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îRuffie., 'fituée à l'extrémité la plus orientale de
notre hémilphère. Elle borne l’Afie au nord-
eft, & termine le continent vers .Sbérie. les-confins de.;ia
Depuis le cap des Tfchutskis , la terre s'étend
au large vers l’ouelt, & borne de ce côté le vafte
golfe d'Anadyr, dans le fond duquel fe décharge
la rivière du même nom. Cette rivière eft la limite
du territoire des Tfchutskis. Entre le cap
& le golfe Pengenskoi ., à l'extrémité de la mer
d Ochotsky eft l’ifthme qui unit au -continent la
iameufe prefqu île de Kamtchatka. Elle a une largeur
d'environ 120 milles, & s'étend en longueur
depuis le 52 e. jufqu’au 61e. degre de latitude
nord. Les côtes font bordées de falaifes d’une
-hauteur extraordinaire en plufieurs endroits, mais
le plus fouvent elles s'abaifllnt. Vis-à-yis., dans
la mer, on voit des pointes de rochers qui s'élèvent
au-deffus des eaux, & qui fervent de retraites
aux veaux marins & aux lions de mer, La
côte a peu de ports j quoiqu'elle ait pluiîeur-s
rgrands promontoires. Le plus remarquable eft le
Northaad, avec fés rochers en aiguilles, à l'entrée
de la baie d’Avatcha. La péninfule s'élargit confi-
dérablement dans le milieu,, diminue enfuite , .&
-s'aiguife en pointe au cap Lopatka, qui s'abaiffe
finit en cote baffe & plate, & forme l'extré-
mité méridionale du Kamtchatka. La prefqu'île
eft divifée, fur toute fa longueur, par une chaîne
dejfhautes montagnes , comme toutes les presqu'îles.
Elles font fréquemment couvems de
neiges, à .travers lefquelles des cimes coniques
•fort élevées s'élancent & montrent des têtes fumantes
par des éruptions volcaniques j quelques-
unes de ces cimes n'offrent que des cônes tronqués,
où font des cratères, veftiges des anciennes
éruptions. Le volcan qui eft dans le voiifiage
d’Avatcha, ceux de Tolbatchick .& de la montagne
de Kamtchatka, font actuellement en action
j ils vomiffent allez fouvent des flammes qui
ont quelquefois mis le feu aux forêts voifinesj
ces flammes font mêlées de tourbillons de fumée
xjui obfcurciffent l'atmofphère, & quifiniffent par
répandre des pluies de cendre & de matières
brûlantes qui couvrent le pays à 30 milles à la
ronde : la mer en fureur foulève en même temps
fes flots à une hauteur prodigieufe»
Dans les différentes parties de la prefqu'île font
des fources d’eau chaude, & d’une chaleur égale
à celte de l'ifiande j elles forment de même dans
cette île, en quelques endroits, des jets d’eau
accompagnés d’un grand bruit, mais qui s’élèvent
rarement au-delà d'un pied & demi.
L'hiver eft extrêmement rigoureux au Kamtchatka
, car en defeendant jufqu’à Bolcheretsk, à
S i d. 30' de latitude, toute communication entre les
hommes eft fermée} ils n'ofent fe montrer à l’air,
dans la crainte d’avoir quelques parties du corps gelées.
La neige féjourne fur la terre à la hauteur de
fi$ à huit pieds jufqu'au mois de mai; pendant ce
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temps, -les vents foufflent avec une grande violence.
Les vents dominans viennent de l'ouelt,
& pafîant fur les délerts glacés de la Tartarie
& de la Sibérie, ajourent encore à la rigueur
pénétrante des hivers du Kamtchatka. Le froid fe fait fentir jufqu'au milieu de juin;
alors -1 été commence , & fe fondent jufqu'à la
mi-feptembre; mais c'eft un été où les pluies &
tes brouillards dominent fous un ciel qui fe refient
toujours du voifînage des pays gelés & des
mers glacées. Le feigle, l’avoine & l’orge font
confiés, le plus tôt qu'il eft pcffîble, à la terre j
mais ils viennent rarement à maturité. La fubfif- r
tance des peuples du Kamtchatka dépend prefqu
uniquement de l'importation de la Sibérie.
v Dans quelques cantons, cependant, l’herbe croît
a -une giande hauteur,, & on y récolte du foin
dune iubftance -très-nourriffante pour engraiffer
'Je bétail. Les grains paioiffent réfèrvés pour les
le lus colons rufles ; les naturels ont d’autres ref-
iources que la néceflîté leur a infpirées : à l'exception
de quelques portions de terrains, c’eft un
npea ysp edu'vuennet ftpéarsi livtaéi nqcuree laeisf éfmoiennst .de l'agriculture
Dès qu on aura ép.ui-fé les ton mires précieufes
des loutres de mer & d'autres animaux, le Kamtchatka
lera déferré des Rufles, à moins qu'ils ne
continuent à établir des colonies dans le continent
de 1 Amérique} entreprife que pourront foutènir
ldeeusr mcionmesm qeur’ciles odnet cpoemllemteerniecsé à& y lt’reoxupvloeirt.ation
Dans un climat auffi dur, & fous un ciel auffi
peu favorable , les j Jantes qui viennent fpontané-
•ment ne font pas tort nombreufes} cependant
les habiles botaniftes qui en ont fait la recherche
& le catalogue, ont remarqué que les plantes qui
avoient -dilparu de la Sibérie, aux environs du
Jenifei, reparoiffoient affez abondamment dans le
Kamtchatka y ils ont auffi lait une comparaifon
des plantes qui font communes à la côte oppofée
de 1 Amérique , & cette comparaifon doit intéref-
I 1er géographie - phyfique lorfqu’elle fera plus
complète ; ils ont été plus loin encore , ils ont
etendu cette comparaifon jufque fur les plantes
qui appartiennent aux côtes orientales de l’Amérique
ieptentrionale , correfpondantes à celtes de
1 Afie, dont il eft ici queftion; mais ce travail n’étant
qu'ébauché, il Suffira de l'indiquer. Nous
allons donc nous borner à parler ici de quelques-
unes d.es plantes du Kamtchatka , que les habnans
cduel iceertst.e prefqu ile emploient a des ufages partiL
heracleum panaceum ( la panacée ) étoit du
plus grand ufage chez les Kamtchadales lorfque
tes Ruffes s établirent chez eux, car elle entroit
comme ingrédient dans tous leurs mets} mais
la paflion des liqueurs fortes eft fi ardente chez les
Rufles, que, depuis leur arrivée dans cette contrée,
on l'emploie uniquement à la dilliUation. Au
egnunéneemefit de juin on cueille les tiges & les
feuilles
feuilles tes pl is fucculentes, &, après en avoir
gratté le duvet, .on les met en tas & par couches
pour les faire fermenter} quand elles font devenues
fèches, on tes met dans des facs, &
dans peu de jours elles fe couvrent d'une poudre
fucrée.On ne retire de trente-fix livres pefant de
cette plante, qu’un quarteron de cette poudre,
qui a !e goût de la regliffe. Les Kamtchadales en
extraient les parties les plus folubles dans l’eau,
en mettant infufer des paquets de cette plante}
enfuite ils foumettent cette liqueur à une nouvelle
fermentation, en y ajoutant les baies du chèvrefeuille
& du vaccinium uliginofum. Ils continuent
cette extraction & cette fermentation, en ver-
fant d’autre eau à la place de la première liqueur
qu’ils ont obtenue de cetie infufion. Quand ils
ont une certaine quantité de la liqueur, ils la
verfenf dans un alambic, y ajoutent le marc,
& en tirent, par la diftillation ordinaire, une
liqueur fpiritueufe égale en force à l’eau-de-vie.
C eft par hafard qu’on découvrit la propriété de
cette plante. Une certaine année que les naturels
du pays avoient recueilli une plus grande
quantité qu’à l'ordinaire de graines de cet hera-
cleum pour leur provifion d’hiver, ils trouvèrent
au printemps qu’une partie avoit fermenté &
ne pouvoit plus fervir à leur nourriture , & c’eft
alors qu’il eflayèrent de tes mêler à leur boiffon.
Le moucho-more des Ruffes, agaricus mufearius, j eft encore une autre pjante d’où l’on tire un prin- i cipe enivrant. C’eft une efpèce de champignon
que tes Kamtchadales & les Cofaques mangent
quelquefois feC, & quelquefois trempé dans une
liqueur fermentée, faite avec le laurier - rofe,
qu’ils boivent malgré tes terribles effets. Ils font
d’abord fa i lis de convulfions dans tous leurs membres,
enfuite d’un délire comme dans-une fièvre
chaude. La paflion de l'ivrefle, dans ces contrées,
eft telle, que nulle confidération ne peut empêcher
les naturels de s’abreuver de cette dungereufe &
terrible boiffon.
Le farane, ou lis de Kamtchatka, eft la plante
qui leur fournit leur principal aliment. Ses racines
font cueillies par tes femmes dans te mois
d'août, féchées au foleil & ferrées pour l'ufage :
c’eft en quelque forte le pain du pays’.' Après
qu’on tes a fait cuire au four, on les réduit en
poudre , & elles fervent comme corps farineux
dans des Soupes & dans plufieurs mets. Quelquefois
on les lave & on les mange comme nous
mangeons nos pommes de terre : elles font extrêmement
nourriffantes, &. ont un goût d'une
amertume ligère qui eft agréable } fouvent on
les fait bouillir à drmi, & on les pile avec plufieurs
fortes de graines pour en faire un mets d’un
affez bon goût.
Ce lis eft répandu fort abondamment dans la
prefqu’île } & ce qu’il y a d’heureux encore,-
ce'fet frta qreu.’il abonde pendant le temps où 1e poilfon
Gêographie-Phyfique, Tome I F .
Ce n'eft pas feulement au travail de leurs
femmes que les Kamtchadales doivent cette récolte
: te rat économe ( mus economus 3 Pallas)
leur épargne la peine de la faire. Le farane fait
partie des provifions d’hiver de ce petit animal}
il le ramafiè dans la faifon.qui convient, & en
fait des magafîns considérables} il a encore l'irif-
tinét de 1e mettre de temps en temps dehors, pour
qu’il fèche au foleil dans tes jours chauds. Les
Kamtchadales vont à la recherche de leurs greniers
} mais une attention prudente de leur part
en laiffe une partie aux rats laborieux, dans la
crainte de faire mourir de faim des pourvoyeurs
auffi utiles.
Toute efpèce de fruit, autre que des baies,
eft refufée à ce dur climat} mais tes habitans fa-
vent y fuppléer par plufieurs fortes de ces baies,
qu’ils mangent fraîches , dont ils font des con-
ferves de bon goût, & avec lefquelles ils affai-
fônnent le poiifon, foit qu’elles Soient fraîches,
foit qu’on les aie confervées pour l’hiver : telles
font les baies du lonicera xylofteum, du rubus cha-
m&morus, des vaccinium mirtyllus & uliginofum ,
& deToxycoccos oubil-berries3 &c.} de la bruyère à
fruit noir, du prunus padus, de l'épine blanche à
fruits rouges & noirs, du genièvre commun,
enfin du forbus aucufària , ou forbier commun.
Avec Yepilobium, ou herbe Saint - Antoine à
larges feuilles, on braffe une boiffon ordinaire ,
avec 1e fecours de Yheracleum panaceum, on en
fait un bon vinaigre. Les feuilles font employées
comme une forte de thé , & la moelle eft mê ée
avec la plupart des mets, & fervie verte à la
ffn des repas.
La renouée biftorte fe mange fraîche ou léchée
, & fouvent pilée avec le caviar , c’eft-à-
dire, avec la préparation des oeufs de l'elturgeon.
La verge-d’or fe fèche pour être mêlée au poiffon
lorfqu'on le fait cuire.
L‘allium urfinum t notre ail fauvage, eft fort
commun, auffi utile en médecine que pour
l’aflaifonnement des alimens. Les Ruffes & les naturels
en cueillent de grandes quantités pour l’hiver}
ils le mettent tremper dans l’eau , enfuite
ils le mêlent avec des choux, des oignons & autres
légumes j & ils mangent ce mélange froid :
c'eft auffi le principal remède contre Je fcorbuc.
Dès que cerce plante commencé à fe montrer au-
deffiis de là neige, on brave cette terrible maladie,
& on la guérit quand même elle feroit portée à
fon dernier degré. Le terrible poifon de la ciguë
eft mis en ufage par les praticiens du pays pour
les rhumatilmes au dos : ils font fùer abondamment
le malade, & enfuite ils lui frottent le dos
avec cette plante, évitant de toucher tes reins,
ce qui , félon eux , donneroit la mort fur-4e-
champ.
Les arbres qui fourniffent aux ufages de ces
peuples font : i°. uné elpèce naine du pinus timbra
3 ou pin à amande s comeftibles. Il croît abon-
LU