-
>3 à-fait les tr>::s des habitans de' la Chine ^ j’ ai
• w'trouvé , après avoir bien obfervé la chofe dans
. »s mes ^voyages, qu’il y a la même configuration
[33 de taille 5c de vifage dans tous les peuples qui
|3i font à l’orient & au féptentrion de la mer Caf-
33 pienne 8c à l'orient, de la prefqu’île de Malâca;
35 ce qui depuis m'a fait croire que ces divers
: 35 peuples fortent tous d'une même Touche, quoir
33 qu'il paroiffe des différences dans leur teint &
33 dans leurs moeurs ; car pour ce qui eft du teirit,
35,1a différence vient de la qualité au climat & de
35: celle des alimens ; & à l'égard des moeurs, la
» différence vient auffi de la nature du terroir &
>3 de l'opulence plus ou moins grande.«
Le Père Parennin, qui a fi bien obfervé les Chinois
& leurs voifins, dit que ces voifins, du côté
de 1 occident, depuis le Thib e t, en allant au nord,
jufqu’à Chamo , femblent être différens des Chinois
par les moeurs, par la langue, par les traits
du v ifa g e , par la configuration extérieure; que
ce font gens ignorans, grofliers, fainéans, défauts
rares.parmi les Chinois ; que quand il vient quelques
uns de ces, Tartares à Pékin y & qu'on demande
aux Chinois la raifon de cette différence h
ils difent que cela vient de l'eau 2c de la terre,
c'eft-à-dire, d elà nature du pays , qui opère ce
changement fur le corps 8c l'efprit des habitans.
Il ajoUte>que cela; paroît encore plus vrai à la
Chine que partout ailleurs, 8c qu'il fe fouvienc
qu’aÿant fuivi TE/npereur jufqu'au quarante-huitième
degré de latitude nord dans la Tartane , il
y trouva des. Chinois de Nankin , qui s'y étoient
établis ,
m
établis , Sr que leurs enfans y-etoient devenus d?
vrais Tartares mongoux, ayant la tête enfoncée
dans les épaules , les jambes cagneufes ,8c en tout
' l’air d’ une groffiéreté 8c d’une mal-propreté qui
rebutoient.
Japonnois.
Les Japonnois font affez femblables abx Chinois
; pour qu'on puiffe les regarder comme ne
faifant qu'une feule & même race d'hommes ; ils
font feulement plus jaunes ou plus bruns, parce
qu’ils habitent un climat plus méridional. En général,
ils font de forte complexion.. Ils ont la taille
ramaffée, le vifage large & p la t , le nez écrafé,
les yeux petits, peu de barbe ; les cheveux noirs.
Ils font d'un caractère fort haut, aguerris, adroits,
vigoureux, féconds en complimens, mais inconf-
tans 8c fort vains. Ils fupportent avec une cou f-
tance fort grande toutes les incommodités de la
vie. Ils font laborieux 8c très-habiles dans les arts ;
ils ont en général à peu près les mêmes ir.oeurs &
les mêmes coutumes que les Chinois, u
L’ urae des. plus bizarres , 8c qui eft commune
à ces deux peuples , eft celle par laquelle ils s'appliquent
à rendre les pieds des femmes, fi petits,
qu’elles ne peuvent prefque pas fe foutenir.
Les Japonnois & Iss Chinois font doue une
feule 8c même race d’hommes , qui fe font très-
anciennement civiiifés', & qui diffèrent des Tartares
, plus par les moeurs , que par la figure. La
bonté du fo l, la douceur du climat , le voifinage
de la mer, ont pu contribuer à rendre ces peuples
policés, tandis que les Tartares, éloignés de la
mer 8c du commerce des autres nations, & fé-
parés des autres peuples, du côté du midi, par
de hautes montagnes, font demeurés errans dans'
leurs vafhs déferts, fous un ciel dont la rigueur,
furtout du côté du nord , né peut être fupportée
que par des hommes durs & greffiers.
Le pays d’Y e c o , qui eft au nord du Japon , quoique
fituéffous un climat qui devroit être tempéré,
eft cependant très-froid, très-ftérile , parce qu’ il
eft fort moncueux ; auffi les habitans de cette contrée
font-ils tout différens des Japonnois & des
Chinois. Ils font grofliers , brutaux , fans moeurs,
fans arts. Ils ont le. corps court & gro s , les cheveux
longs & hériffés, les yeux noirs, le front
plat, le teint jaune, maL un peu moins que celui"
des Japonnois. Ils font fort velus fur le corps, &
même lur le vifage. Ils vivent comme des fàuvages,
& fe nourriffent de lard de baleine & d’huile de
poiffon. Ils font très-pateffeux, très-mal-propres
dans leurs vêtemens. Les enfans vont prefque nus.
Le femmes n'ont trouvé,, pour fe p a r e rd 'a u t r e
moyen que de fp peindre de bleu les foûrcils 8c
les lèvres. Les hompies q',oiat d'autre plaifir aue|
d'aller à la chaffe dès loups marins, dés ouçs, àe s ’
élans, des rennes, & à la pêche de la baleiné- Il
y en a cependant qin ont quelques coutumes japon-
Géographie-Pkyjîque. Tome /K.
; no'fes ; mais en général ils reffemblent plus direc-
j temént aux Tartares feptentrionaux, qu'aux Japon-
no is.
Maintenant fi Ton examine les peup!eè\yoifins
de la Chine, au midi & à l'occident, on trouvera
que les Cochinchinois qui habitent un pays mon-
tueux & plus méiiûîortai que la Chine , font plus
bafanés & plus laids que les Chinois & quelesTun-
quinois, dont le pays eft meilleur , & q u i, vivant
fous un climat moins chaud que les CocninchiBois,
font mieux faits & moins laids. On fait que les
Tunquinois font en général de moyenne taille ; ils
ont 'le teint bafané comme les Indiens, mais avec
célaia peau li belle & fi unie, qu'on peut s’apper-
cevoir du moindre changement qui arrive fur leur
vifage lorfqu'ils pâiiffent ou qu'ils rougiffent ;
ce qu'on ne peut pas reconnoître fur le vifage des
autres Indiens. Ils ont communément le vifage
plàt & ovale, je nez & les lèvres affez bien proportionnés
; lèis cheveux noirs , longs & fort
épais.! Ils fe rendent les dents auffi noires qu'il
Teiir eft pofllbïe/ Selon les relations qui font a la
fuite deS Voÿ âge s de Tavenûcr3 les Tunquinois font
de belle taille & d'une couleur un peu olivâtre;
ils n'ont pas lè nez & le vifage auffi plats que les
Chinois, & ils font en général mieux faits.
Ces peuples, comme l'on voit » ne diffèrent pas-
beaucoup des Chinois; car ils reffemblent, par la
couleur, à ceux des provinces méridionales de la
Chine : s'ils font plus bafanés encore , c’eft qu’ils
habitent fôiTs un climat plus chaud’ ; & quoiqu'ils
aient le vifage moins plat & le nez moins écrafé
que les Chinois , on peut les regarder comme des
peuples de même origine. Il en eft de même des
Siamois , des habitans du Pégu, des peuples d'A-
racan, de L aos , & c . : tous ces peuples ont des
traits affez reffemblans à ceux des Chinois; 8c
quoiqu'ils en diffèrent plus ou moins par la cou-^
leur, ils ne diffèrent cependant pas autant des.
Chinois que des, autrés Indiens.
Les Siamois font plutôt"petits que grands; ils
ont le corps bien fait. Lëiir vifage eft large, élevé
par le haut des joues, Ôt tout d'un coup leur front
fe rétrécit & fe termine autant en pointe que leur
menton. Ils ont les yeux petits 8c fendus obliquement,
le blanc de l’oeil jaunâtre, les joues cretrfes,
parce qu’elles font trop élevées par le habt; la
bouche grande, les lèvres groffes 8c les dents noircies.
Leur teirit pft 4' un brun mêlé de rouge. II y
en a qui font d'un gris-cendré , à quqi le hâle con-
tinuéï contribue autant qiie là naiflance. Ils ont le
nez court 8c arrondi p.âr le b o u t, les oreilles
grandes ; 8c plus elles font grandes, 8c plus ils les
eftiment.
C e goût pour les longues 8c grandes oreilles, eft
commun à tous les peuples de l’Orient; mais les
uns tirent leurs oreilles parle bas pour les alonger ,
fans les percer , qu’ àutant q^i’il faut pour y attacher
des boucles; d’autres , , comme au pays dès
Laos , en agrandirent le trou confilérablement. K