
58 E S P
les cailloux mêmes, à de grandes diftances, font
de même nature, 8c cette montagne par dît s'être
formée, d’une manière inexplicable, des matériaux
entraînés par les eaux des Pyrénées.
Non loin du Montferrat , près du village <
Cardona , on voit' une colline de trois milles <
circonférence , qui n’eft qu’une immenfe raafle <
fel gemme. On l'emploie , dans ce climat fec ,
faire des.vafe s, des tabatières, des breloques
enfin aux mêmes ufages que le fpath fluor d
Derbishire en Angleterre.
Les Pyrénées efpagnoles n’ont pas encore été
foigneufemenr examinées 5 & comme les minera
logiftes français ont porté des regards favars dar
la partie qui appartient à la France, nous avon
placé les détails que nous avions fur cette chaîne,,
dans la defcription de cet Etat. Manquant enfin
d’une defcription générale 8cfciemifique des mon
- tagnes'efpagnoles, nous nous bornerons à quel
ques remarques tirées du. voyage de Townfend. Sui
Vant l’opinion de cet habile obfervateur, la partie
feptentrionale des Pyrénées eft principalement
calcaire & recouverte de fchifle argileux j mais
au fud elles deviennent granitiques, 8c par confé-
quent ftériles. La plus haute rangée de montagnes
au côté de YEfpagne, près de Duroca-Berce, au
commun du Tage 8c de 1 È bre, femble compofée
de fchifle argileux 8c de pierre calcaire, dont le
granit eft probablement la bafe. Au voifinage
d ’Anchulales montagnes fontcompoféesde pierre
à chaux 8c de coquilles : il s’y rencontre aufli quelquefois
des lits de gypfe rouge avec des criftauj
de même couleur. En général, le gypfe abonde
autant en Efpagne 3 que la craie en Angleterre ; ii
y produit des criftaux de fel marin 8c de feid’epfom
8c beaucoup de fel de nitre.
Les montagnes au nord de Madrid, faifant partie
de la chaîne centrale, font granitiques. Celles au
nord de Léon font compofées. principalement de
marbres ou de pierre à chaux, fur une bafe de
fchifle argileux , 8c portent aux nues ces rocs
affreux 8c déchirés qui protégèrent long-tems les
relies expirans de là liberté espagnole. Retournant
vers le fud, nous trouverons dans la Manche un
fol fablonneux & des roches de gypfe.
Les régions fupérieures de la Sierra-Morena
font granitiques, & les inférieures font compofées
de fchifle argijeux, de gypfe & de pierre à chaux.
Il y a deux variétés de granits, le rouge & le blanc.
Auprès de Cordoue les plus hautes collines font
couvertes de blocs de granit arrondis , de fablon
& de pierre à chaux. Auprès de Malaga s’étendent
des branches de la Sierra-Nevada , non également
applicables à la chaîne centrale qui divife les deux
Caftilles. Ces deux branches offrent la pierre à
chaux & le marbre recouverts d’ un fchifle argileux.
Auprès d’Alhama, fud-eft de la ville de Grenade,
on trouve, fur une bafe de gravier plat ou fphé-
rique, des roches qui offrent du marbre avec des
coquilles , & au deffus des poudingues > mais en
E S P
général ce font des roches de p’âtre, pnfées fur des
couches de la même fubftance criftaliifée.
La partie fud-eft de YEfpagne paroît également
calcaire, & la cathédrale de Murcie eft bâtie en
pifolite, efpèce de pierre calcaire formée damas
d oeufs de poiffon en apparence} mais près du cap
de Gâte les montagnes doivent être granitiques,
comme femble le prouver une efpèce d’aventuiine
apportée de ces lieux.
Y,Efpagne eft couverte de nombreufes forêts,
dues en partie^ au peu de progrès de l’agriculture ,
& en partie à la paflion que fes rois ont eue pour
la chaffe : c’eft à ce plaifir qu’eft deftinée celle du
Pardo , qui a plus de vingt-cinq milles de longueur.
II y en a qui font le repaire de contrebandiers 8c
de brigands, lefquels mettent les voyageurs à contribution
& fouvent leur ôtent la vie.
Quoique la grande péninfule à l’oueft des Pyrénées
foitdivifée , par des intérêts politiques, en
deux gouvernemens indépendans, YEfpagne & le
Portugal, cependant la diftributian des différentes
efpèces de fols & des productions naturelles diffèrent
fi peu , que l’expofition de la flore de l’un
de ces deux pays doit néceffairement renfermer L s
grands traits de celle de l’autre : ainfi, pour éviter
les répétitions , nous donnerons une efquiffe générale
de la flore à?Efpagne & du Portugal.
lfEfpagn** en comprenant fous cette dénomination
tout le pays à l’oueft des Pyrénées, confi-
derée relativement à fes productions végétales
peut admettre les divifions fuivantes, d’abord les
cotes, puis les hautes montagnes, les collines,
es terres labourables, les pâturages & les marais'
les bords des rivières, 8c enfin les environs de
Lisbonne 8c d’Oporto.
Les côtes préfentent moins de chofes inté-
refiantes que les parties de l’intérieur. Pour la
mu part elles reffemblent, dans leurs productions
'egétales , aux cotes feptentrionales de la Méditerranée.
Les lieux arides & fablonneux fe couvrent
de 1 afphodèle de mer , pancratium mari-
“ u f efiuca maritima & de Yelymus caput
Medufa, deux efpèces afîVz groflières de gramen:
de la falicornia fruticofa 8c des falfola Coda &
fativa. On voit furtout de vaftes plantations de
certe dernière aux environs d’A ’icante 8c de Barcelone.
Ses cendres fourniffent la barillè efpa-
gnole, 1 alkalin d’une extrême pureté, dont on
fabrique tous les ans quelques milliers de tonneaux,
tant pour le commerce étranger, que pour la préparation
du favon fin d’Efpagne.
Les rochers du rivage font principalement calcaires
& abondans en paffe-pierres , crithmumma-
riiimum ; en violiers , viola arborefeens L* en aftra-
gale de Montpellier, afiragalus tragacantha ; en
mufle de veau , antirrhinum lufitanicum ,* en ca-
Prij ir > caPParis fpinofa j enfin en fiipa tenajjijjïma,
célébré gramen, qui pour fa force ex-
traordinaire eft employé à faire des cordages, des
nattes , des chaifes ; en un mot, tous les ouvrages
connus fous le nom de fparterie.
Les grandes monragnes de ce pays, n’étant ni
aufli élevées ni aufli vaflement encanees que celles
de la Suifle, ne fe couvrent de neige en hiver que
pour quelques femaines : c’eft pourquoi l’on trouve
ic i, 8c dans les moyennes hauteurs qui bordent la
baie de Bifcaye, nombre de végétaux communs dans
les plaines de l’Europe feptenttionale. Les plus
beaux arbres de conftruCtion croiffent en Efpagne
dans ces régions élevées. Le chêne commun , le
tilleul, le bouleau, le frêne des montagnes, l ’yeufe,
le hêtre, le larix & le genévrier y croiffent d’ une
groffeur remarquable. Parmi les arbriffeaux 8c les
plantes herbacées on diftingue le raifin d’ours, ar-
butus uva urfi; la minuartia montana , Yafperula py-
renaica, l’eryngium alpinum, arenaria trifiora , draba
ai^oides &pyrenaica 3faxifraga cuneifolia & bryoidesy
le rhododendrum ferrugineum , Yalyjfum montanum ,
Yempetrum album.
Les longs enchaînemens d’élévations médiocres
qui occupent la plus grande partie de YEfpagne
font c.ompofés de grands efpaces arides , couverts
de fables} de grès friable & de débris ferrugineux
formant les bruyères, de diftridts calcaires & fecs
fervant de pâturages, & de croupes humides, inégales
, compofées de granit & de marbre, revêtues
d’un fol très-mince formant les forêts 8c les bois.
Les bruyères y font plus riantes 8c plus riches
en végétaux, que dans-aucune autre contrée d’Europe.
Sur-queîques points s’élèvent des bois épais
d’ifs à feuilles de fapins 8c de pins. Ailleurs font
répandus de petits bois de chênes lièges , quercus
fuberAù le voyageur aime à refpirer le parfum de
mille plantes aromatiques, telles que le marum-
martic, thy mus-mafi china la lavande à épis, lavan-
dula fpica & fi« ch as ; la meliffa nepeta, Y origanum
heracleoticum , le teucrium ivà, fpinofum & lufitanicum;
la fauge commune & d’Efpagne , falvia offici-
nalis 6? hifpanica3 8c le romarin, rofmarinus officina-
lis. Plus loin il admire les fleurs dorées du genêt
épineux, ulex eur&peus 3 plante qui abonde furtout
en Efpagne, 8c les fleurs à la fois blanches, incarnates
8c pourprées 5 des bruyères arborescentes ,
cric a umbellata, arborca3 purpur afeens3fioparia 3va-
gans3 aufiralis, & c . , qui, loin de fe nuire par leurs
beautés rivales , s’embelliffent du jeu de leurs
nuances confondues. Tantôt c’eft la taille élevée
$ti\o\Ae &es juniperus oxycedrus & ph&nicea} qui réclame
notre attention} tantôt elle fe repofe avec
plaifir fur l’oeillet, diantkus caryophyllus3 qui fe balance
fous ton ombre } enfuite l’élégant litkofper-
mum fruticofum s’élance dans les bofquets du myrte
nain, 8c toute butte de fable, tous rochers arides,
oubliés des autres végétaux, fe parent des ci f i us
parfumés, dont YEfpagne poffède au moins quatorze
efpèçes d’une beauté remarquable par leurs
grandes fleurs fatinées blanches ou jaunes , 8c tachetées
de pourpre. Tel eft le ciftus à fleur de
laurier, ci f i us laurifdlius, qu’oa rencontre très- fréj
quemment dans la Vieille-Caffillé ;■ mais le plus
i commun de tous eft le cifte ladanifère , cifiuslada-
1 niferus3 arbriffeau de fix à fept pieds de haut, d’une
élégance admirable 8c d’un parfum délicieux , qui
embellit des lieues entières de rochers, 8c forme
un des traits particuliers aux payfages d'Efpagne.
Les pâturages font de gr.ulds efpaces découverts,
fans d’autres abris que quelques bois de châtaigniers
ou de chênes-verts qu’on rencontre à des
diftances plus ou moins grandes.
Le daHylis cynofuroides , Yuira minuta , le cyno-
furus lima & aureus, la fefiuca calycina 8c le ligeum
fpartum, telles font les graminées qu’on y apperçoit
le plus fréquemment. Les autres produéfions de
ces terrains élevés font la feabiofa fiellata , la ga-
lega ojjicinalis, Yanthyllis lotoides & erinacea , le
cucubalus bacciferus 8c la pfor ale a bituminofa.
Les forêts 8c les bois d'Efpagne, fous le rapport
de leurs productions végétales , méritent aufli une
attention particulière. On n’y trouve point cet
ombrage ténébreux qui donne un afpeél folennel
8c religieux aux profondeurs des forêts de l’Allemagne
8c de l'Angleterre. Les arbres n’y font pas
aufli grands : leurs feuilles ne font pas aufli riches
8c aufli vaftes. Le châtaignier 8c le buis y couvrent
plufieurs des cimes calcaires} mais la grande niaffb
des bois fe compofedu chêne-vert aux glands doux,
quercus bàllota. C et arbre atteint la taille d’un grand
poirier, avec lequel il a même quelque reflem-
blance. Ses feuilles font alongées 8c pointues
vertes par-deffus,blanches par* deffous, verticillées
Sc un peu maigres. Il produit abondamment de»
glands qui ont une faveur d ou ce, dont on en-
graiffe les cochons, 8c dont les payfans mêmes
font un aliment. A côté de cet arbre utile croiffent
l’olivier fauvage,le chêne-kermès, le noyer 8c le
caroubier, ceratonia filiqua. L’amandier pénètre 8c
fe fixe dans les fentes des rochers avec le rhus
coriaria ou fumach,8cle coriara myrtifolia. Le laurier
mâle 8c femelle , la lauréoîe 8c le laurier de
Portugal s’y élèvent à la hauteur de petits arbres,
8c leur ombrage épais conferve la fraîcheur même
au milieu des étés qui embrâfentce climat. Le grand
nombre d’arbrifleaux fleuris dont les bois fe décorent
, ne nous permet pas d’en donner l’énumération.
Vo ic i feulement lesprincipaux : laphyllir&a
augufiifolia , le linum arboreum , daphne gnidium ,
cytifus nigricans , collutea arborefeensl’arboufier,
arbutus unedo ,* le cyprès , cuprejfus fempervirens ; le
genêt des Canaries & du Portugal, genifia cana-
rienfis & lufitanica3 le jafmin jaune , jafninum fruti-
cans; le rofier de Provence, rofa gallica; le buif-
fon ardent , mefpillus pyracariika.
Aux lieux où la terre eft profonde & humide 8c
propre à la culture 8c au gros pâturage paroiffent,
en automne 8c au printems, des racines bulbeufes
qui donnent au payfage un afpett des plus rians.
Deux efpèces d’afphodèles, celle à fleurs blanches
8c celle à fleurs jaunes, font, on peut le dire,
naturelles à toute cette contrée, & les plantes lui-
H z