
les circonftances les plus frappantes fur les grands
phénomènes des glaces qui fe trouvent dans certains
parages.
Ne doit-on pas penfer que ces circonftances ont
influe fur le grand refroidiffement de la mer voi-
frne du pôle méridional, à caufe de fon peu de
profondeur, qui fait que les terres font peu éloignées
des eaux de la furface?
Cette difpofition des terres du fond des mers
du pôle méridional nous paroît plus propre à hâter
le refroidiffement de cette partie de l'Océan, que
l’étendue de ces mers que cite M. de Buffon : cet
écrivain ne nous dit point par quelle raifon une
partie de la furface de la terré, couverte d'eau ,
doit être , ainh qu’ il le fuppofe, plus froide qu’une
femblable partie qui eft à découvert. Il n'a pas vu
que ce qui a refroidi confidérablement les mers
yoifines du pôle méridional étoit le peu de profondeur
de leur baflin, comme l'expérience le
prouve : ici la mer n’eft bien froide que par la
proximité des terres.
C ’eft auffi d’après ces mêmes circonftances que
les glaçons fe forment & s’ étendent le long des
côtes de la mers- en fécond lieu, que les glaçons
que les rivières charient & transportent dans la
mer , fe confervent furtout le long des côtes voi-s
fines de leurs embouchures. Comment, les côtes
de la mer étant froides, comme celles de la mer
Glaciale, par exemple, & prefque toujours à la
température de la glace, l’eau qui les touche ou
qui fe trouve dans leur voifinage ne contra&eroit-
elle pas, à la longue, la même température, te
ne la conferveroit-elle pas ? Ce font ces corref-
pondances des terres aux mers qui influent, comme
on v o i t , fur les phénomènes généraux que nous
venons d’expofer dans cet article. On verra le
développement de ces circonftances dans les arti-'
clés particuliers de ce Dictionnaire qui concernent
les glaces des rivières & des mers.
§, VII. Couleur de la mer.
C ’eft une erreur de croire que la mer eft d’autant
plus verte, qu’elle eft plus falée} car dès que
l ’on eft en pleine mer, l’eau paroît noirâtre & plus
foncée que l’azur ; cependant, plus on avance,
plus elle eft falée, comme on s’en eft convaincu
avec un pèfe-liqueur qui étoit chargé d’un peu
de mercure au fond : cet inftrument s’éleva d'un
pouce & demi au-deffus des eaux de la mer dans
les dunes, fe tint à deux pouces 24 deg. lorfque
l ’on fu£ forti de la Manche, hauteur à laquelle il
refta toujours jufqu’ à la Jamaïque, la mèr étant
fans doute fi imprégnée de fe t, qu’elle n’en pouvoir
plus diffoudre ; ce qui détruit une autre ob-
fervation, que la falure de la mer augmente à me-
fure qu’on approche des tropiques.
On conçoit que la couleur de la mer te fés exha-
laifons doivent beaucoup varier, comme celles de
la terre 5 ce qui doit la rendre plus mal-faine en I
certains endroits qu’en d’autres, car fon odeur
n’eft pas la même dans les détroits te en pleine
mer : & quafit à la couleur, elle eft d’un vert de
mer, te plus mal-faine aux dunes qu’à Torbay, à
la côte de Plymouth qu’ à Lands-End, & dans la
baie de Bifcaye qu’ en pleine mer ; ce qu’on peut
attribuer en partie à la différence des vagues, qui
font fort petites dar.s la baie de Bifcaye, quoi-
u’on ne foit point alors à quatre vingis lieues
u cap Finiftère en pleine mer; les vagues font
longues, roulantes, & ne fe brifent pas : dans la
Floride, la Virginie & la Nouvelle-Angleterre,
les vagues font longues, roulantes, mais elles fe
brifent. La mer, q u i, en allant dans ces différentes
contrées, paffoit du vert au noirâtre, enfuite au
bleu, é to it, au retour, d'abord bleue, noirâtre,
enfuite verte. Lorfqu’on fe trouve à la latitude
des Barbades, & que l'on s’en croit éloigné de
foi xante-dix ou qifîttre-vingts lieues, on voit la
mer trouble, noire, te non pas d’un bleu-tranf-
parent comme auparavant : l’écume qui fe forme
aux côtés du vaiffeau eft trouble, te d’ une confif-
tance différente de celle qu’elle a paru jufqu’ alors.
Il femble qu’on ne i'a jamais vue ainfi. On penfe
d'abord que cela vient de ce que le foleil n’eft pas
affez haut pour lui donner fa véritable couleur :
c’eft pourquoi l'auteur de cette obfervation attendit
que cet aftre fût plus élevé ; mais la mer prit
alors une couleur verte Le capitaine du vaiffeau
fur lequel il fe trouvoit, à qui il en parla, lui dit
que l’on étoit à foixante lieues des Barbades, te
qu'on pouvoit jeter la fonde en cet endroit, ce
qu’on ne pouvoit faire jufque-là. La mer étoit
bleue à l’endroit du mouillage des Barbades, &
blanche où elle avoit peu de profondeur : de
même à là Jamaïque, elle eft blanche te tranfpa-
rente fur le rivage, & bleue à trois briffes du
bord.
Mer laiteufe.
La furface de la mer paroît blanche quelquefois
en plufieurs endroits, te cette couleur approche
beaucoup de celle du lait. Ces apparences laiteufes
ne fe manifeftent que très-rarement furie rivage ou
le long des côtes , ainfi que l’affure M. Newland.
L’ eau de la mer3 lorfqu’elle a cette couleur blanche,
étant portée dans l’obfcurité, paroît très-lumi-
neufe, phénomène qui eft dû à un amis confidérable
d’animalcules. M. Baudouin explique ce phénomène
en l’attribuant auffi à des animaux. M. L’abbé
Nollet avoit déjà obfervé cette lumière de la
mer en 1760. M. Grifellinî publia en 17^0 une
differtation qui a pour objet une fcolopendre marine
te luifante, que Vianelli avoit, en 1749,
appelée lucialetta de l’ eau de mer, te que M. Fou-
genoux découvrit à Venife en 1766 , fur une
Feuille du goémon, efpèce d’algue marine. Cet
infeCte n’êxcède pas la groffeur d'une très-petite
tête d’épingle ; fon corps eft quelquefois fimple-
ment tranfparent 5 Souvent il en fort des jets
W de lumière qui répandent la clarté à quelque dif-
■ tance de lui : cet animalcule étant écrafé fur du,
I papier , y dépofe une longue traînée de matière
■ lumineufe , bleuâtre & tranfparente. Si l'on met à
H fec ces petits animaux, leur lumière s'éclipfe à
1 mefure que l’humidité fe diftipe, ce que M. Go-
|i dehen de Reville obferva très-bien en 1754 fur
n les côtes du Malabar te des Maldives. Mais avant
I les auteurs que nous venons de c ite r , Imperati, p Colomna, Àldrovande, Kircher; Valiifnieri, &c.
f avoient dit que la lumière des eaux de la mer étoit
due à des infeCtes qui brilloient comme les vers
H luifans des campagnes. oy. M er, l u m in e u s e .)
Taches jaunes fur la mer.
Aux environs de Rio-Janeiro, affez près de b
t côte de l'Amérique méridionale, la mer eft cou-
| verte de grandes bandes de couleur, jaunâtre, dont
1 plufieurs ont un mille anglais de longueur te quatre
| cents verges de largeur. L’ eau de la mer, dans,ces
I endroits, eft remplie d’une multitude innombra-
I ble de petits corps terminés en pointe, & d’une
I couleur jaunâtre ; ils n’ ont pas plus d'un quart de
ligne de longueur. MM. Banks te Solander, qui les
|| ont examinés au microfcope , ont cru voir comme
des faifceaux de petites fibres entrelacées les unes I dans les autres, te affez femblables à ce que l’on
I aperçoit dans les nids des mouches aquatiques 1 nommées caddices : il y a grande apparence que ce
I font des efpèces de petits polypes ainfi colorés.
§. VIII. De la phofphorefcence de la mer.
Plufieurs voyageurs fe font occupés de la caufe
f qui rend la mer lumineufe. Plufieurs poiffons ,
;; mollufques ou vers marins qui ont la propriété
d’être luifans dans l’obfcurité, te furtout les mé-
dufes te les pyrofomes, ont donné lieu de foup-
I çonner que la lumière de la mer pouvoit bien n’être
due qu'à une multitude d’animaux ou d’ infeCles
1 plus petits, qui la rendent lumineufe par eux-mê-
| mes ou par leurs émanations. |
D’autres ont prétendu que la lumière de la mer
étoit due à une matière phofphorique contenue
dans fes eaux , qui fe raffembloit à fa furface en
| petits grains, lefquels, en fe crevant par le choc
nant ces points lumineux, ou plutôt ces animuix
à la loupe, on n’a pas de peine à^reconnoître que
ce font des fcolopendres marines, des néréides.
Cet infeCte brille comme les .animaux terreilres
lumineux quand il lui plaît, te il eft le maître do
rendre.fa lumière plus ou moins vive : quelquefois
fon corps n’eft que tranfparent, te quelquefois auffi
il en fort des jets de lumière qui forment une
étoile, te éclairent à quelque diltanceautour de
lui : c’eft par toute la partie poftétieure qu’ il brille :
fa tête feule demeure opaque ; te fi on écrafe l'in-
feCte fur du papier, il y biffe urte longue traînée
de lumière bleuâtre te tranfpafeme. ÿ
des vagues ou des corps folides, s'y étendoient
en répandant de. la lumière. Enfin, d’autres ont
reconnu que cette prétendue matière phofphorique
étoit des corps organifés fort nombreux,
qui, dans ceitaines circonltances, rendoient une
lumière fort vive.
En examinant le goémon & autres herbes marines,
on y voit dans Tobfcurité une infinité d’é-
; tincelles très-brillanteS, & en féparant les feuilles
fur lefquelles on voit briller ces étincelles, on
|; reconnoît aifément qu’elles font dues à des animaux
qui fe promènent fur la feuille, & qui font
i changer de place aux points lumir.eux.. En exami-.
Il ne luit que tant qu’il a i’humidite néceffaire ,
te il périt en fe defféchant > mais en confervant le
goémon, chargé de ces infeCtes , dans I eau do
mer y te ayant foin de la renouveler, ils confervent
longtemps leur lumière > & lorfqu on agite
le goémon dans l’eau, elle donne des étincelles
qui produifent quelquefois une tramée de lumière.
11 paroît que ces animaux .brillent lorfqu’ils éprou-^
vent quelque choc.
La lumière de ces animaux eft un peu bleuâtre,
& affez femblable à celle des vers luifans ou lampyres
: il y en a de différentes grandeurs, te peut-
être de differentes efpèces; mais ils fè comportent
également par rapport à la lumière qu ils rendent.
Tels font les principaux phénomènes que l’on z
vus à plufieurs reprifes dans les lagunes de Venife
& fur les côtes de l’Océan, & même dans les mers
de l ’Inde.
Mais les autres petits animaux qui ne font que
des points de matière phofphorique organifés , ont
été vus avec plus de foin, plus de fuite , te
il paroît qu’ ils rendent auffi de la lumière lorfqu’ils
éprouvent quelque ch o c ; mais en général
ils flottent en grand nombre dans l’eau de b
mery te en puifïnt cette eau on s’en procure une
quantité fuffifante pour faire des obfervations lui—
vies, te même les varier comme on le juge eora-
venabïe.
Malgré les expériences & les obfervations qui
conftatent que la mer doit fa lumière à des animaux
de différentes efpèces, plufieurs naturaliftes inclinent
fort à penfer qu’ils ne font pas la feulé caufe
de la lumière de la mer, te femblent perfuadés que
ceux qui foutiennentque les infeCtesenqueftion en
étoient Tunique caufe,, ont trop étendu leur idée;,
ils reconnoiftent de même que ceux qui 1 ont uni-
qu?ment attribue© aux feux électriques fe trompent
également. Selon ces phyficiens, les deux caufe»
peuvent avoir lieu, & peut être s’y en joint il une
troifième, favoir, une matière phofphorique provenue
de la pourriture des corps marins > des poiffons&
des plantes, tec. Dans Tune te dans T autre
hypothèfe, te même^n les adopçam toutes les-
deux, il fera toujours facile d’expliquer pourquoi
1a mer n'eft lumineufe que dans certains temps,
puifque les animaux d’une p art, TéleCtricité ou b
, matière phofphorique de l’au tre, ont befoin de