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tendoit qu’elles n’ empruntoient leurs, eaux que de
la mer. Ces deux opinions font prefque les feules <
qui aient partagé les phyficiens dans tous les tems. J
Plufieurs écrivains, depuis Cardan,ont adopté l’ une •
des deux; mais la plupart fe lont bornés à des
moyens très-imparfaits : tels font Lydias , Davity,
Gaffendi, Duhamel, Scottus & le Père François.
On peut confulter, fur ces détails, le Traité de Perrault,
deY Origine desFontaines : on y trouvera vingt- J
deux hypothèfes, qui toutes fe rapportent aux deux
ptincipales dont nous venons de parler. On ajoutera
aux auteurs qui y figurent, P lot, dont l’ ouvrage
eft une efpèce de déclamation cù l’ on trouve
beaucoup de crédulité, peu de raifons, & encore
moins de choix 8c de certitude dans les faits. Cet Anglais
adopte les canaux fouterrains. Bernard PalifTy,
qui avoir plus vu & mieux vu que tous ces favans,
étoit fi oerfuadé que les pluies formaient les fon-
t h e s , & quel’ organifation des premières couches
de la Terre: étoit très-favorable à l’amas des eaux,
à leur circulation & à leur émanation, qu’ il pu-
blioit hautement être en é tat de les imiter.Ii auroit
organifé un petit monticule, fuivantla diftribution
des couches qu’il avoit remarquées à la fnrface de
la Terre dans les lieux qui lui avoient offert, des
fources. On verra, par la fuite, que cette promefie
n’ étoit point l’effet de ces charlatanifmes dont les
favans ne font point exempts, 8c que les ignorans
qui s’en plaignent & qui en font les dupes, rendent
fouvent néceffaires.
La première chofe qui fe préfente dans cette
queftion efl que les fleuves & les rivières vont fe
fendre dans des golfes ou dans de grands lacs où ils
portent continuellement leurs eaux. O r , depuis
tant de fié clés-que ces eaux fe raffemblentdans ces
grands réfervoirs, l’Océan & les autres mers
auroient débordé de toutes parts, | & inondé la
Terre fi les vaftes canaux qui s’y déchargent, y
portoient des eaux étrangères qui ajouraffent a leur :
irnmenfe volume. 11 faut donc que ce Toit la mer '
qui fournifie aux fontaines cètte quantité d’eau qui
lui rentre, & qu’en conféquence.de cette circula- j
tion les fleuves puaient couler perpétuellement, ;
& tranfporter une maffe d’eau confidérable fans ;
tron remplir le vafte baffin qui là reçoit.
Ce raifonnement eft un point fixe auquel doivent
fe réunir toutes les opinions qu’ il eftpofiîble d’imaginer
fur cette matière, & qui fe préfentent d’abord
dès qu’ on fe propofe de difcuter celles qui le font
déjà. Mais comment l ’eau va-t-elle de la mer aux
fontaines ? Nous favons bien la route qu'elle tient
pour retourner des fontaines à là mer, parce que
les canaux de conduite font pour la plupart expôfés
a la vue du peuple comme des phyficiens ; mais ces
derniers ne font pas d’accord fur le mécanifme qui
reporte l’irnmenfe quantité d’eau que les fleuves
charient dans les réfervoirs de leurs fources. / .
- j e chnfidère, en fécond lieu , que l’eau de la mer
èft faféé, & que celle des fontaines eft douce, ou
que5 fi elle eft chargée de matières étrangères, on
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peut fe convaincre aifément qu’elle ne les t'fe pas
de la mer. Il faut donc que le mécanifme du tranf-
port ou que nos tuyaux de conduite foient orga-
nifés de façon à faire perdre àftFau de la mer, dans
le trajet, fa falure , fa vifcofité & fon amertume. .
En combinant les moyens que les auteurs qui
ont écrit avec le plus de lumière 8c de fagefle fur
l ’origine des fontaines, ont effayé d’établir pour fe
procurer ce double avantage, on peut les rappeler
à deux claffes générales. Dans la première font
ceux qui prétendent que les vapeurs qui s’élèvent
par évaporation de deflus la furiacë de la mer, emportées
& dfiioutes dans l’atmofphère, voiturées
enfuice par les vents, fous la forme de nuages épais
& de brouillards , arrêtées par lés Tomme rs élevés
des montagnes, condenféesen ro'.ée, en neige, en
pluie , faififfant les diverfes ouvertures que- les
plans inclinés des collin.es leur offrent pour s infi-
nuer dans le corps des montagnes ou dans les couches
propres à contenir l’eau, s’arrêtent 8c s af-
femblentfur des lits de tuf 8c de glâife, & forment,
en s’échappant par la pente de ces hts & par leur
propre poids, un t fontaine paflagère ou perpe--
tu elle, fui van t Té te ri due du baflinqui les raffemble,
ou plutôt.fuivant celle des couches qui fournifTenc
au baflin. . .
Dans la fécondé clafie font ceux qui imaginent,
dans la maffe du Globe, des canaux fouterrains, par
| lefquels les eaux de la mer s’infinuent, fe filtren*,
fe diflillent, 8e vont infenfiblernent, en s'élevant,
remplir^des cavernes qui fourniffent a la dépenfe
des fontaines. Ceux qui foutiennent cette dernière
opinion, l ’expofent ainfi : la Terre eft remplie de
grandes cavités 8e de canaux fouterrains qui foi t
comme autant d'aqueducs naturels, par lefquels
les eaux de la mer parviennent dans drs cavernes-
creufées fous les bafes des montagnes. Le feu fou-
terrain fait éprouver aux eaux rafifemblées dans ces
efpèces de cucurbitës, un degré de chaleur capable
de la faire monter en vapeurs dans le corps
même de la montagne, comme dâns le chapireau
d’un alambic. Par cette diftdlatiôn, l’eau falee
dépofe Tes fels au fond de ces grandes chaudières ,
mais le haut de ces cavernes eft a fiez froid pour
condenfër 8c fixer les vapeurs quife raffemblent;&.
s’accrochent aux inégalités des rochers, fe filtrent
à travers les couches de terre entrouvertes, coulent
fur les premiers lits qu’e-llès-rencoi tient, juf-
qu’ à ce qu’elles puilfent fe montrer en d'hors par
des ouvertures favorables à un écoulement, ou
qu’après avoir forme un amas, elles fe cieufent un
paffage & produifent une fontaine.
Cette diftilla«ion , cette efpèce de laboratoire
fouterrain, eft de l’ invention de Defcartes ( Pri/z-
cip, IVpart. §. 64) , qui dans les matières de-phy-
fique imagina trop, calcula peu, 8f s attachaencore
à renfermer les faits dans de certaines limites, 8c à
s’aider , pour parvenir à la folutiôn des queftions
obfcures, de ce qui étoit expofé à fesyeux. Avant
Defcartes, ceux qui avoient admis ces routes fou-.
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terraînes, n* .»voient pas diftiilé pour dégager les
fds deTeau de la mer; &.il faut avouer que cette
refrource auroit lîmplifié leur échaflaudage, fans le
rendre néanmoins plus folide.
Dai.s la fuite , M. de la Hire (Mém. de VAcad. ,
anri. 170.3) crut abandonner les alambics comme
i iutiks, 8c comme un travail imité de l ’a rt, toujours
fufpedtde fuppofition dans la Nature. Il fe ref-
creignità dire qu’il fuffifoit que l’eau de la mer parvînt
par des conduits fouterrains, dans de grands
réfervoirs placés lous les continens au niveau de
la mer, d’où la chaleur du fein de la T e r re , ou
même le feu central, pût l’élever dans de petirs
canaux multipliés qui vont fe terminer aux couches
de la furface de la T erre , où les vapeurs fe con-
denfent en partie par le froid, 8e en partie par des
•fels qui les fixent. C ’e ft, pour le dire en paffant,
une mëprife affez fingulière, de prétendre que les
Tels qui fe dfifolvent dans les vapeurs, puiffent les
fixer. Selon d’autres phyficiens, cette même force
qui foutient les liqueurs au deffus de leur niveau
dans les tubes capillaires ou entre des plans contigus.,
peut faciliter confioérablement l ’élévation
de l’eau marine adoucie. ( Voye^ C apillaire ,
T ube , Attraction. ) On a fait jouer aufli par
-fupplément l’a&ion du flux & du reflux : on a cru en
tirer avantage, en fùppofant que fon impulfion étoit
capable de faire montera une très-grande hauteur,
malgré les lois de l’équilibre, les eaux qui circulent
dans les canmx fouterrains: Ils ont cru aufli
que le reflort de i’air, dilaté par la chaleur fouter-
raine, 8c qui foulèvele.s molécules du fluide parmi
lefqueiies il eft difperfé, y entroit aufli pour beaucoup.
La diftilbtion imaginée par Defcartes avoit pour
but de défraier l’eau de la mer , & de l’élever au
deflus dè.fon niveau. Mais ceux qui fe font contentés
de la faire filtrer au travers des lits étroits & des
couches de la T erre , comme M. de la Hire, ont
cru, avec l’aide de la chaleur, obtenir le même avantage
, & ils fe font fait illufion. i° . L’eau de la
mer, que l’on veut faire monter par Tadtion des
canaux capillaires formés entre les interftices des
fables ou autres terres, ne produit jamais aucun
écoulement, parce que les fables 8c les terres n’attirent
point les eaux douces ou falees en affez
grande quantité pour produire cet effet. M. Perrault
( Orig des Font. pag. 15-4 ) prit un tuyau de
plomb d’un pouce huit lignes de diamètre & de
deux pieds de long ; il attacha un réticule de toile
par le bas, 8c l’emplit de fable de rivière fec &
pafré au gros fas. C e tuyau ayant été placé perpendiculairement
dans un vafe d’eau à la profondeur
de quatre lignes, le liquide monta à cinquante-
neuf pouces dans le fable. Boyle, Hauksbée 8c de
la Hire ont fait de femblables expériences , 8c
i ’eau s’eft élevée de même à une hauteur confidë-
rable : mais M. Perrault alla plus loin ; il fit à fon
tuyau de plomb une ouverture latérale de fept à
huit lignes de diamètre, à deux pouces au defc
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fus d e h fu r fa c è d e l'e a u d u vafe à c e t t e o u v e r tu
r e , ila d a p r a , dans une fi tu a d o n in c lin é e , un tu y au
aufli p le in d e f a b l e , & y p la ça un m o r c e a u de p a p
ie r gris q u i d é b o r d o i tv e r s d ’o r i f ic e in f é r ie u r e .L ’e au
pénétra dans cette efpèce de goutière & dans le
papier gris,, mais il n’en tomba aucune goûte par
ce canal : on ..n'en put même ex primer en prtfilant
avec les doigts le papier gris mouillé. Tout cet
équipage , tiré hors du vafe, ne produifit aucun
écoulement. Il n’avoit lieu que lorfqu on verfoit
de l’eau par le haut du tuyau j &: le tuyau ayant
été rempli de .terre au lieu de fable, on n'appet çut
aucun écoulement, & la terre àbforboit plus d eau
que le fable quand on en verfoit par le haut ; ce qui
a été obferve depuis par M. Réaumur. Il paroît
qu’ il faut , pour pénétrer la T e r r e , une quantité
d'eau égale au tiers de fa maffe.
2®. M : P e r rau lt fo u rn it à la m êm e e x p é r ie n c e d e
l ’e au fa lé e . L e s fa b le s c o n t r a & o ie n t d ’ a b o rd un
c e r r ta in d e g r é d e fa lu r e , & l ’ e au d im in u o i t un
p e u d e fo n am e r tum e ; mais lo r fq u e le s c o u lo i s
s ’ é to ie n t un e fo is c h a rg é s d e f e l s , l ’ e au q u i s’ y fil-
t r o i t , n’ en d é p o fo i t plus ; & d ’ a i lle u r s , d es p e r c o la
t io n s r é i t é r é e s au t ra v e r s d e c e n t d iffé r en te s
m a tiè re s fa b lo n n eu fe s n ’ o n t p o in t e n t iè r em e n t
d e ffa lé l’ e au d e la m e r . V o i l à d e s fa its tr è s -d e ft ru c -
t i f s d e s fu p p o f it io n s p r é c é d e n t e s . O n p e u t a jo u t e r ,
à c e s e x p é r ie n c e s , d ’au tr e s fa it s aufli d e c if ifs . S i
l’ e a a f e d e f f à lo i t par la f iltra tio n , m o in s e lle a u r o it
fa it d e t ra je t d ans le s c o u c h e s t e r r e f i r e s , & m o in s
e lle fe r o i t d e ffa lé e . O r , on t r o u v e d e s fontaines &
m êm e d es p u its d ’ e au d o u c e fu r le s b o rd s d e la
m e r , 8c d es fo u r c e s m êm e dans le. fo n d d e la m e r ,
c om m e nous le v e r ro n s par la fu it e . I l e ft v ra i q u e
I qu an d les e au x d e la m e r p é n è t r en t dans le s fa b le s
en fe r éu n ifia n t au x p lu ie s , e lle s p ro d u i fe n t un m é la
n g e fa um a ch e 8c falin ; mais il fu ffit q u ’on t r o u v e
d e s eaux..dcwices dans d e s fontaines a b o n d an te s 8c
dans d es p u its v o ifin s d e la m e r , p o u r qu e . l’ e n
p u ifle fo u te n i r q u e .ie s e au x d e la m e r ne p e u v e n t
fe d e ffa le r pa r u n e filt r a t io n foU te r ra in e . O . i n ’a llé
g u e r a pas fans d o u t e le s e a u x f a l é e s , p u i fq u ’ i l
> s’ en t r o u v e au m i lie u des te r r e s , c om m e e n A l -
■ f a c e , en F r a n c h e - C o m t é , à S a lin s ; & d ’ a i lle u r s ,
i l e ft c e r ta in q u e c e t t e e au n’ e ft fa lé e q u e p a r c e
q u ’ e lle d if lb u t d es mines d e fe l. E n g é n é r a l , o n
p e u t o p p o fe r à l’h y p o th è fe q u e n o us v en o n s d e d é c
r i r e , p lu fieu r s d iff icu lté s t r è s - fo r t e s .
i° . On fuppofe , fort gratuitement, des paf-
fages libres & ouverts, depuis le lit de la mer jusqu’au
pied des montagnes. On n’a pu prouver, par
aucun fa it, l’exiftence de ces canaux fouterrains :
on a plutôt prouvé le befoin que l’on en a , que leur
réalité ou leur ufage. Comment concevoir que le
lit de la mer foit criblé d’ouvertures, 8c la maffe du
Globe toute percée de canaux fouterrains ? Voyons-
nous que la plupart des lacs 8c des étangs perdent
leurs eaux autrement que par des couches de
glaife ? Le fond de la mer eft ta pillé 8c recouvërt
d’une matière vifqneufe, qui ne lui.permet pas de
A a z