
586 I C E
'mais les icebergs préfentent fouvent un front à peu
près femblable aux glaciers des Alpes , dans quelques
unes des vallées du S pi tz.be rg. Mais le plus
fouvent ils préfentent fur les côtes de la mer un
front de glace de trois cents pieds d'élévation ,
& qui a la couleur de l'émeraude. En différens endroits
, des cafcades abreuvées par la fonte des
neiges fe précipitent du fommet de ces rmfîifs
énormes de glace ; & de noires montagnes pyramidales,
rayées de blanc, bordent les côtes , &
s’élèvent cimes fur cimes, à un éloignement aufli
confidérable que celui que l’oeil peut atteindre
dans le fond de ces perfpe&ives.
De tems à autre d’immenfes fragmens de glace
fe brifent & tombent dans la mer avec un fracas
épouvantable. Pour juger du volume de ces fragmens
, il fuffit de dire qu’ un glaçon d’un vert
brillant s’étant trouvé, après fa chute, fur. un fond
de vingt-quatre brades, fe trouva encore élevé de
cinquante piedsau deffus delà furface de l’eau. De
pareils-glaciers fe rencontrent partout dans toutes
les régions polaires, & c’ eft à leurs écroulemens
fréquens que font dues principalement les montagnes
de glace folides qui flottent dans cess
parages.
La congélation qui a lieu fur ces glaciers donne
aux glaçons les formes les plus extraordinaires ;
mais l’imagination achève de compléter des figures
de bâtimens, qui certainement n’y exiftent pas.
Ces icebergs font l’ouvrage du tems î ils croif-
fent continuellement par la chute des neiges 8c des
pluies qui fouvent fe gèlent à mefure qu’elles tombent,
6c réparent les pertes occafionnées-par l’action
du foleil. Il faut confîdérer ces amas de glace
comme affujettis de la même manière que les glaciers
des Alpes, à une marche régulière qui porte
les glaçons vers la partie baffe voifine du bord de
la mer, & qui les répare dans les parties fupé-
-rieures par l’écoulement des neiges 8c des glaçons
formés par l’eau congelée de la fonte de ces
neiges.
Je ne réparerai pas les iceblinck ou iceglunce du
Groenland des icebergs du Spitzberg. Ces glaciers
du Groenland font fi tués fur la côte occidentale :
ce font des amas de glaces immenfes accumulés à
l'embouchure d’une petite baie, & d’une élévation
incroyable , dont l’éclat .frappe les yeux des
navigateurs à plufieurs lieues de diftance. Vers
leur bafe ils préfentent une fuite d’arcades magnifiques,
fur une étendue de huit lieues de longueur
fur deux de largeur. Outrecës arcades étonnantes,
de vaftes quartiers de glaces, précipités des .différens
glaciers qui occupent l’ intérieur d.es terres,
font entraînés aux reflux de la marée, 8c fourniffent
continuellement à l’Océan des glaces flottantes,
très-propres à remplacer celles qui fe brifent, fe
fondent & difparoiffent. Les détroits maintenant
fermés à la navigation font probablement ouverts
dans le fond par des arcades femblables à celles
dont on vient de parler ; car une immenfe quantité
I C H
de glaçons fortent annuellement de leurs embouchures,
& vont flotter fur les mers voifines.
Il paroîc d’ailleurs que, dans l’intérieur du pays,
les neiges, les glaces font liées les unes aux autres.
Quelques-unes des montagnes de glace ont , fui—
vant M. Crantz, jufqu’à mille toifes de hauteur,
s'élevant en forme de pics & de pyramides fur des
vallées qui n’ont d’autres tapis qu’ une moufle. On
y voit aufli quelques fommets plats couverts de
neiges & de glaces toujours renouvelées par les
neiges.
D’après tous ces détails il paroît que, fuivant
l’opinion de M. Grouner, les glaciers du pôle
nord font formés, détruits & renouvelés de la
même manière que les glaciers des Alpes. Seulement
ces glaciers fe trouvent en conféquence de
la région & de fon climat, à un niveau beaucoup
plus bas que ceux des Alpes, qui ne fe trouvent
qu’à une certaine élévation au deffus du niveau de
la mer. Mais les glaces s’y détruifent & cheminent
; & ce qui prouve ces mouvemens & cette
marche, c ’ eft l’ écoulement fréquent des glaçons
qui fe précipitent dans la mer , 8c qui vont flotter
à fa furface en fl grand nombre, qu’on doit confîdérer
les icebergs comme un des moyens qu’emploie
la Nature pour couvrirJes mers de glaçons
de certaine forme.
ICHTYOLITHES. Ce font des pierres qui renferment
des empreintes ou des arêtes de poiffons ,
& qu’on trouve affez fréquemment dans les carrières
d’ardoifes ou de pierres calcaires feuilletées
: il y en a même dans les marnes qui fervent
de féparation & de diftin&ion pour les couches de
pierres à plâtre. Quelquefois ces poiffons font en
re lie f, & adhèrent à la pierre noire fchifteufe;
d’autres fois, lorfque les pierres calcaires feuilletées
fe réparent, on voit le relief d’ un côté 8c
l’empreinte de l’autre ; fouvent aufli on n’a que
l’empreinte de toute la charpente offeufe du poif-
fon avec les écailles : on trouve d’ ailleurs des parties
de poiffon d’ un beau détail, des têtes, des
ouies, des nageoires, des queues, des vertèbres,
des dents & des mâchoires; quelquefois, foit les
poiffons entiers, foit ces parties, font minéralifés
fous forme brillante 8c pyriteufe,'ou en mine' de
fer. On trouve très-abondamment, au mont Bolca
dans le Véron ois, des empreintes de poiffons au
milieu de gros blocs de pierre calcaire feuilletée.
On en trouve dans des fchiftes aux environs d’Eif-
leben , de Pappenheim, de Mansfeld, d’Ofterode
en Allemagne , ainfl que dans le duché de Deux-
Ponts & en Suiffe. Parmi ces ichtyolith.es il y a des
poiffons d’eau douce ou fluviatiles, & des poiffons
de mer fouvent mêlés enfemble ; en forte que les
dépôts fchifteux ou même calcaires ont été formés
dans la mer en partie avec les matières entraînées
par les eaux courantes des continens, qui fe dé-
chargeoient dans quelques golfes. ( Voyei C article
A rdoise.)
J Ë N
ICHTYOPETRES. Nous connoiffons trois carrières
d'ichtyopetres affez remarquables, celle d’Aix,
celle d’dEningen 8c celle de Monte-Bolca, dont
nous donnerons les principaux détails. En attendant
nous croyons qu’ il importe d’expliquer leur
formation. Nous remarquerons d’abord que les
empreintes & én général les reftes des poiffons
fofliles, quoiqu’ils,ne foient pas rares, le font ce-"-
pendant beaucoup plus que ceux des coquillages;
en forte qu’on n’en rencontre-que dans quelques
carrières. Il n'eft pas moins remarquable qu’ en
revanche les carrières où l’on en trouve, en contiennent
de grandes quantités, 8c qu’on les voit
dépofés comme par couches dans une épaiffeur de
pierres calcaires affez confidérable. Il eft à croire
que les carrières qui renferment ces poiffons ont
•été anciennement le fond de quelques lacs qui re-
cevoient les eaux douces de l’ intérieur des terres,
& qui en même tems communiquoient avec la
mer. II a fuffi que les eaux de l’interieur des terres
entraînaient beaucoup de vafe pour que le lac fe
foit rempli définitivement, & que les poiffons aient
-été enfevc-lis dans ces dépôts fucceffifs.
On explique, par cette hyporhèfe, pourquoi
l ’on trouve dans la même carrière des poiffons
d eaii douce & des poiffons d’eau falée, & pourquoi
il n'y a pas de poiffons fur tous les terrains
qui ont été des fonds de mer. ( Voye^ A ix , (Enin-
c en , Bo l c a (Monte-).)
JENISEI, fleuve de Sibérie. M. Gmelin, comme
naturalifte, voudroit qu’on plaçât à ce fleuve la
ligne de démarcation de l’Europe & de l’Afie. Ef-
fedlivement, à partir defes bords orientaux, toute
la Nature change &: prend une autre face. Une certaine
vigueur extraordinaire fe fait remarquer dans
tous les êtres qu’on y voit. Des animaux nouveaux,
tels que l’argali ou mouton fauvage & plufieurs
autres, commencent à fe montrer; plufieurs plantes
européennes difparoiffent, 8c d’autres, qui font
propres à l’Afie, fe manifeftent 8c marquent par
degrés le changement.
Le Jenifei eft prefqu’ égal à l’Oby ; il fe forme
particuliérement de deux rivières, Ulu-Kem 8c
Bei-Kem, à cinquante-un degrés trente minutes
de latitude nord. Son cours eft dans la direction ]
du fud au nord. Son embouchure dans la Mer-
Glaciale eft femée d’un grand nombre d’îles. Son
lit eft en grande partie établi dans un fol pierreux
& fablonneux. Son cours eft rapide, & les poif- i
fons qu’on y pêche, font très-délicats. Ses rives,
furtout celles de l ’orient, font bordées par des
Montagnes & des rochers peu fertiles;mais depuis
Ie fort Saiaemes jufqu’ à la rivière Dubiches, ils
font formés d'une terre riche & cultivée.
Ce fleuve reçoit un grand nombre de rivières
rnême confidérables parmi lefquelles les deux
Tangufca, haute & baffe, font les plus célèbres. La
première fort, près d’ Irkentz, du grand lac Baikal,
fous le nom d'Angara , entre deux vaftes rochers
I E R £8/
naturels qui ont toute l ’apparence d’avoir été
coupés par les hommes , 8c elle tombe fur des rochers
énormes dans un lit qui a un mille de largeur
fur un mille de longueur. L’Angara coule prefque
nord pendant un longefpace; en fui te: elle prend le
nom de Tangufca , tourne .à l’oueft 8c joint le Jenifei
à la latitude de cinquante-huit degrés. LaTan-
gufca baffe prend fa fource bien avant dans le fud-
eft, approche de très-près la Léna, 8c tombe dans
le JenlftiiU latitude de foixante-cinq degrés quarante
minutes. Au deffus de fa jon&ion eft la ville,
de Mangazea, célèbre par fon grand marché de
fourures. Les environs de cette ville & de la rivière
font le rendez-vous d’une multitude d’ef-
pèces d’oifeaux aquatiques.
De l’embouchure au Jenifei, l’immenfe promontoire
de Taimura s’étend très-loin, au nord
de toute cette région, dans la Mer-Glaciale , affez
près du foixante-dix-huicième degré de latitude.
A l’eft de ce cap, la Chatunga, l’Anabara & l’O^
lenck, rivières dont le cours eft peu connu, fe
jettent dans la même mer, & , ce qui eft fort remarquable
, c ’eft que chacune d’elles a une large
baie à fon embouchure. On a fait des obferva^
tions fur la marée, qui remonte dans la Chatunga
à la pleine 8c à la nouvelle lune , 8c l’ on a trouvé
qu’ell; s’élevoit feulement de deux pieds, & beaucoup
moins dans les autres phafes de la lune : d’ où
l’on peut conclure que fi elle ne s’élève pas plus
haut dans ce lieu refferré 8c dans le golfe de Kara,
fa crue doit être bien peu fenfibîe fur les rivages
libres 8c étendus de la Mer-Glaciale. Au-deià de
l’Oienck, la grande rivière de Léna, qui prend fa
fource près de Baikal , après un cours libre 8c pài-
fible fur un fond de fable ou de gravier, fe décharge
par cinq grandes bouches, dont b plus
orientale 8c la plus occidentale laiffent entr’elles
un très-grand intervalle. Pour donner une idée de
cette rivière & de fa grande largeur, il f;:ffit de
remarquer qu’à Jakutsk , à foixante-un degrés de
latitude , & à douze degrés de fon embouchure,
elle a près de trois lieues de largeur. Au-delà de
cette rivièrë la terre fe rétrécit, & eft bornée au
fud par le golfe d’Ochotz.
Les rivières de Jana, Indigirski 8c Kolyma,
comparées à la Léna, ont un cours fort abrégé.
La Kolyma eft la plus orientale des rivières remarquables
qui tombent dans la Mer-Glaciale. ( Voy.
Glaciale ( Mer-) , Sibérie, & c . ) .
IERRE (Rivière d’ ). Cette rivière, voifine de
| Paris, prend fa lource à Courchamps , près Jouy-
le-Châtel en Brie, & fe jette dans la Seine.
Cette rivière préfente plufieurs fingularirés dans
fon cours. Il y a plufieurs endroits , furtout en
approchant de fa première fource, où elle difpa-
roit 8c fe perd en terre, & elle y coule tant qu’elle
ne trouve pas d’ iffue pour en fortir de nouveau.
Dans les lieux où elle a fon cours hors de terre ,
fon lit n'eft pas fort vafté; mais dans ceux où l ’eau
C C C 2