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Les rivières qui font auprès de Gênes roulent
des cailloux de lchiftes, de granits, de porphyres
& de marbre. Ces matières viennent de plus
haut.
Parmi les objets d'hiftoire naturelle qu'on remarque
dans TÉtat de Gênes, on ne doit pas paffer
fous lilence le phénomène fingulier qu’on obferve
au milieu du golfe de la Spezia , l’ un des plus
beaux!ports que la Nature ait formés. On trouve ,
au milieu de ce g o lfe , une fource d'eau douce,
qui foulève de quelques pouces le niveau de la
mer, & y forme une convexité de vingt pieds de
diamètre, oùlesbâteaux nelauroient relier. L'eau
en eft toujours trouble, lors même que celle de
la mer eft la plus claire. L'eau de la furface eft
moins falée que celle de la mer ; & à la profondeur
de trente-huit pieds & demi, où la fource fort de la
terre, elle eft douce, plus froide que celle de la
mer, & fo r t trouble.
Le fol de l'État de Gênes eft fec & ftérile. Les
chofes utiles à la fubfiftance de l’homme y c roif
fent en petite quantité. Peu de vin & encore
moins de blé oblige les Génois à tirer tout de
chez leurs voifins. Les oliviers réulfilTent afifez bien,
& quelques cantons font renommés pour la bonté
de leurs fruits. Parmi ceux qui viennent dans cette
contrée, on diftingue les orangers , les citroniers&
les cédras, q u i, par les effences qu'on en retire ,
fourniffent une branche de commerce avantageufe
aux habitans.
L e climat y eft doux & agréable.
Les huiles font la branche la plus confidérable
du commerce d’exportation de Gênes.
Les manufactures font en vigueur dans cette
ville. La plus importante eft celle des velours :
il s'en fabrique de toutes les efpèces, mais principalement
des noirs : ceux-ci paffent pour être
d’un plus beau noir que partout ailleuis. Cependant
les Génois ne fe vantent d'aucun fecret particulier
5 ils difent que c’eft la qualité des eaux qui
produit cet effet fur les teintures'. On y fait des
velours à deux faces, de couleurs différentes, ordinairement
un côté rouge, & l’autre noir. On y
pratique la méthode de redreffer le poil des v e lours,
qui n’eft pas d’ufage en France, & qui cependant
eft bien utile & bien fimple. On fe fert
pour cela d'une plaque de cuivre, pliée de manière
qu'elle forme deux plans inclinés d’environ neuf
pouces de pente, & d'une longueur fuffifante pour
foutenir la largeur d’une pièce de velours. La
ligne de réunion des deux plans eft d'une forme
demi-circulaire, & très-polie pour que le velours
gliffe fur cette efpèce de toit : on met au deffous
un bralier qui règne dans toute fa longueur, pour
échauffer le cuivre. Quand il eft médiocrement
chaud, on déroule la pièce de velours, & l’on
pofe la partie dont on veut redreffer le poils fur
la plaque ; enfuite on la frotte à deux ou trois re-
prifes, en fens différens, avec une petite broffe
très-ferrée & très-Jorte, 3c l’on ôte promptement
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le velours de deffus le cuivre, parce qu'il fe gâte-
roit pour peu qu'il y reftât. La couleur noire a
befoin d'un peu plus de chaleur que les autres
couleurs.
On fabrique encore à Gênes d'autres étoffes de
foie. Les damas font les plus confidérables après les
velours, & ces étoffes s'envoient dans toute l’Europe.
Il y a aufli des manufactures de laine & de
toile ; mais elles font peu de chofe en comparai-
fon des premières. Les fleurs artificielles s'ÿ travaillent
dans un grand degré de perfection, &
font lés plus bellès qu’il y ait au Monde.
Les papiers de Gênes ont une qualité particuliè
re , qui les rend précieux pour les nations qui
Iont moins de cas du coup-d’oeil que de l’utilité
réelle. Ils ne iont point iujets à être rongés des
vers, comme le beau papier d’Hollande j auffi les E f
pagnols Ôc les Italiens en font-ils grand ufage, foit
pour les titres qu'ils veulent conïerver , foit pour
envelopper les marchandifes. Ce papier a d’ ailleurs
une bonne odèur quand on le brûle, qualité
qui lui eft particulière.
On travaille très-bien le marbre à Gênes : on l’y
emploie plus que partout ailleurs. Un des plus
beaux eft le mijehio ou alabaftro di Seftri, qui fe
trouve à deux lieues de Gênes. Les marbres de la
rivière ou rive de Gênes étoient autrefois un objet
de commerce. On tiroit du marbre vert & rouge
de la Polcevera, à quatre lieues de Gênes ; mais
on n'exploite plus ces carrières parce qu’elles rendent
trop peu, & que le marbre en elt en général
trop tendre; mais les Génois font grand ufage de
celui de Carrare.
De tous les arts mécaniques, celui où les Génois
ont le mieux réuffi, eft l’ébénifterie ; ils font, en
ce genre, des ouvrages très-délicats, très-folides
& du meilleur goût.
Quelques auteurs ont fort décrié le caraéfcère
moral des habitans de cette ancienne République;
ils les ontaceufés d'être avares, trompeurs, jaloux
& vindicatifs : on a reproché les mêmes chofes
aux Italiens en général. Cependant M. de Lalande
n'y a rien apperçu de femblable. Il affure au contraire
que, dans la bonne compagnie de Gênes, on
y eft aimable autant que dans aucune ville d’Italie ; .
que la jeuneffe y eft mieux réglée que dans aucun
des endroits qu’il a parcourus. Il a paru feulement
au favant Académicien, qu’on y fait moins d'accueil
aux étrangers, qu'on y eft moins inftruit &
plus fier que dans les autres grandes villes d’ Italie.
Les Génois font fins & très-intelligens dans le
commerce : les moins cultivés ont un talent fingu-
lier pour les affaires d'intérêt ; ils font attentifs à
toutes les circonftances favorables au commerce ,
& les faififfent toujours avec avantage.
Gênes mérite, à jufte titre , la célébrité dont
elle jouit. Sa iïtuation, aflife fur le penchant de la
montagne & tout autour du port, préfente le coup-
d'oeil le plus, agréable & le plus grand que l’on
puiffe voir ( à l'exception de celui de Naples). En
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arrivant par Saint-Pierre-d’Arena k ville paroît
fortir pour ainfi dire du fond de l'eau , mais on la
voit s'élever d’une façon fingulière à mefure que
l’on defeend vers le port.
L'enceinte extérieure de Gênes fait un circuit
de neuf mille fept cents toifes, c'eft-à-dire, quatre
lieues de France. L’intérieur eft rempli de beaux
palais, & il n'y a point de ville au Monde fi fu-
perbe en édifices de marbre.
Les fontaines de la ville font formées par un
aqueduc qui vient de la Seuffara, à cinq milles au
levant de Gênes ; il paffe par la porte Saint-Barthé-
lemi, fait aller des moulins dans l’intérieur même
de la v ille, & fe partage en plufieurs canaux dans
diffc'rens quartiers de la partie orientale de Gênes.
Dans la partie occidentale, il y a des fources, des
réfervoirs d'eau & des citernes.
Les eaux des pluies & des torrens qui viennent
des hauteurs, & qui ont befoin d’écoulement, font
reçues dans fix canaux placés de diftance en distance,
& qui débouchent dans le port, l'un dans la
darfe des galères , les autres en différens endroits.
Le port de Gênes eft un demi-cercle qui a'mille
toifes de diamètre, & la ville eft bâtie tout autour
en amphithéâtre, fur une longueur de plus de dix-
huit cents toifes.
J Le port eft fermé paf deux môles, l’ un à l’orient,
l’autre a l’occident : des vaiffeaux de quatre
vingts canons peuvent entrer dans le port, &
fe placer dans l’angle du môle.
L'ouverture du port, entre les deux môles, eft
dé trois cent cinquante toifes ; elle eft fujète au
vent du fud-oueft, appelé libecio, qui fatigue fou-
vent beaucoup les vaiifeaux, même dans le p or t,
quoiqu’il n’y vienne pas directement. Quoique
cette ouverture Soit très-grande, l'entrée en eft
difficile, & il faut prendre avec foin fa direction
du levant au couchant pour y entrer fans rifque.
G EN E SV IL L E , village du département de
Seine & O ife , arrondiffement de Mantes , à trois
lieues un tiers de cette ville. Dans le territoire de
ce village il y a plufieurs indices d’une mine d'argent.
Le propriétaire fit faire un puits de deux
toifes de profondeur & d'égale largeur, à environ
trois toifes de diftance du moulin de ce lieu : on
a vendu à des orfèvres des morceaux de minerais
qu’on en avoit tirés. Suivant la tradition du pays,
la mine n'eft pas à plus de deux toifes de profondeur.
GENÈVE ( Lac de ) ou lac LÉMAN. Son nom
de Léman lui eft donné par Céfar & d’ autres auteurs
anciens> fans doute d’après le nom que les
Celtes ou Gaulois , premiers habitans de ce pays, :
employoient pour le défigner. On fait qu'en langue
celtique,limen ou liman fignifioit un lac.
Ce lac eft fitué à peu près au milieu d'une large
vallée qui fépare les Alpes du mont Jura. Le
Rhône, en fortantdes Alpes du Vallais, â l'extrémité
dcfqueliesil a fa fource, vient traverfer cette
•vallée qu'il a creufée lui-même, Sc qui a lervi depuis
de baffin au lac. Ses eaux rem pli fient ce baf-
fin, étant foutenues par une chauflée qui eft placée
aux environs de Genève, & qu’ils franchiffent
pour verfer fon trop-plein. Là le Rhône fe dépouille
du limon dont il étoit chargé ; il fort en-
fuite très-pur de ce grand réfervoir lorfqu'il vient
traverfer la ville de Genève.
La longueur du lac, rnefurée fur la rive occidentale,
depuis Gene\e jufqu’à Ville-Neuve, en
paffant par Verfoix & par le pays de Vaud, e ft,
fuivant M. Fatio, de dix-huit lieues communes &
trois quarts ; mais cette même diftance, rnefurée
en ligne droite par-deftus le Chablais, n'eft que de
quinze lieues. D’après les mefures qu’ont prifes
MM. Mallet & PiCtet en levant la carte du lac,
cette dernière diftance de Genève à Ville-Neuve ,
en paffant en ligne droite par-deflus le Chablais,
eft de trente-trois mille fix cent foixante-dix toifes
de France ; ce qui fait â peu près quatorze lieues
trois quarts de vingt-cinq au degré. Quant à la
diftance de Genève à Ville-Neuve, en paffant par
le pays de Vaud, comme M. Fatio ne dit point
s'il l'a rnefurée en fuivant toutes les finuofités du
lac ou de promontoire en promontoire, on ne
fait comment la vérifier. La plus grande largeur
du lac , rnefurée d’une rive à l’autre, entre Rolle
& Thonon, eft, fuivant M. Fatio, de fept mille
deux cents toifes. MM. Mallet & PiCtet l ’ont
trouvée de trois, cents toifes plus grande , c’eft-
à-dire , de fept mille cinq cents toifes ou de trois
lieues & un quart. La plus grande largeur après
celle-là eft entre Prévérenge & Amphion : on l’ a
trouvée de fix millé neuf cent trente-trois toifes.
Le lac a très-peu de profondeur auprès de la
ville de Genève, & à un quart de lieue de la ville,
dit M. Fatio , il y a un banc couvert d'eau en
tout tems, qui traverfe le lac d’ un côté à l ’autre,
& qui s'étend jufque dans la fortie du Rhône. Son
bord fupérieur eft fitué entre le cap de Sécheron
& le deffous de Coloqui. C e banc eft en partie
compofé.de terre glaife fort molle, recouverte en
quelques endroits d’un peu de fablon. Le bord du
même banc le plus avancé dans le lac fe nomme le
Travers. Trois quarts de lieue plus haut le Jac
devient beaucoup plus profond. Les eaux du lac
font parfaitement claires dans toute fon étendue,
excepté auprès de l'embouchure du Rhône ; car ce
fleuve, quand il fe jette dans le la c , eft encore
chargé des débris des montagnes & des terres
qu'il mine & qu’il entraîne dans fa courfe rapide.
Ces matières fe dépofent dans le lac aux environs
de l’embouchure du Rhône. Les Tablons que.le
Rhône charie, étant agités par les vagues, font
repoufles contre le rivage lorfqu'il fouffte des
vents d'occident, compris entre le fud & le nord,
& ce rivage en reçoit chaque année un accroiffe-
meiit confidérable. Ces mêmes fédimensparoiffent