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tures fe font en trois fols ; l’une en froment, mé- !
teil ou feigle } la fécondé en avoine, orge , vefee
& autres menus grains ; la troifième en jachère,
que certains fermiers commencent à fupprimeren
y fubftituant du farrafin & du fainfoin y ou des
prairies artificielles i on n’emploie que des chevaux
pour le labourage.
11 exiftè , dans ces environs, une grande couche
de tourbe martiale de quarante-cinq lieues de
large, fur dix-fept à Yingt de longueur moyenne.
Sa longueur s’étend du nord-oùeft au fud-eft,
depuis Pienne 8c la Terrière, entre le Cabelet &
Cambray, jûfqu’à Béaürieux, fur les bords de
YAifne -, entre Laon & Rheims. Sa largeur , du
nord-eft au fud-eft, s’ étend, à partird’Homblière
3c Itancourt, jufqu’au-delà des fouilles de Go-
lancourt, entre Ham & Noyon. On fe fert plus
communément dé la tourbe martiale pour engrais,
après l’avoir laiffée effleurer a 1 air, 8c même y
avoir mis le feu. C èt engrais eft pour lors connu
fous le nom d& cendre noire. ' _
Le département de la Marne, qui renferme
cette portion de la Champagne fi renommee par
fes vignobles, eft un dés plus ftériles de la France ,•
il n’offre qu’une grande plaine, o u i on ne trouve
prefque partout qu’un amas dé craie ou de greve
entraînée par les eaux le long des vallees, recouv
e r t de peu ou point de terre jaune : on -y rencontre
à peine quelques bùiffbns, quelques arbres
foibles où languiffans où l’on puilfe repofer la vue >
•cej>endant cette grande étendue de terre eft bordee
de quelques parties plus fertiles qui en rompent
la trille & défolantè uniformité. On remarque,
à l’ oueft de Rheims jufqu’ à Fifmes, un pays plus
favorifé de la Nature. En partant de Fifmes 8c en
traverfant la vallée de Nofon , le balfin occidental
de la Marne, la partie limitrophe du département
*de l’Aifne, de' Seine & Marne, 8c de l’A u b e ,
nommée autrefois Brie champenoite, juiqus: vers
Anglurë, on trouve des iîmbris de terres fortes
& profondes } enfin le Perthois & la lifière de la
Haute-Marne & de la Meufe, depuis Vitry jufqu’
à Sainte-Menehould & au-delà, en tuivant le
cours de 1*Aifn e , préfettent un fol heureux Ô£ ©n
général produ&if. Dans les terres légères &
crayeufes de la Champagne on Cultive ie leigle,
l’avoine & le farrafm. Les terres fortes produilènt
des blés qui font eftimés, du Chanvre, & renferment
en outre de vaftes -forêts j mais on-alterne
avec l’orge & l’avoinè , & tous les trois ans les
terres reftent en jachère. On emploie les chevaux
pour le labour, & dans les terres fortes ôn en
attèle depuis déüx jufqu’ à fix & huit.
Les méthodes de cultures dans je departement
de l’Yonne font très-variées du côté de lo u a it,
pays de bocages & d’étângs qai avoifine le Gàti-
nois. Les champs font ordinairement 'très-petits,
clos de haïes vives & plantés d’arbres fruitiers ou
foreftiers. La terre y eft fortement argifeiifé , &
la charrue y eft conduite par deux hommeis &
traînée par quatre chevaux ou huit à dix boeufs.
Au fud & à l’e ft, dans les cantons voifins de la
Nièvre, prefque tout eft vignoble. Au nord ort
cultive des plantes céréales. Les produirions font
des grains de toute efpèce en abonjdance, des
chanvres, des légumes, des fruits, du cidre, &
furtout du vin.
Les bonnes terres du département de l’Orne en
Normandie ; & furtout les plaines de Séez &
d’Argentan , produifent principalement le blé 8c
l’orge en deux années confécutives ; elles fe reposent
la troifième année: quelques-unes portent,
fur le guéret, du trèfle , de la v e fe e , différentes
qualités de pois & autres plantes que confomment
les beftiaux. Les deux tiers, à peu près, des terres
font àinfi cultivés > l’ autre tiers, comprenant la
plus grande partie de rarrondifîement de Dom-
fronr, une partie de celui d'Argentan, une petite
partie de celui d’ Alençon , ne produit guère
que le feigle s l’avoine & le farrafin. La terre fe
repofe enfuite depuis trois jufqu’ à fept années.
-L’hêrbè & les g:nê tï qui croiffent dans cet intervalle
fervent à la nourriture des bêtes à cornes & à
laine, qui font en affez grand nombre. On cultive
auflî beaucoup de pommiers & de poiriers pour
faire du cidre dans le département de l’Orne.
Le fol du département d’ ille 8c Villaine, partie
orientale de la Bretagne, généralement argileux.
& de peu de confiftance , eft entrecoupé, dans les
autres parties, de collines ou de coteaux qui le
rendent plus folide. Il n’ y a guère que la moitié du
terrain en culture. La couche de terre végétale,
fehifteufe ou graveleufe, très-mince, préfente un
fol a peine médiocre, où la végétation ne fe foù-
tient qu’à la faveur de l’humidité habituelle de
iarmofphère. Le cours des moi (Tons eft, i&. le farrafin}
20. le froment, le méteil, le feigle 8c l’orge5
3®. l’avoine. Oii y cultive auffi un peu la pomme de
terre, le lin âc le chanvre davantage} mais le châtaignier
y croît en grande quantité, & fournit un
aliment tellement abondant, qu’on le nomme l’arbre
à pain de ces contrées : on la rendu, dans ces dernières
années , beaucoup plus, productif encore.
Le fol varié dans le département de Maine 8c
Loire, qui fait partie de l'Anjou. Il eft argileux
dans les terres les plus "fécondes, 8c fehifteux du
côté d’Angers } calcaire dans les environs de
Baugé 8c de Saumur, fibeeux dans les landes de
Beaupréaux 8c autres lieux. La culture eft en même
teins variée. Les arrondiffemens qui joignent, à
l ’ell , l ’ancienne Touraine, font, comme elle, féconds
èn fruits 8c en légumes. Ceux vers l’oueft>
attenant à la Bretagne, ont, comme elle, des pâturages
, des prairies 8c des landes vers le fud.
Outre les productions de grains, les terrains fe
prêtent aux prairies artificielles, aux légumes &
aux racines pour les beftiaux. Vers le nord, qut
tient à l'ancien Marne, outré les fromens les-
feigles 8c les lins qu’on y recueille , on a auffii
des pommiers 8c dès châtaigniers*.
L ’afpe&dela Loire-Inférieure & des départemens
circonvoifins eft enchanteur. Le cours majeftueux
de la Loire, les rives ombragées de l’Erdre, la Sevre
qui roule fouvent comme un torrent à travers les
rochers, rappellent les beaux fîtes de la Sjuifle & de
l’Italie. La Loire-Inférieure produit des fromens,
des feigles, peu de farrafin, des châtaignes, des
légumes, des vins d’une excellente qualicé.
Dans le département de la Vienne, lesterresdes
environs de Poitiers font généralement maigres 8c
fablonneufes. La partie du nord eft plus fertile. La
vigne paroît être la partie dominante, 8c le fol de
ce département eft un fable gras, une terre noire,
& quelquefois une argile glaifeufe 8c une marne
brûlante. L’arrondiflement de Châtelleraut 8c de
Montmorillon eft en grande partie couvert de
landes 8c de bruyères , 8c l ’on trouve des plaines
fablonneufes qui ne produifent quedufeigle } mais,
du côté de la Charente, on rencontre des terrains
plus fertiles, où fe cultive avec avantage le maïs
& autres fortes de grains. En général, le territoire
de ce département n’eft pas productif à un
certain point.
, Les produirions du département de la Haute-
Vienne confiftent en blés , froment, vignes, fei- ,
g le , o rg e , avoine, pois, chanvre, lin , noix,
châtaignes, 8c en quelques endroits en pommes
de terre. La charrue eft la petite charrue que les
gens du pays appellent areau (aràtrum) ; elle eft
attelée de deux boeufs. Il y a , du côté de Lou-
dun , de grands marais formés pat la Dive &.la
Palîu, qui pourroient être facilement defîechés.
La récolte des blés fe fait dans les mois de juillet
8c d’août.
Dans le ci-devant Poitou, les départemens de
la Vendée Sc des Deux^Sèvres font coupés par
de vaftes marais 8c des bois ; ce qui partage le
pays en trois parties , le bocage, le marais 3c la
plaine, qui diffèrent, fous le rapport du fo l, des
produits & même des moeurs 8c des coutumes de
leurs habitans. La topographie des marais de ces
contrées eft fi curieufe & a eu une fi grande influence
dans la malheureufe guerre de la Vend ée,
qu’ il nous paroît intéreffanc de la faire connoître
en détail. Nous adopterons la defcription qu’en a
faite un auteur, d’après l’examen qu’ il en a fuivi
fur les lieux } elle délaffera un peu nos lecteurs des
détails arides 8c uniformes où nous fommes fou-
vent obligés d’entrer.
La partie du marais, fituée hors des ceintures,
préfente un afpeft bien différent de celui du marais
defféché. Les endroits les moins bas de cette
partie font enfevelis fous les eaux depuis.novembre
jufqu’en juin, 8c quelquefois plus tard.
Les bas-fonds ne fe deffèçhent jamais. Pour les
rendre plus utiles, ondes a coupés de canaux inr
nombrables, qui fe communiquent tous, $c ne font
féparés les uns des autres que par des terriers de
douze à quinze pieds de largeur, chargés en couronne
du produit de l ’excavation. Ces terriers ,
] extrêmement fertiles, font tous plantés en faules,
en frênes, en aubiers, en peupliers, & quelquefois
en chênes. L’émonde de ces arbres, qui ne fe
brûle pas fur le lieu ou dans l’ intérieur, s’exporte,
en fagots, à la Rochelle ou à l’ île de Rhé. Les
i troncs , appelés cojfes de marais > font très-recherchés
dans la plaine} iis produifent un feu brillant
& fort durable.
1 Les habitans de ce pittorefque féjour femblent,
au premier coup-d’oe il , les plus malheureux de$
hommes. Leurs chaumières , de branchages & de
boue, font couvertes de rofeaux. Le même toit
I recèle le père, la mère, 8c prefque toujours une
' nombreufe fuite d’enfans, une ou deux vaches %
quelques brebis 8c les'chiens s 8c tous ces individus
n’ont fouveqt, pour prendre leurs ébats,
qu’une langue de terre de vingt-cinq à trente pas.
Ignorés du refte du Inonde, ils vivent, au fond de
leurs labyrinthes ina,ccefiibles, du produit de leur
pêche & du lait de leurs vaches, dont ils vont cher-r
cher la nourriture en bateau dans les canaux des
environs. Le filence de ces déferts marécageux,
qui n’eft interrompu que par le cri de quelques
oiféaux aquatiques} l’ombre myftérfeufe que répandent
fur les canaux les branches entrelacées,
la pâleur 8c l’ air miférable des habitans, cette li-
fière étroite qui femble mettre entr’eux 3c les
autres hommes un intervalle immenfe, la teinte
fombre du payfage , tout infpire, au premier af-
p e ft, un fentirrient pénible de mélancolie, dont il
eft difficile de fe défendre } mais, en pénétrant dans
l ’intérieur, la fraîcheur de cesi>erceaux, les finuo-
fités de ces promenades fur les eaux , les variétés
innombrables d’oifeaux qu’on rencontre à chaque
pas, & qu’on ne rencontre que là , font fuccéder
à ce. premier fentiment un recueillement qui a auffi
fes charmes,
Le froment, l’orge d’hiver & l ’orge d’ é t é , appelé
communément baiilarge , un peu d’avoine
& prefque pas de fe ig le , font les produits de la
culture du département des Deux-Sèvres dans
tous Jes lieux où l’on ne cultive pas la vigne Se
qtii ne font pas en prairies } mais, dans l’arrondi f-
fement de Melle , petit pays de deux lieues de
rayon, l’agriculture eft plus perfectionnée, les
propriétés ont des clôtures, 8c, au lieu de laiffer
les terres en jachère , on y fècne du maïs ou
blé de Turquie. Le froment fe feme en général
fur les plateaux & dans les vallées 5 l’o rg e , le farrafin
ou blé noir, fur les terres hautes 8c granitiques.
Dans les marais, aux envir&n^ Sai.nt-
Maixent, on recueille beauebup de chanvre 8c de
iio,: c’eft furtout dans la partie fud-oueft du département,
qu’on cultive la vigne,,8cdans les terrains
peu fubftantiels , grayeleux ou pierreux. Le pla-
j teau granitique de ce q u’on appelle lagatine n’eft
( pas- propre à cette culture. Le feigle réuffit parfai-
[; tement dans ce dernier pays. Les terres donc le
fond eft fehifteux & formé d’un dépôt d’argile
pure conviennent à la culture de l’avpiçe : les uns