
caverne* étoit à foixante degrés, y defcendit à
dix. La glace de cette grotte y eft plus dure & plus j
compacte que celle des rivières : il y en a d’autant
plus, qu’il fait plus chaud en été.
On a cru trouver la caufe de ce phénomène en
obfervant que les terres duvoifinage* & furtouc
celles de deflus la voûte, étoient pleines d’un fel
nitreux. On conjecture que ces Tels * mis en mouvement
par la chaleur de l 'é t é , fe mêlent facilement
avec les eaux, qui * coulant par les fentes
du rocher* pénètrent jufque dans la grotte. Ce
mélange les glace préci rément de la même manière
que fe font nos glaces artificielles. On dit qu’ il y
a à la Chine des rivières qui gèlent en été par la
même raifon.
GLAÇONS des grandes rivières. Quelques phyficiens
prétendent que les glaçons que charient les
grandes rivières 1e forment d’abord fur le fond j
mais, fuivant le plus grand nombre* ces glaçons
lé formoient le long de leurs bords & à leur fu-
perficie * cohimé les étangs & les eaux dormantes.
Quelque fyftème quë l’on fui ve fur la formation
de la glace, il paroi? que l’eau ne fe gèle que par
le contaét ou par l’approche de quelque corps dont
le degré de froideur furpafie celui qu’elle avoir
actuellement* & va tout au moins jufqu’au froid
de la congélation. Lorfque l’eau elt tranquille , il
n’y a pas de doute qu’elle ne fe gèle par la fuper-
ficie, étant expofée à i’aCtion de l ’air froid j mais
lorfqu’elle eft courante* on ne voit pas pourquoi
l ’air en faifiroit la furface plutôt que le fond* fur-
tout lorfqu’elle coule dans le lit des rivières, qui,
dans un rems d& gelée * peut fe refroidir fuffifam*
ment par l’aCtion de la g e lé e , & réduire en glaçons
l ’eau embarraflee dans les fables * & dont le mouvement
elt très-peu confidérable fi on le compare
à celui de l’eau de la furface. Plufieurs circonf-
tances peuvent donc favorifer l’augmentation de
la froideur du fond jufqu’à ce qu'elle foit parvenue
au point de la congélation. C e fond étant féden-
taire, & l’eau qui le touche ayant très-peu de
mouvement, ne feroient-elles pas dans un cas plus
favorable que la furface extérieure du liquide, qui
eft dans un mouvement continuel ?
D ’après ces confîdérations générales * il femble
qu'il convient de faire parler les faics & les obfervations,
& que toutes préventions doivent dif-
paroître, puifque la théorie eft également favorable
aux uns comme aux autres.
Les-meûniets* les pêcheurs, les bateliers, les
matelots des grandes rivières & ceux qui en fré-
quentent/les bords* dépofent unanimement que
la glace fe forme au fond des rivières & fur le terrain
de leur li t , plutôt qu’ à la furface de l’eau j ils
difent en avoir vu monter les glaçons ou les en
avoir arrachés avec leurs crocs. Quelques-uns
d’eux difent que le foleil détache ces glaçons du
fond où ils s’écoient formés la nuit* ce qui les
attire pendant le jour à la fuperficie des rivières $
& pour prouver tous ces faits * ils nous difent avoir
remarqué, fur quelques-unes des faces de ces glaçons
flottans, des veftiges non équivoques du terrain
& des graviers fur lefquels ils fe font formés,
& fur lefquels en effet ils paroiffent avoir fé-
journé quelque tems avant d’être voiturés par les
eaux.
On ne peut pas d ire, en examinant ces glaçons*
u’ ils viennent des bords des rivières * des Îles*
es bancs de fable ; car les glaçons qui fe forment
dans ces endroits font d’une glace folide & compacte,
même ceux qui feroient fournis par les
ruiffeaux & par les petites rivières qui fe jettent
dans les grandes* au lieu que les glaçons chariés
par les rivières font des glaces fpongieufes, & q u i
renferment, la plupart du téms, de la vafe & des
graviers dans des efpèces de cellules.
A l’appui de toutes ces raifons viennent les
obfervations de M. Haies* qui dit formellement
avoir vu en mêrne tems fur une rivière, & la glace
de la fuperficie, & la glace adhérente au fond * &
qui foutienc que le fond des rivières le refroidit
plus tôt que les eaux de la fuperficie* qui font
calmes ; en forte que le mouvement des eaux courantes
s’oppofe plus à leur congélation * que la
fituation du fond de la rivière à fon refroidiffe-
ment jufqu’ au delà du point de la congélation* &
ces principes ne peuvent être conteftés lorfque
les faits viennent à leur appui. Or * ce font ces
faits que Haies foutient * tant d’après fa propre
obfervation * que d’après le témoignage des gens
de rivière.
Qu’oppofent maintenant à toutes ces raifons les
phyficiens contraires à ce fyftème? Aucun principe
folide. Ils ne répondent point d’abord à la diftinc-
tion de l’état des glaces compares & fpongieufes
fuivant les lieux où elles fe forment, & c’ eft d’après
leur examen que les gens inftruits ont adopté
toutes les obfervations des matelots, ou plutôt il
y a des gens inftruits qui ont vérifié ces faits , &
qui ont vu les glaçons fpongieux réfidant fur le
fond.
Ils nous difent bien que des grumeaux de glace
formés fur toute la fuperficie de l’eau, & principalement
vers les bords de la rivière , font entraînés
* atténués de toutes parts, & , chargés de
toutes les matières étrangères qu’ils portent avec
eux ou qu’ils rencontrent fur leur chemin de terre*
de vafe* d’écume, ils forment au deflus ou au
deflbus des gros glaçons cette fuperficie âpre &
grumeleufe qui ri y eft pas moins ordinaire i &
c'eft ainfî* dit-on, que ces glaces portent l’empreinte
du terrain fur lequel ils ont pris nailfance.
Cette formation paroît fort compliquée, & beaucoup
moins fimple que celle de la formation lur
le fond avec tous les interftices des graviers de la
vafe * qui forment autant de cellules dans les glaçons.
D’ailleurs, les grumeaux de glacefpongieufe
qui viennent flotter à la furface de l'eau font
les
les élémens des glaçons fpongieux qui fe font dé- !
, tachés du fond avant d ’avoir grofll à un certain
point* & acquis un volume un peu confidérable.
.Ainfi même ces grumeaux font une preuve de la
- formation des glaçons fur le' fond; Ces explications
pénibles prouvent qu’on n’a pas faifi le
-procédé de la Nature & fa marche* qui eft plus
fimple que ces moyens compliqués qu’on imagine
fi en fe bornant à de petits faits.
Glaçons qui flottent fur la mer.
• Il eft néceflaire de diflinguer deux fortes de
''’glaçons de mer, les glaces qui forcent des rivières
ï des continens, & celles qui font fournies par les
• terres voifines des pôles : les unes font produites
- par les eaux courantes* & les autres par les glaciers
des côtes.
•- Les premières font chariées dans la mer par les
fleuves & les rivières, & proviennent des golfes
qui fe gèlent en tems calme & froid. La marée les
- foulève & lés détache en glaçons. Ces différentes;
fortes de glaçons couvrent de grandes étendues de
mer , qui entourent les pays froids.
Ces glaces font reconnoiflables en ce qu’elles
n’ont jamais une grande épaiffeur, & qu’elles fe'
trouvent difperfées le long des côtes' : leur rencontre
annonce même afîez fouvent l’ approche
des terres.
Comme les côtes bordées de glaces font fouvent
gelées & couvertes de neige * les vents qui prennent
la température du fol fur lequel ils paflent, y
font très-froids lorsqu’ ils viennent de terre. Tous
c=s détails nous ont été tranfmis par les navigateurs
qui les ont recueillis.
Quant aux glaces polaires, il paroît que ce font
des produits des glaciers réfidant le long des côtes
des terres polaires. \
n . Nous devons à M. Cook dans fon deuxième
voyage , & à Forfter dans le cinquième volume de
ce voyage, de nous avoir fait voir quelamern’a pas
befoin de-terre pour geler. Il paroît que l’ opinion
contraire étoit trèsTondée par rapport aux glaces
qui viennent de l’ intérieur des continens ou qui fe
forment le long des côtes.
- On connoît bien à préfent, & à peu de chofe
près, l’étendue des glaces polaires. Plus les baleiniers
& les navigateurs habiles ont avancé vers les
pôles, plus les glaces, éparfes fe font trouvées ferrées
de manière à faire dès tnaffes folides qui ne
laiflent plus de vides entre les glaçons primitifs.
Si la chaleur diminue à proportion de ce que
les rayons folaires font plus obliques , il s’enfuit
que , fuivant l’obfervation * plus on avance vers le
p ôle, & plus il y a de glace; mais nous devons
dire qu’ il fe peutj& que même-i^doit arriver que
des caufes accidentelles & rares faflent que, dans
le court été des mers polaires, des orages & des
vents chauds du fud aient p u , pour quelques
jours* éloigner & difperfer de grandes parties de
Géographie-Phyflque. Tome IV ,
glaces, & avoir rendu ces parties navigables poir'r
un tems* & que certains ; navigateurs s’y foien’t
trouvés dans ces intervalles de tems.
On doit conclure de ces faits , combien ces
mers font dangereufes* puifque le moindre vent
contraire pourroit ramener-les glaces & y renfermer
les navigateurs. On dît même qu’en un inf-
tant de calme de grandes étendues de mer font
prifes* & que les vaifleaux ne peuvent être dégagés
que par des coups de vent qui caftent &
difperfent les glaces.
Nous favons que ces glaces varient de forme •&
de volume comme d’emplacement * fuivant lés
ouragans & les tempêtes qui les tourmentent*
Tantôt elles fe forment & s’accumulent, tantôt
l’eau de la mer, qui eft moins froide au fond * &
où elles plongent fi avant, les fait fondre Sc creva
(fer.
Les grandes glaces polaires* ainfi que les blocs
qui s’en détachent & font poufles jufque dans les
latitudes chaudes par les vents & les courans* font
remarquables parleur grande hauteur, qui eft bien
fupérieure à celle des glaces côtières , car ces montagnes
de glace ont cent & cent cinquante pieds
de hauteur.
Les phyficiens favent que leur formation commence,
comme celle des autres, par des champs
de glaces , qui* dans le calme* fe trouvent ébauchés
: la marée & les tempêtes les caflant * leurs
bris font poufles par les vents, qui les accumulent
les uns fur les autres* furtout s’ il fe rencontre un
point d’appui, comme un gros glaçon déjà formé,
& particuliérement une île, un banc de fable.Voilà
comment* dans les mers polaires les plus éloignées
des terres, les glaces commencent fans qu’elles
aient befoin de la proximité des terres. Les plus
grofles miffes font réfiftance ; les vagues les pouffent*
& il fe forme de grands blocs.'
Mais de plus* relativement à ces grandes glaces
, il faut remarquer que* quand des tempêtes
les ifolent* & qu’elles ne touchent pas-le fond , fi
le poids devient plus fort d’un côté que de l’autre,
la mafle, ayant perdu l’équilibre* fait la culbute
pour que le centre de gravité occupe la partie inférieure.
Les matelots occupés à la pêche de la
baleine font fouvënt témoins de pareils effets* &
nos grands voyageurs nous rapportent avoir eu
plufieurs fois le plaifir de voir de ces culbutes* &
d’entendre en même tems l’affreux craquement des
glaces dans les dégels ou les tourmentes des ouragans.
Il faut obferver que la première difpofition des
lames de glace ne fe trouve plus dans le même fens
après ces culbutes; car les additions qui fe font ,
s ’adaptent toujours dans la partie inférieure , & il
en réfulte des mafles immenfes de toutes pièces.
Les neiges, les brumes & le brouffîn de la mer
font des caufes plus que fuffifantes pour augmenter
la hautéiir des glaçons, qui devient effrayante , &
O o