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à Zara & en d’ autres lieux le niveau de la mer
eft plus élevé que le terre-plein des bâtimens très-
anciens , que l’on doit fuppoler avoir été conftruits
au deffiis de ce même niveau. Pour qu’ ils pufient
être fains & avoir les écoulemens convenables, &
ces bâtimens étant pofés lut la pierre vive dont
toute cette plage elt entièrement compofée , on
ne peut pas foupçonner que ces bâtimens fe l'oient
abaifies d'un l'eui point.
Le prolongement des plages eft aufti prouvé
évidemment en plufieurs endroits de l’Italie, &
principalement de la Tofcane , de la Romagne 8c
de la Marche. L’ancien port de Pife eft à préfent
très-éloigné de la mer, & il en eft de même de
diverfes tours bâties anciennement pour la défenfe
de ces côtes. La ville de Ravenne, qui étoit autrefois
fur la mer Adriatique, eft à préfent en terre-
ferme. Il elt même défait que toute la plage du Pô
jufqu’ à Ancône , fe prolonge fenfiblement toutes
les années. Zendrini, dans le chapitre IV de fon
rapport fur la dérivation du Ronco 8c du Mon-
tdne, a déduit d’une dixaine d’obfervations , que
ce prolongement étoit d’environ vingt-trois perches
par an. Il en a donné en outre deux différentes
raifons phyfiques. En premier lieu, il a ob-
fervé que le fufdit rivage eft expofé au fud-ouelt
& au fud , & que la propriété de ces vents eft de le
b êcher, pour lèfervir du langage des gens de mer,
en emportant les fables, & qu’ il eft expofé en face
au nord-eft 8c à l’e ft, qui pouffent les fables à la
plage & les y accumulent. O r , comme la mer,
non-feulem=nt dans les tempêtes , mais encore
dans fes flux ordinaires , foulève les fables du
fon d , il en réfulte qu e , la direction des vents concourant
à les tranfporter 8c à les amonceler lur le
rivage , la plage continue a fe prolonger de. plus
en pius r ainfi que la mer à s’éloigner. Enfuite,
comme les plus grands banos de fable fe trouvent
aux embouchures des rivières Sabio , Ronco, Mon-
ton e , & c . , & qu’ils s’y étendent principalement
fur la droite , Zendrini a cru devoir attribuer la
continuation de ces bancs au mouvement lent de
la mer 8c aux troubles 8c fables qu’y portent ces
mêmes rivières > enfin , Zendrini ayant vifité tous
les ports de la Romagne afin de fè mettre en état
de connoître quelles étoient les circonftances qui
pouvoient opérer leur plus grande fureté, 8c
n’ayant jamais vu que les fables des rivières fuf-
£ent tranfportés le long de la plage, à plus de fix
ou fept milles , il a déterminé , entr’autres conditions,
qu’un port ne devoit avoir aucune rivière
trouble, foit à la d ro ite, foie à la gauche, à la
diftance de fept à huit milles.
La queftiou des dommages que peuvent caufer
aux ports de mer les troubles & 4es fables des rivières
a déjà été traitée par Geminiano Montanari,
dans fon Dijcours fur la mer Adriatique. A l’occa-
fion du foupçon que quelques perfonnes avoient
alors que les troubles de la vieille Piave étoient
ttanlport.és plus de neuf ou dix milles vénitiens
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jufqu’au porc de Saint-Nicolas , cet illuftre phi-
lofophe foutint que le tranfport des troubles ne
pouvoic provenir d’aucune autre caufe que des
•courans , c’eft - à - dire, du mouvement ljttoral
& rafant, par lequel l’eau, entrant continuellement
par l^détroit de Gibraltar, du côté de la Barbarie,
après avoir parcouru toute la circonférence de la
mer fupérieure 8c inférieure, c’eft-à-dire, de l’A driatique
8c de la Méditercariée, fort enfuite du
côté de i’Efpagne. Les gens de mer fe font apperçus
de ce mouvement, dès le feizième fiècle, par la
différence du tems qu’en parité des vents 8c d.^s
autres circonftances , ils employoîent pour aller 8c
revenir de Corfou às Venife ; 8c c ’eft de là qu’eft
venu l’ufage de côtoyer les rives feptentrionales
du golfe en allant de Corfou à Venife, 8c de c ô toye
r, au retour de Venife à Corfou, les rives
méridionales, le long de rÉtateccléfiaftique,.& du
royaume de Naples. On a enfuite trouvé , par le
mouvement des corps flottans, la direction précité
de ce courant, tant dans la mer‘Adriatique
que dans la Méditerranée. Montanari a déterminé,
d’après les obfervatioes qui ont été faites fur ce
mouvement, que la vitefîe de ce courant n’étoit
que de trois ou quatre milles en vingt-quatre
heures : d’où il fuit que la viteffe des eaux des rivières
étant d’environ trois ou quatre milles par
heure, la proportion des deux viteffes devoit être
celle d’ un à vingt-quatre. Montanari a été encore
plus avant, & il a déterminé, d’après les mêmes
principes, qu’il falloit néceffairement trois conditions
pour que les troubles de la vieille Piave füf-
fent tranfportés jufqu’ au port de Saint-Nicolas j
que les troubles reftaffent en chemin trois jours
entiers j que pendant ces trois jours la fituatioa
de la mer tut telle que les troubles ne pufient être
dépofés au fond, & que les tempêtes de la mer
& ' les grandes eaux de la rivière arrjvaffent dans
le même tems. Or , comme ces circonftances fe
réuni lient trop difficilement enfemble i Montanari
eu a conclu que .les troubles des rivières n’avoient
aucune part aux aterriffemens de ports auffi éloignés.
Mais il y a encore d’autres confidérations
qui méritent d’être pefées fur ce fait particulier-
En combinant le mouvement littoral de la mer
avec le mouvement de quelque rivière à fon embouchure
, il eft clair que les eaux de la rivière
doivent prendre une moyenne direétion & tourner
leur cours à la droite, comme l’a remarqué Gu-
gltelmini dans leieptième corollaire de la quatrième
propofition du chapitre feptième. De cette manière.
le courant 8c la rivière étant détournés de
leur première direction, & le courant l’ étant plus
que la rivière , attendu que la viteffe de la rivière:
eft environ vingt-quatre rois plus grande que celle
du courant littoral, U mer qui fera fur la droite,
entre le. lieu de la direction compofee de toutes les
eaux & la plage , re fera plus aidée par ce même
courant,qui a déjà été rompu & détourné : d’où
il réfultera que les matières incorporées aux eaux
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dé la mer commenceront à fe dépofer le long de
la plage, & formeront divers bancs de fable, qui
iront peu à peu 8c continuellement en augmentant
; 8c ainfi h rivière, trouvant toujours de plus
grands empêchemens fur la droite , fe tournera
peu à peu vers l’endroit ou fon cours fera plus
libre, & parviendra enfin, avec le tems, à établir
fa direction tout au contraire de celle qu’elle avoi:
au commencement, c'eft-à-dire, en fe pliant conf-
• tamment fur la gauche de fon embouchure. Montanari
a obfervé que c’eft précifément de cette manière
que fe maintiennent les embouchures du Ta-
gliamento, de la Piave 8c des autres rivières de
; l ’État vénitien. Zendrini a encore ajouté l’exfemple
.des rivières de la Romagne , & il a appliqué les
mêmes maximes aux rivières de la Méditerranée,
avec la feule différence q u e , le flux 8c le reflux de
-la mer étant plus foibles dans la Méditerranée, le
mouvement littoral y eft plus fenfible , 8c qu il fe
fait, à de grandes diftances, des dépôts beaucoup
. plus.abondans fur la droite , fans que l ’on en voie
jamais aucun à la gauche.
■ EMBOUNES ( Étang d’ ) , du département
de l’Hérault , arrondiffement de Béziers & canton
d’Agde» & à une lieue eft-fud-eft de cette ville.
Il a deux cents toi fes de lo n g , fur cent cinquante
.toifes de large. 11 fe décharge dans la mer 8c fournit
à une bonne pêche.
EMBRUN , ville du département des Hautes-
A lp e s , fur la plate-forme d’un rocher efearpé,
près le cours de la Durance. Le lieu où eft fituée
cette ville eft la plus haute habitation d’Europe.
Son nom , Ebrodùnum , veut dire en langue celte ,
■ montagne ou hauteurs fertiles ; ce qui ne peut convenir
à celles-ci. Quoi qu’ il en fo it, elle jouit, du
tems des Romains, de quelques confidérations. Le
principal commerce de cette ville confifte en
moutons. Il y a plufieurs tanneries, Dans les montagnes
des environs on trouve beaucoup de mar-
caffites, & la montagne d'Or produit des criftaux
affez beaux.
| Environs d'Embrun.
La petite ville de Seine eft fituée fur une petite
élévation entourée de hautes montagnes à l’eft
8c atf nord. La partie de i’oueft & du fud eft beaucoup
plus ouverte, parce que les montagnes font
plus éloignées &c moins élevées. Tout cet efpace
eft parfemé de coteaux , de prairies & de champs
•fertiles, traverfé de quantité de ruiffeaux & de
torrens. Parmi les pierres qu’ ils détachent des
montagnes attenantes on trouve quelquefois du
g rè s , des morceaux de ferpentir.es , des pierres
de roche cornée , du quartz, des fehiftes' argileux
, 8c fouvent la pierre calcaire compacte | (pa-
thiqué. Ces pierres indiquent l ’organifiition des
montagnes fupérieures : c ’eft proprement L i la
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région des A lp e s , où commencent ces màffes
primitives dont la chaîne fe propage fort loin.
Le baromètre donne d Seine cinq cents toifes
d ’élévation au deffus du niveau de la mer. Le c limat
de ces contrées eft très-rudé en hiver. Le prin-
tems ne s’y annonce qu’au mois de mai, & les plus
hautes montagnes, font encore couvertes de neige
à la fin de juin. L ’hiver y commence avant la fin
d’oêtobre. Les changemens des faifo'fts ne font pas
aufli brufqu'es ici que dans la Provence méridionale.
Les nabitans y font d’ une bonne fanté, 8c la
vie moyenne va au moins à quarante ans.
Le village d’Ubaye eft fitué au-delà de la rivière
qui lui donne fon nom, & au bas des montagnes
qui féparent fon territoire du Dauphiné & de la
vallée de Barcelonnette. Tout le terroir d’U b a y e ,
jufqu’à la montagne de Morgon, ne préfente qu’un
affemblage de petits coteaux dénués de gazon,
dont la pierre eft prefqu’ à nu par les pluies d’orage
8c les ravins qui y font beaucoup de dégâts.
Le Mont-Morgon, qui eft en face de la montagne
de Saint-Vincent, fameufe par fes bois de mélèze
8c de fapins, eft couvert de très-bons pâturages.
C e mont, ainfi que celui de Moriës qui en eft voi-
fin, paffe pour être un des plus élevés des Alpes.
Ces montagnes font très-riches en minéraux. Les
Anciens ont parlé des mines d’argent contenues
au bas du Mont-Morgon, 8c les oriêlhologiftès
modernes les ont défignées dans ces contrées. La
pierre vitrifiable, le quartz de plufieurs efpè.ces 8c
la roche dure 8c calcaire qui forment la principale
organifation de ces maffes élevées, préfenrent des
indices de l'argent & du cuivre qu’elles recèlent
dans leur fein. On croit què la mine de Morgon ,
dont les vieillards ont connoiffance, 8c à laquelle
ils ont vu travailler, contient non-feulementde l’argent
, mais encore du cuivre, du fer 8c même de
l’or.
EMBRUNOIS. C ’étoit un pays du ci-devant
Haut-Dauphiné, attenant aux confins de la ci-devant
Provence. Ce pays fait aujourd’hui partie du département
des Hautes-Alpes* Il eft borné au fep-
tentrion par le Briançonnois & le Champfaur, au
midi .par le diocèfe de Digné 8c la vallée de Barcelonnette
, au couchant par le Gapençois , & au
levant par le Briançonnois. On lui donne douze
lieues dans fa plus grande longueur, fur huit lieues
dans fa plus grande largeur. La Durance eft la
feule rivière confidérable qui arrofe cette contrée.
Embrun en étoit la capitale. Les autres villes un
peu importantes font Chorges , Guilîeftre, Mont-
Dauphin , Savines, Saint-Clément & Saint-Crépin.
Le climat y eft un peu plus frçid que dans le refte
de la province , fans doute à caufe de la grande
quantité de fommets fort élevés dont ce pays eft
rempli. On recueille du blé dans les vallées profondes,
qui abondentauffrenexcellenspâturages,
aufti bien que certaines montagnes, quoique la
■ plupart foient fort hautes &: couvertes de bois.