
Quel eft le principe aCtif qui a promené ainfi les
eaux de la mer depuis la côte actuelle jufqu’aux
bords connus de l’ancienne mer?
- Il yauroit bien plus d’ irrégularités dans la fuite
des couches calcaires & des bancs de fable
qu’on n’en voit ; il y aur.oit beaucoup de reprifes
fenfibles qui marqueroient les différentes dations
de la mer.
La mer montante & defeendante d o it , dans
cette fuppofition, avoir fait un travail différent,
on ne nous montre pas ce travail.
Ceci exigeroit furtout des pentes dans les bancs,
& il s’en, faut bien qu’ il y en ait d’affez fenfibles.
Comment trouvera-t-on, dans les falailes qu’on
détruit, de quoi former la continuité d’un banc
qui occupe fou vent une grande étendue de la fur-
face de la terre, ?
On fe trompe lorfqu’on fuppofe que les couches
calcaires, débris des coquillages, ont été
faites tranquillement, car fouvent les petites lames
qu’elles contiennent ne font point parallèles
entr’elles ni à l’ honzon. 11 s’eft fait là un lavage
comme dans les couches de fable.
La falaife que la mer détruit, comment a-t-elle
pu fournir la continuité des mêmes matériaux ?•&
quelle eft la force aétive dans la nature qui aura
fait monter la mer3 lorfqu’elie n’avoit plus de matériaux,
pour former des couches à tel ou tel niveau
? il faut autant de niveaux de falaife que de
paffages des couches calcaires aux couches de fab
le , & autant ae circonftances favorables pour
faire monter ou defeendre la mer.
. Lorfque l’on aura fait une étude fuivie des couches
de la terre, des traélus qu’occupe chacune
de ces couches, on pourra être afflué que les explications
qu’on hafarde aujourd’hui font-conformes
aux phénomènes. 14 eft vrai que les principes
qu’on met en avant font fort vagues, & pourrôient
fe prêter aux phénomèmes contraires.
C e c i, au refte, n’eft pas nouveau. Sulzer avoit
fuppofé une marche dans le baflin de la mer, fem-
biable à celle qu’on admet pour-expliquer la'dif-
tinélion des couches de la terre. Il les met à découvert
& leur donne une certaine confiftance,
pour qu’elle ne faffe pas corps avec les couches
furincombances.
On a beaucoup répété que le temps ne coûte
rien à la nature: il faut ajouter que partout elle
économife & le temps 5c fes forces, 8(T que dans
les probabilités il vaut mieux faire.venir les matériaux
dans le badin de la mer, que d’aller chercher
les matériaux par la mer. O r , nous trouvons l’é-
copomie de fes forces en faifant faire toutes les
couches dans le même badin.
Nous avouons que s’il y a beaucoup de difficulté
à faire, dans le même badin, des couches d’une
certaine étendue, il peut y avoir auffi une grande
difficulté de transporter certains matériaux à une
diftance des cotes confidérable ; nous avouons
cette difficulté, mais nous ne voyons pas pour cela
que les badins de la mer aient été multipliés à l’infini,
& q ue les ofcillations aient été auffi fréquentes que
fembleroient l’exiger lespaffages des couches prifes
fur i’épaidèur des maffifs.
§. IV. Fond de la mer.
Si la defeription de la terre commence à être
reffemblante dans fes principales parties, ne peut-
on pas dire de celle du fond de la mer3 qu’elle n’eft
encore que très-foibiement ébauchée? Les fondes,
ceft-à-dire, le brafiiage & la nature des fonds
ont toujours paru un objet intéredant à connoïtre,
furtout à l’ouverture des détroits & dans les parages
des terres baffes difficiles à apercevoir,
qu’on craint d’approcher, & auprès aefquelles,
! en général, la mer a peu de profondeur ; mais les
progrès de cette connoiffance ont été lents, parce
que la plupart de ceux qui s'en font occupés,
quoique capables à certains égards, avoiént des
connôifiances trop refferrees. Combien donc n’elt*
il pas confobnt pour les navigateurs, de voir pa-
ro'nre fucceffivement les réfultats des travaux
maritimes 1
De tous temps les marins ont fondé & ont rapporté
leurs fondes fur des plans ou des cartes, au
lieu où ils croyoient être ; mais combien d’incertitude
fur ce lieu i. combien de cartes mal dreffées !
La défettuofité des anciens inftrumens, & mille
circonftances qu'on connoît affez pour fe difpenfer
d’en faire l’énumération, ont dû influer fur la
détermination des latitudes ; & l’eftime, feul
moyen qu’emploient encore leplus grand nombre,
n’ a jamais pu procurer rien de certain, ni même
d’à peu près pour celle des longitudes, fi ce n’eft
dans le cas ou la vue des terres &c de bonnes opérations
auront peu après donné lieu de corriger
les erreurs : il a donc fallu avoir recours aux fondes
faites exprès , en s’éloignant peu à peu des côtes,
& on remarque que c’ eft la voie qu’ont fuivie
quelques anciens; mais en dreffant les cartes qu’ ils
nous ont biffées, la plupart ont fi mal rendu la
partie géographique, qu’ils ne paroîtroient mériter
de confiance à aucun égard, fi une tradition confiante
& une vérification non interrompue ne
nous euffent dévoilé ce qu’on pouvoit recueillir
de leur travail, & fi nous n’euffions fu trouver les
moyens combinés d’en faire ufage : d’autres nous
ont préfenré un meilleur enfemble.., des gifemens
moins hafardésj mais l’infpeétion comparée de
leurs carres fait voir , qu’ au lieu de Ceffer de
fonder , lorfqu’ifs n’ont plus trouvé de fond avec
des lignes d'une longueur ordinaire, ils- auroient
dû continuer leur route : par un moyen fi fimple ils
auroiem, avec les mêmes lignes, trouvé un peu
plus au large des reprifes de fond qui ont été rencontrées
avant & après leurs .opérations.
Les entretiens av.ee des pilotes de toutes langues,
la diXcuffion des cartes 8c des fondes écrites, ascîennes
& récentes, l’examen des corps qui s'attach
en t à la fonde, i’infpt&ion des rivages, des
| bancs , celle des couches qui forment l’intérieur
de la terre jufqu’à une profondeur à peu près
femblable à la longueur des lignes de fondes les
1 plus ordinaires, quelques réflexions fur ce que la
I phyfique, la cofmographie & l’hiftoire naturelle
[ ont de plus analogue avec cet ob jet, nous ont
[ fait foupçonner, nous ont même perluadé qu’il
I doit exifter, dans bien des parages, deux fonds
différens, dont l‘un recouvre'fouvent l’autre par
intervalles : le fond ancien ou permanent, qu’ on
! peut nommer fond général, & le fond accidentel ou
: particulier. Le premier, qui doit faire la bafe d’un
; tableau général, eft le fol même du baflin de la
jj mery il eft compofé des mêmes couches que noüs
trouvons partout dans le fein de la terre, telles que
I la marne, la pierre, la glaife, le fable, les coquil-
I lages, que nous voyons difpofés horizontalement,
| d’une épaiffeur égale, fur une fort grande étendue.
• L'épaiüeur de quelques-uns de ces lits va jufqu a
plus de cent pieds, & leur longueur traverfe des
I provinces entières. On en pourroic citer bien des I exemples. Les navigateurs, qui ne font fouvent n i1
; phyficiens ni naturaliftes, peuvent cependant s’en
! convaincre à l’afpeét des falaifes efearpées qu’ ils
I ont lieu de' ranger. Quelle que foît la caufe de
K l’arrangement de ces lits, elle n’eft pas notre objet;
c’eft l’état des çhofes qui nous intéreffe. Il y a lieu
\ de pènfer que fi la mer forme des couches, elle
les forme comme nous les voyons en terre; fi, au
contraire, elle a creufé fes baflins, ce doit être
dans ces mêmes couches : de toutes^ façons on
peut conclure qu’elle a pour fond général 5c permanent,
des couches femblables à celles qui com-
pofent la terre. Ici ce fera un fond de marne; là ,
un de granité, de fable, de roches, & c . Enfin, le
nombre des fonds généraux qu’on peut difeerner par
la fonde, Be va guère qu’ à fix ou fept efpèces principales.
Les plus étendues & les plus épaifles de ces
couches fe trouvent découvertes ou coupées en bi-
feau, formant dans la mer de grands efpaces ou 1 on
doit reconnoîtré le fond général, indépendamment
ce que les courans & autres circonftances peuvent
y dépofer d’ étranger à fa nature. 11 eft encore des
fonds permanens dont nous n’avons point parle :
ce font ces étendues immenfes de madrépores, de
coraux qui recouvrent fouvent un fond de roches,
& ces bancs d’une énorme étendue de coqui-ibges,
que la prompte multiplication ou d’ autres caufes
y ont accumulés; ils y font comme par peuplades.
Une efpèce paroît occuper une certaine étendue
i’efpace fuivant eft occupé par ijne autre, comme
on le remarque à l’égard des coquilles foffiles dans
une grande partie de l’Europe,. & peut être partout.
Ce font même ces remarques fur l'intérieur
de la terre, & des lieux où la mer découvre beaucoup,
où l'on voit toujours une efpèce dominer
& fur l'épaiffeur des bancs du fond de la mer,
dont nous ne pouvons guère connoïtre, par la
fonde, que la fuperficie. . . . «-
Le fond accidentel ou particulier offre une
quantité confidérable de détails fugitifs, qui fem-
blent avoir jufqu’ ici déconcerte les projets de ceux
qui fe flatroient d'en donner le tableau. C ’é to i t ,
à la vérité, une efpérance bienflatteufe; mais 1 expérience
comme par cantons, qui nous ont mis à portée de
conclure fur la prodigieufe quantité des individus, !
démontre combien elle étoit vaine. C e
fond eft compofé d’une quantité prodigieufe de
pointes d’ourfîns de toutes efpèces, que lés marins
nomment pointes d’âlene ; de fragmens de coquilles,
quelquefois pourries; de cruftacés, de
madrépores, de plantes marines, de pyrites, de
granités arrondis par le frottement, de particules
de nacre, de mica, peut-être même de talc, auxquels
ils donnent des noms conformes à l’apparence;
quelques coquilles entières, mais en petite
quantité, & comme femees dans des étendues
médiocres; de petits cailloux, quelques criftaux,
dès fables colorés, un léger limpn, Sec. Tous ces
corps difféminés par les courans, 1 agitation de la
mer, & c . , provenant en «partie des fleuves, des
léboulemens de falaifes & autres ^caufes accidentelles
, ne recouvrent fouvent qu imparfaitement
le fond général, qui fe reprefente à chaque inftant
quand on fonde fréquemment dans les mêmes parages.
. * *
C ’eft principalement en fe procurant un grand
nombre de fondes en nature, dont la place fera
bien conftatée, 8e* dont on fera une difeuffion,
claire & méthodique , en la rapprochant de celle
qu’on aura foin de faire enfuite des cartes & des
fondes écrites, anciennes Sc modernes, toujours
dans les vues, avec les connoiffances & les fecours
que nous avons indiques, qu ôn aura la fatisfaélion
de remarquer quelqu’ uniformité dans les réfultats,
& qu’on pourra en conclure le fond général : c 1eft
ainfi que l’on remarque q u e , depuis près d un
fiècle, une grande partie des fonds généraux du
golfe de Gafcôgne & de la Manche n’ont prefque
pas changé. - ..
Dans la defeription de la mer, il femble que
c’eft au fond général qu’ il faut s’attacher principalement,
& en prévenir le navigateur, q ui, vigilant
& attentif en fondant fouvent dans le meme
parage, p.ourra le reconnoître indépendamment
du fond accidentel , & ne fera plus livre à la contradiction
que repréfentent les details qu on a fut
ce dernier, mobile & paffager, ma's dont la con-
noiffance, qui - cependant fon utilité , pourroic
être traitée à part & d’une autre manière. On n î-
gnore pas q ue , furtout aux approches des co te s ,
il fe trouve des parages où il femble que des-fonds
divers ne biffent pas d’être en quelque forte permanens
; mais cela eft affez rare, & ^deviendra
d’autant plus , qu’ on cherchera avec foin a diftin-
guer le vrai-fond des lieux ou 1 on eft dans l ufage
de marquer les fonds divers. S i , après un mur
examen , on étoit obligé d’en revenir à cette indi