
dès qu’on eft parvenu au banc de marne, Veau
gagne & inonde la marnière.
L'idée de rivières ou de ruifléaux fouterrains
eft aflez communément répandue dans ces cantons
de la ci-devant province de Normandie. On prétend
que, dans un lieu que l’ on appelle l e lit fec du
Lemme % & qui eft un peu avant Sainte-Sufanne ,
il y a une de ces rivières. C ’ eft fans doute cette
rivière que l’on a vue en creufant la marnière dont
il a été parlé1 plus haut, & qu’ on aflure avoir retrouvée
dans la fouille de plufieurs autres. Lorsque
le lit du Lemme eft rempli, Veauqal y coule,
vient des étangs de Charanvilliers, qui font à
deux lieues de là. Cette eau n’ eft que le trop
plein des étangs, & même elle ne coule ordinairement
que l'hiver j elle va jufqu’à un quart
de lieue de Conches, où l’on commence à rencontrer
des fontaines. Comme ces fontaines coulent
toujours, on préfume, dans le pays, qu'elles font
les débouchés de la rivière fouterraine : on pourront
croire aufli que cette rivière fouterraine doit
une partie de fes eaux à ces mêmes étangs de Cha-
ranvilliers.
Je puis rapporter encore à l’appui de ces écou-
lemens fouterrains dans les cantons où les rivières
fe perdent, ce qu'on obferve dans une carrière
des environs d’Ëvreux. Cette carrière, appelée
Bapeaume , eft fituée dans un vallon de la forêt
d’É vreux , lequel eft à une demi-lieue des Baux.
C ’eft de cette carrière qu’on a tiré les pierres
dont la cathédrale , l'abbaye de Saint - Taurin
d'Évreux & le château de Navarre ont été conf-
truits. Dans le fond de cette carrière, qui eft aflez
vafte, coule, fur un lit de marne, un ruifleau
plus que fuflifant pour faire tourner un moulin.
L 'eau en eft claire & tranfparente. On y a pêché
quelques truites excellentes. Les femmes des
Baux-Sainte-Croix y viennent laver leur linge ;
ce qui eft très-commode pour elles en hiver, à
caufe de la chaleur de cette excavation aflez profonde.
Dans quelqu’endroit que ce ruifleau prenne
fon origine , & qui ait un débouché à la furface
de la te r re , il eft prouvé inconteftablement par
le fa it , qu’il exifte des ruiffeaux fouterrains, &
particuliérement dans ce canton , où pafle une.
rivière qui fe perd. On peut donc compter que les
autres qu'on y foupçonne, y exiftent réellement.
G’ eft toujours partout à peu près la même confti-
tution phyfique du fol. Au refte, il y a plufieurs
fortes de terrains propres à s’imbiber d’eau3 de
façon à recueillir, à une certaine profondeur,
des ruiffeaux entiers, même des rivières j enfin
les eaux des fources abondantes.
C ’eft furtout le terrain des fables gras & remplis
de cailloux qui eft propre à cette abforption
abondante. Tout fol d’ailleurs où les bancs de
pierres font entr'ouverts par plufieurs fentes &
appuyés fur des marnes ou des lits terreux faciles
à délayer , y eft également propre; & fou vent
ces deux fortes de terrains fe trouvent établis l'un
fur l’autre. Une-des meilleures preuves qu*on peut
en apporter, eft le grand nombre de rivières qui
fe perdent, dans un canton de la Normandie. Il n'y
a peut-être pas de pays q u i, dans un aufli petit
efpace, en renferme autant > car on y trouve
quatre rivières principales qui s’y perdent; favoir :
la Rille , l’Itou , l’Aure, la rivière de Sap-André.
Ce canton peut avoir vingt-cinq lieues de largeur,
fur une pareille ét< ndue en longueur.
Une même conftitution phyfique fe rencontre
aufli dans la ci-devant province d'Angoumois,
aux environs de la Rochefoucauld. Trois rivières
fe perdent également par des trous diftribués
fur une certaine partie de leurs lits ; & ce qui
confirme cette opinion , c’eft que ces rivières
coulent fans fe perdre , en parcourant un aflez
long terrain, mais dont la conftitution phyfique
diffère fenfiblement, & quant à la nature des
matières, & quant à leur arrangement & à leur
difpofition.
§. II. Jeux des eaux fouterraines.
Un grand nombre de montagnes renferment
des amas d’eau fouterrains. Des, fuintemens ,
des filtrations & d’autres lignes extérieurs annoncent
fouvent ces réfervoirs, qui d’ailleurs, comme
on fait, dominent toutes les fources des différens
ruiffeaux qui circulant à la furface de la terre.
Les grottes confidérables, dans lefquelles on
peut pénétrer à une certaine profondeur, offrent
prefque toutes des mafles d’eaux ftagnantes :
ainfi la grotte de la Ralme en Dauphiné , celle
d’Arcy en Bourgogne, en contiennencde très-con-
fidérables. Je fais voir même à l’article Grottes.
que ces cavités n’ont été creufées& ne continuent
à fe creufer que par des courans d’eau fouterrains
qui alimentent ces lacs & fourniffent fouvent à
des fources abondantes.
On en rencontre de pareilles dans les hautes
montagnes de la moyenne te r re , telle que le
Jura, certaines parties des Alpes & des Pyrénées.
Les eaux qui tombent fur ces mafles, dont les rochers,
ont éprouvé des dérangemens & des dé-
placemens notables , trouvent des fentes, filtrent
par ces iflues , & pénètrent en tout fens dans les
cavités intérieures, où elles fe raflembîent en
plus ou moins grande abondance, fuivant la capacité
de ces cavités, fuivant la difpofition qu’elles
ont à contenir l ’eau., & ne la verfent au dehors
que dans certaines circonftances. Si les amas d’eau
font confidérables & peuvent fournir à un écoulement
abondant & continuel, cet épanchement
donne lieu à des fontaines & à des rivières.
Il faut bien diftinguer les eaux fouterraines occupant
des cavités, de celles qui s’ infinuentdans
les terres & dans les couches , foit de fables &
de graviers, foit de pierres calcaires remplies de
fentes perpendiculaires.Lorfqu’on creufe des puits
au milieu de ces affemblages de couches pénétrées
d ’eau 3
d'eauy & qui la raffemblent fur des nappes d’ar- ,
giles ou de marnes, alors les puits font le rendez- j
vous général, les cavités artificielles où les eaux
fe portent d’abord goûte à goûte, enfuite en
filets continus lorfque les routes font ouvertes aux
eaux plus éloignées de la nappe qui les fournit,
& Veau des puits eft d’autant plus abondante, que
la nappe alimentée par Veau des pluies eft plus
épaiffe j & lorfque cette nappe a peu de profondeur,
ou qu’elle fe trouve à différens niveaux, les
puits étant abreuvés d’une quantité d’eau confi-
dérable, elle approche des bords ( Voye{ Puits ) ,
où l ’on confidère toutes les circonftances les plus
favorables pour l'approfondiffement des puits dans
les trois maflifs de l’ancienne, de la moyenne &
de la nouvelle terre.
Si d’un côté les réfervoirs intérieurs des montagnes
& des plaines fourniffenc, comme nous
l’avons d it , à des fources & à des rivières, d’un
autre côté il eft néceffaire qu’ils reçoivent un ap-
provifionnement momentané par les filtrations des
eaux des pluies, ou bien continuel par l’abforption
des eaux courantes ;c*eft ainfi que plufieurs ruiffeaux
& rivières difparoiffent, & ne refîortent de la
terre qu’à de grandes diftances. On peut voir à
l’article des Rivières qui se perdent, combien
ce phénomène fe préfente fréquemment en France.
Les filtrations font encore plus multipliées, &
doivent être confidérées comme la plus grande
■ reffource qu’ait la nature pour mettre en réferve
dans le fein de la terre une grande partie de
Veau dès pluies, & diminuer l’autre partie que je
nomme torrentielle, parce que, coulant à la furface
de la terre fans y pénétrer, elle fert ou à former
des torrens ou les crues torrentielles des ruiffeaux
& des rivières. Les iflues par où les filtrations des
t jux pluviales fe fo n t, font de plufieurs formes &
de plufieurs efpèces, fuivant la conftitution naturelle
du fol des divers cantons qui reçoivent les
pluies. (Voye% Sources, Fontaines. )
<9
Q U A T R I È M E P A R T I E .
EAUX CHARGÉES DE MATIÈRES ÉTRANGÈRES-
§. 1er. Eaux pétrifiantes.
Les eaux pétrifiantes font des eaux chargées de
plufieurs molécules qui y flottent, & qui par le
repos s’attachent, ou par leur nature vifqueufe
s’appliquent à d’autres corps , & y forment des in-
cruftations qui revêtent les corps qu’ elles femblent
pétrifier. Elles ne couvrent que la fuperficie, fem-
Dlables à ces décompofirions & diffolutions de
métaux dans l’eau-forte, qui s’attachent aux corps
métalliques , & y forment une couche ou de particules
d’ argent ou de cuivre.
Les eaux d’Arcueil & du pré Saint-Gervais revêtent
d’une croûte pierreufe les corps qui féjpur-
nent dans leurs canaux, & parviennent même,
Géographie-Phyfique. Tome IV\
par des additions fucceflives d’ incruftations additionnelles
, à boucher les tuyaux de plomb qui les
conduifent dans la capitale.
La fontaine de Saint-Alyre, dans la ville de
Clermont-Ferrand, capitale de l’Auvergne, a une
qualité des plus pétrifiantesj elle fait en un mois
l’obftruCtion que les eaux d’Arcueil ne font qu’en
plufieurs. Cette eau minérale entraîne avec elle,
quantité de terre féléniteufe, dont le dépôt forme
l’incruftation j ce qui a élevé une efpèce de chauffée
de plus de çent quarante pas de long fur quinze
à vingt pieds de haut, & large de dix à douze. Le
plus fingulier eft une voûte ou arcade de pont
formée par cette incruftation, & fous laquelle coule
un ruifleau qui fait tourner deux moulins, & fur
lequel on pafîe. L’épaiffeur eft te lle , qu’on a pu y
pratiquer des efpèces de degrés pour monter &
defcendre fur les pentes formées par l’élévation
de l’arcade.
On obferve, dans cette incruftation, que Veau
qui prend un degré de température plus froide à
mefure qu’elle s'éloigne de fa fource , dépofe de
plus en plus fon fédiment, & le ftalaCtite qui s’en
forme a plus de volume.
§. II. Eaux chargées de calorique ou eaux thermales•
( V o y e i l > artick T hermes. )
§. I I I . Eaux minérales. -
On fera peut-être étonné de trouver cet article
dans un dictionnaire de géographie-phyfique j
mais on ceffera de l’être lorfque , faifant réflexion
à l’objet de cette fcience, on verra que la diftri—
bution des eaux minérales à la furface de la terre
tient à la ftruCture des maffifs & à La nature des
fubftances dont ces maflifs font compofés. Mais je
vois que, dans l’examen & dans l’ analyfe des eaux
minérales, ce font ces circonftances qui peuvent
lier ces détails au plan de la géographie-phyfique ,
qui ont été les plus négligées. Aucun des chimiftes
ou des médecins qui le font occupés à faire l’ana-
lyfe des eaux minérales, qui les ont décrites, n’ a
donné des caractères fur l’emplacement de ces
eaux, qui oût faire connoître les fubftances ou la
ftruCture des maflifs au milieu defquels circulent
& fourdiffent les eaux minérales. Si cette
partie étoit faite, & que 1 efeaux minérales fuffent
rangées fuivant la différence des maflifs à mefure
que la connoiflance chimique & phyfique des
eaux minérales fe perfedionneroit, on pourroit
en tirer, relativement à ces eaux & aux principes
qu’ elles tiennent en diffolution , des induCtions
très-piquantes & très-curieufes, relativement à
| leur claffification. C e que je propofe ici feroit
facile à établir par l ’obfervation des envivons d'une
fource ; & les fources d'eaux minérales étant
connues, ce travail fe compléteroit aifément.
Par la connoiflance que j’ai déjà de plufieurs
B