
peu de bons melons, mais beaucoup de melons
d’eau.
Peu d’habitans ont des troupeaux : il n’y a
guère que le cabri & le cochon de l’Europe &
de l’ Inde que l’on nourriffe facilement. Les moutons
y font fort rares & d ’une mauvaife venue :
on y trouve quelques troupeaux de boeufs & de
vaches venus de Madagascar. Les vaches amenées
ou originaires de Madagafcar donnent très-peu de 1
lait i celles qui viennent de France s'y vendent
trois fois plus ch e r , parce qu’elles donnent une
plus grande quantité de lait.
Cette difctte de gros bétail eft caufe qu’il n’ y
a pas de boucherie dans l'île. On envoie tous les
ans deux ou trois bateaux à l’île Rodrigue, qui eft
à cinq lieues à l’eft de l’ ljle-de-France, pour en rapporter
fept ou huit milliers de tortues de terre,
& cinq ou fix cents tortues de mer. La chair & la
graiffe des tortues de terre font excellentes &
très-faines5 celles des tortues de mer font bien
moins délicates. Toutes ces provifions font defti-
nées à fuppléer à la boucherie pour les gens du
Gouvernement St pour les hôpitaux. Les habitars
vivent de chair de cabri, de volaille , de gibier
St de pciffons.
L’ air de Y IJle-de^France -efï fort fain; il eft tempéré
& même froid le foir & le matin dans les habitations
un peu élevées. Les chaleurs font plus
grandes au Port-Louis que partbut ailleurs, parce
que les montagnes voifines le mettent fouvent à
l’abri du vent du fud-éft,qui règne ordinairement
toute l'année. Le ciel n’eft pas également ferein
par toute l’île , car il pleut prefque tous les jours
de l’année vers le milieu du jou r, & c’eft ce qui
entretient les étangs, les ruiffeaux, dont un petit
nombre feulement tarit dans la faifon fèche. Aux
environs du Port-Louis & dans la partie du nord-
oueft de 1 île , il ne pleut que dans les mois de
janvier, février, mars & avril. Les grains de pluie
font cependant fréquens dans les mois de mai, de
juin & quelquefois de juillet. La féchereffe dure,
pendant tout le refte de l’année ; elle rend la vue
des environs du porttrès-défagréable, à caufe des
herbes defféchées& brûlées, & des montagnes
voifines, nues, dépouillées d’arbres, & hériffees
de pierres. Malgré Ja féchereffe, le ciel eft rarement
bien clair : on y voit prefque continuelle^
ment rouler de petits pelotons qui viennent du
milieu de l’î le , où il pleut tous les jours, comme
il eft dit ci-devant.
Les vents viennent ordinairement de la partie
. du fud-eft; ils font bien moins violens qu’au Cap
de Bonne-Efpérance. On trouve cependant des
vents variables depuis le mois d’o&obre jufqu’ au
mois d’avril. Le baromètre ne varie guère plus de
fix lignes ; on l ’a vu à 28 pouces .5 lignes & un
tiers, & au plus bas à 27 pouces z 1 lignes & demie
les jours d’une'groffr pluie & d’un ouragan qui
s’eft fait fenrir à l’ Ile-Bourbon. Dans le courant de
l’atuiée le rçiouvement du mercure eft prefqu’ in--
fenfible, fi ce n’eft qu’ il eft toujours plus haut à
midi que le foir.
FR A SCA TI. C ’ eft une petite ville à quatre
lieues de Rome, vers l’orient, dans le Latium ou
la Campagne de Rome, près de l’ ancienne ville
d’Albe j elle eft fituée dans une pofition heureufe,
fur le penchant de la montagne. Quand on la voit
d’en-bas on y découvre une vue très-belle & très-
variée par les différens plans de la montagne St les
différentes maifons qui font deffus, dont les arbres
font un très-bel effet. Cet endroit eft remarquable
par les fuperbes maifons St les jardins magnifiques
qui le décorent : la nature & l’ art en ont
fait un lieu de délices. On ne fe laffe point de contempler
des fîtes pittorefques, des cafcades charmantes,
dont les eaux argentées & limpides réfléchirent
la riante verdure qui les environne, St raniment
la fcène enchantereffe qui frappe les regards.
Des productions diverfeséclatent de toutes parts ,
St montrent la beauté du climat St une Nature
riche & prodigue. Les collines font couvertes de
vignes St de bois. Parmi ceux qui embeiliffent ce
canton on dîftingue le frêne, & l’on voit à prefque
tous ces arbres des incifions faites à l’écorce
pour faciliter l’écoulement de la manne.
A une petite lieue de Frafcati on trouve un
vallon qui s’étend du côté de Rome St de la m e r ,
& au fond du vallon coule la Marana} elle prend
fa fource une demi-lieue plus haut, & va entrer
dans Rome vers le grand cirque.
FREJUS (Forum Juliî) , ville du département
du Var. Son territoire eft traverfé par le Reiran
qui le dégrade, St par l ’Argens qui l’arrofe & le
fertilife j mais aucune de ces rivières ne remplacé
les eaux falubres de la Siagne, qüe les Romains ,
fi connoiffeurs dans les eaux, y a votent amenées.
Les puits, creufés dans les grès fur lefquels cette
ville eft bâtie, ne lui donnent qu’une eau faumâ-
tre. La feule qu’on puiffe boire fans danger eft
fournie par une fource éloignée & peu abondante.
La plaine qui l’entoure, eft un ancien ater-
riffement fertile en grains & en fourages, & qui
d’ailleurs produit l’olivier, le noyer & prefque
tous les arbres fruitiers. Les collines conviennent
généralement à la vigne & à l’olivier. St ces cultures
y font peu répandues,on ne doit en aecufer
ni la qualité du fol ni fon expofition , mais furtout
la dépopulation de cette malheureufe v ille , dont
les reftes achèvent de s’éteindre au milieu d’un
air méphitique. Ses forêts nourrirent le liège &
le grand pin maritime. On obferve avec intérêt „
dans fon territoire, des courans volcaniques, des
dépôts de pozzoJane, des granits, des porphyres,
des jafpes & des améthyftes. L’induftrie de Fréjm
e ff réduite à une fabrique de poterie commune.
Fréjus, colonie romaine, fur la voie Aurélienfre ,,
fut la réfidence de la huitième légion. Son p o r t,
fon cirque, fes aqueducs, monumens la plupart
intéreffans, nVffrent plus que des ruines. Cepen- T
danc une deftinée confiante fevnble avoir lié le j
nom de cette ville aux r grands événemens qui j
décident des Empires : près de fes murs , Antoine j
traita avec Lépide du fort des Romains. Après j
la bataille d’Àétium , elle vit dans fon port, & j
à la fuite d’OCtave y les flottes confondues des |
vainqueurs Sc des vaincus } & de notre teins fts '
rivages fablonneux ont reçu à fon retour d’E gypte
, & rendu à la France le héros qui la gouverne
avec gloire. }
Je reviens au port de Fréjus: fon fol eft fili* l
ceux }• fa fuperficie eft de quatorze mille ares. La
profondeur réduite de fes hautes eaux eft de quatre
mètres} elles baiffent d’environ deux mètres,
& font très-mal-faines. Cet ancien monument de
la grandeur des Romains n’ étoit plus, depuis huit
fiècles, qu’un vafte marais. Des vafes St des eaux
croupiffantes occupoient la place où l’on nous dit
que mouillèrent enfemble les reftes des flottes qui
fe difputèrent l’empire du Monde.
Vers le milieu du fiècle dernier les Etats de
Provence fe déterminèrent à faire difparoître ce
marais. On pouvoit choifir entre deux moyens
également fûrs, mais d’une difficulté & d’une dé-
penfe extrêmement inégales.
Le premier confiiloit à déblayer le port, & a y
introduire de nouveau les eaux de la mer en rouvrant
le canal de communication. On objcèta,
contre ce projet, la difficulté de garantir 1 embouchure
du canal des fables que la mer pouffe j
eonftamment fur fes rivages, & le refte de fon
cours des dépôts plus lents, mais auffi inévitables,
occafionnés par les apports des vents & des eaux
pluviales. Les Romains avoient eu a combattre
cet o.bftacle} mais on ne fe douta point, lors de
cette difcuflîon, des moyens qu’ils employèrent
pour le vaincre.
Entre le P u g e t& Fréjus, fur la rive gauche de
l’Argens, eft un pont à trois arches, dont le débouché
total eft de douze mètres-. Il eft place dans
un lieu où jamais on n’a vu le plus foible ravin. C e
monument, très-bien confervé, fuppofe néceffii-
rement un grand volume d'eau. Sa pofition indique
que l’Argens la fourniffoit; St comme la direction
de fon ouverture eft vers le port de Fréjus, il eft
difficile de ne pas croire que cette grande dérivation
étoit deftinée à entraïnèr avec elle les dépôts
du canal, & à repouffer les fables de fon embouchure.
Cette objection n’ayant point été alors ré-
folue , on propofa, & les États acceptèrent le
fécond moyen , qui étoit d'achever en entier l’encombrement
du port par une dérivation du torrent
du Reiran. Cent mille éeus furent employés
à cet ouvrage, & déjà les deux tiers de la fuperficie
du port étoient aterris julqu’ à l ’arafement
des quais, lorfqu’une compagnie de foumiffion-
naires fe préfenta pour en obtenir l'aliénation en
fa faveur, vers le milieu de l'an 6 . On doit regretter
que cette vente ait été confommée , car iés
nouveaux- propriétaires ont négligé dé continuer
l’envdmbremenc du port, St h tiers qui- reft.èit -
encore à l’époque de cet a£te continue d’infeCter ’
la ville de Fréjus. ' '• ■ y
Le canal de dérivation du Reiran , qui fe« à
encofnbrer le p or t, eft en bon. état. La feule dé-
penfe ‘néceffaire, St qui pourroit monter à 2406 fr.
par an, feroitappliquée à l’entrétien des vannes de-
dérivation, St au fervice de l’éclufe pendant to.utr:
le tems qu’exigeroit l'achèvement de l’encombre- -
ment.
Aux environs de Fréjus, la lave eft: ordinairement
noire, quelquefois compacte, fouvent bour-
foufflée, St ces accidèns les plus remarquables
font de renfermer, dans les fouffitirés , du fpath
blanc criftallifé. Les laves d'Agay renferment de
même beaucoup de feld fpath blanc qui n’eft prefque
point altérée C e courant, traverfant les montagnes
de l’E fte re ls 'é ten d près de la Napoùlej
St reparoîcau fud d’Antibes, fur les bords de la
mer. Il feroit à defirer qu’ on eut obfervé le centre
d’éruption, qui eft l’origine du courant} mais il
paroît qu’on ne s’eft point attaché à découvrir ces
centres, & je fuis le premier qui aitfenti les avantages
de cette étude.
Environs de Fréjus.
Le ci-devant diocèfe de Fréjus étoit un des plus
confidérables de la Provence; il contenoit environ
quatre-vingts paroiffes. Ses limites étoient,
au nord, les montagnes foufalpines ; à l’occident,
le diocèfe d’Aix j au levant, celui de Graffe ; &
au midi, la Méditerranée & le diocèfe de Toulon.
Les montagnes de la Garde-Freinët fe prolongent
vers le coüchant jufqu’ à la Méditerranée, & au le-
vant jufqu'à Fréjus; elles forment une chaîne d’environ
quinze lieues de long,, fur fept ou huit de
large. La^plupart de ces montagnes font compo-
fées de granit, de pierres de roche, de quartz &
de grès. Celles qui font expofées au midi font
coupées ordinairement à p ic , & préfentent des
cimes pelées. On ne trouve point de couches régulières
ni de cavités creufées dans leur intérieur ;
ce qui fait que les eaux pluviales qui tombent fur
leurs cimes fè diflipent aifément, ne fe filtrent
point dans leur intérieur, & ne forment ni rivières
ni fontaines permanentes. Auffi ne voit-on,
dans les vallées, que des torrens, de petites r ivières
, des ruilfeaux qui tariflTenc communemént
en é té , pour reprendre leur cours après les pluies
d’automne. La plupart des coteaux font couverts
de fehiftes argileux. Le terrain des vallées eft un
mélange de grès, du débris des! roches graniteu-
fe s , de mica & de fable ; ce qai le rend affez fertile
: il ne lui manque qu’une fuffiranre quantité
d’eau pour être regardé comme un des plus fertiles
de ta Provence; mais les limons que lés,rivières
entraînent avec elles ne féjnurnent pas1 affez, la
plupart n’étant que des torrens, tandis que ceux
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