
rapprochés & figurent fur une même ligne verticale,
fe retrouve dans tous les environs, mais
diftribuée fur une plus grande étendue de terrain
& fur des plans infiniment variés. Ainfi les fom-
mets de ces hautes montagnes font ftériles , & ne
produifent, comme on v o it , aucune plante. Un
peu plus bas il n’y pouffe que des mouffes & des
lichens. Les moufles & les lichens, qui réfiflent
le mieux au froid, pourroient former le premier
degré de l'échelle qui ferviroit à montrer les rapports
entre les produits de la végétation & la température
de l’atmofphère : puis viennent certaines
plantes & des arbuftes des pays froids ; fur des
cordons de terrains inférieurs, des fapins & des
mélèzes rangés fur des lignes bien fuivies, bien
horizontales. Dans les réduits ou au milieu des j
plaines qui avoifinent les plus bas niveaux font les j
pâturages, qui fe lient aux terrains cultivés en I
feigle, en b lé , en prairies artificielles ou naturelles
très-abondantes.
GRINDELWALD ( Vallon & glaciers du ).
Après avoir pafle le pont qui eft au deffous de
Zw'eylutchin , on entre dans le vallon du Grindelwald.
Les premiers objets qui frappent la vue
font cinq aiguilles ou pics fur la haute montagne
de Mettenberg , & le Wetter-Horn, qui s’élève
majcflueufement, & domine fur tout ce qui l’environne.
Cette montagne eft couverte de neige :
il fembîe qu’on aille la toucher avec la main, quoi*
qu’elle foit éloignée de plus de trois lieues. Après
avoir pafle le hameau de Zw'eylutchin , les rochers !
de la droite, qui forment la chaîne qui fépare le ;
vallon de Lauterbrunn, offrent les mêmes couches i
horizontales, & de la même épaiffeur qu’elles ont '
été indiquées lorfqu’il a été queftion de ce vallon
: ce font aufli des pierres calcaires que les tor-
rens charient. Des terres cultivées & des arbres
fruitiers, de différentes efpèces, rendent ce vallon
très-vivant : fa largeur varie aufli beaucoup. Des
couches verticales de roches calcaires fe trouvent
ici placées à côté de couches horizontales; mais
après un peu d’examen on reconnoît que c’eft
une partie de montagnes, qui, après avoir g liffé,
s’eft renverfée. A u-d e là d’un petit hameau on
trouve, dans des rochers, les mêmes couches contournées
, qu’on a vues dans le vallon de Lauterbrunn.
Les arbres fruitiers continuent, & les grappes
des fureaux y mûriffent. On monte beaucoup,
& les chemins font bons jufqu’ à Grindelwald. Dans
la partie élevée, des rochers énormes y ont été
culbutés : on y voit de beaux pâturages & un fu-
perbemaflif de pierres calcaires à p ic , avec des
couches un peu inclinées & un ruiffeau garni
d ’aunes.
C ’eft alors qu’on commence à voir le glacier
inférieur, & le vallon fe rétrécir beaucoup. Une
cafçade de beaux rochers, des aunes, un fond
couvert de roches arides, trèsrélevées, couvertes
de neiges ; le glacier > au pied duquel font des
fapins & d’autres arbres, tels font les objets qui
fe développent à mefure qu’on s’approche du village
de Grindelwald.
Plus on eft près du glacier, plus on eft fur pris
de voir le pays couvert d’habitations, des granges
& des chalets néceffaires pour ferrer tes fouragês
qui doivent nourrir de nombreux troupeaux pendant
1 hiver. Le vallon, riche & fertile, eft large
& ouvert du cote de Grindelwald. Le village eft
fitué fur une pente de montagne, compofée de
lchiftes minces , argileux, noirs & feuilletés, qui
vont en s’élevant du côté de l ’orient.
Nous remarquerons ici que c ’eft la fonte des
glacières & des glaciérs qui en été entretient la
fraîcheur & l’humidité néceffaires pour la produc*-
tion de cette abondance étonnante de fouragês &
de pâturages excellens, qui font toute la reffource
& la richeffe des hautes montagnes. Dans les pays
fitués dans des climats plus doux, qui n’ont pas
de ces amas de n e ige , les montagnes, qui font de
la même hauteur que celles du fécond ordre de la
Suiffe, qui font même beaucoup plus baffes, font
quelquefois lèches & arides, & ne fourniffent pas
de ces pâturages précieux qui font verts toute l’ année
tant que la terre n’eft pas couverte de neige.
La plupart ne font pas propres à l’entretien des
nombreux troupeaux que l’on voit en Suiffe', où
les beftiaux montent à mefure que les neiges dif-
pafoiffent. Ils fuiventles productions du printems
a mefure qu’il s’étend lui-même, jufqu’au moment
où les nouvelles neiges de l’automne les obligent
de rétrograder, pour aller confommer pendant
l ’hiver les fouragês amaffés dans les vallons moins
élevés , où la même fraîcheur & les mêmes eaux
provenues de la fonte de ces neiges ont procuré
trois ou quatre récoltes de fouragês.
Glaciers du. Grindelwald.
Quoiqu’il y ait beaucoup de glaciers en Suiffe,
plus grands & plus beaux que ceux du Grindelwald ,
les curieux vont de préférence vifiter ceux de ce
vallon, àcaufe delà moindre fatigue qu’il y a pour
les aborder. On voit communément ces glaciers du
village même de Grindelwald, fans fortir du chemin.
Le plus confidérable , celui qui a le plus bel
afpeét, eft le glacier inférieur. On peut jouir de ce
grand & fingulier fpeétacle chez le curé. Beaucoup
de curieux, qui ne voyagent pas pour s’iriftruire bc
pour voir en détail, fe contentent de cette infpec-
tion fuperficielle. Comme les deux glaciers de ce
vallon font les plus connus de la Suiffe , nous les
avons choifis, par la même raifon, pour en donner
une defeription plus ample & plus détaillée que
de tour autre. Leur fituation, les diminutions, les
augmentations qu ils ont éprouvées, concourent
a les rendre propres à faire connoître les princi-
paux'phénomènes des glaciers, fuffifentpour donner
une idée des autres, & rempliflent parfaitement
le but de notre travail. On fuppoie qu’on
aura
aura lu l’ idée générale qu’on a donnée des glacières
&des glaciers à cet article. C ’eft une efpèce
d’introduéfion à la théorie de ces phénomènes ,
dont le détail aétuel ne peut être confidéré que
comme un exemple & une application. Pour fuivre
la marche que nous avons commencé;, nous parlerons
d’abord du glacier inférieur.
Les montagnes & les glaciers qui en defeendent,
font féparés du village de Grindelwald par un vallon
profond. Le glacier inférieur ou Uncer-Gletf-
cher eft placé entre deux montagnes très-hautes,
qui font toutes calcaires : celle de la gauche eft le
Mettenberg ; elle eft fort large & très-confidéra-
b le , & fépare ce glacier d’avec le glacier fupé-
rieur. A droite du glacier eft la montagne'Breit-
Eigher-Horn, aufli très-élevée. Hériffées l’une
& l’autre d’aiguilles de rochers en pyramides,
découpées de différentes formes bizarres qui les
couronnent, ces montagnes s’élargifllnt par la
bafe, font très-rapides, du plus difficile accès, &
inabordables en beaucoup d’ endroits. Les neiges
& les eaux ont enlevé les terres des fommets, les
ont entraînées plus bas, & ont dépouillé prelque
partout ces maffes de rochers , de façon qu'on en
diftîngue de loin les lits & les couches, particuliérement
fur la facé latérale 3 à droite du placier,
où le rocher eft à pic. Dans les endroits où
quelque peu de terre a pu s’arrêter, comme fur
les avances ou efpèces de gradins qui forment
les extrémités des couches du rocher, il y a quelques
légers gazons, puis quelques arbres rabougris.
En defeendant, le terrain fe couvre de plus
en plus de-fapins : il y a tout au bas , des bois &
des forêts qui ne font compofés abfolument que
de la même efpèce d’arbres, entre lefquels il y a
des pâturages d'un beau vert. La bafe de la montagne
, dont l’intérieur n’eft qu’un affemblage de
couches de pierres, eft formée, à l’extérieur, des
débris des décombres des parties (upérieures.
On remarque les endroits par ou les eaux qui
ont entraîné ces matériaux, fe fonrécoulées, &
les dépôts coniques qu’elles ont produits, & qui
fe font enfuite déformés en d’autres endroits par
de nouvelles alluvions qui ont détruit ces anciens
dépôts, y ont formé des ravins & ont tranipoité
plus loin ces matériaux, au moyen defquelsils ont
prolongé ces hors-d’oeuvres. C'eft fur ces terrains
formés de matières tranfportees & amoncelées
que croiffent ces bois, ces forêts, quand il s’eû
formé une couche de terre végétale fuffi'ante, on
y établit des pâturages en défrichant les bois : le
fond même du vallon peut être confidéré comme
s’étant élevé aux dépens des montagnes. Dans les
ravins & les ruiffeaux qui l’ont fiilonné , on voit
que ce fond n’eft compofé que de débris de même
nature que cés montagnes, que le tems & le travail
des hommes ont égaliié, pour en favorifer les
produits, en y formant des prés & des pâturages.
Sur ce fond il y a des aunes qui croiffent dans les
endroits les plus èxpofés au froid , comme nous
Géographie-Physique, Tome IV»
l’avons déjà remarqué dans plufieurs articles de cet
ouvrage, & furtouc dans celui du Vallais.
On ne peut s'empêcher d'être faifî d'étonnement
en voyant, au plus fort de l'été & au milieu
de cette grande quantité d'arbres, dè pâturages
& de verdure, un immenfe torrent de glace,
& l'on ne conçoit pas comment les productions
qui exigent la chaleur de l ’été peuvent retrouver
mêlées & confondues avec celles de l'hiver le plus
rigoureux; car, du village, les glaces paroiffent
derrière les arbres qui ies encourent, & l'on ne
peut appercevoir l’extrémité inférieure du glacier
par le grand nombre d'arbres qui font au-devant.
Vers le bas de ce qu’on apperçoit du glacier, il y
a des efpèces d'ondes & des inégalités ; plus haut,
une quantité confidérable de pyramides de glaces;
elles paroiffent d'autant plus blanches & plus brillantes,
que le foleil les éclaire davantage : le glacier
en eft tout hériffé. Un torrent d'autres pyramides
paroît s'écouler, 8t venir par derrière la
montagne de Breit-Eigher-Horn : au-delà, de
grandes maffes de glaces plus unies s’ étendent de
droite 8t de gauche, & forment différens plans;
elles font bornées & entouréespar plufieurs maffes
de rochers fort h iu ts& fort efearpés, qui formenc
une efpèce d'enceinte circulaire. Sur les flancs de
ces arides rochers il y a des neiges que des parties
faillantes ont retenues & fixées, & les fommets
font couverts de neiges perpétuelles, c'eft-à-dire
qu’ il y en a dans toutes les faifons de l’année, 8c
à peu près également. Sur la gauche, à côté 8c en
avant du. glacier, eft une marème ou enceinte
qu’on dillingue lorfqu’on eft accoutumé à voir des
glaciers. Voilà les principaux objets qu’on apperr
çoit du village de Grïndelwxld,- mais nous ne nous
bornerons pas à ces apperçus. Nous allons palîer à
un examen plus particulier de ce glacier, & à une
defeription circonftanciée en conféquence.
Après avoir defeendu la pente rapide qui conduit
du Grindelwald dans le fond du vallon 8c
avoir traverfé les prés 8c les fapins qui font en
ayant du glacier, on trouve une enceinte ou marème
qui borde tout ce côté du glacier ; elle eft
compofée de fable, de graviers, de pierres, 8c de
blocs de rochers de quartz 8c de mica par raies
alternatives, 8c de granits compofés de feldfpath
& de mica, mais en moindre quantité que dès
précédentes. Lorfque la chaleur de l'été a fondu
les glaces, il y a un intervalle entre la marème 3c
le glacier; mais il y a encore des reftes déglaçons
qui tiennent aux matériaux de la marème j^ce qui
prouve qu'avant la deftruélion de la partie de la
glace pat la chaleur de l’été , le glacier tauchoit
à la mareme, St que le glacieré toit, avant cette
fiufon, dans Ton plus grand accroiffement de ce
côté. Les g'aces qui du village paroiffent d’ un
blase eblouiffant font Taies fur les bords du glac
ie r , couverts en partie de terres & de pierrailles
q u i, amfi que de plus grandes maffes de
pierres, font répandues en divers endroits • outre
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