deux terribles phafes. Cette précaution, quoique
prudente à l'égard du moindre féjôur poflible,
n’eft pas toujours infaillible pour éviter les coups
de vent ou les ouragans.
Bory de Saint-Vincent eft le voyageur le plus
récent qui nous ait donné des détails fur l’île
Mafcareigne ou de Bourbon, dont il a publié une
bonne carte dans l'atlas de fon Voyage dans les
quatre îles principales de la mer d'Afrique.
Cette île fut découverte par les Portugais en
i y q j î iis lui donnèrent le nom de Mafcareigne,
du nom de don Mafcarenhas qui les commandoit.
.Les Français en prirent poffeflion en 1646, ,& ce
n’ eft qu'à cette époque qu'on commença à l'habiter
, en en formant un lieu d’exil,; elle fervit
enfuite de refuge à un certain nombre de mal-
beureufes familles françaifes arrachées à leur pa-
îü e par la révocation de l'édit de Nantes.
Dots fon plus grand diamètre , qui va de la
pointe de^ Galets à celle de la T a b le ,l'île entière
a environ quatorze lieues de deux mille huit cent
cinquante-trois toifes 5 le petit diamètre peut être
de neuf lieues, & la circonférence, en fui van t les
principales finuafités des côtes , en a trente-huit.;
Une lifîère d'une lieue & demie de largeur, parallèle
à la c ô te , & interrompue par un grand effa
c e de pays brûlé, eft tout ce qu'on a encore défriché
dans l’île. 7‘
L'île entière femble compofée de deux montagnes
volcaniques, dont l’origine remonte fans
doute à deux époques éloignées l'une de l’autre;
la plus petite eft la plus méridionale; les feux fou-
terrains y exercent encore leur tyrannie ; celle du
nord eft bien plus vafte. Les éruptions volcaniques
qui l’ ont jadis bouleverfée ne s'y font plus
fait reffentir : des efpèces de baflîns ou de vallons,
des rivières rapides , cernées par des remparts
perpendiculaires, des monticules jetées dans ces
vallons & dans les torrens dont ils embarraffent
le cours, des prifmes bafaltiques fouvent difpofés
en colonnades régulières, des couches de laves les
plus variées , des fiffures profondes , des indices
d'un délabrement général, tout rappelle d’anciennes
& terribles révolutions phyfiques.
La plage étroite, quand il y en a , n’eft compofée
, comme à Ténériffe, que de galets bafaltiques
ou d’autres laves roulées ; ces galets font entraînés
à la mer par les pluies. On ne trouve nulle
part de vrai fable; ce qu'on défigne improprement
par ce nom , eft compofé de débris calcaires
& de corps marins jetés au rivage par les
vagues, & préfente, en p etit, la collection de
toutes les laves de l’ île que le roulement des flots
a réduues en parcelles arrondies très - petites,
d’ un afpeCt bleuâtre & ardoifé. On reconnoît dans
le fable beaucoup de parties bafaltiques & de la
chryfolithe de volcan ; la proportion de ces fubf-
tances varie félon les lieux.
C e qu’on nomme la partie du vent eft la plus
îiante > celle de fous le vent paîTe pour h plus riche
, mais elle eft .un peu fèche, & les fources y
font rares. La.première, plus égale, s’élevant de
la mçr au faîte de l’î l e , en pente douce, tempérée
par des brifes-continuelles & cultivée avec
propreté, retrace fouvent l’Europe, & particulièrement
le Languedoc, lorfque de loin on ne peut
diftinguer la nature de la végétation ; des girofliers
qui reffemblent à des bofquets d’agrément,
des cafeteries immenfes & des champs d’épis dorés,
agités par un mouvement de fluctuation continuel,
parent cette terre dont ils font-la richeffe.
Plus on s'approche de Saint-Denis ( chef-lieu
du pays), plus la plaine femble devenir étroite;
les montagnes fe rapprochent du rivage leur
pente devient plus brufque; enfin, l'encaiffement
de la rivière des Pluies, qui forme une fraCture
immenfe de la figure d’un V très-régulier, entre
des montagnes boifées, offre .un tableau fauvage
& un contrafte frappant avec l’afpeCt de la plaine
cultivée.
Saint-Denis , l’endroit principal de Mafcareigne,
rj’eft pofitivefnent pas une ville; c’eft un véritable
bourg, dont les rues, bordées de palilfades ou de
murs d’entourage, reffembient à des chemins de
campagne. Les maifons, toutes en bois , font généralement
agréables & difpofées pour la fraîcheur.
Les haies font le plus fouvent de pignon
d’Inde (jatropha cu'rcas L in n .) , & les rues font
ombragées par des manguiers ( mangifera indica).
Les arbres le plus généralement cultivés font le
bambou § le limonier à trois feuilles, le caram-
bolier, le cherembelier, le brlirhbi, le cacaoyer,
le prunier malegache, le tamarinier, la rcuffaiile
& divers autres jambrofes, le filao, le dattier, l’a-
vocayer, le louganier & le letchis. Dans les enclos
on voit auflï le netcholis (jufiicia grandarujfà)
qui décore tous les parterres de fes petites charmilles
touffues.
Les végétaux européens qui bravent le climat
brûlant de cette île font principalement le jafmin,
le rofier, la vigne, le grenadier, le pêcher, &c.
On y cultive prefque tous nos légumes dans les
potagers , & de plus la morelle ( folanum nigrum)
que l'on mange bouillie avec du petit falé, comme
à ITie-de-France, & fous le nom de brides.
L ’air eft très-fain & fort propre à avancer le ré-
tabliffement des équipages qui ont beaucoup fouf-
fert d’une longue traverfée.
Lors de la découverte de l’île , elle étoit boifée
dans tous fes points ; à mefure que les cultures
fe font étendues , les bois ont été reftreints.
Les rivières de Mafcareigne ne font pas, comme
celles de la plupart des autres pays, des nappes
d’eau qui arrofent tranquillement, dans un cours
à peu près uniforme, les vallons frais qu'elles
embelliftent, & dont les eaux s’élèvent ju(qu'au
niveau du terrain qu'elles parcourent : ce font des
torrens qui, tantôt foibles, tantôt impétueux,
arrivent d'une cime très-élevée, jufqu’ à la mer,
entre des gorges qu’ils ont formées ou agrandies
pendant une longue fucceftion de temps. Ces rî- 1
vières fe font fait des encailïemens fouvent impo-
fans par leur profondeur. On y rencontre des
éboulemens & des fraélutes, à l’aide defquels
l’obfervateur reconnoît tantôt l’effet fubit des
feux fouterrains, tantôt l’ aétion moins brufque &
continue des eaux pluviales.
Il n'y a point de ravine qui n’ait un encaiffe-
ment plus ou moins profond, & les ravines fillon-
nent partout les pentes des montagnes ; elles fe
fourchent ou fe confondent de telle manière ,
qu’en parcourant l’île on trouve des précipices à
chaque pas : les parois de ces encaiffemens font
rapides.
La rivière (je Saint-Denis a , dès fon embouchure,
un: lit très-large : il eft rempli de laves roulées
réduites en galets d’ un volume plus ou mains
fort. On en rencontre parfois d’immenfes blocs ,
que, dans leurs-crues, les eaux entraînent avec un
fracas épouvantable. Cette rivière peut avoir au
plus deux lieues & demie de longueur ; elle descend
à peu près dû fud au nord. Dans fôn Voyage
M. Bory de Saint-Vincent décrit longuement les
productions volcaniques de l’île de Mafcareigne.
Nous en traiterons au mot V o l c a n .
MASCARET. C ’eft l’ effet du reflux ou de la
première pointe du- flot qui, près de l’embouchure
de la Dordogne, fait monter le courant &
le repou (fe versTamont fous la forme d’ un bourrelet
qui traverfe d ’un-bord à l'autre'de la;rivière :
an voit que les grandes marées, en repOuffant
ainfi l’eau des fleuves & la faifant remonter bien
avant dans les terres, en rendent le lit a fiez profond
pour que- les: vaifleaux puiffent arriver dans
les ports qui font fitués proche des embouchures.
Après avoir indiqué ainfi en quoi conflfte le maf-
caret & fes avantages, il ne nôWrefte plus qu'à
faire connoître les différentes circonftances qui
accompagnent cet effet vraiment curieux & étonnant..
!
^’embouchure du fleuve des Amazones, de bore à
[celle du Gange, & de barre à celle de la rivière
'de Seine. •
Le bourrelet dont nous venons de parler , en
paffant par? de/Fus l'eau; qui defcefld, forme uné
lame d.’eau; élevée quelquefois de quatre à cinq
pieds, qui roule avec bruit en fe brifant fur tous
les endroits où il y a peu d’ eau,•& furtout contre
les bords des bancs de fable & ceux de la rivière.
Il y a des mafcarets dont le bruit fe fait entendre'
de trois lieues, & q u i, lorfque les eaux font
baffes, font chaffer les ancres des vaifleaux &
rompent quelquefois les câbles : cette lame fra-
cafferoit les bateaux qu’elle tiouveroit dans fon
ch emin, fi l’ on n’ avoit foin de lui oppofer les
peintes de terre qui la détournent, ou bien fi on ne
le tenoit au milieu de la rivière 8é dans un endroit
où l’eau eft profonde, & où fa marche n’eft ni
forte ni rapide.
Le nom de mafcaret eft propre à la Dordogne.
Le même phénomène porte, aux Indes orientales,
U dénomination de makkrea,, celle dé prôraco à
Mascarets ou Bores du Gange & du Bur-
rampooter. On obferve dans les principales branches
du Gange & de la Megna, un phénomène
qu’on nomme bore. C ’eft un'courant de la marée
qui pénètre tout-à-coup dans le fleuve. La Hoogiy
;& les paffages entre les île s '& les. bancs de fable
îdu golfe font particulièrement expofés à ça courant
extraordinaire. Il pàrqît dû en grande partie
à ce que l’embouchure de cette rivière & de ces.
paffages eft très-large relativement à leurs canaux;,
en forte qu’ une grande maffe d’ eau fe trouve ainfi
.engagée, par le courant de la marée momtante »
dans un paffage rêlarivemént plu$ étroit. Une autre
circonftance encore qui peut rendre ces courans
plus fenfibles dans'ces paffag'és', c’eft qu’il n’y a
pas d’ouverture confidérable affez à portée pour
fervir à dégorger promptement les eaux accumulées
par la marée montante. DansTa Hoogiy ou la;
rivière de Calcutta, Ie bore commence à la points
de Hoogiy , qui eft l’endroit où le lit de Ja rivière
fe refferre & fe fait fentir jufqu’au-deffus de la
.ville de Hoogiy; Le courant en eft fi rapide, qu’ il
parcourt un efpace de foixante-dix milles en moins-
de quatre heures. Le^o« fait quelquefois monter
les eaux fubitement de cinq pieds à Calcutta. Dans-
toute l’étendue des canaux qu’ il agite, les bateaux,,
à fon approche x quittent les bords pour gagner le
milieu de la rivière, ou ils ont moins à craindre
de ce mouvement yiolenr.
Dans les canaux qui féparent les îles de l’embouchure
de la Megna, le bore forme un bourrelet'
d’eau qui a plus de douze pieds d’élévation, & il
eft tellement redouté par les matelots, qu’ aucun bateau
ne fè hafarde à paffer pendant les marées du.
printemps au-deffus des îles. On ne voit d’autre
trace des effets du Bore 3 qu’une élévation fubite
des eaux à mer montante^
MASINO (Bains de )► Les bains de Mafino dans
la Valteline, à vingt lieues de Milan, ont une
célébrité qui mérite qu’on entre dans quelque»
détails.
Ces bains de Mafino font placés au^fond d’ une
longue & étroite vallée,, vers la fource du Mafino,
q u i, après s’ être précipité au travers des
plus affreux rochers entre deux cimes de montagnes
d’une hauteur énorme, fe jette dans l’Adda,.
une lieuè’ au-deffous de Mafino, & quatre lieues-
au-deffus de l’embouchure .de ce fleuve dans le
lac de Corne- Ces montagnes, toutes horribles-
& toutes déferres qu’elles font, font un fpeétacle
admirable pour ceux mêmes qui ont déjà travt-rfé-
les Alpes : on y voit de tous côtés des cafcades quii
tombent d’une fi grande hauteur, que l ’eau fe convertit
en écume & reffemble à de la neige ; il y en?
a qui font formées'par dès torrens-entiers', qa?ôiu